Le texte que nous présentons est issu de la numérisation par itinera electronica de l'édition Nisard (XIXe); cette dernière,fautive parfois, n'a pas été contrôlée lors de sa bascule sur le net, d'où des coquilles supplémentaires... et cette nouvelle édition, dûment corrigée par le truchement d'une collation soigneuse sur celle de Henri Bornecque (Budé «Les Belles Lettres», 1923)

 

P. OVIDII NASONIS ARTIS AMATORIAE

LIBER PRIMVS, v. 177 – 238

Un vengeur, triomphal (=Caius)

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mot-à-mot

Mot-à-mot commenté

commentaires

introduction: ce texte (bac oral : dont l’extrait à traduire va du v. X au v. Y) fait partie (ici !) du premier des trois livres de L'Art d'aimer d'Ovide, les deux premiers publiés en 1 av. J.-C., le dernier, destiné explicitement à la gent féminine, en palinodie, édité deux ans plus tard. Notre auteur, est âgé de quarante-deux ans lors de la publication de la première partie de son Traité de l'Amour, stricto sensu, et, pour le commun des mortels, son Art d’Aimer, titre moins rébarbatif et transcription littérale d’Ars Amatoria ;  cette dénomination, de par le sujet, ne laisse pas de surprendre – démarche habituelle chez Publius Ovidius Naso : le terme Ars s’applique généralement aux ouvrages de formation technique, comme les traités de grammaire et de rhétorique (art de parler), donc des pensa – fidèle à la démarche d’une ARS, nous pratiquons l’hyper-correction empreinte de pédantisme- rigoureux, stricts et… ennuyeux. Aux antipodes de cet ouvrage, aux distiques élégiaques enlevés… Il s’agit, en bannissant toute tristesse – car si le désespoir amoureux trouve dans ce rythme son accomplissement, il convient aussi à la joie d’amour, à sa réalisation- de montrer, en professionnel, MAGISTER, à un néophyte, MILES IN ARMA NOVA, v. 36 comment établir une relation satisfaisante avec une partenaire de sexe opposé en finissant par le succès dans sa vie sexuelle. Une telle démarche explique pourquoi ce vieux barbon d’Augustus, princeps senatus (d’où le nom de principat donné à son nouveau régime, pater patriae, tribunus plebis, imperator, pontifex maximus, l’a exilé loin de sa restauration nationale, dans les confins de l’Empire, dans le triste Pont, en l’an 8  où il mourut en 17, sans que Tibère ne le rappelât.

Pourtant, à lire notre passage, notre poète n’est pas à une flagornerie près et c’est bien en courtisan stylé , voire zélé, sans vergogne ni retenue qu’il s’exprime ici : après avoir invoqué Vénus comme Muse et avoir présenté différents lieux publics propres à la prise d’une femme , par ex. le portique d’Octavie, les fora, le théâtre, plus convenus, le cirque, la naumachie d’Auguste, voici le plus inattendu, le triomphe en projection virtuelle, en 3D, de C. César, petit-fils d’Auguste, pour sa victoire attendue, inévitable, sur les Parthes…

Texte

    ECCE PARAT CAESAR, DOMITO QUOD DEFUIT ORBI,                 

         ADDERE. NUNC, ORIENS ULTIME, NOSTER ERIS.

    PARTHE, DABIS POENAS. CRASSI GAUDETE SEPULTI

         SIGNAQUE BARBARICAS NON BENE PASSA MANUS.                                          180        

    ULTOR ADEST, PRIMISQUE DUCEM PROFITETUR IN ANNIS

         BELLAQUE NON PUERO TRACTAT AGENDA PUER.

    PARCITE NATALES TIMIDI NUMERARE DEORUM ;

         CAESARIBUS VIRTUS CONTIGIT ANTE DIEM.

    INGENIUM CAELESTE SUIS VELOCIUS ANNIS              

         SURGIT ET IGNAVAE FERT MALE DAMPNA MORAE.

    PARVUS ERAT, MANIBUSQUE DUOS TIRYNTHIUS ANGUES

         PRESSIT ET IN CUNIS JAM JOVE DIGNUS ERAT ;

    NUNC QUOQUE QUI PUER ES, QUANTUS TUM, BACCHE, FUISTI,

         CUM TIMUIT THYRSOS INDIA VICTA TUOS !                                                          190    ( ! et non ?)   

    AUSPICIIS ANIMISQUE PATRIS, PUER, ARMA MOVEBIS,

         ET VINCES ANIMIS AUSPICIISQUE PATRIS.

    TALE RUDIMENTUM TANTO SUB NOMINE DEBES,

         NUNC JUVENUM PRINCEPS, DEINDE FUTURE SENUM ;

    CUM TIBI SINT FRATRES, FRATRES ULCISCERE LAESOS,              

         CUMQUE PATER TIBI SIT, JURA TUERE PATRIS.

    INDUIT ARMA TIBI GENITOR PATRIAEQUE TUUSQUE,

         HOSTIS AB INVITO REGNA PARENTE RAPIT.

    TU PIA TELA FERES, SCELERATAS ILLE SAGITTAS ;

         STABIT PRO SIGNIS JUSQUE PIUMQUE TUIS.                                                      200            

    VINCUNTUR CAUSA PARTHI, VINCANTUR ET ARMIS;

         EOAS LATIO DUX MEUS ADDAT OPES.

    MARSQUE PATER CAESARQUE PATER, DATE NUMEN EUNTI !

         NAM DEUS E VOBIS ALTER ES, ALTER ERIS.

    AUGUROR, EN, VINCES VOTIVAQUE CARMINA REDDAM,              

         ET MAGNO NOBIS ORE SONANDUS ERIS.

    CONSISTES ACIEMQUE MEIS HORTABERE VERBIS.

         O DESINT ANIMIS NE MEA VERBA TUIS !

    TERGAQUE PARTHORUM ROMANAQUE PECTORA DICAM

         TELAQUE AB AVERSO QUAE JACIT HOSTIS EQUO.                                             210       

    QUI FUGIS UT VINCAS, QUID VICTO, PARTHE, RELINQUIS ?

         PARTHE, MALUM JAM NUNC MARS TUUS OMEN HABET.

    ERGO ERIT ILLA DIES, QUA TU, PULCHERRIME RERUM,

         QUATTUOR IN NIVEIS AUREUS IBIS EQUIS.

    IBUNT ANTE DUCES ONERATI COLLA CATENIS,             

         NE POSSINT TUTI, QUA PRIUS, ESSE FUGA.

    SPECTABUNT LAETI JUVENES MIXTAEQUE PUELLAE,

         DIFFUNDETQUE ANIMOS OMNIBUS ISTA DIES,

    ATQUE ALIQUA EX ILLIS CUM REGUM NOMINA QUAERET,

        QUAE LOCA, QUI MONTIS, QUAEVE FERANTUR AQUAE,                                       220         

    OMNIA RESPONDE, NEC TANTUM SIQUA ROGABIT,

         ET QUAE NESCIERIS, UT BENE NOTA REFER.

    HIC EST EUPHRATES, PRAECINCTUS HARUNDINE FRONTEM ;

         CUI COMA DEPENDET CAERULA, TIGRIS ERIT.

    HOS FACITO ARMENIOS, HAEC EST DANAEIA PERSIS ;              

         URBS IN ACHAEMENIIS VALLIBUS ISTA FUIT ;

    ILLE VEL ILLE DUCES ; ET ERUNT QUAE NOMINA DICAS,

         SI POTERIS, VERE, SI MINUS, APTA TAMEN.

 

Traductions

Henri Bornecque

   Voici que César se dispose à dompter ce qui reste de l’univers ; maintenant, extrémités de l’Orient, vous serez à nous. Parthes, vous serez châtiés Réjouissez-vous, Crassus, dans votre sépulture, et vous, enseignes, malheureusement tombées aux mains des barbares. Votre vengeur est là ; dès ses premières années il promet un chef, et, enfant, il dirige des guerres au-dessus des capacités d’un enfant. Ames timides, ne prenez pas la peine de compter les anniversaires des dieux : chez les Césars, le courage devance les années. Leur génie céleste se révèle avant l’âge et supporte mal le préjudice et les lenteurs du temps. Il était encore petit, le héros de Tirynthe, et ses deux mains étouffèrent deux serpents et dès le berceau il était déjà digne de Jupiter. Et toi, toujours enfant, que tu fus grand, Bacchus, lorsque l’Inde vaincue craignit ton thyrse ! C’est sous les auspices et avec l’âme de ton père, enfant, que tu vas conduire les armées, et tu vaincras sous les auspices et avec l’âme de ton père. Un tel début convient à un si grand nom, toi qui, aujourd’hui prince de la jeunesse, doit l’être un jour des vieillards. Tu as des frères ; venge l’injure faite à tes frères. Tu as un père ; défends les droits de ton père. Celui qui t’a donné tes armes, c’est le père de la patrie, qui est aussi le tien ; l’ennemi, lui, arrache le pouvoir à la résistance d’un père. Tu porteras, toi, des armes sacrées, lui des flèches parjures. On verra, devant tes étendards, marcher la sainte justice. Inférieurs par leur cause, puissent-ils être inférieurs par les armes ! Que mon héros apporte au Latium les richesses de l’Orient. Dieu Mars, et toi, dieu César, à son départ, accordez-lui votre divin appui, car, de vous deux, l’un  est dieu, l’autre le sera. Oui, je le présage, tu vaincras, et je fais vœu de composer en ton honneur un poème, où ma bouche devra bien trouver pour toi des accents éloquents. Je te peindrai tout armé, exhortant ton armée par un discours que j’imaginerai ; pourvu que mes paroles ne soient pas indignes de ton ardeur ! Je peindrai les Parthes tournant le dos, les Romains présentant leur poitrine, et les traits que, du haut de son  cheval, l’ennemi lance tout en s’éloignant du combat. Toi qui fuis pour vaincre, ô Parthe, que laisses-tu donc au vaincu ? O Parthe, désormais c’est un présage funeste qu’a pour toi Mars, ton dieu favori.

   Donc nous verrons ce beau jour où toi, le plus beau des mortels, tu t’avanceras couvert d’or, trainé par quatre chevaux blancs. On verra s’avancer devant toi les généraux [ennemi], le cou chargé de chaines, pour qu’ils ne puissent pas, comme auparavant, chercher leur salut dans la fuite. A ce spectacle assisteront pleins de joie et pêle-mêle jeunes hommes et jeunes femmes, tous le cœur dilaté par ce jour où tu triompheras ; si l’une d’elle demande le nom des rois, ou bien quels sont ces lieux, ces montagnes, ces rivières dont on porte la représentation, réponds toujours ; n’attends pas les questions ; même quand tu ne sais pas, parle comme si tu connaissais la chose à fond. Voici l’Euphrate, le front ceint de roseaux ; celui qui porte cette longue chevelure bleu sombre, c’est le Tigre ; ceux qui viennent, dis que ce sont les Arméniens ; cette femme est la Perse, dont le premier roi fut petit-fils de Danaé ; voici une ville qui exista dans les vallées des Achéménides. Ce captif ou cet autre étaient des généraux ; et tu trouveras des noms à mettre sur leur visage, exacts, si tu peux, du moins vraisemblables.

Marie-Claude Iskikian (édition Nouvelle Librairie de France, 1982)

   Voici que César se prépare à soumettre la partie de l’univers qui ne l’était pas encore. Désormais, confins de l’Orient, vous serez à nous. Parthe, tu vas subir ton châtiment. Réjouissez-vous, Crassus, du fond de vos tombeaux, et vous, nos étendards qui eûtes le malheur de tomber aux mains des barbares. Voici votre vengeur, et dès ses premiers ans il s’affirme un chef en conduisant, encore dans l’enfance, une guerre qui n’a rien d’enfantin. Abstenez-vous, gens timorés, de compter les anniversaires quand il s’agit des dieux. Chez les Césars, la valeur n’attend point le nombre des années. Leur céleste génie les devance et s’impatiente de ce que l’attente et l’inaction lui font manquer. Le héros de Tyrinthe, Hercule, était petit quand de ses mains il étouffa les deux serpents : même au berceau il était déjà le digne fils de Jupiter. Et toi aussi, Bacchus, qui es encore aujourd’hui un enfant : quelle grandeur fut la tienne lorsque l’Inde vaincue tremblait devant ton thyrse.

   Toi, enfant, c’est sous les auspices de ton père et avec son esprit que tu partiras en campagne, et tu vaincras sous les auspices et avec son esprit. Un si grand nom t’oblige à ces premiers exploits, toi qui es actuellement le prince de la jeunesse, appelé à être par la suite celui des vieillards. As-tu des frères : offensé, tu te dois de les venger. Tu as un père : à toi de protéger ses droits. C’est lui qui t’a armé, lui qui est en même temps le père de la patrie. Chez l’ennemi on arrache le pouvoir à son père malgré lui : tes armes sont fidèles à la loi divine, ses flèches à lui sont criminelles. Devant tes étendards se dresseront le bon droit et la pitié. Les Parthes ont déjà une cause perdue : leurs armes consommeront leur perte.

    Puisse mon héros apporter au Latium les richesses de l’Orient. Divin Mars, et toi, divin César, pour cette expédition , accordez-lui votre pouvoir divin, car l’un de vous est dieu et l’autre le sera. J’en prononce l’augure : oui, tu vaincras, et je te consacrerai en retour un poème : j’en fais le vœu. Il me faudra trouver de sublimes accents pour chanter ta victoire : je te ferai paraître et exhorter tes troupes en vers à ma façon. O puissent mes paroles être à la hauteur de ta vaillance ! J’évoquerai les Parthes tournant le dos et les Romains affrontant de face le combat, et l’ennemi qui tourne bride avant de lancer ses flèches du haut de son cheval. Toi qui prétends obtenir la victoire par la fuite, ô Parthe, quelle conduite laisses-tu aux vaincus ? Parthe, pour toi, Mars, ton dieu favori, n’a plus que de mauvais présages.

   Il viendra donc ce fameux jour où tu iras, être merveilleux entre tous, porté, scintillant d’or, par quatre chevaux blancs comme neige. Les chefs vaincus marcheront devant toi, le cou chargé de chaînes ; ainsi ne pourraient-ils plus, comme avant se tirer d’affaire par la fuite. Tout joyeux les jeunes gens mêlés aux jeunes filles regarderont le défilé, et ce jour qui te sera consacré répandra chez tous l’enthousiasme.

   Alors, quand l’une des belles demandera comment s’appellent les rois, quelles sont les contrées, les montagnes, les rivières ainsi représentées, tu dois avoir réponse à tout, et pas seulement si on te pose des questions : et ce que tu ignores, parles-en comme si tu le savais parfaitement :«Ici, c’est l’Euphrate, le front couronné de roseaux ; celui qui porte cette longue chevelure bleu sombre, c’est le Tigre sans doute. » Ceux-ci, tu peux en faire des Arméniens ; cette femme-là, c’est la Perse, nation issue de Danaé ; voici une vallée qui se situe dans les vallons des Achéménides ; cet homme et cet autre sont des chefs. Et tu devras aussi donner les noms : les vrais si tu peux, sinon, des faux, mais bien trouvés.

Critiques 

de la traduction de Bornecque : elle a le mérite, globalement, d’être claire, mais elle s’avère par instants, trop verbeuse, à la limite du commentaire : la concision latine disparaît ainsi que la souplesse, voire la finesse d’Ovide. Qui plus est, là où Iskikian a un écho classique apprécié (cf. la valeur n’attend pas le nombre des années), même s’il fleure le procédé, lui est alors trop laconique. On oscille donc chez lui entre ces deux pôles antinomiques : le développement explicatif ou la concentration trop elliptique pour la compréhension…

(Ceci semble un angle d’attaque efficace qui peut induire un commentaire de la traduction pertinent.)

Scansion

Il s’agit de distiques (2 vers) élégiaques, donc le premier vers est un hexamètre dactylique, le second un pentamètre. Pour plus de renseignements, cf. ovideun

En sus : les majuscules pour les césures indiquent qu’elles correspondent à une pause phono-sémantique, donc à une ponctuation, dans la notation française (RAPPEL : les textes latins ne présentaient pas à l’origine, de signes discriminants de ponctuation : les lecteurs ponctuaient leur texte, avant lecture publique, pour les arrêts d’émission. D’où la fréquence en latin de liens de coordination ou conjonction, qui sont susceptibles alors d’être transposés/traduits par une… ponctuation !)

dsdsdt, tPh                 177

   dd, a

dsssds, tPh

   dd, l                          180

dsddds, Th

   dd, a

dsdddt, ph

   ds, a

dsssds, th                   185

   ds, l

dddsds, th

   ds, a

ddssdt, tPh

   ds, l                         190

dddddt, tH

   sd, a

dsssds, ph

   ds, l

dsssds, tPh                195

   dd, a

dddddt, ph

   ds, a

dddsds, P

   ss, l                          200

ssssds, tpH

   sd, l

dsdddt, tH

   ds, a

dssddt, Tp                  205

   ss, a

sddsds, th

   sd, l

dssddt, p

   ds, l  avec QU(E)     210

dsssdt, tP

   ds, a

ddssds, PH

dd, l

sddsds, p                   215

ss, l

ssdsds, tph

   sd, l  avec QU(E)

dsssdt, tp avec deux élisions

   ds, l                         220

dsssdt, P

   sd, a

sssddt, P

   ds, a

ddsddt, FACIT(O)       225     DANA/EIA=5 pieds, les 3 derniers=dactyle 5ème!

   dd, a

dddsds, tPh

ds, a

 

Mot-à-mot

ECCE CAESAR PARAT ADDERE  Voici que César se prépare à ajouter QUOD DEFUIT ORBI DOMITO ce qui a manqué au monde dompté. NUNC, ULTIME ORIENS, Maintenant, extrémité de l’Orient ERIS NOSTER tu seras nôtre. PARTHE, DABIS POENAS Parthe, tu seras puni. GAUDETE, CRASSI SEPULTI Réjouissez-vous, les Crassus enterrés SIGNAQUE NON BENE PASSA et les enseignes n’ayant pas bien supporté MANUS BARBARICAS les mains +des+ barbares. 180 ULTOR ADEST Votre vengeur est là QUE IN PRIMIS ANNIS, (et) dans ses premières années PROFITETUR DUCEM il se montre clairement chef QUE PUER TRACTAT BELLA et, enfant, il mène des guerres NON AGENDA PUERO qu’un enfant ne doit pas faire. PARCITE TIMIDI Epargnez-vous, gens de peu (de courage), NUMERARE NATALES DEORUM de compter les jours de naissance des Dieux .VIRTUS CONTIGIT CAESARIBUS Le courage a échu aux Césars ANTE DIEM avant l’âge. INGENIUM CAELESTE SURGIT leur génie céleste se révèle VELOCIUS SUIS ANNIS plus rapidement que leurs années ET FERT MALE et +sup+porte mal DAMPNA MORAE IGNAVAE les dommages de l’attente improductive. ERAT PARVUS, TIRYNTHIUS Il était petit, le Tirynthien, QUE MANIBUS PRESSIT DUOS ANGUES , de ses +propres+ mains il a étouffé deux serpents ET IN CUNIS ERAT JAM DIGNUS JOVE et dans le berceau il était déjà digne de Jupiter ; QUI ES NUNC QUOQUE PUER Toi qui es maintenant aussi un enfant , BACCHE QUANTUS FUISTI TUM Bacchus, comme tu as été grand alors CUM INDIA VICTA TIMUIT TUOS THYRSOS lorsque l’Inde vaincue a craint tes thyrses .190 PUER MOVEBIS ARMA Enfant, tu bougeras les armes AUSPICIIS ANIMISQUE PATRIS sous les auspices et avec l’esprit de ton père ET VINCES ANIMIS AUSPICIISQUE PATRIS et tu vaincras avec l’esprit et sous les auspices de ton père. SUB TANTO NOMINE Sous un si grand nom DEBES TALE RUDIMENTUM tu es destiné à un tel début, NUNC PRINCEPS JUVENUM aujourd’hui prince de la Jeunesse, DEINDE FUTURE SENUM appelé ensuite à l’être des vieillards ; CUM FRATRES SUNT TIBI Puisque des frères sont à toi, ULCISCERE FRATRES LAESOS venge tes frères blessés QUE CUM PATER SIT TIBI et puisqu’un père est à toi, TUERE JURA PATRIS protège les droits de ton père. GENITOR PATRIAEQUE TUUSQUE Le père et de la patrie et le tien TIBI INDUIT ARMA t’a fait revêtir tes armes .HOSTIS RAPIT REGNA L’ennemi arrache le pouvoir A(B) PARENTE INVITO à son père malgré lui. TU FERES TELA PIA Toi, tu porteras des armes justes, ILLE SAGITTAS SCELERATAS  celui-là, des flèches criminelles ; JUSQUE PIUMQUE STABIT le droit et la justice se tiendront PRO TUIS SIGNIS devant tes enseignes 200. PARTHI VINCUNTUR CAUSA Les parthes sont vaincus par leur +propre+ cause, VINCANTUR ET ARMIS, qu’ils soient aussi vaincus par les armes . MEUS DUX ADDAT LATIO Que mon héros apporte au Latium OPES EOAS les richesses orientales . MARSQUE PATER CAESARQUE PATER Mars ainsi que César, nos protecteurs, DATE NUMEN EUNTI donnez votre esprit divin au partant ! ENAM ALTER E VOBIS ES DEUS En effet, l’un  de vous est Dieu ALTER ERIS l’autre le sera. EN AUGUROR, VINCES Oui, je le présage, tu vaincras QUE REDDAM CARMINA VOTIVA, (et) je composerai en retour des vers que je promets par mon voeu ET ERIS SONANDUS NOBIS et je devrai te célébrer ORE MAGNO d’une bouche éloquente. CONSISTES QUE HORTABERE Tu t’avanceras et tu exhorteras EACIEM MEIS VERBIS la troupe avec les mots que j’aurai imaginés. O NE MEA VERBA NE DESINT Ah ! Que mes paroles ne soient pas inférieures TUIS ANIMIS à ton courage ! DICAM QUE TERGA PARTHORUM J’évoquerai et le dos des Parthes QUE PECTORA ROMANORUM et la poitrine des Romains QUE TELA QUAE HOSTIS JACIT et les traits que l’ennemi lance AB AVERSO EQUO depuis l’arrière de son cheval 210. QUI FUGIS UT VINCAS, PARTHE Toi qui fuis pour vaincre, Parthe QUID RELINQUIS VICTO que laisses-tu au vaincu ? PARTHE MARS TUUS Parthe, Mars qui t’est cher HABET JAM NUNC MALUM OMEN a désormais maintenant un mauvais présage + à ton encontre +. ERIT ERGO ILLA DIES Il y aura donc ce fameux jour QUA TU, PULCHERRIME RERUM où toi, le plus beau des êtres, AUREUS IBIS IN QUATTUOR EQUIS NIVEIS couvert d’or, tu iras sur quatre chevaux blancs +comme neige+. IBUNT ANTE DUCES Iront devant +toi+ des généraux ONERATI COLLA CATENIS chargés quant à leur cou de chaînes NE POSSINT ESSE TUTI pour qu’ils ne puissent être protégés FUGA, QUA PRIUS par la fuite, par laquelle +ils l’étaient+ auparavant ; SPECTABUNT JUVENES LAETI Regarderont des jeunes hommes joyeux QUE PUELLAE MIXTAE et des jeunes filles pêle-mêle. ISTA DIES DIFFUNDET OMNIBUS ANIMOS Ce jour, le tien, dilatera en tous le coeur ATQUE CUM ALIQUA EX ILLIS et lorsque l’une d’elles  QUAERET NOMINA REGUM demandera le nom des rois, QUA LOCA quels endroits QUI MONTES , quelles montagnes QUAEVE AQUAE FERANTUR et quelles rivières sont +re+présentées, 220 RESPONDE OMNIA, donne toutes les réponses NEC TANTUM SIQUA ROGABIT et pas seulement si l’une demande(ra) ET REFER QUAE NESCIERIS et rapporte ce que tu ignores(ras) UT BENE NOTA comme bien connu . HIC EST EUPHRATES Ceci est l’Euphrate, PRAECINCTUS FRONTEM HARUNDINE ceint quant à son front de roseaux ; CUI DEPENDET COMA CAERULA celui qui porte une chevelure azurée  ERIT TIGRIS +c’+est le Tigre. FACITO HOS ARMENIOS Fais de ceux-ci des Arméniens , HAEC EST PERSIS DANAEIA Celle-ci est la Perse +de la famille+ de Danaé ;ISTA FUIT URBS IN VALLIBUS AECHAEMENIIS Ceci fut une ville dans les vallées des Achéménides ; ILLE VEL ILLE DUCES Celui-ci ou un autre +étaient+ des généraux ;  ET NOMINA QUAE DICAS et les noms que tu diras ERUNT VERE SI POTERIS existeront réellement si tu le peux , SI MINUS TAMEN APTA si +tu peux+ moins, cependant vraisemblables .

Mot-à-mot commenté

ECCE CAESAR PARAT ADDERE  Voici que César se prépare à ajouter (ECCE présentatif , césures trihémimère et penthémimère avec pause phono-sémantique après CAESAR, 5 dentales : le désir d’emphase est très net, avec l’opposition sémantique ADDERE/DEESSE) QUOD DEFUIT ORBI DOMITO ce qui a manqué au monde dompté/ antérieurement vaincu (DOMO AS ARE UI ITUM ; DEFUI de DESUM : le sens aspectuel des PERFECTUM est perceptible ici : résultat présent d’une action passée). NUNC, ULTIME ORIENS, Maintenant, extrémité de l’Orient (ULTIMUS fonctionne comme SUMMA RBOR, le sommet de l’arbre ; la géographie ne cherche pas ici l’exactitude : l’Inde est connue, cf. v. 190) ERIS NOSTER tu seras nôtre (le voussoiement serait plus impressionnant, mais le raccourci est de toute façon saisissant…). PARTHE, DABIS POENAS Parthe, tu seras puni (PARTHE :singulier collectif; POENA est la peine à laquelle on est puni pour équilibrer son propre forfait, donc un juste retour des choses – ou de bâton) GAUDETE , CRASSI SEPULTI Réjouissez-vous, les Crassus enterrés (ou : «les deux Crassus», ou «Crassus père et fils» ? Tout ceci un raccourci  certes, mais globalement exact : le fils Crassus est mort lors de la bataille de Carrhes en -53, et son père l’a suivi de peu, tué lors d’une entrevue après sa défaite, avec le général Suréna ; le pluriel est donc pertinent, même si le SEPULTI peut sembler optimiste : on peut imaginer que les débris de l’armée de Crassus ont inhumé le corps du fils de leur IMPERATOR, nonobstant les affres de leur défaite ; la destinée de celui de Crassus est moins sûre, puisque sa tête a été remise au roi des Parthes… Pour plus de détails, pour une fois, Wikipedia …) SIGNAQUE NON BENE PASSA et les enseignes n’ayant pas bien supporté/qui ont souffert pour leur plus grand malheur  (la litote est ici évidente ; PATIOR, déponent, d’où le COD en synecdoque qui suit) MANUS BARBARICAS les mains +des+ barbares/leur prise par les barbares 180 ULTOR ADEST Votre vengeur est là (présent) QUE IN PRIMIS ANNIS (et) dans ses premières années (sa prime jeunesse ?) PROFITETUR DUCEM il se montre clairement chef (PROFITEOR ME +acc=se donner comme, les différents –QUE permettent la coordination attendue) QUE PUER TRACTAT BELLA et, enfant, il mène des guerres NON AGENDA PUERO qu’un enfant ne doit pas faire (datif d’agent avec un adjectif verbal d’obligation ; l’expression est ramassée, mais la visée évidente : Caius est un surdoué (EIP ?)) PARCITE TIMIDI Epargnez-vous, gens de peu (de courage), (=les esprits critiques ou sceptiques, ainsi dépréciés : la courtisanerie bat son plein ici, cf. MUTATIS MUTANDIS en 2009 dans notre RES PUBLICA) NUMERARE NATALES DEORUM de compter les jours de naissance des Dieux .VIRTUS CONTIGIT CAESARIBUS Le courage a échu aux Césars (l’aspect PERFECTUM  de CONTINGO est très net ; traduire VIRTUS par courage semble réducteur. C’est ce qui fait qu’un homme (VIR) est digne de l’être) ANTE DIEM avant l’âge (métaphore) INGENIUM CAELESTE SURGIT leur génie céleste se révèle (SURGO, IS SURREXI SURRECTUM par ex. pour l’astre du jour : la métaphore se file…) VELOCIUS SUIS ANNIS plus rapidement que leurs années (ablatif complément d’un comparatif, qui d’adverbe, pourrait être une apposition à INGENIUM ; mais le sens reste clair) ET FERT MALE et +sup+porte mal DAMPNA MORAE IGNAVAE les dommages/injures du temps/de l’attente improductive  (=symptôme de l’hyperactivité…) ERAT PARVUS, TIRYNTHIUS Il était petit, le Tirynthien (Y=prononcé [ü] à l’oral ; Hercule aurait été élevé dans cette forteresse d’Argolide, aux murailles cyclopéennes) QUE MANIBUS PRESSIT DUOS ANGUES , de ses +propres+ mains il a étouffé deux serpents (PREMO IS PRESSI, QUE traduit par une virgule) ET IN CUNIS ERAT JAM DIGNUS JOVE et dans le berceau il était déjà digne de Jupiter (JOVE abl. de JUPITER ; en fait, digne fils de son père ; CUNAE ARUM, pl. à cause des bandelettes de fermeture ; «dans… + déjà» donnerait en bon français : «dès le berceau» sans exprimer l’adverbe) ; QUI ES NUNC QUOQUE PUER Toi qui es maintenant aussi un enfant (Ovide insiste beaucoup sur ce point, car c’est là où le bât blesse : une telle responsabilité à cet âge n’est conforme ni au MOS MAJORUM ni à la fiction du CURSUS HONORUM républicain, conservé dans les mots…) BACCHE QUANTUS FUISTI TUM Bacchus, comme tu as été grand alors (QUANTUS=appréciation quantitative) CUM INDIA VICTA TIMUIT TUOS THYRSOS lorsque l’Inde vaincue a craint tes thyrses (TIMEO, cf. TIMIDI supra ; le Thyrse, bâton (couronné de feuilles de lierre ou de vigne) de Bacchus ; ils permettent aux femmes, devenues Ménades, des Bacchantes d’Euripide de déchirer Penthée leur fils, frère, époux ; ici aussi au pluriel car les adeptes de… Dionysos en grec, lui-même toujours en compagnie, arborent fièrement ce symbole de leur… en-thousiasme ! ou pl. emphatisant ?) 190  PUER MOVEBIS ARMA Enfant, tu bougeras les armes (=mettre l’armée en branle-bas de combat) AUSPICIIS ANIMISQUE PATRIS sous les auspices et avec l’esprit de ton père (pl. pour ANIMUS, effet sonore + emphase) ET VINCES ANIMIS AUSPICIISQUE PATRIS et tu vaincras avec l’esprit et sous les auspices de ton père SUB TANTO NOMINE Sous un si grand nom (l’insistance devient lassante…) DEBES TALE RUDIMENTUM tu es destiné à un tel début (en poésie, DEBEO, être destiné ; les rudiments d’un apprentissage sont ses commencements, cf. érudit, on est sorti de la rudesse !) NUNC PRINCEPS JUVENUM maintenant/aujourd’hui prince de la Jeunesse (=Gén. Pl.= prince… des Jeunes), DEINDE FUTURE SENUM (ensuite) appelé à l’être des vieillards (FUTURUS=participe futur de SUM ESSE, au vocatif sg ; appelé pour éviter la répétition de : destiné ; SENEX au gén. Pl.) CUM FRATRES SUNT TIBI Puisque des frères sont à toi (=tu as des frères), ULCISCERE FRATRES LAESOS venge tes frères blessés (ULCISCOR, déponent,  impératif ; LAEDO au participe passé passif=la blessure de…, cf. lésion) QUE CUM PATER SIT TIBI et puisqu’un père est à toi, TUERE JURA PATRIS protège les droits de ton père (TUEOR, voir, considérer, d’où protéger). GENITOR PATRIAEQUE TUUSQUE Le père et de la patrie et le tien (jeu d’expansion : un C.N. et un déterminant, en polysyndète, et formule très frappante : GENITOR) TIBI INDUIT ARMA t’a fait revêtir tes armes .HOSTIS RAPIT REGNA L’ennemi arrache le pouvoir  (REGNUM au pl. concret, traduit par un sg abstrait) A(B) PARENTE INVITO à son père malgré lui (à son corps défendant). TU FERES TELA PIA Toi, tu porteras des armes justes («pies» serait trop archaïque ; TELUM est l’arme que l’on lance ; ainsi le jet du PILUM, avant le corps à corps avec le court GLADIUS, ce à quoi se refuse la tactique Parthe)  ILLE SAGITTAS SCELERATAS , celui-là, des flèches criminelles (ILLE très distancié, donc méprisant… et en rapport avec la technique du combat . Les deux expressions en parallèle sont en opposition sémantique et syllabique !) ; JUSQUE PIUMQUE STABIT le droit et la justice se tiendront (accord en latin avec le plus rapproché ; PIUS=adjectif substantivé, traduit par un mot abstrait en français) PRO TUIS SIGNIS devant tes enseignes (les SIGNA sont vitaux pour les manipules : ils indiquent les actions à opérer, par-dessus la poussière dégagée par les mouvements spasmodiques des mourants (L’AQUILA, l’aigle, est l’emblème de la légion elle-même), les cavaliers suivent les indications du VEXILLUM (fanion) ; Les trompettes, quant à elles, réussissent à couvrir de leur stridence les hurlements des agonisants…) 200. PARTHI VINCUNTUR CAUSA Les parthes sont vaincus par leur +propre+ cause (indicatif du fait objectif), VINCANTUR ET ARMIS , qu’ils soient aussi vaincus par les armes (opposition très forte ; ET=adverbe ici !) MEUS DUX ADDAT LATIO Que mon héros apporte au Latium (COIS) OPES EOAS les richesses orientales (superbe disjonction, avec la rapacité – assumée- des conquérants, en fin de vers !). MARSQUE PATER CAESARQUE PATER Mars ainsi que César, nos protecteurs (QUE… QUE=polysyndète ; «protecteurs»: pour éviter l’anachronique : notre Père, au pl. pour éviter la répétition ; Bornecque opte pour «Dieu» ; le père du fondateur de Rome est bien le père des Romains, et Auguste prend sa suite, comme refondateur/restaurateur de la puissance romaine ; le registre est de toute façon religieux, cf. NUMEN et la répétition, figure privilégiée de la prière), DATE NUMEN EUNTI donnez votre esprit divin au partant (IENS EUNTIS, participe présent substantivé, comme en grec, du verbe EO IRE ; le NUMEN est la volonté exprimée par la divinité par le truchement d’un signe de tête ; plus précisément, elle donne son accord au destin ! Ici, il y a demande de transfert des uns à l’autre ainsi virtuellement divinisé ; nous avons préféré rajouter : «divin», car le terme «esprit» aurait une connotation trop chrétienne)+ NAM ALTER E VOBIS ES DEUS En effet, l’un  de vous est Dieu (perte en français de la 2ème sg) ALTER ERIS l’autre le sera (idem ; cette apothéose inévitable aura lieu après la mort d’Auguste ; ici, le compliment est à double tranchant, puisqu’Ovide envisage, sans sourciller, la disparition de celui à qui il s’adresse. On peut douter que ce dernier en soit absolument charmé, nonobstant sa VIRTUS affichée!). EN AUGUROR, VINCES Oui, je le présage, tu vaincras (déponent) QUE REDDAM CARMINA VOTIVA , je composerai en retour des vers que je promets par mon voeu (traduction développée, car le texte est si concis qu’il en deviendrait obscur, sans cela) ET ERIS SONANDUS NOBIS et je devrai te célébrer (<tu devras être chanté par nous : datif d’intérêt avec adjectif verbal d’obligation=c. d’agent : MIHI COLENDA EST VIRTUS ; nous avons transformé le «nous» de l’auteur en «je», par souci de clarté : le texte est suffisamment ramassé ainsi) ORE MAGNO d’une bouche éloquente (grandi…loquente ? > avec éloquence, non sans grandeur ?). CONSISTES QUE HORTABERE Tu t’avanceras et tu exhorteras (exercice incontournable, avant la bataille, de l’IMPERATOR face à la troupe, d’où le CONSISTES ) ACIEM MEIS VERBIS la troupe avec les (mes) mots +que j’aurai imaginés+(Ovide se projette dans sa création encore virtuelle : Caius y tiendra bien son discours, avec les mots d’Ovide) O NE MEA VERBA NE DESINT Ah ! Que mes paroles ne soient pas inférieures (O serait mal venu ! DEESSE + datif : manquer à) TUIS ANIMIS à ton courage (pl. emphatisant). DICAM QUE TERGA PARTHORUM Je dirai/j’évoquerai et le dos des Parthes (opposition classique ! lâcheté # virilité) QUE PECTORA ROMANORUM et la poitrine des Romains (en aparté : ces derniers n’ont pas le choix ; leur devant est cuirassé, l’arrière est en cuir ! Toute armée romaine qui se débande est condamnée, cf. la bataille de Philippes, un carnage fratricide) QUE TELA QUAE HOSTIS JACIT et les traits que l’ennemi lance AB AVERSO EQUO depuis l’arrière de son cheval (souplesse bien connue des Parthes, cavaliers émérites !) 210. QUI FUGIS UT VINCAS, PARTHE, Toi qui fuis pour vaincre, Parthe QUID RELINQUIS VICTO que laisses-tu au vaincu ? (l’expression est encore à double tranchant : certes, vaincu, le Parthe aura donc moins que rien mais la défaite peut tout aussi bien concerner le Romain… Par souci de clarté, ne vaut-il pas mieux traduire par : que te reste-t-il quand tu es vaincu ?) PARTHE MARS TUUS Parthe, Mars qui t’est cher (=syncrétisme !) HABET JAM NUNC MALUM OMEN a désormais maintenant un mauvais présage + à ton encontre+ (présage négatif eût été trop moderne). ERIT ERGO ILLA DIES Il y aura donc ce fameux jour (car ce mot est souligné : ILLA, inversion du sujet, césure p.) QUA TU, PULCHERRIME RERUM où toi, le plus beau des êtres, («choses» serait très mal venu !) AUREUS IBIS IN QUATTUOR EQUIS NIVEIS en/couvert d’or, tu iras sur quatre chevaux blancs +comme neige+ (AUREUS, car revêtu de la TUNICA PALMATA, de pourpre brodée d’or, et de la TOGA PICTA, idem , les souliers étant dorés ; tout ce passage relève du témoignage ethnographique). IBUNT ANTE DUCES Iront devant +toi+ des chefs/généraux ONERATI COLLA CATENIS chargés quant à leur cou de chaînes (=le cou chargé de… ; CATENA a donné cadenas ! COLLA nt pl. ; acc. de relation, comme en grec) NE POSSINT ESSE TUTI pour qu’ils ne puissent être protégés (TUEOR, cf. tuteur) FUGA, QUA PRIUS par la fuite, par laquelle +ils l’étaient+ auparavant (l’ellipse est claire !) ; SPECTABUNT JUVENES LAETI Regarderont des jeunes hommes joyeux QUE PUELLAE MIXTAE et des jeunes filles pêle-mêle (si, syntaxiquement, les adjectifs sont distribués, chacun d’eux est en facteur commun pour chaque nom !=de joyeux groupes de j. h. et j. f.). ISTA DIES DIFFUNDET OMNIBUS ANIMOS Ce jour, le tien, dilatera en tous le coeur (là où le latin est collectif par le pluriel, le français est distributif !) ATQUE CUM ALIQUA EX ILLIS et lorsque l’une d’elles (ALIQUA et non QUAE – avec si, nisi, ne num, cum, an ut, ubi, quo, quando !) car le CUM est placé derrière, nous sommes en poésie, les règles syntaxiques sont  toujours à respecter … en thème !) QUAERET NOMINA REGUM  s’enquerra du nom des rois, (après avoir admiré le butin rapporté, non mentionné, car, curieusement, tout ceci est en hystéron-protéron : d’abord a été évoqué le triomphateur lui-même, précédé  ensuite des généraux vaincus chargés de chaînes comme de juste, pour finir par ce qui défilait en premier, en une plus longue présentation du défilé, le v. 217 évoquant les spectateurs. Un deuxième hysteron-proteron : les REGUM suivent en fait les représentations symboliques du pays, des fleuves, des villes ; tout ceci précédait celles des chefs ennemis, lorsqu’ils ne figuraient pas dans le triomphe, auquel cas ils précédaient immédiatement, comme nous l’avons dit, l’IMPERATOR vainqueur=celui qui détient légalement le JUS IMPERII ; ainsi l’empereur Claude eut-il droit au triomphe 27 fois sans jamais avoir combattu : ses généraux se contentant de l’OVATIO) QUA LOCA quels endroits (anacoluthe : COD à l’acc., puis interrogatives indirectes en accumulation) QUI MONTES , quelles montagnes (relief particulièrement remarquable) QUAEVE AQUAE FERANTUR et quelles rivières sont +re+présentées (-VE=coordination d’interrogatifs ), 220 RESPONDE OMNIA, donne toutes les réponses (OMNIA se réfère à l’énumération précédente) NEC TANTUM SIQUA ROGABIT (et) pas seulement si l’une demande(ra) (cf. QUAERET futur ; QUA, cf. règle supra. =«sans attendre ses questions») ET REFER QUAE NESCIERIS et rapporte ce que tu ignores(ras) (futur attendu en latin ! EA inutile) UT BENE NOTA comme bien connu (NOSCO ERE NOVI NOTUM). HIC EST EUPHRATES Ceci est l’Euphrate (=Voici…) PRAECINCTUS FRONTEM HARUNDINE ceint quant à son front de roseaux (=«avec une couronne de roseaux» ; HARUNDINE : sg du matériau) ; CUI DEPENDET COMA CAERULA celui qui porte une chevelure azurée (< à qui est suspendue… ; cf. comète=chevelue !) ERIT TIGRIS +c’+est le Tigre (toujours le futur dans cette description virtuelle). FACITO HOS ARMENIOS Fais de ceux-ci des Arméniens (impératif futur !), HAEC EST PERSIS DANAEIA celle-ci est la Perse ,+de la famille+ de Danaé (présent : le texte est performatif !) ; ISTA FUIT URBS IN VALLIBUS AECHAEMENIIS Ceci fut une ville dans les vallées des Achéménides (parfait=ville détruite par la conquête ?) ; ILLE VEL ILLE DUCES Celui-ci ou un autre +étaient+ des généraux ;  ET NOMINA QUAE DICAS et les noms que tu diras (>utiliseras ; futur en fr. pour le subjonctif potentiel latin) ERUNT VERE SI POTERIS existeront réellement/en réalité si tu le peux (futur par concordance des temps) SI MINUS TAMEN APTA si +tu peux+ moins, néanmoins vraisemblables (< adaptés, sinon).

Commentaires

Un texte en mouvement

Une ARS LAUDATORIA déconcertante

Un témoignage ethnographico-historique

Ce passage clôt la quête (REPERIRE LABORA, v. 35) de l’aimée (QUOD AMARE VELIS, id.) dans la sphère publique, après les portique, forum, théâtre, naumachie ; Ovide passera ensuite à la sphère privée (selon l’opposition classique PUBLICUS/PRIVATUS), avec CONVIVIA MENSIS POSITIS, au v. 229. De fait, après l’émotion, voire l’enthousiasme de la victoire escomptée (avec un clin d’œil à Bacchus) et l’ivresse du triomphe (DIFFUNDET ANIMOS) dans ce passage, nous retrouverons, au banquet, Bacchus et Amour de concert (232), VINA PARANT ANIMOS etc.

1) Ce texte est en diptyque : il évoque une juste vengeance, puis un triomphe, une procession dont le centre, le héros, se transforme, le temps de la cérémonie, en dieu (thème commun à ces deux volets), avec la montée au Capitole, par la VIA SACRA ; Ces deux mouvements s’opèrent dans ce passage par le plan : d’abord  La Victoire sur les Parthes (PARTHE, en encadrement, à l’initiale des v. 179 et 212) avec le portrait moral d’un responsable providentiel, puis la conséquence attendue (ERGO, 213), son triomphe .

·      La victoire elle-même suit une démarche sûre : elle est imminente (ECCE en début de 177), présente comme l’indiquent le NUNC, repris au début du v. 194, et le temps du verbe PARAT ; le futur la confirmera (ERIS en fin de vers, DABIS, avec, en encadrement le DEINDE FUTURE SENUM en 194). Elle est juste : DABIS POENAS, à la césure penthémimère, ULTOR en début de 181. Comme attendu, les dieux sont avec les romains : la thématique divine est annoncée par DEORUM en fin de vers 183, et préfigure celui de l’apothéose ultérieure. La VIRTUS est ce que les hommes et les dieux ont en commun. Même si les Césars sont prédestinés, (VELOCIUS), leur INGENIUM est CAELESTE . L’évocation d’Hercule permet le passage de l’héroïsme à la divinité : JOVE (187-188) ; vient ensuite BACCHUS. Le thème de la guerre juste est repris : ULCISCERE, JURA TUERE , aussi bien pour venger son Père (par adoption, de petit-fils à fils) que la Patrie (le rapprochement n’est pas anodin vu le titre de PATER PATRIAE obtenu par Auguste, l’année précédente), avec l’opposition PIA TELA et SCELERATAS SAGITTAS, au final attendu : JUS PIUMQUE avec le SIGNA du début de 180 repris par SIGNIS en 200, tous ces échos participant au mouvement du texte. On retrouve la thématique divine : MARS (203), et le champ sémantique du religieux est ici prégnant : DEUS (204), AUGUROR, début du v. 205, VOTIVA. Tout se passe ensuite (205 et 212) entre l’interpellatif EN et le conclusif ERGO, en articulation dans ce diptyque, comme si la parole d’Ovide (ORE, MEIS VERBIS, MEA VERBA en polyptote, DICAM en fin de vers) permettait le combat (ACIEM), la victoire (TERGA versus PECTORA), VICTO : on passe ainsi, par le truchement de DICAM (209), du discours qu’en bon poète-historien Ovide fera tenir à son héros dans une œuvre future, dont il a la coquetterie de nous rédiger en fait quelques vers (CARMINA REDDAM, ce dernier renvoyant étymologiquement au ADDERE du début du v. 118 ! MAGNO NOBIS ORE SONANDUS) à la réalité de la bataille elle-même : un présent d’expérience, le JACIT dans la relative permet ce saut puisque nous passons de FUGIS à RELINQUIS en fin  de vers : la victoire est totale, comme le soulignent les gutturales du v. 211 en allitération : Qui fuGis vinCas, Quid viCto, parthe, relinQuis, ce qui conforte le jeu des voyelles : Une telle question réduit l’adversaire à QUIA. Les armes cèdent alors à… l’absence de réponse possible. Le vers suivant, en un nouveau retournement, transforme cette transition en présage, heureux pour le lecteur/auditeur romain censé prendre connaissance de l’œuvre au moment même de sa production (IAM NUNC), avec ses 7 labiales ! L’OMEN, dans le droit fil du NUMEN du vers 203, après l’INGENIUM de 185, annonce - car un MALUM pour le Parthe est un BONUM pour le romain - le triomphe qui va nous être «projeté»…

·      Ce passage nous a brossé le portrait du jeune Caius : un ULTOR et pour éviter toute raillerie ou critique mal venue, Ovide aborde de front ce qui fâche, car chacun sait que Caius n’a pas légalement l’âge de l’emploi, tant s’en faut ; il ne se contente pas de promettre, PROFITETUR (la disjonction entre PRIMIS, à côte de DUCEM d’ailleurs, et ANNIS transforme ce facteur dirimant en argument positif) : il tient, il est efficace : TRACTAT, ce que souligne l’harmonie en A du vers, son âge étant minimisé par les voyelles fermées. Surviennent en antiphrase (rupture brutale par passage à l’impératif, place du verbe, disjonction NATALES… DEORUM) les TIMIDI (il n’en est pas, sous-entendu : lui fait partie des FORTES). Une qualité, de famille : sa VIRTUS, encadrée des césures tp ; n’ayons garde d’oublier son INGENIUM en début de v. 185, CAELESTE pour faire bonne mesure, avec césure t et penthémimère trochaïque, surenchéri par le vivifiant SURGIT en début de 186, une épiphanie, la fin du vers lui-même servant de repoussoir efficace. Derrière l’adjectif DIGNUS (188) se cache la DIGNITAS, qui fait partie des qualités intrinsèques des membres de la NOBILITAS. Oui, il est grand, QUANTUS (189), parangon des dieux, digne fils de son père (191-192), grand lui aussi (TANTO HOMINE, 193). Son titre ? PRINCEPS JUVENUM (en 5) et derrière le FUTURE (PRINCEPS donc) SENUM se cache le pouvoir auquel est destiné Caius : celui du PRINCEPS SENATUS . les notions les plus sacrées sont convoquées : JURA, implicitement la JUSTITIA (188), PIA, donc la PIETAS avec la fusion des deux JUS PIUM en 200 . ADDAT en 202 clôt ce portrait extrêmement laudatif par un encadrement – on retrouvera souvent cette figure qui induit un mouvement en boucle : ADDERE, déjà cité en 178 ; ceci emboîte d’ailleurs SIGNA en 180 (ceux de la défaite passée) et SIGNIS en 200 (ceux de la victoire); Nous n’irons pas jusqu’à y voir une outrance volontaire dans le cadre de la cacozelia latens : l’hyperbole filée n’est pas ici satirique, nous semble-t-il [par expérience actuelle : la défense éhontée, par la majorité élue en 2007, de promotions indues montrent que de telles flagorneries peuvent être proclamées, assumées publiquement, au vu et au su de tous les citoyens, en toute impudeur, au moins pendant un certain temps]. De fait, les Parthes sont vaincus par leur cause (celle d’un parricide, v. 198-199 au présent) mais aussi par la CAUSA qui se développe de 181 à 190, comme justification : un vengeur jeune, dans la tradition des Dieux; nous avons en effet VICTA en 190, VINCUNTUR au début de 201 ; de plus, tous les verbes du passage sont à l’indicatif objectif du raisonnement. De 191 à 200 : une guerre juste (car LAESOS, JURA) et pieuse (AUSPICIIS, PIUS) ; ceci est confirmé lexicalement par la succession ARMA en 191, ARMA en 197, ARMIS en 201 (donc encadrement !), avec les futurs/impératifs qui se terminent par un souhait très ferme, vu le verbe ainsi répété et sa place, en début de phrase ; VINCANTUR ET ARMIS conclut 191 à 200. La cohérence de l’ensemble est obtenue aussi par la référence à 3 des 4 vertus d’Auguste que récapitulait le CLIPEUS VIRTUTIS (http://www.ac-orleans-tours.fr/lang_anciennes/arapacis/arapacaug6bis.htm ), reçu au moment où le Sénat, en -27, lui donnait le titre d’Auguste (et d’IMPERATOR pour 10 ans !) : JUSTITIA (179, 181, 182 - BELLA AGENDA, 195, 196, 200), VIRTUS (180 : PROMITETUR DUCEM, TRACTAT BELLA, 182, présent et fréquentatif, donc efficience ! le mot lui-même en 184, un adjectif qui lui est antonyme et dénié : IGNAVAE, etc.), CLEMENTIA (absente car elle ne peut être de mise : Crassi et enseignes, donc l’armée romaine, frères, père, Patrie, tous doivent recevoir leur juste part ; en contrepartie de cette guerre juste, le Peuple recevra sa récompense : LATIO… OPES en 202 ; ce qui ne va pas sans justifier le triomphe ensuite : la cohérence du texte est extrême PIETAS (cf. 199-200, par ex.) ERGO DEOS (cf. le champ lexical de la divinité dans ce passage, 183, 185, 187, 188,189, 190, 191, 192,198, 200) PATRIAMQUE (des occurrences multiples de la racine indo-européenne *pat- ici). Si la VIRTUS, individuelle, renvoyant à la valeur personnelle, se doit d’être limitée par le respect à l’égard des Dieux et de la Patrie, le souci trop rigoureux de la Justice se voit atténué par la Clémence. Cette dernière est en creux dans le second volet de ce diptyque : les chefs sont chargés de chaînes certes, mais vivants alors que les Crassus sont bel et bien morts et enterrés, et ils sont ainsi soumis pour rester, et non disparaître FUGA (et le TUTI ? La fuite leur permettrait-elle de survivre au lieu de risquer l’élimination physique, comme Vercingétorix ? Que non pas ! Il faut leur interdire la fuite, car c’est elle qui leur permet de vaincre, cf. début de 211. Au reste, s’ils sont assassinés – ce qui ne serait pas conforme à la coutume du temps, selon la tradition historiographique romaine - pourquoi s’enquérir de leur identité, cf. 227, comme de celle des rois, en 219 ?): ils sont bien là, ILLE VEL ILLE DUCES (227), terme  encore à la césure p du vers, avec une pause plus marquée dans le second vers ; ainsi ce deuxième ensemble se trouve-t-il encadré ; Dûment vaincus sur le champ de bataille (cf. 212),  une telle rencontre ne peut relever de la coïncidence fortuite…

·     Sa promotion à cette responsabilité militaire, nonobstant donc son nombre d’années, prouve en fait sa valeur, imposée d’emblée en passant par le truchement d’Auguste  qui se doit de compléter (vu le DEFUIT), parachever, ADDERE en début de vers 178, ce qui manque à son œuvre déjà réalisée : DOMITO (ce type d’argument est connu, en «népotie» !)! Le résultat, malgré le paradoxe assumé : NUNC… ERIS, est probant : NOSTER et s’étend(ra) aux confins : ORIENS ULTIME. Caius est le DUCEM, réitéré à l’envi dans le cadre d’une propagande augustéenne assumée, cf. TUIS SIGNIS en 200, DUX MEUS en 202 où le possessif n’est pas anodin, puis son comportement traditionnel, avec les deux verbes du v. 207 : CONSISTES, ACIEM… HORTABERE. Ovide conclut sur son objectif : PARTHORUM, avec l’obsession de la flèche (cf. déjà SAGITTAS en 199) devenue proverbiale, PARTHE, d’autant plus interpelé directement qu’il y a au v. 211 trois verbes à la deuxième personne, derechef, en début de v. 212, la même apostrophe. Ceci permet le passage du général au particulier car Ovide avait commencé par son rôle : BELLA AGENDA, en 182 avec un pluriel emphatisant puisque la situation est loin de relever de cette multiplication. Mais c’est l’homme prédestiné à ce type de situation : PROFITETUR , nous dirions, par anachronisme, de par ses gènes : CAESARIBUS… CONTIGIT : Il ne relève pas des contingences temporelles du VULGUM PECUS : ANTE DIEM en fin de vers. Son essence est divine : CAELESTE en 185, ce que confirment les épisodes les plus connus des vies d’Hercule et Bacchus. On passe naturellement de la cause : ARMA MOVEBIS à l’effet quasi immédiat, vu le chiasme : VINCES en début de proposition.  Le vocabulaire guerrier, martial est de mise : LAESOS en fin de v. 195, INDUIT ARMA, en début de 192, derechef avec le v. à l’initiale, HOSTIS RAPIT au v. suivant ; TELA… SAGITTAS, STABIT à l’initiale, PRO SIGNIS, le verbe VINCERE à maintes reprises, ARMIS, DUX, CONSISTES, ACIEM HORTABERE, TERGE…PECTORA, TELA JACIT HOSTIS, FUGIS avec le conclusif TUUS MARS . Caius a bien reçu un IMPERIUM en Orient (cf. 178) : les effets d’écho en encadrement sont constants.

·      Le triomphe en lui-même implique que le bénéficiaire ait satisfait aux conditions requises par le Sénat : magistrat avec IMPERIUM MAJUS, ce que démontre le vocabulaire militaire du passage étudié  (DUX, AUSPICIIS ARMA MOVEBIS, PRO SIGNIS TUIS, en 200, CONSISTES, ACIEM HORTABERE. Il n’est pas gratuit que le nom du dieu Mars apparaisse juste avant l’évocation en paraphrase du triomphe puisque le cortège se formait au Champ de Mars, en dehors du POMOERIUM, l’enceinte sacrée de Rome où il n’y avait ni armes ni morts) ; autres conditions : une victoire décisive, ce qu’atteste le NOSTER du v. 178, concluant une guerre étrangère : ORIENS ULTIME, PARTHE (5 fois entre 177 et 212), BARBARICAS ; le butin doit être conséquent (cette condition, sans être formellement posée, reste incontournable !), ce qu’annonce le jussif ADDAT avec EOAS… OPES comme déposées en offrande en fin de v. 202, comme elles ont été amassées sur le champ de Mars, avant la procession ; la richesse du butin fait d’ailleurs partie des conditions suffisantes pour un triomphe … C’est donc en toute logique (ERGO) que la fête est célébrée, avec emphase : ILLA, PULCHERRIME. Le futur ajoute au mouvement :(ERIT – vers 213 aux liquides remarquables, IBIS/IBUNT en répétition, le second en début de vers comme SPECTABUNT, DIFFUNDET, puis QUAERET, ROGABIT en fin de vers) ainsi que les impératifs RESPONDE en césure penthémimère+pause, REFER en fin de 212, pour contraindre la réalité à se plier à ce désir. Les divers points de vue participent à la vivacité de ce spectacle : le quadrige sacralisant, en mouvement comme les DUCES, malgré le paralysant ONERATI… CATENIS, vu leur FUGA impossible, un clin d’œil ironique en fin de vers 217. La foule des jeunes, nonobstant le regard qu’elle porte (SPECTABUNT), est entraînée, LAETI, MIXTAE, DIFFUNDET ANIMOS, avec un encadrement partiel, vu la répétition du terme DIES entre 213 et 218, et l’interpellation personnelle avec l’IMPERATOR en gloire (AUREUS) : TU en 213, ISTA en 217. Au reste, cette parole directe est aux antipodes de ce que devrait entendre le triomphateur : au lieu des propos traditionnels en cette occurrence pour rabattre son orgueil, il est ici mis au pinacle : ILLA DIES, emphatique, PULCHERRIME RERUM, hyperbolique, OMNIBUS. Mais c’est pour laisser place, après le spectacle qu’il donne, au commentaire, à la parole d’abord indirecte, entre le séducteur et celle qu’il désire (une inconnue : ALIQUA EX ILLIS, qui demande des NOMINA REGUM, supposés connus, qui s’avèreront plausibles en fin de dialogue (cf. 227 !) ; les questions multipliées sont instantes (QUAE, QUI,  QUAEVE) . On passe ensuite dans la même phrase au conseil direct : RESPONDE, pour donner libre cours au propos lui-même : HIC EST ; on est même aux bords de l’Euphrate : la représentation (cf. HIC) est le réel : EUPHRATES (notons l’humour du déplacement géographique) avec les deux présents EST (223-225 ) encadrant en chiasme 3 futurs, dont un impératif. Ce présent est d’autant plus tangible (ISTA) qu’il s’appuie sur un passé en fin de v. 226 : FUIT… Une phrase nominale présente les DUCES, en exergue final. Ou le triomphe s’éloigne-t-il après avoir déroulé sous nos yeux sa beauté (cf. PULCHERRIME), sa prodigalité (DUCES, JUVENES, PUELLAE, ANIMOS OMNIBUS, REGUM, puis la triade LOCA, MONTIS, AQUAE du v. 220, ARMENIOS, DUCES), ses couleurs (NIVEIS, AUREUS, cf. HARUNDINE: en contraste: CAERULA), car tout s’estompe : opposition HIC/HOS en début de vers, HAEC, puis ISTA, ensuite, ILLE VEL ILLE pour finir, en concision, par l’anaphore de SI, en un dernier vers laconique.

2) Une ARS LAUDATORIA…

·      dans le cadre d'une ARS AMATORIA: Les propos fort flatteurs tenus sur Caius ont été annoncés dès les premiers vers de notre ouvrage (cf. l’extrait v. 1 – 40), l'INCIPIT lui-même : les échos sont évidents puisque, dans les deux cas, l’enfance est convoquée (cf. PUER), avec un renversement de perspective pour la plus grande gloire de Caius : dans le premier texte, Achille, l’incarnation du soldat, a dû et su se plier à la volonté de son MAGISTER pour s’accomplir; dans le second passage, Caius n’a pas besoin d’un formateur, ses origines lui suffisent. A chacun selon ses capacités : Ovide se veut le vengeur, ULTOR, des blessures amoureuses qu’il a lui-même subies, Caius sera celui du peuple romain, le contraste entre les deux enjeux dégage encore mieux la stature du second. Le jeu de balancement accentuant le rapprochement entre Mars et Auguste (203-204), nous l’avons déjà rencontré pour Achille et l’Amour, au v. 18. Plus fort encore : Ovide s’apprêtait à chanter un amour licite (30-34), il se dit ici prêt pour la composition d’une victoire, ô combien légitime (205-210). Le VATI PERITO du v. 29 annonçait donc le courtisan, maintenant peu sûr de son art (cf. 208), mais c’est dû à la grandeur de son... sujet ! Formé par l’Amour, Ovide pouvait s’imposer ; en face de la gloire de Caius, même le plus brillant ne peut qu’espérer ne pas trop déchoir. De plus, le même jeu de rupture dans l’énonciation se retrouve dans les deux textes : une montée dans les deux cas (avec multiplication des sujets-référents différents), l’une vers l’affirmation de la dignité de l’œuvre, l’autre vers l’instauration d’un triomphe, pour ensuite, apostropher, sans un introducteur quelconque, le disciple néophyte : LABORA dans le premier, RESPONDE dans le second.

·      Pour paraphraser le v. 1, Ovide pratique ici l’ARS LAUDANDI, ses distiques élégiaques fleurent le panégyrique: notre poète commence, à tout seigneur tout honneur, par César (déjà mentionné en fin de vers 175 pour sa naumachie de l’année précédente - combats navals donnés dans la naumachia Augusti, construite sur la rive droite du Tibre, une mention précise qui permet de dater exactement le texte e, -1), avec le présentatif ECCE en début de vers, suivi d’un verbe inattendu, donc en anacoluthe, la tournure cicéronienne classique aurait induit en ses lieu et place, immédiatement, le nominatif CAESAR (lui-même encadré des césures tp). L’efficacité de ce dernier est d’ailleurs indubitable, puisque le DOMITO (avec césure h) est au PERFECTUM comme si la seule évocation du COGNOMEN avait suffi pour obtenir ce résultat définitivement acquis. Il n’est pas jusqu’au jeu des voyelles qui n’y participe : EccE pArAt cAesAr ; le ULTOR (justifié après le rageur DABIS POENAS pour CRASSI et SIGNA, avec les attaques initiales en labiale en 180) ADEST du début du vers 181, qui partage le même préfixe que le rejet ADDERE du début de 178, est en facteur commun pour Auguste et son petit-fils, qui, au prix d’une rupture assumée, voire réclamée vu la répétition (PRIMIS, PUERO à la césure p, PUER en fin de vers), par le truchement d’un pluriel transitionnel en début de vers (CAESARIBUS) est mis en exergue.  Il y a en fait confirmation, via Caius, qui n’est pas nommé en tant que tel mais chacun connaît sa promotion inespérée, ce en dépit de la règle, confirmation, disions-nous, du GENIUS familial : aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années (PRIMIS, PUER, PUERO, NATALES, ANTE DIEM, ANNIS, et toute la suite, à l’envi !). Nous assistons même, avant la lettre et un vote du Sénat, à son apothéose, de DUCEM (181) à IN-GENIUM (cf. sa racine !) CAELESTE en début de 185 en passant par DEORUM, fin 183, pour finir par ses prédécesseurs divins dont il a suivi l’EXEMPLUM : PARVUS… TIRYNTHIUS, PUER, BACCHE. Tous transcendent en fait le temps : ERAT, NUNC ES, FUISTI, MOVEBIS, le passage sans rupture entre la deuxième personne adressée à Dionysos et celle à Caius renforce leur rapprochement. Notons l’emphase de la structure binaire, dupliquée en inversion, des vers 191-192 : AUSPICIIS ANIMISQUE, au pluriel valorisant. Son avenir politique est bien sûr tout tracé : FUTURE PRINCEPS SENUM. Des esprits chagrins dénonceront la maladresse du procédé puisque ceci implique la mort d’Auguste, d’aucuns y verront même un souhait discret. Mais ceci n’a rien qui puisse blesser la personne concernée : les Romains n’ont pas nos pruderies pusillanimes, la survie après la mort, les Champs-Elysées, sont destinés à ceux qui laissent un nom sur terre (cf. les épitaphes, les dédicaces sur le fronton des temples), et Octave-Auguste fait tout pour cela (cf. ses RES GESTAE)… Après avoir ressassé le terme Père, Ovide le remplace par GENITOR… PATRIAE ; non sans cohérence d’ailleurs, vu les FRATRES du v. 195: les Romains sont aussi fils d’Auguste, conformément à la logique… familiale ! En digne descendant d’Enée, via JULIUS-Ascagne interposé,  l’adjectif PIA se trouve à côté du TU. Plus fort même qu’Enée (cf. OPES), qui n’a amené dans le Latium, de l’Orient, que les frustes lares et Pénates de Troie, et le primitif Palladium, un xoanon d’Athéna/Minerve. Mars, via Rémus et Romulus, est bien père de romains (cf. le terme ULTOR, affecté au temple de Mars érigé en la mémoire de Jules César !) et Caesar-Auguste devient, comme Mars, sous le calame d’Ovide, donateur de la volonté divine (NUMEN). Ce que ce compliment pourrait avoir d’outré est justifié par : un balancement rhétorique, entre le présent (ES) et le futur (ERIS), l’égalité proclamée par le DEUS en facteur commun et l’alternative (ALTER… ALTER) en fait inclusive. Ovide, emporté par la grandeur de son sujet (EN), s’arroge un JUS AUGURII : il se disait bien VATES au v. 29, il devient étymologiquement ADVOCATUS de Caius, NOBIS, CUM GRANO SALIS : il n’est pas question de lui dicter ses paroles, mais, comme historien-poète, de lui faire tenir, MEIS, dans une œuvre future, des propos VERBIS dignes de son courage : TUIS ANIMIS, à l’instar des ANIMIS PATRIS des vers déjà mentionnés ; la flatterie se veut subtile : d’abord VINCES (d’où les vers, CARMINA de célébration dont il fait le vœu, VOTIVA pour appuyer la réalisation de ce futur, en une démarche apotropaïque), puis, en hystéron-protéron, la harangue aux troupes avant le combat, en deux verbes donnant tout son prestige à cette CONTIO : HORTABERE. Modeste, le poète passe de MAGNO (vu l’ampleur du sujet) ORE au simple possessif : MEA, MEIS ; la double négation : DESINT … NE souligne, avec l’interjection initiale O, son simple rôle de porte-parole. Il compte ensuite décrire (DICAM) la bataille : le courage des romains, avec concision puisque deux mots suffisent (ROMANA PECTORA), la lâcheté proverbiale des Parthes (cf. infra, les contrastes), à deux reprises en début de v. : TERGA, TELA. Certes, ces paroles sont performatives, et Ovide préfigure la défaite ennemie, mais elle est d’autant plus sûre maintenant, IAM NUNC, que le Mars de Caius, implicite dans le TUUS empreint de syncrétisme religieux, a, lui, en conclusion sous-entendue un OMEN BONUM.

·     Ce que confirmera, le doute n’est pas permis (ERGO), son triomphe. La louange peut paraître trop poussée (PULCHERRIME RERUM), mais Caius apparaît en gloire (cf. sifflantes finales du v. 214), revêtu de la TOGA PICTA (AUREUS), et le quadrige jupitérien avec ses chevaux blancs, en un élargissement du spectacle, lui au centre, en premier, puis ses prisonniers, puis la foule, à chaque fois en distique. Au reste, il n’est pas nécessaire de le nommer, sinon par la périphrase hyperbolique précitée. Ce n’est le cas ni des rois prisonniers ni des conquêtes accomplies, qui forment OMNIA, au-delà même de ce qui peut être demandé. On frôle ici l'indicible, voire l'ineffable pour rester poétique, mais sans passer la limite, puisque le séducteur peut trouver les dénominations ! D'ailleurs, il n’est pas niable que Caius a tout conquis, peu importe les détails, DE MINIMIS NON CURAT PRAETOR ! (Les frontières de l'Empire, à la mort de Trajan, en 117, s'étendront jusqu'au Golfe Persique). La part est faite à l'exotisme: EUPHRATES, TIGRIS, et Ovide envisage sans broncher (encore une flagornerie) la conquête de l'empire Parthe; mais ce n'est pas un stratège, car c'est loin d'être le but d'Auguste qui, via des états-tampons comme l'Arménie, se contente pendant tout son principat d'un statu quo sur sa frontière orientale (Ceci est confirmé par le résultat historique de l'expédition de Caius: il rencontre en -1 le nouveau roi des Parthes, Phraatace et renouvele avec lui l'accord entre l'Empire et ce royaume, cf. 3, les REALIA)... Après les Parthes, l'Arménie, ARMENIOS, un royaume qui fait partie du pré carré romain... auquel s'ajoute la Perse, PERSIS, cette mention à ce royaume, grosso modo remplacé par celui des Parthes à l'époque d'Ovide, étant renforcée par l'allusion aux Achéménides, ACHAEMENIIS . Que conclure de ces deux anachronismes? Caius, un nouvel Alexandre? Ce dernier a conquis l'empire perse des Achéménides, et a atteint l'Indus (ce qui nous renvoie aussi au v. 190, tout se tient chez Ovide, sous des dehors de nonchaloir amusé!)  Connaître le nom des chefs est inutile : rien ne dit qu’ils vont être exécutés dans la prison Mamertime (par CLEMENTIA? La vertu dont nous avions constaté l'absence dans l'évocation du CLIPEUS VIRTUTIS d'Auguste!); quoi qu'il en soit, ils n’auront plus aucun rôle ! Seul reste Caius, par élimination…car s’il y a encadrement par les DUCES (215-227), on entre dans le cortège (pour ne pas dire la théorie!), et l’on en ressort par une pirouette qui implique un compliment puisque, si le nom des généraux est probable, celui de Caius, non dit lui aussi, est indubitable…

·     Déconcertante: Ainsi, l’auteur pratique l’accentuation des contrastes pour mieux faire ressortir, par un jeu d’ombres et de lumière, combien les romains sont essentiellement différents, et supérieurs à leur adversaire Parthe ; Le texte surprend par ses oppositions fortement soulignées : il y a là le principe esthétique du haut-relief (cf. les représentations triomphales conservées), où le creux dégage la forme; passons sur les antonymies plus ou moins perceptibles: DEFUIT # ADDERE, DABIS POENAS # GAUDETE, NON PUERO # PUER ; plus subtils : TIMIDI versus CAESARIBUS VIRTUS, la litote : FERT MALE, IN CUNIS # JOVE DIGNUS, PUER # QUANTUS ; le jeu entre verbes d’état pléthoriques et verbes de mouvement, rares mais très marqués : SURGIT en début de 186, INDUIT ARMA GENITOR (qu’il soit au perfectum ou au présent !) en début de 197, HOSTIS… REGNA…RAPIT en fin de 198 (+ le terme - péjoratif pour un romain - REG-NA); SUB TANTO NOMINE bien connu (193) # la kyrielle implicite des NOMINA REGUM (219) ; notons le surenchérissement : JUVENUM… SENUM, conforté par NUNC # DEINDE en 194, voire la répétition, accentuant le ressentiment : FRATRES # FRATRES LAESOS ou la contrainte morale au v. suivant: JURA TUERE, l’incompatibilité absolue des personnes et des adjectifs en 199: PIA # SCELERATAS, TU # ILLE, cf. en 201, indicatif VINCUNTUR # subjonctif de souhait VINCANTUR ; NE… DESINT et son effet paradoxalement positif, TERGA # PECTORA en 209, en 211 : INFECTUM actif VINCAS # PERFECTUM passif VICTO, l’opposition entre le mouvement et le regard qui le suit : IBUNT # SPECTABUNT, LAETI JUVENES MIXTAEQUE PUELLAE, en répartition trompeuse, unifiés en OMNIBUS, NESCIERIS # BENE NOTA, EST # ERIT ; avec, en queue de cortège l’adverbe de concession, TAMEN.

·     Les différentes personnes introduites par le texte sont, elles aussi, très variées et frappent le lecteur : les sujets sont en kaléidoscope ; d’abord, Auguste, pour, sans transition, interpeler brutalement l’Orient dont les confins sont ainsi anthropomorphisés. Un seul individu incarne son peuple, lui aussi apostrophé, PARTHE, rupture saisissante : l’Ennemi … puis, immédiatement après, en passant du futur à l’impératif, par une asyndète brutale, pour mieux bouleverser l’auditeur/lecteur romain par le rappel de la défaite honteuse, les Crassus, et leurs enseignes perdues, elles aussi personnifiées car éprouvant un fort ressentiment : NON BENE PASSA. Ceci amène naturellement la présentation objective de l’ULTOR. Le passage rebondit, toujours en distiques asyndétiques, sur un impératif adressé aux lecteurs pusillanimes : PARCITE TIMIDI. Caius ne revient qu’indirectement, d’abord par CAESARIBUS, ensuite par le truchement d'lNGENIUM CAELESTE . Une digression mythologique, avec Hercule désigné par une épithète d’origine, obscure, Tirynthius, énigme immédiatement résolue par le ANGUES final : l’anecdote est trop connue. Derechef, une interpellation : ES PUER, qui apostrophe Bacchus en conquérant de l’Inde, un événement prémonitoire pour l’expédition que doit diriger Caius, souligné par une interrogative, si l’on en croit la ponctuation de Bornecque, plutôt une exclamative, cf. sa traduction. Ovide s’adresse alors directement, enfin ! au héros lui-même, avant son  heure ; son efficacité est telle qu’à peine a-t-il mis son armée en branle, la victoire s’ensuit immédiatement, avec d’autant moins de laps de temps que les deux verbes sont coordonnés : MOVEBIS ET VINCES . Admirons les prémices (TALE RUDIMENTUM), d’un futur PRINCEPS SEN(AT)US/M. Les ordres fusent : ULCISCERE, TUERE, puis le futur, TU FERES. La passion emporte le texte, avec un subjonctif d’ordre pour les Parthes: VINCANTUR, puis pour Caius, ADDAT, devenu le chef du soldat Ovide, DUX MEUS. MARS est tenu d’intervenir, à égalité avec Auguste, à l’impératif, DATE. Ce dernier rejoindra par conséquent, NAM, l'une des divinités tutélaires de Rome, tous les deux sont là, dans le texte : VOBIS. Le AUGUROR, une première personne comme en dialogue interne ici,  ne surprend pas (l’émetteur a été annoncé par le MEUS du v. 202), Ovide proclame sa créativité poétique : CARMINA REDDAM, en une répartition des rôles : les dieux donnent le NUMEN, lui le CARMEN, les Parthes auront un MALUM OMEN… le NOBIS empreint de (fausse) modestie prend la parole : ORE, MEIS VERBIS, MEA VERBA. On a l’impression même qu’au v. 209, c’est Ovide qui prend la parole et qui fait l’EXHORTATIO (ou ORATIO) avant le combat : 211-212. Les situations d’élocution sont donc multiples, elles ont permises la montée hyperbolique des compliments, son acmé étant, après une dernière adresse aux Parthes, le PULCHERRIME RERUM en 213, pour le triomphe de Caius au v. 214. Rien n’y manque : les chefs prisonniers, la foule en liesse, enthousiaste (cf. Bacchus !) : DIFFUNDET ANIMOS; les questions naïvement posées par une jeune fille rendent à fortiori, par delà les conseils instants donnés à l’amoureux: RESPONDE, REFER - encore une variation dans l’énonciation car nous changeons en permanence de récepteur - visibles les conquêtes (militaires!) du vainqueur. Il nous est difficile d’y voir de la dérision : le poète indique clairement que l’important n’est pas ici la désignation exacte (ERIT, le pompeux FACITO, avec preuve à l’appui : HARUNDINE, CAERULA) ou probable (APTA), mais la réalité rendue visible par les tableaux qui font partie traditionnellement du cortège, non par souci ethnographique, mais pour la plus grande gloire de Rome; des prisonniers ne jouent-ils pas un rôle ? Ne les a-t-on pas déguisés, cf. DANAEIA ; tout ceci défile sous nos yeux : HIC, HOS, HAEC puis ISTA, pour finir ILLE VEL ILLE DUCES qui, ramenant aux DUCES de 215, permettent de remettre à sa place attendue dans le cortège, CAIUS qui n’a jamais été explicitement mentionné ; en 221, l’impératif a permis, en rupture, puisque le cadre de l’énonciation varie constamment, de revenir au néophyte auquelsont destinés les deux premiers livres de l’ARS AMATORIA…

3) La prise en compte des réalités du temps, les REALIA :

·   Ovide cherche à capter l’attention de son lecteur – car les propos sont des lieux communs de la propagande impériale : Rien de plus usé – nous n’irons pas jusqu’à dire éculé – en - 1 que la divinisation de la GENS JULIA ! Faut-il le rappeler ?  en 42, Octave est devenu Caius Julius CAESAR Divi filius imperator, il prend le titre d’AUGUSTUS en -27, il reçoit la puissance tribunicienne à vie en – 23 ; en -19, il accepte le pouvoir consulaire à vie ; en -17, les jeux séculaires : la purification de Rome et le retour de l’âge d’or ; Auguste, toujours formellement respectueux de la tradition, attend la mort de Lépide en -12 pour prendre le titre de PONTIFEX MAXIMUS; en -7, réorganisation du culte des LARES AUGUSTALES ; en -2, le 5 février - Auguste reçoit du peuple romain et du Sénat le titre de Pater Patriae, Père de la Patrie, ce qui en fait symboliquement le second fondateur de Rome (il est nommé consul pour la XIIIe fois…) ; la même année,  1er août - Dédicace du Temple de Mars Ultor sur son Forum. Ovide varie donc ses expressions.

v    Passons sur les disjonctions, un des effets attendus de la rythmique, ce dès le début : DOMITO… ORBI (en fin de vers), pour les conquêtes augustéennes, SIGNA… PASSA , BARBARICAS… MANUS, PRIMIS… ANNIS, BELLA… AGENDA etc.

v    Plus subtile, l’impression d’une réalité omniprésente vu les temps, voire omnipotente (incontournable comme celle d’un dieu ?), obtenue par les différentes occurrences de ESSE : DEFUIT (177), ERIS (178), ADEST, 181, ERAT, 187, 188, ES, FUISTI, 189, SINT, 195, SIT, 196, ES, ERIS, 204, ERIS, 206, DESINT, 208, ERIT, 213, ESSE, 216, EST, 223, ERIT, 224, EST, 225, ERUNT, 227.

v   L’intérêt est capté aussi par la succession des apostrophés : leur hétérogénéité est séduisante (cf. SUPRA): l’Orient, le(s) Parthe(s), les Crassus et leurs enseignes, les TIMIDI, Bacchus, Caius de 191 à 202, Mars, Auguste, Ovide avec la première personne, le(s) Parthe(s) ; l’accumulation se ralentit nettement pour le triomphe, mais, loin de l’amoindrir, c’est pour mieux en jouir et le contempler : Caius et, pour terminer, le lecteur en mal de formation (221) ; en fait, les exemples accumulés renvoient directement et précisément au défilé, qui semble ainsi se dérouler sous nos yeux. D’aucuns en font une dépréciation, car ce serait par trop trivial : Le triomphe de Caius, derrière lequel se profile Auguste, serait ravalé si c’est l’occasion de mieux faire sa cour, compter fleurette… flirter ! Mais justement, l’anecdotique donne sa crédibilité, sa réalité à l’historique. Au reste, que faire sans Caius ? Ni triomphe, ni triomphe de l’amour ! Et Ovide de donner à cette cérémonie, on ne peut plus convenue et parfaitement organisée dans ses moindres détails, un aspect vivant, concret, pour mieux nous y faire adhérer, y participer : DIFFUNDET ANIMOS OMNIBUS. Comme dans Les Fastes, Ovide lie ici respect de la tradition dans ses détails les plus infimes – car la représentation des conquêtes n’est pas ce dont on garde le plus l’image, il faut creuser le Daremberg et Saglio pour vérifier ! – et incarnation de cette dernière dans la vie de tout un chacun … La tradition est sauvée, sans être figée !

v    Les inversions du sujet sont fréquentes : elles mettent en valeur l’action elle-même : la victoire, car c’est bien dans la nature d’un JULIUS que de réussir et ceci corrobore l’ascendance divine de cette GENS, cf. PARAT CAESAR, TRACTAT PUER (fin de v.182), TIMUIT INDIA (190), INDUIT GENITOR (197), STABIT JUS PIUMQUE (200), le triomphe, qui est l’effet de la victoire, IBUNT DUCES (215), SPECTABUNT JUVENES PUELLAEQUE (217), DIFFUNDET… ISTA DIES (218), FERANTUR AQUAE (220), ERUNT … NOMINA (227) ; Ovide termine ainsi sur un clin d’œil complice : des paroles sont supposées avoir été prononcées en ADLOCUTIO au v. 202 par Caius, et lui-même clôt son compliment par une dernière flatterie. La victoire qu’il a dite (cf. NOMINA) existera elle aussi, si nous paraphrasons le vers 227.

v    Toute une série de tournures souligne combien la lignée césarienne est exceptionnelle (cf. ARS LAUDANDI, SUPRA), ce qui permet d’avaliser le passe-droit dont bénéficie Caius et la forme est en adéquation avec le fond : ADDERE QUOD DEFUIT, comme pour parachever, cf. INFECTUM # PERFECTUM, l’expression ORIENS ULTIME, en oxymore, voire en adynaton puisque ce dernier adjectif serait plus pertinent pour l’Occident, NOSTER ERIS, divine surprise (pour citer Maurras (sic !) !) que corrobore l’inattendu NUNC avec un  futur, cf. employé avec un présent: 189, 194, 212 ; retenons l’antinomique : GAUDETE SEPULTI, l’anthropomorphisation des enseignes, SIGNA PASSA, avec la litote : NON BENE ; les DIES NATALES n’ont pas à être pris en compte alors que ceci est primordial pour un romain… Le vers 182 est une preuve d’élection, les Césars sont hors du champ de notre banale humanité : ANTE DIEM et la dépassent par trop : VELOCIUS ; encore une litote : FERT MALE. On remonte même à la toute petite enfance : IN CUNIS, on passe à l’hyperbole : les Parthes ne représentent plus les confins, puisque le texte mentionne INDIA VICTA… Mais Caius n’est pas une préfiguration de Picrochole, il s’agit d’un rapprochement… très laudatif, cf. Alexandre. Une adéquation quasi naturelle : TALE… TANTO, comme l’impliquent les balancements réguliers : NUNC… DEINDE, JUVENUM… SENUM, FRATRES… FRATRES, PATRIS… PATER. Ovide fait passer la rupture par rapport à la légalité pour la norme (comme quoi, à notre époque, NIHIL NOVI SUB SOLE), en toute suffisance flagorneuse. Le PATER PATRIAE en devient le GENITOR (cf. VENUS GENITRIX chère à Jules César). On n’échappe pas à l’insistance, cf. 203, confirmée par 204. Le désir de faire sa cour va si loin qu’Ovide n’échappe à la maladresse (Caius aurait besoin de son éloquence, MAGNO ORE !) qu’en évoquant la harangue que tout IMPERATOR se doit de prononcer avant le combat, devant le front des troupes… en 211, l’expression se veut ramassée, pour mieux marquer l’incompatibilité entre les deux puissances. Le succès obtenu, le triomphe s’impose, sans complexité stylistique, nonobstant, plus loin, les réponses à l’absence de questions : NEC TANTUM SIQUA ROGABIT : le séducteur, comme le poète, a réponse à tout, sous l’obédience du chef : ERUNT, 227. Les termes exotiques abondent : EUPHRATES, TIGRIS, ARMENIOS, DANAEIA PERSIS, ACHAEMENIIS.  Face à ce qui dépasse nos connaissances - ou notre entendement! - il faut tendre , si on le peut, à la vérité, dans le cas contraire, viser la vraisemblance… Une forme atténuée d’AUREA MEDIOCRITAS. L’entreprise n’est pas si facile, vu l’anacoluthe : ERUNT… VERE… APTA. C’est que, après le dépassement du triomphe, suite à la victoire, nous revenons à des considérations plus terre-à-terre, à notre portée humaine. Cf. CONVIVIA MENSIS ensuite !

·     L’insertion dans le réel du temps est totale (au rebours de l’affirmation de vérité générale dont tout ARS digne de ce nom se prétend, de par son titre, le vecteur ) : ainsi, le vers 212 n’est pas gratuit : le MARS du PARTHE convoque implicitement le Mars d’Auguste qui est le MARS ULTOR, dont le temple vient d’être dédicacé, l’année précédente, sur le FORUM AUGUSTI. Et où, en -2, sont déposées les enseignes prises par les Parthes...  Ce thème de la vengeance, donc de la guerre juste, a été amené de loin : DABIS POENAS. Les deux Crassus sont bien morts, le fils lors de la défaite de Carrhae en -53, le père lors d’une entrevue ensuite avec le général Suréna, il est juste de venger leurs Mânes. Certes, les Parthes ont rendu les aigles prises lors de cette bataille (et pas uniquement celles-ci: celles aussi perdues par Antoine lors d'une confrontation ultérieure; notons que, vu les relations entre Octave-Auguste et Antoine, il eût été de très mauvais goût, voire dangereux, pour Ovide - ses lamentations en exil prouvent son besoin essentiel de rester au centre du monde! - de transformer Caius en vengeur... d'Antoine!). de toute façon, c’était une simple victoire diplomatique ; facteur aggravant : ceci avait eu lieu suite à une démonstration militaire impressionnante de Tibère, qui n’est pas, au moment de notre texte, dans la faveur d’Auguste, après son exil volontaire à Rhodes ; Ovide n’évoque pas non plus la restitution des captifs survivants : rappeler la pacification des rapports entre les deux puissances ne semble plus de mise, place à la propagande belliciste. Simple effet d'annonce d'ailleurs, vu le résultat objectif de l'action de Caius... Donc confier un imperium en Orient au jeune Caius César permettra d’obtenir une victoire tangible, en digne rejeton, même si rien n’est moins sûr. Notons qu’Ovide est ici très tranchant, sans nulle ambiguïté, et il nous paraîtrait artificiel, nonobstant la Cacozelia latens, d’y voir une critique : le ressassement de la jeunesse doit désarmer toute critique, justement : nous avons vu ceci sous nos propres cieux et souvent les meilleurs amis rendent les pires services, par pure servilité; De toute façon, ce sera un échec : blessé en Arménie, Caius mourra en +4, deux ans après cet autre prince de la jeunesse qu’a été son frère, Lucius, puisque tous deux avaient été salués de ce titre par les chevaliers. Cette tragédie conduira Auguste à adopter son beau-fils Tibère, lui-même adoptant le neveu d’Auguste, Germanicus, fils de Drusus (Tibère se souviendra-t-il de cet oubli par Ovide de son exploit en le laissant mourir à Tomes (en 17) après la mort d’Auguste en +14?) Vengeance, avons-nous écrit plus haut? ULTOR en début de v. 181, DUCEM, car présenté au Sénat en -5 à 15 ans, CAIUS fut désigné pour le consulat 5 ans à l’avance; cet irrespect du MOS MAJORUM n’est pas balayé d’un mot. Trace de vieilles réticences républicaines ? Il faut 4 vers (183-186) pour la théorie, 4 vers (187-190) pour la pratique, les références mythologiques qui servent de justification. Elles sont loin d’être gratuites : Marc-Antoine prétendait descendre d’Hercule, Ovide réintègre, par cet EXEMPLUM, ce héros dans l’obédience césarienne. Il n’est pas de reste avec Bacchus : (cf. Daremberg et Saglio) Pompée imita le triomphe de ce dieu en triomphant dans un char traîné par des éléphants. C'est aussi, qui plus est, un clin d’œil de fin courtisan : César fit rentrer à Rome les fêtes orgiastiques en l'honneur de Bacchus ou Liber, si longtemps proscrites, en les rapportant d'Arménie (sic !) avec des rites propres à ce pays. Pour finir, vu que le BACCHUS grec, par syncrétisme, se fusionne avec le LIBER PATER, on est moins surpris de la reprise de ce dernier terme, immédiatement au distique suivant ; Le PATRIS renvoie aussi au fait qu’Auguste a adopté Caius, comme son frère LUCIUS, en -17, en tant que fils d’Agrippa (lui-même de la génération d’Auguste) et de la fille de ce dernier, Julie. Les AUSPICIIS d’AUGUSTE sont bien multiples, vu ses titres d’IMPERATOR, et Ovide souligne l’importance de son NOMEN (NOMINE, cf. HOMINE, NUMINE, voire OMINE). Le terme JUVENUM (repris en 217) PRINCEPS renvoie aussi à celui de PRINCEPS SENATUS, le premier à opiner au Sénat, titre reçu par le futur (à un an près) Auguste en -28. Oubliées, les guerres fratricides, intestines qui ont déchiré la vieille république romaine au 1er siècle ! Ceci fait place, conformément à l’idéologie promue par Auguste, à une grande famille, une FAMILIA. L’ennemi est parricide  (comme l’a été BRUTUS !) et lâche. Le titre de César s’adresse bien à Auguste, puisque Jules César a déjà eu droit à son apothéose via le mois de juillet et le titre de DIVUS en -45, et Auguste, via celui d’août, aura droit à sa proclamation comme dieu en -14 (cf. CONSECRATIO). Ovide n’a pas besoin de forcer son talent prémonitoire, et ces vers 202-3 n’ont rien de choquant ni de forcé : Auguste, dans les provinces orientales, se voit rendre un culte dans des temples qui lui sont consacrés, en compagnie de la déesse Rome, et à condition qu’aucun romain n’y participe. Encore plus fort : Il ne put empêcher que dans les chapelles domestiques ne lui fussent élevés des autels. De plus, il avait rétabli les Compitalia (fêtes des Lares des carrefours, fête paysanne avec consommation de vin, fête chère aux affranchis) et réparé les chapelles consacrées aux Lares des carrefours. Or, à leur nombre de deux fut rajouté un troisième, le génie d'Auguste, GENIUS AUGUSTI (cf. 195) et l'ensemble prit le nom de LARES AUGUSTI. Ainsi, du vivant même d'Auguste, son génie, associé aux dieux Lares, reçut à Rome un culte solennel, sans être promu dieu. La suite est conforme à la restauration nationale : Horace a écrit un CARMEN SAECULARE pour les jeux séculaires, l’instauration du siècle d’or augustéen, Ovide rédigera, il en fait le vœu : VOTIVA, des CARMINA, pour la victoire de Caius. Les traditions sont scrupuleusement respectées : ADLOCUTIO, le courage du chef (TUIS ANIMIS), donc celui de ses soldats (PECTORA), la lâcheté des Parthes (TERGA), le tout sous la vindicte des dieux, surtout MARS à l’encontre des ennemis : MALUM OMEN, car les guerres romaines, en attestent les fétiaux, sont justes. Tout comme le triomphe, l’apothéose de l’IMPERATOR (d’où la nécessité que CAIUS le soit sans conteste, cf. premier volet de notre diptyque). La gloire de Caius (indubitable : AUREUS, QUATTUOR EQUIS NIVEIS) serait-elle entachée par son manque de mansuétude à l’égard des vaincus, ONERATI COLLA ? VAE VICTIS ? Que non pas : il faut les empêcher d’utiliser leur subterfuge favori, la fuite (FUGA en fin de v.), un des poncifs, et de ce passage, et des historiens latins, au point que la flèche de Parthe a pris force de proverbe (cf. SAGITTAS, 199, TELLA, 210). Leur exécution (cf. Vercingétorix) n’est pas évoquée… Apparemment, ce final tragique est peu usité dès la fin de la République. Au reste, leur destin ultérieur (cf. 227, comme pour clore le cortège) importe peu à un romain (les hauts responsables étant exécutés, le cas échéant, avant même que la cérémonie fût terminée !) ; seule compte la pompe triomphale, et notre regard se focalise sur ce qu’elle a de plus surprenant : autant la présence des «corps constitués» et du butin est évidente, donc non exposée, autant celle des TITULUS mentionnant les noms, comme des étiquettes, est un clin d’œil à ce qu’écrit l’auteur. Au reste, leur utilité, dans une telle foule, était relative (est-ce la raison pour laquelle la PUELLA n’arrive pas à les décrypter, NOMINA QUARET ?), au rebours des représentations des LOCA, MONTIS, AQUAE. aussi bien par tableaux que par statues interposées, de 223 à 226 : AQUAE : EUPHRATES, TIGRIS ; les peuplades : ARMENIOS cf. PERSIS ; LOCA : URBS. Admirons l’effet d’emboîtement ici, nonobstant le désordre apparent (incarnant l’abondance, OPES, dont doit faire montre tout triomphe digne de ce nom ?) : il s’agit pour le jeune séducteur de présenter des présentations, le tout permettant à Ovide de nous représenter le triomphe… escompté ! Voilà qui témoigne de sa virtuosité technique ! Oui, ceci est bien APTA, VERE, s’il le peut, et nous renvoie à son assertion du début, au v. 30 : VERA CANAM, il est, ce texte l’atteste, un VATES PERITUS… ce qui n'étonnera pas les lecteurs de l'élégie érotique romaine de Paul Veyne...

Ainsi, les paroles dans cet extrait sont performatrices: la fiction de la victoire devient une réalité avec le jeu «à venir/présent»…Ensuite, le triomphe est une projection, mais si précise que ce futur assuré devient tangible, grâce à la recherche raffinée dans les effets esthétiques. Paradoxalement, ironie de la réussite, le processus de séduction en sort affaibli. Mais c'est pour mieux reprendre ensuite...