Cyrano de Bergerac, en 2006, un spectacle de la Comédie
Française
Mise en
scène : Denis Podalydès. Sociétaire
depuis 2000, ce dernier s'empare pour la première fois en2006 du plateau de la Salle
Richelieu avec Cyrano. Tout y est
mouvement, des coulisses à la scène, avec les décors déplacés, hauteur et
arrière-plan, montée et descente d’escaliers pour les sorties. Métamorphose
aussi, avec l’utilisation de l’audiovisuel, où Roxane voit et est vue.
« C’est vrai », dit Christian, après un laps de temps étiré,
comme pour nous rappeler que le théâtre se veut aussi vrai que le réel…
La
distribution est éblouissante : Michel Vuillermoz, le 515e sociétaire
de la troupe, qui reconnaît qu’il y a une correspondance profonde,
intime entre l’acteur et son rôle. Dans le Paris-Match
du 1er juillet 2007, « je partage l’énergie de Cyrano ;
ses emportements, sa folie. Je les ai vécus. Je peux être aussi fragile que je
suis fort. Dès que je suis attaqué, je deviens hypersensible ». C’est
comme un diable qu’il sort de sa malle en osier dans laquelle il reposait en
puissance, elle qui n’attend que l’occasion pour se réaliser… Françoise
Gillard dessine une Roxane toute en grâce féminine certes, mais aussi exacerbée
de pétulance, toute aussi aérienne que combattante. Pour l’amant au sens du
XVIIème, Eric Ruf (aussi responsable du décor ! en créateur
protéiforme) campe un Christian de Neuvillette sincère et viril, Andrzej
Seweryn donne à De Guiche une intériorité nouvelle, tout empreinte d’élégance
raffinée et Gregory Gadebois prête la bonne humeur de sa jeunesse à
Ragueneau. En fait, les rôles sont encore plus nombreux que les comédiens présents
sur le plateau et certains en incarnent plusieurs (l’un joue Valvert, un
cuisiner, un poète, un musicien, un cadet), dans la meilleure tradition du Français.
C’est bien un rêve de théâtre, un mélange des arts, des genres. En fait,
des êtres…
Les
costumes du grand couturier Christian Lacroix n’entrent pas pour peu dans
l’effet produit : la fascination, la sidération même. Il entendait
faire le va-et-vient entre le XVIIème de la pièce et le XIXème
de Rostand, il a tenté l’alchimie, le « précipité », en
croisant « rhingraves » et redingotes, tournures et vertugadins, macfarlanes
et justaucorps. Les dandys de fin de siècle avec la tenue militaire stricte qui
annonce les massacres futurs.
Erice
Ruf a conçu le décor. « j’ai rêvé d’un espace qui se redéfinirait
au fur et à mesure des scènes et
des sentiments ; d’un plateau où l’envers du décor, la coulisse ne
seraient pas moins porteurs de sens et de beauté que l’avant-scène ».
On passe du tréteau (où Montfleury roule ses « r » comme on le
faisait à l’époque, avec l’outrance de ses bagues et ses essoufflements,
ses absences compensées par la souffleuse en lunette, cf. mise en scène,
Podalydès !) aux cuivres suspendus de la cuisine de Ragueneau (après les
verres de la distributrice), sans oublier le balcon de Roxane. On a droit au
champ de coquelicots d’Arras, marque poétique de mort, gouttes de sang
voltigeantes, souvenir du pantalon garance de nos morts au champ d’honneur (« heureux
les épis mûrs et les blés moissonnés », écrira Péguy). Pour que tout
s’efface et ne laisse voir que la cage de la scène au repos…
L’ensemble
insiste sur la première de la pièce, le 28 décembre 1887, au théâtre de la
Porte St Martin, avec des graffitis « joyeuses fêtes ». Un bel
accueil, mais qui rappelle qu’elle mettra 40 ans avant de passer à la Comédie
Française.
En
digestif :
La
Comédie-Française (surtout avec son onglet de droite, Histoire et
patrimoine, une mine !)
L’actualité
de Cyrano
Le
vrai Cyrano de
Bergerac (ce lien est le plus facile mais pas le seul, allez quêter sur votre
moteur de recherche favori, en espérant que vous n’êtes pas gogolito !)