le
bestiaire mauriacien
Les évocations de l’animalité sont constantes, réitérées, quasi obsessionnelles, voire naturelles, comme coulant de source.
Ø
Louis : I entre mes crises, je reprends du poil
de la bête ; en II, il évoque sa hargne d’enfant féroce ;
comportement animal : je commençais à courir. Je fus d’une dureté
atroce. Tout ceci induisant peu à peu l’acceptation du vocabulaire animal. IV :
il ressortait de tes propos que ta famille et toi vous étiez jeté avidement
sur le premier limaçon rencontré. Plus fort : le mouchoir de Superbagnères :
je le pris, j’y attachai une pierre comme j’eusse fait à un chien vivant
que j’aurais voulu noyer… V : méfiance d’Isa lorsque à mon tour je
rôdais autour de ces petits. Phili ne m’appelle que le vieux crocodile… VII :
nos 3 petits… Marie : j’entendais battre son cœur d’oiseau. A peine
lâchée, elle s’envolait vers le jardin… Marie ! … Une fois elle
s’endormit contre mon épaule… et vous me regardiez tous avec stupeur, comme
si j’avais été ce fauve qui léchait les pieds des petites martyres… (par
avarice), je finissais donc par revenir au râtelier commun. VIII toujours à sa
femme : tu étais demeurée lourde des petits que tu avais portés. Par
rapport à Marinette, après la mort de son mari odieux : Par jeu
j’entourais de mes deux mains sa taille de guêpes, mais l’épanouissement
du buste et des hanches aurait paru aujourd’hui presque monstrueux : les
femmes d’alors ressemblaient à des fleurs forcées. De Marinette à Louis :
Vous avez beau les haïr, vous appartenez bien à la même espèce… XI :
mon cœur, ce cœur de vipères : étouffé sous elles, saturé de leur
venin, il continue de battre au-dessous de ce grouillement. Ce nœud de vipères
qu’il est impossible de dénouer, qu’il faudrait trancher… Curieusement,
l’abbé Ardouin n’y échappe pas, passagèrement : VII je vois encore
cette longue échine courbée… XVII Mais j’éperonnais ma vieille haine
ainsi qu’un cheval fourbu… j’avais entretenu ma fureur, je m’étais déchiré
les flancs… XVIII l’apaisement : Comme un chien aboie à la lune,
j’ai été fasciné par un reflet… je touchais mon crime : mon refus de
cherche au-delà de ces vipères emmêlées. Je m’en étais tenu à ce nœud
immonde, comme s’il eût été mon cœur même – comme si les battements de
ce cœur s’étaient confondus avec ces reptiles grouillants
Ø
Son couple, une paire de bœufs : I pendant ces
quarante années où nous avons souffert flanc
à flanc ; V Je t’étais uni comme le renard au piège… La vie dans une
ville de province développe, chez le débauché, l’instinct de rue du gibier.
Ø
Les membres de la famille :
·
I sa femme Isa(belle) jacasses, donc une pie ;
plus loin, une hase : tu étais habile à flairer le vent, tu me voyais
venir de loin. Concernant la nuit fatale à Calèse en (18)85, lors de son aveu
sur Rodolphe : tu te vautrais dans un souvenir délicieux (une truie ?).
Peut-être flairais-tu une menace… Une chienne ? IV : après
l’aveu fatal : je sais ton bras que tu dégageas avec un grognement
presque animal. Tu te retournas sur le flanc… Ton corps ramassé, pelotonné
comme dorment les jeunes bêtes… V : tu n’avais d’yeux que pour les
petits. J’avais accompli, en te fécondant, ce que tu attendais de moi. Tant
que les enfants furent des larves…. VII C’est ici que tu as couvé ta couvée.
A propos de l’abbé Ardouin, dans la bouche d’Isa : Mon mari joue avec
lui comme le chat avec la souris : l’animalisation est donc partagée
dans le couple. Un prêté pour un rendu ? XIII transformée en vieille
machine usée, incapable de servir (dernier entretien entre Isa et Louis, avant
son départ pour Paris – inverse de l’image de l’appareil distributeur de
billets du début, donc, non plus animalisation, mais mécanisation !)
·
II la
grand-mère Fondaudège : forme de ses yeux minuscules, et la fente démesurée
de sa bouche…
·
la propre mère de Louis ; c’était un
locataire qu’elle tenait entre ses pattes.
·
Le faciès du baron Philipot : le col escamotait
les bajoues (vieux chien baveux ?) et les fanons .
·
V : Phili, si nature, un vrai chien… Comme un
chat entre silencieusement par la fenêtre, il a pénétré à pas de velours
dans ma maison, attiré par l’odeur. VI : les enfants de Louis, petits :
petits êtres vagissants, hurleurs et avides. X : (tentative de vol dans la
chambre de Louis assoupi) Je le voyais dans la pénombre, les oreilles droites.
Ses yeux de jeune loup luisaient. XII Quant à Phili, je possède un dossier…
Il me suffira de montrer les dents (entre chiens !?). XIX sa femme Janine,
reconnaissant ses torts : c’était comme un animal que j’eusse mené en
laisse. Geneviève : n’aie pas peur, ma chérie, il te reviendra, la faim
chasse le loup du bois. Quand il aura assez mangé de vache enragée… XX La
dragée haute ne fait pas sauter cette espèce de chiens : ils détalent
vers d’autres pitances servies par terre…. Sur Janine : sans yeux, sans
odorat, sans antennes, elle court et s’affole après cet être… Ce garçon
pareil à des millions d’autres, comme ce papillon blanc ressemble à tous les
papillons blancs…
·
Sa fille, donc celle de Janine (XX) Je retrouvais dans
ses cheveux l’odeur d’oiseau, de nid, qui me rappelait Marie.
·
X Luc : un chasseur : le lièvre, l’unique
lièvre de chaque année qui gîtait dans les règes, il finissait toujours par
nous l’apporter ; lui aussi se met de la partie pour animaliser les
autres ; ainsi, annonce-t-il l’arrivée impromptue de Louis lors de
descentes : Si tu les avais vus tous détaler…Cet être toujours courant
et bondissant pouvait demeurer des heures immobile (pêche !), attentif,
changé en saule – et son bras avait des mouvements aussi lents et silencieux
que ceux d’une branche… Sa pureté avait la limpidité de l’eau dans les
cailloux (après le végétal, le minéral). Elle brillait sur lui comme la rosée
dans l’herbe… Comme Marie, l’image de l’oiseau, positive : Il
quittait le pays en octobre, avec les autres oiseaux… Il m’arriva plus
d’une fois, ces dimanches-là, de reconnaître dans le jeune faon qui ne
bondissait plus le frère de la petite fille endormie douze années plus tôt.
(Marie !). L’or dans la ceinture de cuir puisé dans la tête de Démosthène :
ce boa engourdi, gorgé de métal, s’enroulait autour de mon cou, écrasait ma
nuque (encore un ophidien étouffant !)
·
VIII Marinette, elle, est une plante/fruit : ce
jeune être souffrant cherchait mon regard aussi inconsciemment qu’un héliotrope
se tourne vers le soleil (à chaque fois, la flore est positive…). La suite
est encore plus claire : Je la recevais parce que j’étais là ;
l’argile reçoit une pêche qui se détache. La plupart des êtres humains ne
se choisissent pas plus que les arbres qui ont poussé côte à côte et dont
les branches se confondent par leur seule croissance.
·
(pire que son père naturel, Robert) : sa figure
est chevaline ; XV : cette pauvre larve. XVI Je n’osais m’avoue le
plaisir que je me promettais, à jouer, comme un chat, avec ce triste mulot…
Il eût été terrible de finir de vivre avec cette larve… Je le rejetterai(s
dans mon édition livre de poche ????) sans le briser… Ainsi se
tortillait le pauvre garçon… Comme on achève une bête, je le questionnai à
brûle-pourpoint… Je me faisais horreur de prolonger cette scène, comme quand
on n’ose pas appuyer le talon sur le mille-pattes… L’échine de biais, les
oreilles aplaties, il emportait, en rampant, l’os que je lui jetais.
·
XV Le trio Hubert-Albert (ils étaient entrés là (Église
Saint-Germain-des-Prés) pour brouiller leur piste, puis Robert, en homéotéleute !
Mon cher petit Hubert avait les dents longues. Je les observais de derrière un
pilier, comme on regarde une araignée aux prises avec une mouche, lorsqu’on a
décidé dans son cœur de détruire à la fois la mouche et l’araignée.. Je
me sentis comme un dieu, prêt à briser ces frêles insectes dans ma main
puissante, à écraser du talon ces vipères emmêlées et je riais.
Ø
La famille en tant que groupe : I groupe serré
(préfigure le thème de la meute) II si je me laissais dévorer, ton fils, ta
fille, ton petit-gendre, donc prédateurs très actifs ! Je suis un
vieillard près de mourir, au milieu d’une famille aux aguets, qui attend le
moment de la curée. VI : cette meute familiale assise en rond devant la
porte et m’épiant… Vous vous battrez comme des chiens autour de mes terres,
autour de mes titres. J’entends votre troupeau chuchotant qui monte
l’escalier… Tu reviens vers la meute, tu dois leur souffler… Ils s’éloignent
sur leurs pointes. En rupture : une effusion lyrique : la maison est
chargée de couples. Et moi, je pourrais être le tronc vivant de ces jeunes
rameaux. Mais en VII, l’image devient négative : tu as pris racine dans
ma terre… IX (sieste) la famille somnolait, répandue sur les divans de cuir
et sur les chaises de paille… XII ils ne m’ont pas encore dépisté (Louis
à Paris !)… Tous s’inquiétaient, comme lorsqu’un chien grogne et
que le reste de la meute commence à gronder (la famille montée contre Isa, après
l’aveu de ses 3 lettres à son mari !). XIII : le nœud de vipères
est en dehors de moi (=la scène du complot à Calèse) ; elles sont
sorties de moi et elles s’enroulaient cette nuit, elles formaient ce cercle
hideux au bas du perron, et la terre porte (présent de narration, remarquable
ici !) encore leurs traces. XVII Un vieillard très malade contre une jeune
meute…
Ø
Atmosphère générale IX (mort de Marie) :
le délire de cet été, la férocité des cigales… XI la vigne : il
semble qu’elle soit là comme ces jeunes bêtes que le chasseur attache et
abandonne dans les ténèbres pour
attirer les fauves ; des nuées grondantes tournent autour des vignes
offertes.