Institution Jean-paul II

39, rue de l’avalasse

Rouen

descriptif des activités et des lectures,

E.A.F. session 2015, 1ère 5 STMG

NOM:

PRENOM:

 méthode : Tous les textes étudiés en classe ont bénéficié d’une étude analytique, de type thématique, en cours surtout ex cathedra, avec peu d’échanges oraux. L’étude des œuvres intégrales a donné lieu à une fiche de lecture – avec agréments/désagréments étudiés personnellement…  donc, 5 séquences et lecture de 6 œuvres.  

Documents : Chaque élève peut présenter  quatorze illustrations de Manon Lescaut : la vignette de 1753, cinq scènes du parloir au fil du temps, les huit illustrations de l’édition de 1753.

Utilisation des TICE : les moyens informatiques disponibles dans l’établissement (surtout logiciels locaux) ont été systématiquement utilisés lors des modules en demi-groupe. Cyrano  de Bergerac, de Jean-Pierre Rappeneau, a été visionné, ainsi que la pièce mise en scène par Podalydès.. 

 Les textes correspondant aux séquences sont étudiés sur le site: fleche.org/stg

Signature du professeur                       signature du Directeur               tampon de l’établissement

 

 

 

 

 

 

PS : les références sur le net des textes sont données ici pour permettre à la personne chargée de la passation de l’oral de préparer commodément ses questions. Les élèves se présentent, eux, à l’oral avec leurs œuvres complètes en double, le groupement de textes, sans oublier les documents iconographiques.

 

 

les différentes séquences de cette année...

Séquence 1 : les techniques de la versification, groupement de textes

1 . objet d’étude

Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen-âge à nos jours?

2 . problématique

De la forme fixe à la règle transgressée, en quoi y a-t-il anti-prose ? L’étude formelle a été privilégiée

3. Lectures analytiques

  • L’Epitaphe Villon

Une ballade

A)    d’un réalisme éprouvant.

B)    transcendé par le christianisme de l’auteur 

·  Je ne sais comment je dure, de Christine de Pisan 

A)   un rondeau

B)  un texte lyrique

C)  en fait élégiaque

  • L’auberge, de Paul Verlaine

A)    un sonnet

B)    un moment de bonheur simple

C)    convoquant les cinq sens

  • Salut , de Mallarmé

A)  un sonnet irrégulier

B)  l’épanouissement joyeux d’une chère lie

C)  l’ivresse du voyage en haute mer

D)  le bonheur de créer avec des mots

  • Le Pont Mirabeau, Apollinaire, in Alcools

Facture moderne de ce texte d’où les deux aspects suivants :

A) une souffrance

B)  permanente

Ecouté sur wheaton college

  • La Cravate et la montre, Apollinaire, in Calligrammes

A)  deux objets d’ostentation

B) en fait évanescents

  • Les Pas, Valéry, in Charmes

A)    Un poème sensuel

B)    et/ou symbole de l’inspiration 

 

 

 

Lectures et activités complémentaires 

La versification et les figures de style  

·       Cœur, couronne et miroir , il pleut, Apollinaire

·       De l’amour du siècle antique, Marot

·       «La cigale et la fourmi», La Fontaine

·       «La cigale», Jean Anouilh

·       «La bicyclette», Retour au calme, Jacques Réda

·       «Le pain», Le parti pris des choses, Francis Ponge 

 

Séquence 2: les Fleurs du mal, Baudelaire, œuvre intégrale

1 . problématique

En quoi cette œuvre est-elle paradoxale ?

2 . Objets d’étude et

Perspectives

Poésie, modernité et classicisme ; le titre expliqué et développé en rapport avec la structure du recueil et des constantes dans les poèmes.

 

 

 

 

 

 

 

3. Lectures analytiques

A)  un texte dynamique.

B)      qui nous fait participer à un état mystique

A)  un texte sensuel

B)   qui répond aux exigences de l'intellect.

A)      un récit anecdotique

B)   avec des éléments mythiques.

en BD

A)      une poésie classique

B)      au service d'une rupture subtile.

A)      la danse d'une femme déshumanisée

B)      d'une sensualité exacerbée.  

  Approches d'ensemble retenues:

  • la biographie de Baudelaire.
  • justification/explicitation du titre.
  • la structure du recueil.
  • quelques constantes repérées dans les poèmes.
  • le problème moral. 

 

4. lecture cursive, documents/activités complémentaires

Etude de l’Homme et la Mer en bandes dessinées.

l'Albatros, une géante, à une passante, sara, l'invitation au voyage (ordre des poèmes sans doute à revoir)

Lecture personnelle de différents poèmes, toujours en bandes dessinées. liens supra

Baudelaire : registres

 

 

Séquence 3  : Candide, Voltaire, œuvre intégrale

1 . problématique

Cette œuvre est-elle un conte philosophique ?

2 . Objets d’étude et

Perspectives

·        Etude d’un mouvement littéraire (les Lumières), persuader

·        l’ironie voltairienne, le genre littéraire, «écralinf» : l’inquisition

 

 

3. Lectures analytiques

un début plein d’humour : étude linéaire…

A) une bataille très ordonnée

B) pour mieux dénoncer sa cruauté trop humaine

A) un épisode enlevé

B) condamnant l’inquisition.

A) une jeune fille évaporée

B) ce qui renforce notre rejet .

A) une utopie en pays de Cocagne

B)  où Voltaire se laisse aller au plaisir du récit.

 approches d'ensemble retenues:

  • le genre littéraire
  • le problème philosophique
  • La structure de l’œuvre
  • «écralinf» : l’inquisition

 4. lecture cursive, documents/activités complémentaires

La Torture par l’Espérance, Villiers de l’Isle-Adam

Les registres (logiciel local)

 

  Séquence 4: Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, Abbé Prévost, œuvre intégrale

1 . objets d’étude

Le roman : son personnage (XVIIIème)

L’argumentation : la question de l’homme

2 . problématique

Le genre littéraire de l’histoire, les justifications

3. Lectures analytiques

  • le coup de foudre: «j’avais marqué mon départ d’Amiens» à «tous ses malheurs et les miens»

A)      le souvenir.

B)      d’un coup de foudre

C)      sous des augures menaçants.

  • la scène du parloir: «Je retournai à Saint-Sulpice» à :  «longtemps tous les environs»

A)      c'est la mise en scène

B)      d’une passion exacerbée

C)      où nous retrouvons une confession

  • L’évasion: de «Ce compliment devait le surprendre» à «suivant sa promesse»

A)    un récit enlevé d'une fuite entaché

B)      d’une hypocrisie que cache mal l'ironie.

  • La mort de Manon: de «Pardonnez, si j’achève» à : «jamais plus heureuse»

A)      c'est la mise en scène

B)      une oraison funèbre,

C)      pitoyable dans le non-dit

D)      qui est une ultime scène d'amour.

Approches retenues:

  • sources anecdotiques et historiques
  • sources autobiographiques
  • sources littéraires, un genre littéraire spécifique: l'histoire
  • la signification de Manon Lescaut: bilan, comment? Pourquoi?

4. documents / activités complémentaires

Logiciels :les niveaux de langue et les registres. Les illustrations de la scène du parloir au fil du temps : 1753, 1797, 1818, 1839, 1881, 1892. Réflexion sur les illustrations de l’édition de 1753 ; la vignette de 1753 : une réinterprétation de l’œuvre ?

 

Séquence 5: Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, œuvre intégrale

1 . objet d’étude

Le texte théâtral et sa représentation, du XVIIème à nos jours, ici le XIXème

2 . problématique

Le travail littéraire chez Rostand, avec le démembrement de l’alexandrin ; effets de mise en scène, avec des didascalies tatillonnes. A quoi sert la littérature ?

3. Lectures analytiques

  • acte I, sc. 1, mise en scène de représentions diverses.

A)    un début ébouriffant

B)    avec des types esquissés

·  acte I, sc. 2, scène de présentation (=acteI,  sc. 1)

A)    présentations des différents "protagonistes"

B)    aux traits bien affirmés

les deux scènes forment un condensé des thèmes chers à Rostand.

  • acte II, sc. 6

A)    un rendez-vous galant longtemps reporté

B)    qui se montre tragi-comique  

  • les didascalies, acte V
  • deux réalisations « littéraires », II, 4

A)    l’impromptu, v. 209-212

B)    la ballade, v. 403-435

approches préalables

  • le théâtre au XIXème
  • quel genre littéraire ?
  • la littérature dans Cyrano:

4. documents / activités complémentaires

Un logiciel a permis l’étude de la versification, sans oublier les registres.

Le film Cyrano de Bergerac, confronté au texte, à visionner personnellement : Création et apports du metteur en scène, acte par acte

 

  L’Epitaphe en forme de ballade que fit Villon pour lui et ses compagnons, s’attendant à être pendu avec eux.

 

Frères humains, qui après nous vivez,

N’ayez les cœurs contre nous endurcis,

Car, si pitié de nous pauvres avez,

Dieu en aura plus tôt de vous mercis.

Vous nous voyez ci attachés cinq, six;

Quant à la chair, que trop avons nourrie,

Elle est piéça dévorée et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et poudre.

De notre mal, personne ne s’en rie:

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

 

Si frères vous clamons, pas n’en devez

Avoir dédain, quoique fûmes occis

Par justice. Toutefois, vous savez

Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis;

Excusez-nous, puisque sommes transis,

Envers le fils de la Vierge Marie,

Que sa Grâce ne soit pour nous tarie,

Nous préservant de l’infernale foudre.

Nous sommes morts, âme ne nous harie;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

 

La pluie nous a débués et lavés,

Et le soleil desséchés et noircis;

Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés

Et arraché la barbe et les sourcils

Jamais nul temps nous ne sommes assis;

Puis ça, puis, là, comme le vent varie,

A son plaisir sans cesser nous charrie,

Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.

Ne soyez donc de notre confrérie;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

 

Prince Jésus, qui sur tous a maîtrie,

Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie;

A lui n’avons que faire ni que soudre.

Hommes, ici n’a point de moquerie;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!

 

 

 

 

 

 

 

 

Je ne sçay comment je dure,

 

Car mon dolent cuer  font d’yre

 

Et plaindre n’oze, ne dire

 

Ma douloureuse aventure.

 

 

 

Ma dolente vie obscure,

 

Rien, fors la mort ne désire;

 

Je ne sais comment je dure.

 

 

 

Et me faut, par couverture,

 

Chanter que mon cœur soupire

 

Et faire semblant de rire;

 

Mais Dieu sait ce que j’endure.

 

Je ne sais comment je dure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                            L’Auberge

 

 

Murs blancs, toit rouge, c’est l’Auberge fraîche au bord

Du grand chemin poudreux où le pied brûle et saigne,

L’Auberge gaie avec le Bonheur pour enseigne.

Vin bleu, pain tendre, et pas besoin de passe-port .

 

Ici l’on fume, ici l’on chante, ici l’on dort.

L’hôte est un vieux soldat, et l’hôtesse, qui peigne

Et lave dix marmots roses et pleins de teigne,

Parle d’amour, de joie et d’aise, et n’a pas tort.

 

La salle au noir plafond de poutres, aux images

Violentes, Maleck Adel et les Rois Mages,

Vous accueille d’un bon parfum de soupe aux choux.

 

Entendez-vous? C’est la marmite qu’accompagne

L’horloge du tic-tac allègre de son pouls.

Et la fenêtre s’ouvre au loin sur la campagne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                    Salut

 

 

 

 

Rien, cette écume, vierge vers

A ne désigner que la coupe;

Telle loin se noie une troupe

De sirènes mainte à l’envers.

 

Nous naviguons, ô mes divers

Amis, moi déjà sur la poupe

Vous l’avant fastueux qui coupe

Le flot de foudres et d’hivers;

 

Une ivresse belle m’engage

Sans craindre même son tangage

De porter debout ce salut

 

Solitude, récif, étoile

A n’importe ce qui valut

Le blanc souci de notre toile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            Le Pont Mirabeau

 

  

 

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

            Et nos amours

      Faut-il qu’il m’en souvienne

La joie venait toujours après la peine

 

            Vienne la nuit sonne l’heure

            Les jours s’en vont je demeure

 

Les mains dans les mains restons face à face

            Tandis que sous

      Le pont de nos bras passe

Des éternels regards l’onde si lasse

 

            Vienne la nuit sonne l’heure

            Les jours s’en vont je demeure

 

L’amour s’en va comme cette eau courante

            L’amour s’en va

      Comme la vie est lente

Et comme l’Espérance est violente

 

            Vienne la nuit sonne l’heure

            Les jours s’en vont je demeure

 

Passent les jours et passent les semaines

            Ni temps passé

      Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine

 

            Vienne la nuit sonne l’heure

            Les jours s’en vont je demeure

 

 

 

 

                               Les Pas

 

 

 

 

   Tes pas, enfants de mon silence,

Saintement, lentement placés,

Vers le lit de ma vigilance

Procèdent muets et glacés.

 

   Personne pure, ombre divine,

Qu’ils sont doux, tes pas retenus!

Dieux!... Tous les dons que je devine

Viennent à moi sur ces pieds nus!

 

   Si, de tes lèvres avancées,

Tu prépares pour l’apaiser,

A l’habitant de mes pensées

La nourriture d’un baiser,

 

   Ne hâte pas cet acte tendre,

Douceur d’être et de n’être pas,

Car j’ai vécu de vous attendre,

Et mon cœur n’était que vos pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                    

 

 

 

    

                                  Art poétique

 

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.


Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.


C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !


Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! La nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !


Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !


Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?


0 qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?


De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.


Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Abbé Prévost, Manon Lescaut

le coup de foudre

 

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon coeur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon coeur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer. Elle n'affecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, mais que c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter. La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d'où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m'exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l'amour, s'il n'opérait souvent des prodiges.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La scène du parloir

Je retournai à Saint-Sulpice, couvert de gloire et chargé de compliments. Il était six heures du soir. On vint m'avertir, un moment après mon retour, qu'une dame demandait à me voir. J'allai au parloir sur-le-champ. Dieux ! quelle apparition surprenante ! j'y trouvai Manon. C'était elle, mais plus aimable et plus brillante que je ne l'avais jamais vue. Elle était dans sa dix-huitième année. Ses charmes surpassaient tout ce qu'on peut décrire. C'était un air si fin, si doux, si engageant, l'air de l'Amour même. Toute sa figure me parut un enchantement.

Je demeurai interdit à sa vue, et ne pouvant conjecturer quel était le dessein de cette visite, j'attendais, les yeux baissés et avec tremblement, qu'elle s'expliquât. Son embarras fut, pendant quelque temps, égal au mien, mais, voyant que mon silence continuait, elle mit la main devant ses yeux, pour cacher quelques larmes. Elle me dit, d'un ton timide, qu'elle confessait que son infidélité méritait ma haine ; mais que, s'il était vrai que j'eusse jamais eu quelque tendresse pour elle, il y avait eu, aussi, bien de la dureté à laisser passer deux ans sans prendre soin de m'informer de son sort, et qu'il y en avait beaucoup encore à la voir dans l'état où elle était en ma présence, sans lui dire une parole. Le désordre de mon âme, en l'écoutant, ne saurait être exprimé.

Elle s'assit. Je demeurai debout, le corps à demi tourné, n'osant l'envisager directement. Je commençai plusieurs fois une réponse, que je n'eus pas la force d'achever. Enfin, je fis un effort pour m'écrier douloureusement : Perfide Manon ! Ah ! perfide ! perfide ! Elle me répéta, en pleurant à chaudes larmes, qu'elle ne prétendait point justifier sa perfidie. Que prétendez-vous donc ? m'écriai-je encore. Je prétends mourir, répondit-elle, si vous ne me rendez votre coeur, sans lequel il est impossible que je vive. Demande donc ma vie, infidèle ! repris-je en versant moi-même des pleurs, que je m'efforçai en vain de retenir. Demande ma vie, qui est l'unique chose qui me reste à te sacrifier ; car mon coeur n'a jamais cessé d'être a toi. A peine eus-je achevé ces derniers mots, qu'elle se leva avec transport pour venir m'embrasser. Elle m'accabla de mille caresses passionnées. Elle m'appela par tous les noms que l'amour invente pour exprimer ses plus vives tendresses. Je n'y répondais encore qu'avec langueur. Quel passage, en effet, de la situation tranquille où j'avais été, aux mouvements tumultueux que je sentais renaître ! J'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsqu'on se trouve la nuit dans une campagne écartée : on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est saisi d'une horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs.

La fuite de Saint-Lazare

Ce compliment devait le surprendre. Il demeura quelque temps à me considérer, sans me répondre. Comme je n'en avais pas à perdre, je repris la parole pour lui dire que j'étais fort touché de toutes ses bontés, mais que, la liberté étant le plus cher de tous les biens, surtout pour moi à qui on la ravissait injustement, j'étais résolu de me la procurer cette nuit même, à quelque prix que ce fût ; et de peur qu'il ne lui prît envie d'élever la voix pour appeler du secours, je lui fis voir une honnête raison de silence, que je tenais sous mon juste-au-corps. Un pistolet ! me dit-il. Quoi ! mon fils, vous voulez m'ôter la vie, pour reconnaître la considération que j'ai eue pour vous ? A Dieu ne plaise, lui répondis-je. Vous avez trop d'esprit et de raison pour me mettre dans cette nécessité ; mais je veux être libre, et j'y suis si résolu que, si mon projet manque par votre faute, c'est fait de vous absolument. Mais, mon cher fils, reprit-il d'un air pâle et effrayé, que vous ai-je fait ? quelle raison avez-vous de vouloir ma mort ? Eh non ! répliquai-je avec impatience. Je n'ai pas dessein de vous tuer, si vous voulez vivre. Ouvrez-moi la porte, et je suis le meilleur de vos amis. J'aperçus les clefs qui étaient sur sa table. Je les pris et je le priai de me suivre, en faisant le moins de bruit qu'il pourrait. Il fut obligé de s'y résoudre. A mesure que nous avancions et qu'il ouvrait une porte, il me répétait avec un soupir : Ah ! mon fils, ah ! qui l'aurait cru ? Point de bruit, mon Père, répétais-je de mon côté à tout moment. Enfin nous arrivâmes à une espèce de barrière, qui est avant la grande porte de la rue. Je me croyais déjà libre, et j'étais derrière le Père, avec ma chandelle dans une main et mon pistolet dans l'autre. Pendant qu'il s'empressait d'ouvrir, un domestique, qui couchait dans une petite chambre voisine, entendant le bruit de quelques verrous, se lève et met la tête à sa porte. Le bon Père le crut apparemment capable de m'arrêter. Il lui ordonna, avec beaucoup d'imprudence, de venir à son secours. C'était un puissant coquin, qui s'élança sur moi sans balancer. Je ne le marchandai point ; je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine. Voilà de quoi vous êtes cause, mon Père, dis-je assez fièrement à mon guide. Mais que cela ne vous empêche point d'achever, ajoutai-je en le poussant vers la dernière porte. Il n'osa refuser de l'ouvrir. Je sortis heureusement et je trouvai, à quatre pas, Lescaut qui m'attendait avec deux amis, suivant sa promesse.

La mort de Manon

Pardonnez, si j'achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur qui n'eut jamais d'exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. Mais, quoique je le porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que j'entreprends de l'exprimer.

Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit. Je croyais ma chère maîtresse endormie et je n'osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. Je m'aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu'elle les avait froides et tremblantes. Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort pour saisir les miennes, elle me dit, d'une voix faible, qu'elle se croyait à sa dernière heure. Je ne pris d'abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l'infortune, et je n'y répondis que par les tendres consolations de l'amour. Mais, ses soupirs fréquents, son silence à mes interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes me firent connaître que la fin de ses malheurs approchait. N'exigez point de moi que je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la perdis ; je reçus d'elle des marques d'amour, au moment même qu'elle expirait. C'est tout ce que j'ai la force de vous apprendre de ce fatal et déplorable événement.

Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez rigoureusement puni. Il a voulu que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.

 

 

 

 

(l’impromptu):

 

                        Monsieur de Cyrano

                        Vraiment nous tyrannise,

                        Malgré ce tyranneau

                        On jouera la Chlorise.

 

Ballade du duel qu’en l’hôtel bourguignon

Monsieur de Bergerac eut avec un bélître

(acte I, v. 409 – 436)

 

Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l'abandon
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon ;
Elégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Mirmydon,
Qu'à la fin de l'envoi je touche !

 
Premiers engagements de fer

 

Vous auriez bien dû rester neutre ;
Où vais-je vous larder, dindon ?...
Dans le flanc, sous votre maheutre ?...
Au coeur, sous votre bleu cordon ?...
-Les coquilles tintent, ding-don !
Ma pointe voltige : une mouche !
Décidément... c'est au bedon,
Qu'à la fin de l'envoi je touche.

Il me manque une rime en eutre...
Vous rompez, plus blanc qu'amidon ?
C'est pour me fournir le mot pleutre !
- Tac ! je pare la pointe dont
Vous espériez me faire dont :-
J'ouvre la ligne,- je la bouche...
Tiens bien ta broche, Laridon !
A la fin de l'envoi, je touche


Il annonce solennellement


            ENVOI
Prince, demande à Dieu pardon !
Je quarte du pied, j'escarmouche,
je coupe, je feinte...
Se fendant.
                                  Hé ! là donc,

Le vicomte chancelle ; Cyrano salue.

A la fin de l'envoi, je touche.