Le texte que nous présentons est issu de la numérisation
par itinera electronica de l'édition Nisard (XIXe); cette
dernière, fautive parfois, a été basculée telle quelle sur le net (le
travail de critique verbale n’entrait pas dans ce projet universitaire) , d'où
cette nouvelle édition, dûment corrigée par le truchement d'une collation
soigneuse sur celle de Henri Bornecque (Budé «Les Belles Lettres», 1923)
P. OVIDII NASONIS ARTIS AMATORIAE
LIBER SECUNDUS,
v. 261
– 294
Ses traductions |
Sa scansion |
Son Mot-à-mot |
Notre commentaire |
introduction: le texte (bac oral : dont nous allons vous
lire les vers à traduire) est tiré du deuxième des trois livres de L'Art
d'aimer d'Ovide.
Notre auteur, né en 43 av. J.-C., a alors dépassé la
quarantaine quand il compose et publie son Traité de l'Amour, stricto
sensu, et, pour le commun des mortels, son Art d’Aimer, transcription
littérale d’Ars Amatoria ; au rebours de ce que laisserait
supposer la première traduction, nous sommes loin d’une somme et de la pompe
propre à la restauration augustéenne : le lecteur doit se confier à
Ovide, VATI PERITO, I, 29, qui le convie à l’amour : dans le livre I,
sont d’abord évoqués les différents endroits où conter fleurette, puis
sont données des leçons de séduction. Celle-ci réalisée, Ovide nous montre
comment la faire perdurer, l’art et la manière de garder l’aimée,
RETINENDAE CURA PUELLAE, II, 295 : séduite, mais pas abandonnée, que la
liaison soit récente, comme dans notre texte, ou plus ancienne (v. 337 –
733)!
NEC DOMINAM JUBEO PRETIOSO MUNERE DONES ;
261
PARVA, SED E PARVIS CALLIDUS APTA DATO.
DUM BENE DIVES AGER, DUM RAMI PONDERE NUTANT,
ADFERAT IN CALATHO RUSTICA DONA PUER ;
RURE SUBURBANO POTERIS TIBI DICERE MISSA,
265
ILLA VEL IN SACRA SINT LICET EMPTA VIA ;
ADFERAT AUT UVAS, AUT QUAS AMARYLLIS AMABAT
(AT NUNC CASTANEAS NON AMAT ILLA) NUCES ;
QUIN
ETIAM TURDOQUE LICET MISSAQUE CORONA
(corona:columba)
TE
MEMOREM DOMINAE TESTIFICERE TUAE.
270
TURPITER HIS EMITUR SPES MORTIS ET ORBA SENECTUS.
A ! PEREANT PER QUOS MUNERA CRIMEN HABENT!
QUID TIBI PRAECIPIAM TENEROS QUOQUE MITTERE VERSUS ?
EI MIHI ! NON MULTUM CARMEN HONORIS HABET.
CARMINA
LAUDANTUR, SED MUNERA MAGNA PETUNTUR ;
275
DUMMODO SIT DIVES, BARBARUS IPSE PLACET.
AUREA
SUNT VERE NUNC SAECULA ; PLURIMUS AURO
VENIT HONOS, AURO CONCILIATUR AMOR.
IPSE
LICET VENIAS MUSIS COMITATUS, HOMERE,
SI NIHIL ADTULERIS, IBIS, HOMERE, FORAS.
280
SUNT
TAMEN ET DOCTAE, RARISSIMA TURBA, PUELLAE;
ALTERA NON DOCTAE TURBA, SED ESSE VOLUNT.
UTRAQUE
LAUDETUR PER CARMINA: CARMINA LECTOR
COMMENDET DULCI QUALIACUMQUE SONO.
HIS ERGO AUT ILLIS VIGILATUM CARMEN IN IPSAS
285
FORSITAN EXIGUI MUNERIS INSTAR ERIT.
AT
QUOD ERIS PER TE FACTURUS, ET UTILE CREDIS,
ID TUA TE FACITO SEMPER AMICA ROGET.
LIBERTAS
ALICUI FUERIT PROMISSA TUORUM ;
HANC TAMEN A DOMINA FAC PETAT ILLE TUA:
290
SI
POENAM SERVO, SI VINCULA SAEVA REMITTIS,
QUOD FACTURUS ERAS, DEBEAT ILLA TIBI.
UTILITAS
TUA SIT, TITULUS DONETUR AMICAE ;
PERDE NIHIL, PARTIS ILLA POTENTIS AGAT.
Henri Bornecque
Je ne conseille pas de faire à ton amie des cadeaux somptueux :
qu’ils soient modestes, mais choisis et offerts habilement. A l’époque où
la campagne étale ses richesses, où les branches plient sous le poids [des
fruits], qu’un jeune esclave lui apporte une corbeille pleine de fruits
rustiques. Tu pourras dire que tu as les as reçus de ta campagne, eussent-ils
été achetés sur la Voie Sacrée ; qu’il apporte des raisins ou ces châtaignes
qu’aimait Amaryllis ; mais aujourd’hui elle ne les aime plus. Tu peux même
envoyer une grive ou une couronne [de fleurs], pour lui montrer que tu penses à
elle. Il est [d’ailleurs] honteux que ces moyens servent à gagner un
vieillard sans enfants, en prévision de sa mort. Ah ! périssent ceux qui
font des présents un coupable usage !
Dois-je te conseiller de lui envoyer aussi des vers d’amour ? Hélas !
la poésie n’est guère en honneur. On fait l’éloge des poésies, mais ce
sont de grands présents qu’on réclame : pourvu qu’il soit riche, le
rustre lui-même plaît. Notre âge est vraiment l’âge d’or : c’est
l’or qui procure les plus grands honneurs, l’or qui procure l’amour. Oui,
Homère, tu viendrais toi-même, accompagné des Muses, si tu n’apportais
rien, on te mettrait à la porte, Homère. Il y a tout de même des femmes
cultivées, mais un groupe peu nombreux ; l’autre groupe n’est pas
cultivé, mais veut le paraître. Faites, dans vos vers, l’éloge de l’un et
de l’autre ; et vos vers, bons ou mauvais, que le lecteur les fasse
valoir par le charme de son débit. Aux unes et aux autres, des vers en leur
honneur, composés durant une nuit d’insomnie, leur tiendront peut-être lieu
d’un petit présent..
Par exemple ce que tu ferais de toi-même, ce que tu crois utile,
arrange-toi pour que toujours ton amie te le demande. Tu as promis la liberté
à l’un de tes esclaves ; arrange-toi pour qu’il la sollicite de toi
par ton amie. Tu fais grâce à un esclave d’un châtiment, grâce des fers pénibles ;
ce que tu avais l’intention de faire, qu’elle te la doive ! Que
l’avantage soit pour toi, mais laisse-lui l’honneur : tu ne perdras
rien à lui donner le rôle d’une personne toute-puissante [sur ton esprit].
Marie-Claude Iskikian (édition
Nouvelle Librairie de France, 1982)
Pour ta maîtresse, je ne te conseille pas de lui offrir des cadeaux
somptueux : petits, mais bien choisis et donnés intelligemment. Tout le
temps que durent les récoltes, que les branches croulent sous le poids des
fruits, fais-lui porter par un jeune esclave une corbeille pleine de produits
campagnards. Tu pourras toujours dire qu’on te les a envoyés de ta maison de
campagne aux environs de Rome, même s’ils viennent du marché de la Voie Sacrée.
Qu’on lui porte ou des raisins, ou le régal d’Amaryllis (maintenant
elle ne les aime plus, les châtaignes). Mieux encore, tu peux, par l’envoi
d’une grive ou d’une couronne de fleurs, lui témoigner que tu penses à
elle. Au reste, c’est une honte d’acheter de cette façon la sympathie
d’un vieillard sans enfants dont on espère la mort. Ah ! mort à ceux
par qui un cadeau devient une mauvaise action.
Dois-je te conseiller de lui envoyer aussi des vers d’amour ? Hélas,
la poésie n’a guère de prestige. On loue les vers, mais ce qu’on demande,
ce sont des cadeaux d’importance. S’il est riche, le dernier des rustres a
du succès. Le véritable âge d’or, c’est notre époque : c’est par
l’or qu’on obtient les plus grands honneurs, c’est l’or qui attire
l’amour. Tu peux venir, Homère, accompagné des Muses : si tu
n’apportes rien, Homère, même toi on te mettra dehors. Il y a pourtant des
femmes cultivées : elles ne sont pas légion ; les ignorantes forment
la seconde catégorie : la foule ; mais elles ont des prétentions à
la culture. Il faut louer les unes et les autres envers (sic !) ; bons
ou mauvais, que le récitant les mette en avant par son timbre harmonieux. Il se
peut que pour les unes et pour les autres un poème, fruit de nos veilles et
composé en leur honneur, représente un petit cadeau.
Autre conseil : s’il est une chose que tu t’apprêtes à faire
de toi-même et que tu crois utile, arrange-toi toujours pour qu’elle t’en
prie. As-tu promis à quelqu’un de tes esclaves sa liberté ? Fais en
sorte qu’il aille la demander à ton amie. Si tu fais grâce à un esclave
d’un châtiment ou renonces à le mettre aux fers : tu allais le faire,
mais il est bon qu’elle t’en soit débitrice. A toi le profit, mais que
l’honneur lui en revienne. Cela ne t’enlèvera rien, mais laisse-lui jouer
le rôle de qui a le pouvoir.
Par souci de clarté, la traduction perd la concision du
texte, ses raccourcis : AGER BENE DIVES=«la campagne étale ses richesses»,
avec un v. de mouvement mal venu, alors que l’adjectif DIVES pour exprimer
l’abondance est classique. En passant, une belle trahison : Ovide en 283
4 reste parfaitement impersonnel là où Bornecque interpelle directement un
vous hors de propos : les poètes, tous les lecteurs-poètes ou désireux
de l’être ? Ceci a été précédé
de l’effet inverse : chez Ovide EI MIHI en 274, sans équivalent chez
Bornecque, un Hélas, suivi d’une déclarative d’une froide objectivité.
Avec n’… guère pour NON MULTUM, HABET=est [éternel débat : avoir ou
être ?]!
Ceci est une mise en bouche : Des remarques supplémentaires
agrémenteront le mot-à-mot commenté.
Il s’agit de distiques (2 vers) élégiaques, donc le
premier vers est un hexamètre dactylique, le second un pentamètre. Par ex., le
vers v. 261 se lit : dactyle premier, dactyle deuxième, dactyle troisième,
spondée quatrième, dactyle cinquième (quasi incontournable), spondée final,
avec deux césures, à la trihémimère puis à la penthémimère.
Pour plus
d’informations, cf ; ovideun
dddsds, tp
261
ds,
l
ddssds,
P
dd, a
dsdddt,
ph
265
ds, l
dssddt,
tph
ds, l
dsdsdt,
th
dd, l
270
ddsdds,
tp
ds, l
ddddds,
ph
ds, a
dssddt,
P
275
ds, a
dsddds,
tp
ds, a
ddsddt,
tph
dd, l
280
dssdds,
tP
ds, l
dssddt,
p
ss, l
dsdsds,
tp 285
ds, a
dssddt,
tp
…dd,
a
sddsds,
tph
…dd,
l
290
sssddt,
tP
ds, a
dddsds, tPh
…ds, a
NEC JUBEO (Et)
je ne +te+ conseille pas
DONES DOMINAM de gratifier ta maîtresse MUNERE PRETIOSO d’un
cadeau coûteux ; DATO PARVA, Donne de petits riens SED
CALLIDUS mais,
en homme habile, E
PARVIS APTA
parmi ces petits riens, +fais+ des cadeaux appropriés .DUM AGER BENE DIVES Dans
le même temps que les champs +sont+ bien fertiles , DUM RAMI NUTANT PONDERE,
que les branches penchent sous leur +propre+ poids , PUER
ADFERAT IN CALATHO qu’un jeune esclave +lui+
apporte dans un panier DONA RUSTICA des
cadeaux champêtres ; POTERIS DICERE TIBI
MISSA, tu pourras dire +qu’ils+ t’+ont été+
envoyés RURE SUBURBANO de
ta propriété hors la ville LICET ILLA SINT
VEL EMPTA bien que ceux-ci eussent même été
achetés IN VIA SACRA sur
la Voie Sacrée . ADFERAT AUT UVAS ;
qu’il apporte soit des grappes de raisin AUT
QUAS AMARYLLIS AMABAT soit ce qu’Amaryllis
aimait (AT CASTANEAS ILLA NON AMAT NUNC) (mais
les châtaignes, Elle ne les aime plus) :
NUCES des noix ; QUIN
ETIAM LICET TE TESTIFICERE Bien plus il est
possible que tu te montres TURDOQUE CORONA
MISSAQUE, par l’envoi d’une grive et d’une
couronne +de fleurs+ MEMOREM TUAE DOMINAE 270
te souvenant de ta souveraine .
EMITUR TURPITER HIS. On met dans son escarcelle honteusement
de cette façon SPES MORTIS ET ORBA SENECTUS
l’espoir d’une mort et la vieillesse sans enfant .
A ! PEREANT PER QUOS MUNERA HABENT CRIMEN! Ah !
Périssent ceux par qui les cadeaux relèvent d’une accusation .
QUID TIBI PRAECIPIAM En quoi te conseiller MITTERE
QUOQUE TENEROS VERSUS ? d’envoyer aussi de
tendres vers ? EI MIHI, Hélas,+
malheur+ à moi ! CARMEN NON HABET MULTUM
HONORIS La création poétique n’a pas
beaucoup de prestige. CARMINA LAUDANTUR
On loue les poèmes , SED MUNERA MAGNA
PETUNTUR mais on demande de grands cadeaux ;
DUMMODO SIT DIVES, Pourvu qu’il soit riche ,
BARBARUS IPSE PLACET le barbare lui-même plaît
. SUNT VERE NUNC AUREA SAECULA
C’est vraiment maintenant l’âge d’or ;
HONOS PLURIMUS VENIT AURO Le prestige le plus
haut vient par l’or ; AMOR
CONCILIATUR AURO. L’amour se gagne par l’or
. IPSE LICET VENIAS COMITATUS MUSIS, HOMERE, Toi-même,
il est possible que tu viennes accompagné des Muses, Homère, SI
ADTULERIS NIHIL, si tu n’apportes rien ,
IBIS, HOMERE, FORAS. tu iras, Homère, dehors !
280
SUNT TAMEN ET DOCTAE PUELLAE, TURBA RARISSIMA,
Il y a néanmoins aussi de doctes demoiselles, une foule très dispersée ,
NON DOCTAE ALTERA TURBA,
les non doctes +forment+ le second groupe ,
SED ESSE VOLUNT mais elles veulent l’être .
UTRAQUE LAUDETUR PER CARMINA: Qu’on loue
l’un et l’autre groupe par le
truchement de poésies , LECTOR COMMENDET
CARMINA QUALIACUMQUE Que le lecteur fasse valoir
les poésies quelles qu’elles soient DULCI
SONO. par la douceur de sa voix .
ERGO HIS AUT ILLIS, Donc aux unes ou aux autres CARMEN
IN IPSAS VIGILATUM une poésie à leur gloire,
enfant d’une nuit, ERIT FORSITAN INSTAR
EXIGUI MUNERIS sera peut-être à l’instar
d’un petit cadeau . AT QUOD ERIS FACTURUS
PER TE Par ailleurs, ce que tu es sur le point
de faire de toi-même , ET UTILE CREDIS
et que tu crois utile , ID FACITO SEMPER TUA
TE AMICA ROGET. cela, fais en sorte que toujours
ton amie te le demande . LIBERTAS FUERIT
PROMISSA ALICUI TUORUM La liberté aura été
promise à l’un des tiens ; TAMEN FAC ILLE
PETAT HANC A TUA DOMINA 290
néanmoins, fais en sorte que ce dernier la demande par le truchement de la maîtresse
de ton coeur . SI REMITTIS POENAM SERVO,
Si tu retires sa punition à un esclave , SI
VINCULA SAEVA s’il+ en est de même pour+ les
entraves cruelles ,QUOD FACTURUS ERAS, ce
que tu étais sur le point de faire , ILLA
TIBI DEBEAT que celle-ci te +le+ doive .
UTILITAS SIT TUA Que l’utilité soit tienne ,
TITULUS DONETUR AMICAE Que le titre soit
donné à ton amie ; PERDE NIHIL
Ne perds rien, , ILLA AGAT PARTIS POTENTIS
Que celle-ci joue le rôle de la souveraine .
NEC JUBEO (Et)
je ne +te+ conseille pas
(ici JUBEO
sens atténué, suivi d’un subjonctif d’ordre sans introducteur, donc en
parataxe) DONES DOMINAM de gratifier ta maîtresse
(DONARE :
faire un don)
MUNERE PRETIOSO d’un cadeau coûteux ; DATO PARVA, Donne
de petits riens (plutôt
que de petites choses !) SED CALLIDUS mais,
en homme habile, (apposition ; la construction est très ramassée
ici, nonobstant la répétition, qui surenchérit sur la modestie attendue de ce
que l’amant doit offrir) E PARVIS APTA
parmi ces petits riens, +fais+ des cadeaux appropriés (les deux
traductions supra sont très éloignées et s’affranchissent totalement
d’Ovide).DUM AGER BENE DIVES Dans
le même temps que les champs +sont+ bien fertiles (DIVES AGER,
l’expression se trouve déjà chez Virgile, Enéide, 7, 262),
DUM RAMI NUTANT PONDERE, que les branches
penchent sous leur +propre+ poids (NUTARE : «faire un mouvement de
tête», expression concise), PUER ADFERAT IN
CALATHO qu’un jeune esclave +lui+ apporte dans
un panier (subj. jussif ; tableau commun ! CALATHUS, comme son
orthographe l’indique, est d’origine grecque) DONA
RUSTICA des cadeaux champêtres (RUSTICUS=propre
à la campagne ; l’atmosphère, pour ne pas dire ambiance, de ce passage
est épicurienne) ; POTERIS DICERE TIBI MISSA,
tu pourras dire +qu’ils+ t’+ont été+ envoyés (MITTO, supin MISSUM ;
Bornecque dans sa traduction «reçus» privilégie le résultat !)
RURE SUBURBANO de ta propriété hors la ville (=résidence
secondaire actuellement ; RUS, cf. RUSTICUS, ablatif d’origine ; RUS
SUBURBANUM : fréquent chez Cicéron) LICET
ILLA SINT VEL EMPTA bien que ceux-ci eussent même
été achetés (LICET + subj, ici v. EMERE, acheter (cf. préemption).=conj.
de subordination adversative ; VEL=surenchérissement)
IN VIA SACRA sur la Voie Sacrée (s’y
trouvaient les étals des vendeurs de fruits)
ADFERAT AUT UVAS ; qu’il apporte soit des
grappes de raisin (sujet=PUER, v. 264) AUT
QUAS AMARYLLIS AMABAT soit ce qu’Amaryllis
aimait (AUT… AUT ; cf. Eglogue II de Virgile, v. 54) (AT
CASTANEAS ILLA NON AMAT NUNC) (mais les châtaignes,
celle-ci – ou Elle, renvoyant à l’aimée ? -
ne les aime plus) (NON NUNC=ne plus ; NUCES et CASTANEAS
renvoient-elles au même fruit, comme tout le monde l’interprète, sans
sourciller ? Avec un jeu de mots qui nous échappe, avec CASTA ? Car
le pléonasme nous semble trop marqué pour ne pas cacher une plaisanterie cf.
la reprise NON NUNC AMAT d’AMABAT ; ne serait-ce pas qu’Amaryllis
trouve cette «chère» trop peu raffinée ? De fait, Amaryllis, voire la
dulcinée – peut-être ILLA - par son rejet de ce fruit consommé plutôt par
les esclaves , montre son ascension sociale; les châtaignes repoussées,
restent , ce qui justifie la rupture, les…) :
NUCES des noix (donc pas les fameuses
(sic !) châtaignes, trop frustes, cf. les produits mis sur la table chez
Horace, Satires, II, 2 : la grive
pour le riche, la noix (frugale) pour le sage après la grappe de raisin [en
digression : la noix servait aussi aux jeux des enfants romains. Autre
surprise : les châtaignes servaient de billes aux enfants grecs… une
femme qui a quitté les jeux de l’enfance ?]); QUIN
ETIAM LICET TE TESTIFICERE Bien plus il est
permis/possible que tu te montres (-ERE=ERIS, 2ème pers. sg,
subj. en «parataxe» de TESTIFICOR, ARI, déponent – RAPPEL : qui dépose
son sens passif, en en gardant la forme) TURDOQUE
CORONA MISSAQUE, par l’envoi d’une grive et
d’une couronne +de fleurs+ (<envoyées, accord de MISSA avec le plus
rapproché ; les deux traducteurs traduisent les deux –QUE par ou ;
nous optons pour la leçon CORONA, comme le justifiera, du moins l’espérons-nous,
notre commentaire) MEMOREM TUAE DOMINAE 270
te souvenant de ta souveraine (difficile
de résister… la maîtresse de ton cœur, à la Des Grieux, à l’auberge
d’Arras ?)
EMITUR TURPITER HIS. On obtient – on
met dans son escarcelle ? - honteusement de cette façon (<Sont
achetés avec ces moyens ; le verbe est en facteur commun pour les deux
sujets, la construction est abrupte et «obtenir» n’est qu’une tentative
pour la conserver!) SPES MORTIS ET ORBA SENECTUS l’espoir
d’une mort et la vieillesse sans enfant (impavide, Bornecque traduit le
premier GN par : «en prévision de sa mort», en perdant ainsi le sujet)
A ! PEREANT PER QUOS MUNERA HABENT CRIMEN! Ah !
Périssent ceux par qui les cadeaux essuient/relèvent d’une accusation (antécédent
II, pronom non exprimé comme attendu ; le sens est clair : les
cadeaux deviennent criminels) QUID TIBI PRAECIPIAM En
quoi te conseiller (QUID=TI en grec = Pourquoi te conseillerais-je,
cf. QUID DICAM ? subj. de délibération)
MITTERE QUOQUE TENEROS VERSUS ? d’envoyer
aussi de tendres vers (MITTERE, cf. en polyptote MISSA, v. 269, d’où
le QUOQUE – pour souligner que la coupe (sic !) est déjà pleine ?)
EI MIHI, Hélas,+ malheur+ à moi (formule
de lamentation, très onomatopéique)! CARMEN NON
HABET MULTUM HONORIS La création poétique
n’a pas beaucoup de prestige (CARMEN=le texte poétique, mise en abyme
qui ne manque pas de sel, vu la déclaration orgueilleuse initiale !
l’HONOS est central dans l’idéologie romaine et donne la GLORIA, cf. la
NOBILITAS, le NOMEN est… connu # ignoble !)
CARMINA LAUDANTUR On loue les poèmes (traduction
active, comme attendu, pour : les poèmes sont loués)),
SED MUNERA MAGNA PETUNTUR mais on demande de
grands cadeaux (le passif permet à Ovide de ne pas nommer, pour
l’instant, les… fautives !); DUMMODO SIT
DIVES, Pourvu qu’il soit riche [Bling-bling !]
BARBARUS IPSE PLACET le barbare lui-même plaît
(sensible à la reprise de DIVES ager, Bornecque ose : rustre. Nous
n’entrerons pas dans ces querelles : on est toujours le barbare d’un
autre ! Ovide change dans ce passage de ton, grommelle… Est-ce dû au
CRIMEN ?). SUNT VERE NUNC AUREA SAECULA
C’est vraiment maintenant l’âge d’or (< les siècles !) ;
HONOS PLURIMUS VENIT AURO Le prestige le plus
haut vient par l’or (PLURIMUS, superlatif de MULTUS, cf. moult au
Moyen-Age ! ablatif d’origine ou de moyen ou question de lieu QUA ?
La préposition «par» permet de garder les deux dernières possibilités, au
rebours de : de ) ; AMOR
CONCILIATUR AURO. L’amour se gagne par l’or (CONCILIUM,
réunion ; donc, les deux AURO=moyen ?)
IPSE LICET VENIAS COMITATUS MUSIS, HOMERE, Toi-même,
il est possible que tu viennes accompagné des Muses, Homère (hypothèse
farfelue, LICET en parataxe, déjà rencontré !) SI
ADTULERIS NIHIL, si tu n’apportes rien (futur
antérieur par concordance des temps et antériorité incontournable)
IBIS, HOMERE, FORAS. tu iras, Homère, dehors !
(FORAS=adverbe ; le FORUM est le lieu dehors, cf. the door, die Tür ;
la concision de la formule claque comme une expulsion !)
280
SUNT TAMEN ET DOCTAE PUELLAE, TURBA RARISSIMA,
Il y a néanmoins aussi de doctes demoiselles, une foule très dispersée (l’oxymore,
TURBA RARA, est très méchant, renforcé par le superlatif !), NON
DOCTAE ALTERA TURBA, les non doctes +forment+ le
second groupe (=incultes ; cf. la seconde branche d’une
alternative, exclusive, cf.-TER de NOS-TER/VES-TER, le suffixe comparatif grec ;
nous avons souligné le raccourci) SED ESSE VOLUNT
mais elles veulent l’être (Bornecque pousse le paradoxe du traducteur
si loin qu’il arrive sur le verbe paraître !).
UTRAQUE LAUDETUR PER CARMINA: Qu’on loue
l’un et l’autre groupe par le
truchement de poésies (PER + acc avec passif annonce la construction du
c. d’agent !) paquet ? Tellement ce texte se veut acerbe)
LECTOR COMMENDET CARMINA QUALIACUMQUE Que le
lecteur fasse valoir les poésies quelles qu’elles soient (=quelle
qu’en soit la valeur ! Encore un codicille agréable !)
DULCI SONO. par la douceur de sa voix (tournure
par l’abstrait ; vous avez échappé à : la douceur de son son,
voire son doux son). ERGO HIS AUT ILLIS, Donc
aux unes ou aux autres (nous gardons le AUT, «ou», et non pas «et»,
comme Bornecque, trop gentil : ici, chacun en prend pour son grade, Muses
inspiratrices y compris) CARMEN IN IPSAS VIGILATUM une
poésie à leur gloire, enfant d’une nuit, (IN +acc=envers, dirigée
vers ; «enfant d’une nuit d’Idumée», en l’honneur de Mallarmé, Don
du poème !) ERIT FORSITAN INSTAR EXIGUI
MUNERIS sera peut-être à l’instar d’un
petit cadeau (le EXIGUI MUNERIS amène forcément cette expression chère
aux admirateurs de Caton l’Ancien et de ceux qu’il congratule !
Bornecque n’a pas osé : présent) AT QUOD
ERIS FACTURUS PER TE Par ailleurs, ce que tu es
sur le point de faire de toi-même (futur car concordance des temps avec
l’impératif futur FACITO ; FACTURUS : participe futur !),
ET UTILE CREDIS et que tu crois utile (on
attendrait presque : à toi-même, tellement ce passage est cynique) ID
FACITO SEMPER TUA TE AMICA ROGET. Cela, fais en
sorte que toujours ton amie te le demande d(FAC impératif suivi d’un
subj. en parataxe) LIBERTAS FUERIT PROMISSA ALICUI
TUORUM La liberté aura été promise à
l’un des tiens (TUI=sa FAMILIA, un de ses esclaves);
TAMEN FAC ILLE PETAT HANC A TUA DOMINA 290
néanmoins, fais en sorte que ce dernier la demande par le truchement de la maîtresse
de ton coeur (l’hyperbate souligne la manipulation)
SI REMITTIS POENAM SERVO, Si tu retires sa
punition à un esclave (faire grâce) SI
VINCULA SAEVA s’il+ en est de même pour+ les
entraves cruelles (VINCULUM est le lien),QUOD
FACTURUS ERAS, ce que tu étais sur le point de
faire (relative COD de DEBEAT, et apposition aux deux conditionnelles !),
ILLA TIBI DEBEAT que celle-ci te +le+ doive (l’amoureux
omniprésent et prince des manipulateurs, cf. la fin des trois derniers vers.)
UTILITAS SIT TUA Que l’utilité soit tienne (les
phrases claquent) TITULUS DONETUR AMICAE Que
le titre soit donné à ton amie (=le mérite lui soit attribué);
PERDE NIHIL Ne perds rien, (comme les
conseils donnés sont pénibles pour l’orgueil du mâle, Ovide persiste dans
ses ordres), ILLA AGAT PARTIS POTENTIS
Que celle-ci joue le rôle de la souveraine (AGERE PARTES : tenir un
rôle ;PARTIS= acc. pl. archaïque, POTENS
TIS : puissant -la potentat(e)).
Une satura satirique |
pétillante, spirituelle |
1) La démarche
interne suivie dans ce passage, si elle prétend formellement à la cohérence,
cf. notre 3ème point, s’avère à l’analyse problématique et
relève de la SATURA en retrouvant son sens d’origine de pot-pourri ; de
fait, la racine indo-européenne * sa-t (cf. la femme sati en inde, le verbe être
en latin ou en grec) renvoie à la plénitude, cf. satiété, satis-fait. En ce
sens, une satura était un livre complet, tellement farci qu’on ne pouvait
plus rien y rajouter. Cet ensemble était en fait souvent composé de pièces
courtes, qui permettaient de frapper d’une volée de bois vert autrui, de
fustiger les mœurs, de régler les comptes avec force formules lapidaires. On
est ainsi passé de mélange complet, étymologiquement donc satirique, à texte
critique… Ce sont ces deux volets que nous allons traiter :
· De
fait, il s’agit de s’assurer par des cadeaux la perpétuation des bonnes grâces
de l’AMICA/DOMINA, après bien sûr s’être
ménagé celles de sa FAMILIA, la domesticité, par de menues attentions :
connaître le nom des esclaves, une gratification légère aux jours attendus
(251-260). Mais la démarche qui nous est fortement conseillée, si elle
s’inscrit dans la logique de ce qui précède, semble quelque chaotique :
le vers 261 évoquant sur tout un vers la faible valeur des dons à faire, est
repris en un court adjectif, PARVA, dont les
référents seront développés : DONA RUSTICA
(263-270), VERSUS/CARMEN (273-286), TITULUS
(287-294), l’apparence du pouvoir , Mais le CALLIDUS
pas plus que l’APTA, qui semblent
fonctionner comme les deux autres parties dans une annonce de plan (cf.
didactique), ne sont ensuite repris ni développés, au rebours de ce que l’on
attendrait. A moins de supposer qu’APTA concerne(nt) le don du poème (sic !
Merci, Mallarmé ) – dans ce cas, il fonctionne comme une antiphrase car tout
nous prouve la non-pertinence de ce cadeau -, CALLIDUS renvoyant à la fin du
passage : est habile, bien sûr, celui qui fait cadeau à sa dame du voile
de générosité dont il recouvre ce qui lui est utile (UTILE,
287, UTILITAS en 293, dont l’avers est
trompeur : TITULUS); le v. 262 n’est
donc pas une annonce du plan, lui-même hors de propos dans une SATURA car
cette dernière ne vise pas la cohérence : nous n’en voulons pour preuve
que la présence dans le même passage du don et de son antonyme, l’achat, cf.
EMPTA, 266, EMITUR,
271, (compte tenu du fait que nous ne sommes pas dans une société dite de
consommation… Maintenant, ce serait différent, voire incontournable !).
L’énumération des cadeaux a tout
du catalogue à la Prévert, quelle que soit la leçon choisie (CORONA ou
COLUMBA) :
commençons par le menu de la CENA qui s’improvise
sous nos yeux : dans l’ordre des plats, les grives comme les colombes
passent avant les raisins, réservés, comme les noix, au dessert. Cf.
http://site.voila.fr/cuisineromaine; en particulier le dossier triclinium, avec
une mosaïque (certes de l’époque d’Hadrien, mais éclairante) présentant
les reliefs d’un repas au sol ; on note du raisin, une patte de poulet,
une souris qui s’intéresse à une… noix !
· les
châtaignes servent à la nourriture des esclaves – ce qu’appréciait
Amaryllis, ce qu’elle rejette maintenant qu’elle est une affranchie, comme
Tityre dans la Bucolique I. La couronne est la bienvenue, puisqu’un banquet
digne de ce nom ne se conçoit pas sans ce ou ces décorations ; ainsi est
représenté un convive sous forme de génie ailé sur un sarcophage du Musée
du Capitole : sur la tête une couronne de pampre, autour du cou, de roses
(cf. l’article CORONA dans le Daremberg et Saglio, en ligne par Toulouse, le
Mirail.
· De
tels cadeaux pour attester de la fidélité, au moins de cœur (encore Manon
Lescaut !), de l’amant. Serait-il si volage ? La suite est tout
aussi déconcertante : ces cadeaux se transforment immédiatement, sans
transition aucune, vu l’asyndète, en moyen de corruption : TURPITER
HIS, non sans abus, car l’expression est outrancière, vu leur piètre
valeur. La formulation est ici si concentrée qu’elle en devient obscure :
SPES MORTIS peut difficilement être coordonnée
à ORBA SENECTUS malgré le chiasme
sujet+expansion (nominale), expansion (adjectivale) sujet, même si l’espoir
d’un héritage dû à la mort est bien fondé sur les cadeaux antérieurs,
pour les captateurs de testament. Mais que diable viennent-ils faire dans cette
galère ? Nous étions en pleine effusion bucolique (cf. v. 263) ( certes
sans illusion, cf. IN SACRA… EMPTA VIA,
266, encore une discordance volontaire), alors, pourquoi tant de haine, avec
l’interjection A ! et la malédiction :
PEREANT. Ensuite, bizarrement, le mot CRIMEN
(272) amène le CARMEN (274), # I, 34 !
Mais ce type de cadeau – on passe du tangible au spirituel ! - n’a pas
le temps d’être énoncé en fin de
v. 273 par VERSUS (en clin d’œil !)
qu’il a déjà perdu toute crédibilité avec l’interrogative au subjonctif
délibératif de son début : QUID PRAECIPIAM.
Les changements s’accélèrent : Après le TIBI,
le MIHI, au même endroit. Et dans ce
passage, les personnes évoquées se multiplient à l’envi, en kaléidoscope ;
citons dans l’ordre (sic !) : TIBI, MIHI,
les romains en c. d’agent sous-entendus des
deux passifs, BARBARUS, HOMERE COMITATUS MUSIS,
PUELLAE DOCTAE, NON DOCTAE, LECTOR, un créateur si discret qu’il est implicite…
Participe à cet aspect hétéroclite un dernier retournement : le délitement
de l’objet créé, au v. 286 qui s’appauvrit sous nos yeux… Le lecteur bénévole
qui avait donc disparu, à peine évoqué en 273, reprend sa place habituelle
dans l’Art d’Aimer : comment il doit (cf. didactique) procéder,
FACTURUS, FACITO, FAC, FACTURUS. En bon
manipulateur ! D’une… marionnette ? il doit faire faire, car la
conclusion est brutale : ILLA AGAT
certes, mais PARTES, l’apparence du pouvoir, non sa réalité… Ainsi ce
passage se clôt-il sur une note très cynique, et la table bucolique avec ses
petits cadeaux d’amant en invite à un banquet d’amour, 1ère
partie – cadeaux reniés en fait car pas assez coûteux pour l’époque,
cf. 2ème partie - est-elle renversée. La coupe est pleine !
· En
reprenant le texte, la corbeille elle-même est pleine, est une SATURA : UVAS,
CASTANEAS, NUCES (ou NUCES CASTANEAS, cf. supra)), TURDO,
CORONA (voire COLUMBA !) ; Le texte déborde de cadeaux : MUNERE,
DONA, MUNERA, MUNERA, MUNERIS, concrètement mentionnés, cf. UVAS,
etc. comme les vers qui abondent, et se multiplient : VERSUS,
CARMEN, CARMINA, CARMINA, CARMINA, CARMEN , l’or aussi : 3 fois en
deux vers ; le texte est saturé de répétitions si abondantes qu’il
serait fastidieux de toutes les… répéter. Nous nous contenterons de relever
la racine : MIT, MISSA, MISSA, MITTERE,
PROMISSA, REMITTIS. Sans oublier les DOMINAM,
DOMINAE, en encadrement de 261-270 (les
cadeaux rustiques), puis AMICA, DOMINA, ILLA,
AMICAE, ILLA dans la 3ème partie.
Si elle a disparu dans la 2ème partie,
c’est bien que la poésie ne la concerne pas (cf.
satire !) !
·
Participent à ce mélange – autre sens de SATURA ! -
des oppositions : PRETIOSO #
PARVA, cf. plus loin, MAGNA #
EXIGUI, éloignés certes, mais qualifiant le même nom ; plus
subtile, la distorsion entre l’apparence, le mensonge et la réalité : DONA
MISSA # EMPTA ; SPES
MORTIS ET ORBA SENECTUS (271) ne
renvoient pas aux mêmes personnes : le premier concerne les séducteurs,
le second les séduits ; LAUDANTUR #
PETUNTUR ; le paradoxe dénoncé : BARBARUS
PLACET, souligné par IPSE ; le
paradoxe assumé : AUREA SUNT VERE NUNC SAECULA,
au rebours de l’opinion communément admise, par ex. par Horace, Epodes, XVI,
v. 65, AERE, DEHINC FERRO DURAVIT SAECULA ; l’inacceptable constaté :
PLURIMUS AURO VENIT HONOS, AURO CONCILIATUR AMOR,
ce dernier terme privilégié par rapport à l’HONOS car en fin de vers et de
proposition : mettre au pinacle l’amour n’a rien du romain traditionnel
(Notons que le parallélisme de l’expression confirme la primauté de
l’amour sur la gloire : avec un adjectif même superlatif, l’HONOS
s’efface devant cet absolu qu’est l’amour) ; A peine venu, deux fois
interpellé, comme en instance de départ, Homère disparaît : VENIAS…
(IBIS) FORAS… ; RARISSIMA # TURBA, DOCTAE
# NON DOCTAE , lui-même # ESSE
VOLUNT; la disjonction HIS AUT ILLIS
se résout en IN IPSAS en fin de vers 285 ; l’amie perd toute autonomie :
TUA TE et les rapports s’inversent ici :
celui qui devait tout à sa Dame, c’est de lui dont Elle dépend maintenant,
à son insu : DEBEAT ILLA TIBI…
L’humanité à l’égard de son esclave (LIBERTAS,
REMITTIS POENAM, VINCULA SAEVA) induit paradoxalement la mise sous
tutelle mentale de l’aimée (qui retrouve ainsi son statut légal d’éternelle
mineure, en tant que femme) (cf. esprit !) ;
UTILITAS #
TITULUS ; on termine en toute logique sur une double négation (PERDE
NIHIL): le lecteur qui ne perd rien a tout. Oui, c’est bien un monde trompeur !
Sinon quel besoin de montrer que
l’on pense à sa belle, TE MEMOREM DOMINAE
TESTIFICERE TUAE, 270. Mais n’est-ce pas tout l’art d’aimer ?
· Le
texte est proche de la palinodie : un premier volet vante en fait la
pratique d’une AUREA MEDIOCRITAS qui ne déplairait
pas à Horace, Odes, II, 10 ; «le juste milieu» : PARVA,
PARVIS, APTA, DONA RUSTICA, des produits sans sophistication ni artifice
(ce qui n’est pas le cas de la table des riches romains), «d’or» : BENE
DIVES, PONDERE NUTANT, RURE SUBURBANO, le tout avec bonheur et une
alacrité d’Ovide entraînante. La rupture de ton est brutale, TURPITER :
cette richesse devient péjorative avec la malédiction (l’anathématisation
serait un anachronisme) des captateurs d’héritage, puis change de nature car
elle est dénoncée – et acceptée ! - effectivement comme telle :
le second volet proclame l’avènement de l’âge d’or au sens non métaphorique
du terme, le VERE AUREA SAECULA (pl. pour
«âge», comme le traduit judicieusement Bornecque) : cette époque est
avide d’argent, cf. le «Enrichissez-vous» de Guizot…[bling] : MUNERA
MAGNA PETUNTUR. Certes, il le dénonce : EI
MIHI, BARBARUS IPSE PLACET, mais sans espoir car il constate
objectivement son succès : la gloire, l’amour s’acquièrent par
l’or, non par les vers, Homère n’est plus de ce monde. Les femmes échapperaient-elles
à cette décadence, TAMEN ? Cultivées
ou béotiennes, la création poétique n’est pas au rendez-vous et les toucher
par ce truchement restera au rang d’une hypothèse : FORSITAN
; Le juste milieu du début est donc fortement
contrebalancé par l’efficience de la richesse (DIVES : richesse
agraire en 263 versus richesse tout court
en 276 ; y aurait-il disjonction de l’adage supra avec MEDIOCRITAS en
première partie, AUREA en deuxième ?) ; Après l’or, reste (AT),
on le regrette, le pouvoir du DOMINUS sur ses
esclaves… dont le moindre, à extraire la substantifique moelle du texte,
n’est pas son AMICA/DOMINA!
· Car
ce texte est aussi satirique : tout ceci
au service d’une vive critique de la société de son temps : Ovide a
tout du contempteur des mœurs qui lui sont contemporaines, même s’il fut
l’un des ses fleurons les plus brillants, ne l’oublions pas : il est
bien vu en cour, et son acharnement, après son exil, à tout faire pour revenir
montre combien, dans notre jargon postmoderne, il était addict (obnubilé,
attaché!) à la vie romaine. …Commençons par le plus évident : malgré
la tournure atténuée du v. 261, Ovide jette bien, en nouveau Caton le Censeur
– ce qui ne manque pas de sel de sa part (cf.
esprit !)- un interdit sur les dépenses somptuaires
(thème qui sera repris dans la 2ème
partie) puisqu’il répète le terme PARVUS.
Il se moque en passant des propos mensongers du séducteur (265-6) qui prétend
étaler une fortune foncière qu’il est loin de posséder, puis lance un coup
de patte contre l’inconstance féminine – l’attaque est un poncif même à
l’époque – AMABAT, NUNC NON
AMAT. (souvent femme varie, etc.). Glissons aussi sur l’ambiguïté de
la démarche qui consiste à prouver que l’on pense à l’aimée –
sous-entendu : et non pas à une autre - car tout ceci a un côté assez
mufle. De la goujaterie ! L’attaque à l’encontre des voleurs d’héritage
est inattendue et frontale : ils sont voués aux gémonies : TURPITER,
PEREANT, CRIMEN, de façon virulente ; ceci sert artificiellement,
de transition pour une remise en cause critique et acerbe de son siècle :
face aux MUNERA MAGNA, les TENEROS
VERSUS en disjonction ne font pas le poids. La dépréciation est totale avec
le désespéré: EI MIHI en écho à TIBI,
mais auteur et lecteur ne sont pas dans le même sac : Le second se
contente d’envoyer des vers, que le premier écrit! Ovide surenchérit par la
litote : NON MULTUM. La réputation due
à la création littéraire cède le pas, en un vers bien balancé par un homéotéleute
(-NTUR) et une pause phono-sémantique à la césure du pentamètre, aux solides
MUNERA MAGNA (cf. SOLIDUS qui a donné le sou !).
Ovide devient même sentencieux et frôle le proverbe au v. 276, ce qui est loin
d’être son terrain favori ! C’est Horace qui a l’art de la formule
bien frappée – puis Juvénal plus tard, dans ses… Satires… Il
s’est lancé dans une condamnation sans appel de son époque : verbes au
présent, oppositions tranchées : SED…
PETUNTUR qui claque en fin de v. 275 , cf. NON
MULTUM HONORIS, v. 274, repris au superlatif aux v. 277-8 : PLURIMUS…
HONOS, insistance pour nous imposer une vérité désagréable : BARBARUS
IPSE PLACET en 276, VERE en 277 encadré
des césures tp, hyperbates avec trois sujets inversés, 277-8, suspens créé
par la disjonction entre IPSE et HOMERE,
279, répété en appel désespéré au pentamètre suivant, renvoi aux références
les plus indiscutables, les plus relevées : MUSIS…
HOMERE, rapprochement inattendu, quasi sacrilège vu le prestige de la
culture grecque à Rome (c’est son ALMA MATER !), entre HOMERE
et FORAS. Et les romaines ne sont pas
meilleures que les romains : RARISSIMA TURBA,
en oxymore souligné par le superlatif. Mais le lecteur saisit mal alors
pourquoi Ovide persiste lui-même dans l’écriture de vers pour conseiller
d’écrire des vers qui ne sont pas assurés du succès – pas forcément mérité
d’ailleurs . Il est difficile d’être plus méchant, plus… satirique. Ce
créateur virtuel de vers est d’ailleurs peu performant : non content
d’écrire soit pour les doctes soit pour les incultes, il n’est même pas
mentionné explicitement dans les vers 285-86. Il est innommable ? Pire
encore : le résultat de ses efforts effrénés (VIGILATUM)
n’est pas assuré (FORSITAN en début de
vers, ERIT en espoir final moqué) d’être sur le même rang (INSTAR)
qu’un EXIGUI MUNERIS, comme les DONA
RUSTICA. Au reste, notre rimailleur a déjà reçu son compte au vers précédent :
sa création, son CARMEN vaudra par l’élocution
de son lecteur, lors de la lecture publique qui est l’E-DITIO de l’œuvre,
et non par sa qualité propre. Après cette volée de bois vert, le lecteur bénévole
va-t-il prendre la suite ? La tournure CREDIS
implique un regard dubitatif à l’égard de son jugement, comme d’ailleurs FACTURUS
PER TE en ce qui concerne son efficacité… Mais c’est pour mieux
mettre en coupe réglée l’AMICA. On sait
que la gestion par le PATER FAMILIAS (cf. TUORUM)
de son personnel servile (INSTRUMENTUM VOCALE d’après Varron dans son De
re rustica) passait par la carotte (l’affranchissement, donc devenir
LIBERTINUS, apprécions à sa juste valeur le terme LIBERTAS !)
ou le bâton (POENAM, VINCULA SAEVA, plus
verbeux !) et ces deux ressorts complémentaires étaient bandés AD
MAJOREM DOMINI GLORIAM ; mais Ovide n’a pas attendu ni les Jésuites, ni
le Père Joseph : le séducteur doit être aussi discret qu’une éminence
grise, et laisser le TITULUS à son amie, en
gardant pour lui, bien sûr, l’UTILITAS
(TITULuS // UTILITaS, en quasi anagramme, cf. esprit !).
On retrouve là le pragmatisme romain, pour ne pas dire son cynisme… assumé ?
Car Ovide ne prend aucune distance critique vis-à-vis de ce comportement…
a-moral. Donc, si Ovide souffre de l’indifférence, voire du mépris de son
temps pour la culture, il partage néanmoins son relativisme éthique.
2) Nous
avons déjà surpris le sourire ovidien au détour
de certaines formules sous le renvoi : cf.
esprit. Au reste, la rubrique satirique
ci-dessus relève au premier chef de cet aspect…
· En
outre, l’esprit, chez un poète se marque
aussi par le son : contraste des voyelles fermées au v. 261 pour le MUNERE
PRECIOSO, avec son singulier emphatisant, et des voyelles ouvertes (7
[a]) pour les cadeaux dont la piètre valeur est accentuée par la
multiplication plurielle : PARVA. Nous
rencontrons 18 [A] sur le distique élégiaque
267-8, n’y-a-t-il pas là un jeu d’audition-manducation, on en a plein la
bouche… cf. 271 avec ses dentales virulentes… Il serait fastidieux de tout
passer en revue… Ponctuons seulement la formule d’exécration comme éructée
avec les duplications : A ! PEREAnt
PER, dont la violence tranche avec l’évocation
du dîner, le désespoir (affecté puisque le poète continue ses propres ARTES
– car non DATAS par Apollon, cf. I, 25) du… poète maudit avec EI MIHI. Plus loin, il nous assène ses Carmina
(en doublon, v. 283), c’est pour mieux en faire une SATURA (QualiaCumQue),
dépréciée par les gutturales au v. 284 …
· Amusant :
les implications multiples de la petitesse, voire du rien alors qu’il s’agit
de dons : les arbres croulent sous leur propre production (NUTANT
PONDERE, cf. répétition DUM… DUM),
la corbeille ne déborde pas pour autant, et les cadeaux soit sont preuve de
duplicité, soit risquent fort de déplaire (AMABAT) ;
le comportement conseillé n’est pas lui-même assuré d’une application :
POTERIS, LICET… Le doute est permis : QUID
PRAECIPUAM ? et piteuse l’estime pour Ovide : NON
MULTUM HONORIS (on est aux antipodes de la proclamation horatienne du
EXEGI MONUMENTUM AERE PERENNIUS ! cf. culture). Il en vient même à vider
de tout sens son propre projet, sous nos yeux, avec un humour subtil: pourquoi
écrire un Art d’aimer, quand les phrases déclaratives établissent un
bilan indiscutable sur l’efficacité de l’or, au détriment de l’art, aux
vers 277-278! Même Homère subit cette avanie, son œuvre n’est rien, NIHIL,
280 puisqu’il ne peut présenter qu’elle. Avec une avanie de potache,
inattendue : HOMERE, FORAS. Plaisanterie
que conforte l’expression RARISSIMA TURBA,
et la mise dans le même boisseau (UTRAQUE)
des DOCTAE, NON DOCTAE. L’expression ramassée
CARMEN IN IPSAS, outre qu’elles sont le
sujet ou la dédicataire, impliquent qu’elles ne sont pas source
d’inspiration ! L’amie elle-même n’est-elle pas astreinte à faire
des demandes (SEMPER ROGET, DEBEAT, moins
libre que l’affranchi, ironie de son sort !) qui ne lui rapportent
qu’un vain TITULUS… PERDE NIHIL !
· Oui,
l’esprit voltige, comme ces négations,
dans un texte où le sentiment amoureux, censé sous-tendre un cadeau (270),
s’appauvrit singulièrement en conclusion (cf.
la fin, avec la manipulation, assez odieuse, de l’AMICA)… tout aussi
plaisant : la multiplication des LICET,
en parataxe s’il vous plaît, dans un texte qui prétend énoncer des règles
de comportement à autrui, tout en lui laissant ainsi toute latitude, à sa
propre convenance. Sourions au jugement à posteriori sur l’achat de fruits
sur la voie Sacrée, puisque EMITUR est
affecté d’un violent TURPITER en début de
271. un retournement de situation qui relèverait de l’arroseur arrosé si le
thème n’était pas funèbre : SPES MORTIS #
PEREANT ; nous avons déjà ponctué le TIBI # MIHI ; plein
d’humour aussi, l’effet de miroir : CARMINA
LAUDENTUR par rapport à : UTRAQUE
LAUDETUR PER CARMINA. Qui se poursuit : faire des vers de louange
envers la gent féminine ne rend par pour autant l’œuvre louable (QUALIACUMQUE) :
en tout état de cause, cette dernière sera sauvée par le lecteur public (LECTOR)!
HIS AUT ILLIS fusionné en IN
IPSAS met dans le même sac les bas bleus et les incultes, non sans
misogynie (cf. satire) ce qu’annonçait déjà
d’ailleurs UTRAQUE après les deux TURBA. Notons la finesse de la remarque ;
AT QUOD ERIS PER TE
FACTURUS où l’adversatif monte bien
que la création poétique évoquée juste avant ne relève pas du lecteur !
· Notre
exposé n’est pas sans désordre ? Un clin d’œil à la satura, cf.
supra !
· car
affichant sa cohérence (même si nous avons que cette dernière était sujette
à caution, c’était après mûre (sic !) réflexion : d’emblée,
l’ensemble se montre convaincant) : de fait, l’appareil logique est
strict ; la liaison avec ce qui précède
(obtenir les bonnes grâces de la FAMILIA de la DOMINA) se fait par NEC.
Le sujet du passage est clairement exposé en un distique : faire de menus
cadeaux ; s’ensuit immédiatement la première
partie : des DONA RUSTICA,
qu’ils viennent ou non de la résidence secondaire de l’amant (263-266)
(pour une coena ?), avec leur énumération : les fruits (raisins et
noix), 267-8, une grive+une couronne, 269-70), attestant de l’attention du
susnommé ; ce TESTIFICERE amène, comme
naturellement, l’idée de TESTIMONIUM, ici détourné. Un rapprochement
renforcé par le terme MEMOREM, de la même
racine que MEMORIA (elle qui ouvre au romain la vie après la mort, comme le
fait d’avoir un fils de son sang pour la cérémonie mortuaire, cf. plus loin ORBA,
a contrario !). Quoi qu’il en soit, le lecteur moderne est déconcerté,
mais était-ce le cas à l’époque ? Penser à la mort –
non pas la MEDITATIO MORTIS chrétienne, mais dans le droit fil de l’épicurisme
(cf. la simplicité des mets), voire du stoïcisme - est naturel, a fortiori
dans les banquets : NUNC EST BIBENDUM, ce après la victoire d’Actium.
Sans oublier la présence d’un squelette en argent dans la CENA TRIMALCIONIS
chez Pétrone, cf. ceux de Zénon et d’Epicure sur les gobelets de Boscoreale !
Les déchets au sol sont la part des morts: les anciens n’avaient pas nos
frilosités; autre cadeau possible (=2ème
partie, 273- 286) avec le QUOQUE MITTERE
soulignant par une adjonction+répétition du verbe : VERSUS,
les vers qui ne coûtent que du temps (cf. VIGILATUM) :
un don de poème ; il restera virtuel : l’or est le maître de Rome
(275- 280) ; même les femmes n’en seront pas forcément touchées. Ce
passage est fortement articulé : 275-280 pour la thèse : l’or, TAMEN
(281-284) pour des vers qui n’en sont pas, avec la conclusion : ERGO.
Puis la troisième partie est introduite par le AT
· la
démarche se veut imparable : si le texte commence, non sans nuance, par un
NON JUBEO, les impératifs futurs abondent, (DATO
en fin de 262, plus loin FACITO) qui
conviennent parfaitement pour les prescriptions générales, donc les proverbes,
les textes de lois, les… traités techniques, cf. Ernout-Thomas ! Nous
rencontrons aussi des impératifs présents (PERDE
NIHIL), ou des subjonctifs jussifs (ADFERAT
deux fois en début de vers), la première occurrence (264) avec un sujet inversé
PUER fortement disjoint, donc un suspens
surprenant (cf. esprit) qui pourrait laisser
croire que c’est le donateur lui-même qui apporterait le cadeau. Surprenant,
oui, car ceci n’est guère concevable pour un citoyen de l’URBS - même
si Ovide transforme parfois son «amateur» en esclave de la Dame ! PEREANT,
LAUDETUR… COMMENDET, ROGET , respectivement début et fin de vers,
etc.) Visent à emporter la conviction les verbes d’état : sous-entendus
dans des phrases attributives (cf. DIVES AGER
en 263) ou vivement exprimés : SUNT en
277, en début de v. 281, etc. des verbes avec le suffixe –E de deuxième
conjugaison : JUBEO, HABENT, PLACET (276°,
DEBEAT) [ce dernier point me laisse moi-même
dans l’aporie : il y a aussi pléthore de verbes de mouvement ici, avec
le même effet… à utiliser faute de mieux !]
· le
martèlement de phrases formulaires qui sont proches de l’adage : CARMINA
LAUDANTUR, SED MUNERA MAGNA PETUNTUR ; PLURIMUS AURO VENIT HONOS, AURO
CONCILIATUR AMOR, la fin… Des répétitions de structure frappantes :
FACTURUS, 287, 292 ; LIBERTAS…
UTILITAS en début de v. 289, 293. etc. Tout ceci vise à emporter la
conviction, comme la cohérence du vocabulaire : le champ lexical du don
est couvert et amplement développé par les noms: MUNERE
au sg (sg. !), 261, MUNERA en 272 (au
pl. pour les cadeaux corrupteurs !), aussi en 275, encore avec un sens dépréciatif,
derechef au sg en 286, avec EXIGUUS, DONA,
264, les verbes : DONES, fin 261, DATO,
fin 262, DONETUR, 293, ADFERAT
deux fois (début de 264, 267), ATTULERIS,
280, MITTERE, 273, ppp MISSA
en fin 265, 269, cf. 289 : PROMISSA, REMITTIS,
291, PETUNTUR en 275, PETAT,
290; par contraste, donc par renforcement paradoxale (démarche esthétique déjà
rencontrée ailleurs, cf. le triomphe), son antonyme, l’achat, est présent
lui aussi: EMPTA, 266, EMITUR,
271, cf. DIVES 276 .
· il
s’agit bien d’enseigner, au départ sans forcer la main, en bon pédagogue,
qui conduit son enfant disciple sur le chemin de la connaissance : NEC
JUBEO, QUID PRAECIPUAM ; les impératifs futurs induisent du respect
à l’égard du récepteur : DATO en
fin de v. 292. Le travail est délégué à un esclave : ADFERAT…
PUER, v. 294 : la suite est tout autant dépourvue d’appel à
l’autorité : POTERIS… etc. [mais je
soutiendrai ceci jusqu’au bûcher exclusivement : la pédagogie, dépréciée
en pédagogisme, n’est pas bien en cour actuellement]
4) les références
explicites ou implicites sont fréquentes, et participent à ces clins d’œil spirituels :
· Virgile
et ses Bucoliques : Amaryllis bien sûr a été repérée par les
commentateurs, le contexte moins… CASTANEAEQUE NUCES MEA QUAS AMRYLLIS AMABAT
(2, 52) est dit par Corydon, comme proposition séduisante envers son amour
Alexis mais nous rencontrons aussi plusieurs fois dans ce passage le terme
MUNUS( 44, 56, 57), avec des paniers (CALATHIS, 47), PUER (45). Plus fort encore :
Nous assistons à la composition de couronnes de fleurs (47-49) INTEXENS, ce en
avant-première chez Virgile, pour clore les cadeaux chez Ovide. Voilà qui
justifie a posteriori notre choix de CORONA…
ce que le –QUE corroborait ! Autre
plaisanterie : ce qui n’a pas grand succès chez Ovide est la poésie, NON
MULTUM CARMEN HONORIS HABET ! Chez Virgile, ce qui est au pinacle
est la blonde prune CEREA PRUNA : HONOS ERIT HUIC POMO v. 53 (+ une
allusion obscène ? cf. jeu de mot avec PRUNA, la braise… ?).
Au reste, avec ses cadeaux, Corydon est un bouseux, et Alexis ne s’en
soucie guère, en 56 : RUSTICUS ES, CORYDON, NEC MUNERA CURAT ALEXIS.
Nonobstant, Ovide propose de faire des DONA RUSTICA…
Après ceci, l’esprit critique du lecteur bénévole est éveillé quant à la
pertinence ici des conseils prodigués : va pour les deux derniers, mais
l’efficacité des petits cadeaux laisse parfaitement sceptique (surtout après
l’insistance sur l’impact de l’argent dans la société de son temps)…
· Horace, (que nous avons déjà croisé au fil de notre commentaire) n’est-il pas convoqué avec les TENEROS VERSUS, cf. son Art poétique, (Epitre aux Pisons) v. 246 : TENERIS JUVENENTUR VERSIBUS UNQUAM, vers qu’Horace ne mettrait pas dans la bouche des Faunes dans un drame… satyrique [ce rapprochement n’est artificiel que pour les croqueurs de noix, ceux qui n’auront pas la couronne !]. Ovide, lui, les verrait bien sous le calame de son lecteur… ce qui n’est pas très gentil pour ce dernier : pourquoi lui attribuer ce que rejette avec mépris Horace – même si le genre littéraire n’est pas le même : apparemment, ici, les impromptus sont visés (cf. satire !)…
· un clin d’œil à Lucrèce avec CARMEN VIGILATUM ? Ovide aurait-il osé un tel raccourci sans INDUCIT NOCTES VIGILARE SERENAS (I, 142) du DE RERUM NATURA ? Le travail sur le texte est un lieu commun, revisité, voire revivifié par l’ EXIGUI MUNERIS : c’est un mauvais investissement, car son rendement très limité n’est même pas garanti, dirait-on actuellement ! [comme notre production !]
· d’autres allusions encore, sans doute, et vos rapprochements, dûment signalés, pourraient figurer ici…