Institution Jean-paul II
Rouen
NOM:
PRENOM:
méthode : Tous les textes étudiés en classe ont bénéficié d’une étude analytique, de type thématique, en cours surtout ex cathedra, avec peu d’échanges oraux. L’étude des œuvres intégrales a donné lieu à une fiche de lecture – avec agréments/désagréments étudiés personnellement… donc, 5 séquences et lecture de 6 œuvres.
Documents : Chaque élève peut présenter quatorze illustrations de Manon Lescaut : la vignette de 1753, cinq scènes du parloir au fil du temps, les huit illustrations de l’édition de 1753.
Utilisation des TICE : les moyens informatiques disponibles dans l’établissement (surtout logiciels locaux) ont été systématiquement utilisés lors des modules en demi-groupe. Cyrano de Bergerac, de Jean-Pierre Rappeneau, a été visionné, ainsi que la pièce mise en scène par Podalydès..
Les textes correspondant
aux séquences sont étudiés sur le site: fleche.org/stg
Signature du professeur
signature du
Directeur
tampon de l’établissement
PS : les références sur le net des textes sont données ici pour permettre à la personne chargée de la passation de l’oral de préparer commodément ses questions. Les élèves se présentent, eux, à l’oral avec leurs œuvres complètes en double, le groupement de textes, sans oublier les documents iconographiques.
les différentes séquences de cette année...
Séquence 1
: les techniques de la
versification, groupement de textes
|
|
1
. objet d’étude |
Ecriture
poétique et quête du sens, du Moyen-âge à nos jours? |
2
. problématique |
De
la forme fixe à la règle transgressée, en quoi y a-t-il
anti-prose ? L’étude formelle a été privilégiée |
3.
Lectures analytiques |
Une
ballade A) d’un
réalisme éprouvant. B) transcendé par le christianisme de l’auteur · Je ne sais comment je dure, de Christine de Pisan A)
un
rondeau B)
un
texte lyrique C)
en
fait élégiaque
A)
un
sonnet B)
un
moment de bonheur simple C)
convoquant
les cinq sens
A)
un
sonnet irrégulier B)
l’épanouissement
joyeux d’une chère lie
C)
l’ivresse
du voyage en haute mer
D)
le
bonheur de créer avec des mots
Facture
moderne de ce texte
d’où les deux aspects suivants :
A) une
souffrance B)
permanente
Ecouté sur
wheaton college
A)
deux
objets d’ostentation
B) en
fait évanescents
A)
Un
poème sensuel
B)
et/ou
symbole de l’inspiration |
Lectures et activités
complémentaires |
La
versification et les figures de style · Cœur, couronne et miroir , il pleut, Apollinaire · De l’amour du siècle antique, Marot · «La
cigale et la fourmi», La Fontaine · «La
cigale», Jean Anouilh · «La
bicyclette», Retour au
calme, Jacques Réda · «Le pain», Le parti pris des choses, Francis Ponge |
Séquence 2:
les
Fleurs du mal,
Baudelaire, œuvre intégrale |
|
1
. problématique |
En
quoi cette œuvre est-elle paradoxale ? |
2
. Objets d’étude et Perspectives |
Poésie,
modernité et classicisme ; le titre expliqué et développé
en rapport avec la structure du recueil et des constantes dans
les poèmes. |
3.
Lectures analytiques |
A) un texte
dynamique. B)
qui nous fait participer à un état mystique A) un texte sensuel B) qui répond aux exigences de l'intellect. A)
un récit anecdotique B) avec des éléments mythiques. A)
une poésie classique B)
au service d'une rupture subtile. A)
la danse d'une femme déshumanisée B)
d'une sensualité exacerbée.
Approches
d'ensemble retenues:
|
4.
lecture cursive, documents/activités complémentaires |
Etude
de l’Homme et la Mer
en bandes dessinées. l'Albatros, une géante, à une passante,
sara, l'invitation au voyage (ordre des
poèmes sans doute à revoir) Lecture
personnelle de différents poèmes, toujours en bandes
dessinées. liens supra Baudelaire :
registres
|
1 . problématique |
Cette œuvre est-elle un conte philosophique ? |
2 . Objets d’étude et Perspectives |
· Etude d’un mouvement littéraire (les Lumières), persuader · l’ironie voltairienne, le genre littéraire, «écralinf» : l’inquisition |
3. Lectures analytiques |
un début plein d’humour : étude linéaire…
A) une bataille très ordonnée B) pour mieux dénoncer sa cruauté trop humaine
A)
un épisode enlevé B) condamnant l’inquisition.
A) une jeune fille
évaporée B) ce qui renforce notre rejet .
A) une utopie en pays de Cocagne B) où Voltaire se laisse aller au plaisir du récit. approches
d'ensemble retenues:
|
4. lecture cursive, documents/activités complémentaires |
La
Torture par l’Espérance, Villiers
de l’Isle-Adam
Les
registres
(logiciel local) |
Séquence 4:
Histoire du chevalier des
Grieux et de Manon Lescaut,
Abbé Prévost, œuvre
intégrale |
|
1
. objets d’étude |
Le
roman : son personnage (XVIIIème) L’argumentation :
la question de l’homme |
2
. problématique |
Le
genre littéraire de l’histoire, les justifications |
3.
Lectures analytiques |
A)
le
souvenir. B)
d’un
coup de foudre C)
sous
des augures menaçants.
A)
c'est
la mise en scène B)
d’une
passion exacerbée
C)
où
nous retrouvons une confession
A)
un
récit enlevé d'une fuite entaché B)
d’une
hypocrisie que cache mal l'ironie.
A)
c'est
la mise en scène B)
une
oraison funèbre, C)
pitoyable
dans le non-dit D)
qui
est une ultime scène d'amour. Approches
retenues:
|
4.
documents / activités complémentaires |
Logiciels :les
niveaux de langue et les registres. Les illustrations de la
scène du parloir au fil du temps : 1753, 1797, 1818,
1839, 1881, 1892. Réflexion sur les illustrations de l’édition
de 1753 ; la vignette de 1753 : une réinterprétation
de l’œuvre ? |
Séquence 5:
Cyrano de Bergerac, Edmond
Rostand, œuvre intégrale
|
|
1
. objet d’étude |
Le
texte théâtral et sa représentation, du XVIIème à nos jours,
ici le XIXème |
2
. problématique |
Le
travail littéraire chez Rostand, avec le démembrement de
l’alexandrin ; effets de mise en scène, avec des
didascalies tatillonnes. A quoi sert la littérature ? |
3.
Lectures analytiques |
A)
un
début ébouriffant B) avec des types esquissés · acte I, sc. 2, scène de présentation (=acteI, sc. 1) A) présentations des différents "protagonistes" B)
aux traits bien affirmés les
deux scènes forment un condensé des thèmes chers à Rostand.
A)
un
rendez-vous galant longtemps reporté B) qui se montre tragi-comique
A)
l’impromptu,
v. 209-212 B) la ballade, v. 403-435 approches
préalables
|
4.
documents / activités complémentaires |
Un
logiciel a permis l’étude de la versification, sans oublier
les registres. Le
film Cyrano
de Bergerac,
confronté au texte, à visionner personnellement :
Création et apports du metteur en scène, acte par acte |
L’Epitaphe
en
forme de ballade que fit Villon pour lui et ses compagnons,
s’attendant à
être pendu avec eux.
Frères
humains, qui après nous vivez,
N’ayez
les cœurs contre nous endurcis,
Car,
si pitié de nous pauvres avez,
Dieu
en aura plus tôt de vous mercis.
Vous
nous voyez ci attachés cinq, six;
Quant
à la chair, que trop avons nourrie,
Elle
est piéça dévorée et pourrie,
Et
nous, les os, devenons cendre et poudre.
De
notre mal, personne ne s’en rie:
Mais
priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Si
frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir
dédain, quoique fûmes occis
Par
justice. Toutefois, vous savez
Que
tous hommes n’ont pas bon sens rassis;
Excusez-nous,
puisque
sommes transis,
Envers
le fils de la Vierge Marie,
Que
sa Grâce ne soit pour nous tarie,
Nous
préservant de l’infernale foudre.
Nous
sommes morts, âme ne nous harie;
Mais
priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
La
pluie nous a débués et lavés,
Et
le soleil desséchés et noircis;
Pies,
corbeaux, nous ont les yeux cavés
Et
arraché la barbe et les sourcils
Jamais
nul temps nous ne sommes assis;
Puis
ça, puis, là, comme le vent varie,
A
son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus
becquetés d’oiseaux que dés à coudre.
Ne
soyez donc de notre confrérie;
Mais
priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Prince
Jésus, qui sur tous a maîtrie,
Garde
qu’Enfer n’ait de nous seigneurie;
A
lui n’avons que faire ni que soudre.
Hommes,
ici n’a point de moquerie;
Mais
priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Je
ne sçay comment je dure,
Car
mon dolent cuer font
d’yre
Et
plaindre n’oze, ne dire
Ma
douloureuse aventure.
Ma
dolente vie obscure,
Rien,
fors la mort ne désire;
Je
ne sais comment je dure.
Et
me faut, par couverture,
Chanter
que mon cœur soupire
Et
faire semblant de rire;
Mais
Dieu sait ce que j’endure.
Je
ne sais comment je dure.
Du
grand
chemin poudreux où le pied brûle et saigne,
L’Auberge
gaie
avec le Bonheur pour enseigne.
Vin
bleu,
pain tendre, et pas besoin de passe-port .
Ici
l’on
fume, ici l’on chante, ici l’on dort.
L’hôte
est
un vieux soldat, et l’hôtesse, qui peigne
Et
lave
dix marmots roses et pleins de teigne,
Parle
d’amour,
de joie et d’aise, et n’a pas tort.
La
salle
au noir plafond de poutres, aux images
Violentes,
Maleck Adel et les Rois Mages,
Vous
accueille
d’un bon parfum de soupe aux choux.
Entendez-vous?
C’est
la marmite qu’accompagne
L’horloge
du
tic-tac allègre de son pouls.
Et
la
fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.
Salut
Rien,
cette
écume, vierge vers
A
ne désigner que la coupe;
Telle
loin
se noie une troupe
De
sirènes
mainte à l’envers.
Nous
naviguons,
ô mes divers
Amis,
moi
déjà sur la poupe
Vous
l’avant
fastueux qui coupe
Le
flot
de foudres et d’hivers;
Une
ivresse
belle m’engage
Sans
craindre
même son tangage
De
porter
debout ce salut
Solitude,
récif,
étoile
A
n’importe ce qui valut
Le
blanc
souci de notre toile.
Le Pont Mirabeau
Sous
le
pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La
joie
venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les
mains
dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des
éternels
regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour
s’en
va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et
comme
l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont
je
demeure
Passent
les
jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous
le
pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les Pas
Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement,
lentement
placés,
Vers
le
lit de ma vigilance
Procèdent
muets
et glacés.
Personne pure, ombre divine,
Qu’ils
sont
doux, tes pas retenus!
Dieux!...
Tous
les dons que je devine
Viennent
à
moi sur ces pieds nus!
Si, de tes lèvres avancées,
Tu
prépares
pour l’apaiser,
A
l’habitant de mes pensées
La
nourriture
d’un baiser,
Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur
d’être
et de n’être pas,
Car
j’ai
vécu de vous attendre,
Et
mon
cœur n’était que vos pas.
Art poétique
De
la
musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! La nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !
Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?
0 qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
Abbé Prévost, Manon Lescaut
le coup de foudre
J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon coeur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon coeur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer. Elle n'affecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, mais que c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter. La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d'où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m'exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l'amour, s'il n'opérait souvent des prodiges.
La scène du parloir
Je retournai à Saint-Sulpice, couvert de gloire et chargé de compliments. Il était six heures du soir. On vint m'avertir, un moment après mon retour, qu'une dame demandait à me voir. J'allai au parloir sur-le-champ. Dieux ! quelle apparition surprenante ! j'y trouvai Manon. C'était elle, mais plus aimable et plus brillante que je ne l'avais jamais vue. Elle était dans sa dix-huitième année. Ses charmes surpassaient tout ce qu'on peut décrire. C'était un air si fin, si doux, si engageant, l'air de l'Amour même. Toute sa figure me parut un enchantement.
Je demeurai interdit à sa vue, et ne pouvant conjecturer quel était le dessein de cette visite, j'attendais, les yeux baissés et avec tremblement, qu'elle s'expliquât. Son embarras fut, pendant quelque temps, égal au mien, mais, voyant que mon silence continuait, elle mit la main devant ses yeux, pour cacher quelques larmes. Elle me dit, d'un ton timide, qu'elle confessait que son infidélité méritait ma haine ; mais que, s'il était vrai que j'eusse jamais eu quelque tendresse pour elle, il y avait eu, aussi, bien de la dureté à laisser passer deux ans sans prendre soin de m'informer de son sort, et qu'il y en avait beaucoup encore à la voir dans l'état où elle était en ma présence, sans lui dire une parole. Le désordre de mon âme, en l'écoutant, ne saurait être exprimé.
Elle s'assit. Je demeurai debout, le corps à demi tourné, n'osant l'envisager directement. Je commençai plusieurs fois une réponse, que je n'eus pas la force d'achever. Enfin, je fis un effort pour m'écrier douloureusement : Perfide Manon ! Ah ! perfide ! perfide ! Elle me répéta, en pleurant à chaudes larmes, qu'elle ne prétendait point justifier sa perfidie. Que prétendez-vous donc ? m'écriai-je encore. Je prétends mourir, répondit-elle, si vous ne me rendez votre coeur, sans lequel il est impossible que je vive. Demande donc ma vie, infidèle ! repris-je en versant moi-même des pleurs, que je m'efforçai en vain de retenir. Demande ma vie, qui est l'unique chose qui me reste à te sacrifier ; car mon coeur n'a jamais cessé d'être a toi. A peine eus-je achevé ces derniers mots, qu'elle se leva avec transport pour venir m'embrasser. Elle m'accabla de mille caresses passionnées. Elle m'appela par tous les noms que l'amour invente pour exprimer ses plus vives tendresses. Je n'y répondais encore qu'avec langueur. Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j'avais été, aux mouvements tumultueux que je sentais renaître ! J'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsqu'on se trouve la nuit dans une campagne écartée : on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est saisi d'une horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs.
La fuite de Saint-Lazare
Ce compliment devait le surprendre. Il demeura quelque temps à me considérer, sans me répondre. Comme je n'en avais pas à perdre, je repris la parole pour lui dire que j'étais fort touché de toutes ses bontés, mais que, la liberté étant le plus cher de tous les biens, surtout pour moi à qui on la ravissait injustement, j'étais résolu de me la procurer cette nuit même, à quelque prix que ce fût ; et de peur qu'il ne lui prît envie d'élever la voix pour appeler du secours, je lui fis voir une honnête raison de silence, que je tenais sous mon juste-au-corps. Un pistolet ! me dit-il. Quoi ! mon fils, vous voulez m'ôter la vie, pour reconnaître la considération que j'ai eue pour vous ? A Dieu ne plaise, lui répondis-je. Vous avez trop d'esprit et de raison pour me mettre dans cette nécessité ; mais je veux être libre, et j'y suis si résolu que, si mon projet manque par votre faute, c'est fait de vous absolument. Mais, mon cher fils, reprit-il d'un air pâle et effrayé, que vous ai-je fait ? quelle raison avez-vous de vouloir ma mort ? Eh non ! répliquai-je avec impatience. Je n'ai pas dessein de vous tuer, si vous voulez vivre. Ouvrez-moi la porte, et je suis le meilleur de vos amis. J'aperçus les clefs qui étaient sur sa table. Je les pris et je le priai de me suivre, en faisant le moins de bruit qu'il pourrait. Il fut obligé de s'y résoudre. A mesure que nous avancions et qu'il ouvrait une porte, il me répétait avec un soupir : Ah ! mon fils, ah ! qui l'aurait cru ? Point de bruit, mon Père, répétais-je de mon côté à tout moment. Enfin nous arrivâmes à une espèce de barrière, qui est avant la grande porte de la rue. Je me croyais déjà libre, et j'étais derrière le Père, avec ma chandelle dans une main et mon pistolet dans l'autre. Pendant qu'il s'empressait d'ouvrir, un domestique, qui couchait dans une petite chambre voisine, entendant le bruit de quelques verrous, se lève et met la tête à sa porte. Le bon Père le crut apparemment capable de m'arrêter. Il lui ordonna, avec beaucoup d'imprudence, de venir à son secours. C'était un puissant coquin, qui s'élança sur moi sans balancer. Je ne le marchandai point ; je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine. Voilà de quoi vous êtes cause, mon Père, dis-je assez fièrement à mon guide. Mais que cela ne vous empêche point d'achever, ajoutai-je en le poussant vers la dernière porte. Il n'osa refuser de l'ouvrir. Je sortis heureusement et je trouvai, à quatre pas, Lescaut qui m'attendait avec deux amis, suivant sa promesse.
La mort de Manon
Pardonnez, si j'achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur qui n'eut jamais d'exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. Mais, quoique je le porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que j'entreprends de l'exprimer.
Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit. Je croyais ma chère maîtresse endormie et je n'osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. Je m'aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu'elle les avait froides et tremblantes. Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort pour saisir les miennes, elle me dit, d'une voix faible, qu'elle se croyait à sa dernière heure. Je ne pris d'abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l'infortune, et je n'y répondis que par les tendres consolations de l'amour. Mais, ses soupirs fréquents, son silence à mes interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes me firent connaître que la fin de ses malheurs approchait. N'exigez point de moi que je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la perdis ; je reçus d'elle des marques d'amour, au moment même qu'elle expirait. C'est tout ce que j'ai la force de vous apprendre de ce fatal et déplorable événement.
Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez rigoureusement puni. Il a voulu que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.
(l’impromptu):
Ballade
du
duel qu’en l’hôtel bourguignon
Monsieur
de
Bergerac eut avec un bélître
(acte
I, v. 409 – 436)
Je jette avec grâce mon
feutre,
Je fais lentement l'abandon
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon ;
Elégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Mirmydon,
Qu'à la fin de l'envoi je touche !
Premiers engagements de fer
Vous auriez bien dû
rester neutre ;
Où vais-je vous larder, dindon ?...
Dans le flanc, sous votre maheutre ?...
Au coeur, sous votre bleu cordon ?...
-Les coquilles tintent, ding-don !
Ma pointe voltige : une mouche !
Décidément... c'est au bedon,
Qu'à la fin de l'envoi je touche.
Il me manque une rime en
eutre...
Vous rompez, plus blanc qu'amidon ?
C'est pour me fournir le mot pleutre !
- Tac ! je pare la pointe dont
Vous espériez me faire dont :-
J'ouvre la ligne,- je la bouche...
Tiens bien ta broche, Laridon !
A la fin de l'envoi, je touche
Il annonce solennellement
ENVOI
Prince, demande à Dieu pardon !
Je quarte du pied, j'escarmouche,
je coupe, je feinte...
Se fendant.
Hé ! là donc,
Le
vicomte
chancelle ; Cyrano salue.
A la fin de l'envoi, je
touche.