Vignette
de 1753
Cette vignette est intéressante
à plus d’un titre :
(Mais, toi qui entres ici,
abandonne toute pudeur. Ou va ailleurs !)
Elle évoque
les
Aventures de Télémaque de Fénelon (faites vos recherches vous-même, béotien(ne) ;
sinon, ce précepteur du dauphin a écrit un roman mythologique pour évoquer Télémaque
en quête de son père pour le ramener à se femme qui fait tapisserie, Pénélope.
Il s’agit en fait d’un roman de formation car ainsi, le jeune home découvre
le monde grec, ses dieux et ses coutumes, ainsi que les différents types de
gouvernement, et leurs qualités/défauts, ce qui ne peut manquer d’être
utile à son royal lecteur). Comme d’habitude, l’habillage anecdotique est
loin d’occulter le message qui est donc patent : sur les conseils de son
accompagnateur, Mentor, le fils d’Ulysse en quête de son père, quitte une
aventure pour revenir à la recherche vertueuse de son géniteur. Mais ceci
s’avère une relecture par Prévost, via la vignette, de son édition princeps
de 1731 : sur cette illustration, cerné de putti, d’amours plus ou moins
volages, tout à leurs activités pour mieux instaure l’Amour, Télémaque,
somme toute des Grieux, retrouve la croix du Christ, érigée sur son Golgotha,
avec seulement sa base, celle d’une colonne, le reste se perdant
(symboliquement ? vu le regard de des Grieux ?) dans les hauteurs
spirituelles, le tout sous la houlette de Mentor, incarnation humaine d’Athéna,
la déesse de l’intelligence guerrière et ouvrière, somme toute, ou alias,
et aussi surprenant que cela soi, vu son peu d’efficacité, Tiberge. Son doigt
levé nous invite, comme par injonction, à rejoindre le Christ. Il s’agit
donc d’échapper au stupre et au péché, incarnés par la nymphe Eucharis qui
sort, en tenue assez légère, voire chaude lapine dépoitraillée, d’une
feuillée (un abri de feuillage, cf. la loge de feuillage abritant les amours
adultères de Tristan et Iseut ; la paille ne va pas sans évoquer la
paillardise) propre à la
satisfaction des pulsions animales mal cachées chez certains (suivez mon regard !).
Deux tourterelles se bécotent d’ailleurs à qui mieux-mieux au-dessus
d’elle, quand elles ne copulent pas carrément dans l’angle haut-gauche de
l’illustration. On ne peut qu’en sourire : Manon Lescaut, un ouvrage de
morale ?
Car ces
détails sont un peu coquins, ce qui laisse rêveur sur la volonté édificatrice
de notre abbé, par la citation : «combien souffres-tu en Charybde – ce
qui est gentil, Scylla n’est pas loin ! -
enfant-jeune homme digne d’une flamme meilleure» (ici, la foi chrétienne ;
ne riez pas : j’en suis et je m’en targue, mais chez Horace, cela
signifiait simplement que le jeune homme doit changer de partenaire ; comme
les jeunes manquent de culture et ne connaissent plus que le loft, voici en
clair, le sens : (stop ! les chastes yeux doivent passer au paragraphe
suivant) «tape-toi une autre gonzesse plutôt que le manche à balai que tu te
trimbales, on se demande par où»)
Qui
plus est, la citation de l’ode
d’Horace, I, XXVII est particulièrement ambiguë : il s’agit d’une
ode où, à un banquet, l’auteur apostrophe un groupe de buveurs énervés
pour les calmer : il demande donc, comme par moquerie – est-ce le
meilleur moyen de faire baisser la tension (passez-moi cette allusion sexuelle ?)
- des nouvelles de sa maîtresse à un des jeunes blousons dorés, sans ménagement
pour elle, en lui disant qu’il mérite mieux… Mais voir un prêtre –
puisque Prévost a réintégré l’Église après avoir battu sa coulpe et un
nouveau noviciat – citer en exergue un auteur épicurien comme Horace ne peut
que laisser perplexe, et comme d’habitude, toujours confondu en ce qui
concerne le but poursuivi par l’abbé. Le sait-il lui même ? Ce qui est
sûr, c’est que lui fait l’ange comme la bête !!! Et les petits amours
de tout faire pour ramener à notre nymphe en manque, vu ses bras tendus, notre
beau jeune homme, tresse de feuillage, groupe accroché à la tunique, flèche
bandée voire aiguisée sur une pierre à l’appui. Et un bandeau est prêt
comme en suspens : c’est bien connu, l’amour rend aveugle… Mon Dieu,
qu’il est difficile de suivre le Christ, semble nous dire le visage de des
Grieux-Télémaque, face à nous lecteur. Oui, à chacun sa réponse !