Mauriac,
Le
nœud de vipères
1862
Louis, né d'un chef de service à la préfecture de Bordeaux, mort jeune, et
d'une mère d'origine paysanne, riche; le père de cette dernière était
berger, mais propriétaire de ses pâtures. Baptisé.
Les
parents achètent difficilement un vignoble, Calèse.
première
communion
Études
au Lycée. Prépare l'École
Normale. Hémoptysie. Convalescence d'un an à Arcachon. Commence à courir. Se
sait riche. Vit à Bordeaux dans un hôtel sur les boulevards.
1879-1880:
faculté de Droit. Devient anticlérical par arrivisme social: cercle d'études
au café Voltaire.
Août
1883: à Bagnères-de-Luchon, rencontre de la famille Fondaudège.
Septembre
85: voyage de noces à Venise
Automne
85: la nuit fatidique de Calèse: Isa a été fiancée à Aix à Rodolphe. Louis
ne pourra oublier cette «trahison». Avant les vendanges, fausse couche d'Isa.
Printemps
86 : Enceinte de nouveau. M.
Fondaudège a sa première attaque.
-
naissance d'Hubert (seul daté, deux fois)
-
puis de Geneviève, Marie. Ces événements ne sont pas évoqués!
1893:
l'affaire Villenave; Louis, avocat d'affaires, se montre brillant tribun
d'assises. Il découvre le complexe d’Oedipe
qui inspirera Freud; à partir e 96 jusqu'en 1900 il essaiera de reconquérir
des enfants.
Amour
pour Marie: la comédie du 14 août.
Le
séminariste Ardouin. L’affaire dreyfus.
96/97 :
mort du baron Philipot avec son testament égocentrique.
Été
97 : mort de Marie. Fiançailles de Marinette avec un journaliste. Lettre
d’insultes d’Isa à Louis. Maladie de Louis.
1900 :
Mort de Marinette en couches. Naissance de Luc.
1909 :
amour adultère de Louis avec une institutrice. Deuxième lettre d’insultes
d’isa. Naissance de robert à paris.
Septembre
1914 : rencontre de Louis avec le père de Luc, qui refuse la fortune
mobilière de Louis.
1918 :
départ et mort de Luc (pas d’pot !). Mort de la mère de Louis.
(1919 :
mort de la fille du couple qui sert Louis depuis 10 ans, Ernest et Amélie)
1924 :
Louis cesse de plaider. Fait partie du Conseil de l’Ordre.
1929 :
commence son cahier.
14
Juillet à Paris. Découvre la trahison de Robert, puis celle de ses enfants.
N’ont-ils pas avoué à Isa qu’il avait un fils naturel ? Mort d’Isa
dans l’intervalle.
23
Novembre 193… mort de Louis devant son manuscrit
10
décembre 193… lettre du bourgeois suffisant, Hubert, à sa sœur. Lettre de
Janine à son oncle justifiant son grand-père.
B)
structure du roman
Futur :
le narrateur envisage la découverte par sa femme de cette lettre, que nous,
lecteur, sommes en train de lire, indiscrètement en fait, avant que son cadavre
ne soit refroidi.
Présent
de l’énonciation : 4 heures, dans sa chambre d’enfant, au premier étage,
le jour de ses soixante-sept ans. Il veut rompre le silence de son ménage.
Passé
du couple : sa femme commence à lui parler de Rodolphe (1885)
Passé
de Louis enfant :
son père, sa mère, de souche paysanne, économe, un élève bûcheur atteint
d’hémoptysie.
Présent
de l’énonciation : ennuie-t-il sa femme, sa lectrice ?
Passé
de Louis adolescent : séjour à Arcachon. Amours tarifiées. Pénibles relations avec
sa mère. Retour à Bordeaux. Études de droit. Haine de la religion. Découvre sa passion de la terre, de
l’argent – un substitut à l’Amour et humain et Divin ( ce que nous ne
comprendront que beaucoup plus tard !)
Présent :
ne comprend pas une conversation de famille à voix basse. Sa fureur explose.
D’où vient-elle ?
Passé
de Louis fiancé :
rencontre de Grand-Mère, mère et fille Fondaudège. Louis se croit aimé et
s’épanouit. Scepticisme de la mère de Louis. Un signe négatif : une
crise de larmes saisit Isa. Louis perçoit une réalité autre, donc, ici,
allusion à leur future querelle religieuse. Fiançailles. Rejet de la mère de
Louis. Arrivée du baron Philipot, vieux barbon, de Marinette et du père
Fondaudège. Discussion sur la dot.
Présent :
sa fortune protège Louis. Nous sommes le Vendredi-saint,
le jour de la côtelette
Court
récit, le lendemain, sur le repas du soir, avec la suspicion du Crack de 29.
Passé
de Louis jeune époux. Retour de Venise ;
Septembre 85 : le couple n’est pas reçu au château de Cenon et vit à
Calèse, chez la mère de Louis.
(présent
de l’énonciation : c’est la maternité qui t’a rendue à la nature.)
passé
de Louis jeune marié : la nuit
fatidique où Isa avoue à son mari son amour passionné pour Rodolphe. Le
silence tombe.
Présent :
2 phrases : tout ce que je respirais, je le respire encore…
Le
silence submerge le couple.
Futur :
demain, Pâques.
Passé
proche : visite de Geneviève : demande d’argent pour Phili.
Présent :
les autres sont aux vêpres. Solitude de Louis.
Passé
proche : visite intéressée de Phili, Janine. Promenade avec Geneviève.
Présent :
la situation de Louis est horrible.
Passé
du jeune avocat :L’affaire
Villenave, preuve de l’indifférence de sa femme.
Présent :
le vieil avocat se sent floué et veut encore se venger.
Passé
proche : sa famille est une meute avide.
Futur :
seules resteront les terres.
Passé
proche : il a vendu les titres la semaine dernière, au plus haut.
Présent :
la meute se couche.
Passé
de l’avocat : les
amours intéressées et sordides. Une exception, en 1909 :
l’institutrice. La promotion sociale au cours des âges : il finit au
Conseil de l’Ordre.
Passé
du couple :
la lutte ; l’engagement anti-religieux ; menace de divorce de la
part d’Isa, d’où prospective relative: allusion à la lettre d’Isa
après la mort de Marie. Décide de reconquérir ses enfants : souvenirs de
1895 à 1900. La gentillesse de Marie et la promesse du 14 août. Isa ? Une
bien-pensante ! La lutte entre la lettre et l’esprit. L’abbé Ardouin.
L’affaire dreyfus. Les frasques de l’abbé Ardouin.
Passé
de famille :
Marinette et le testament du baron Philipot (96/97)
Passé
de la famille :
exit Marinette. Mort de Marie. Rejet de Marinette. Mort de cette dernière.
Accueil de Luc. Rencontre du père de Luc à Bordeaux, en septembre 1914. Il
refuse la fortune de Louis. Maladie de Louis. Attentions intéressées d’isa
qui craint les on-dit sur l’hérédité de ses enfants, vu la mort de marie et
celle, potentielle, de son époux .
Présent :
un mois de maladie. Passé proche : tentative de vol de la part de Phili.
Futur :
s’adresse à sa lectrice, après sa mort !
Présent :
je souffre. Phili le renvoie au Passé :
Luc, la nature. L’épisode de la ceinture en cuir, incompris d’Isa. Mort de
la mère de Louis, sans qu’il s’en aperçût.
Présent :
pense à sa mère, chaque jour.
Passé
proche : une suffocation.
Présent :
sent le nœud de vipères. Envisage un échange, un dialogue, avec Isa. Un Amour ?
(Dieu).
Présent : à Paris. Écrit son journal dans une chambre d’hôtel.
Passé
proche I: ce qui s’est passé depuis son départ de Bordeaux ; son
ancienne maîtresse et son fils naturel.
Présent :
nuit du 13 juillet.
Passé
proche II : la trahison de sa famille à Calèse.
Visite de Bourru. Ultime
dialogue, vrai pour une fois, mais qu’il rompt, avec celle qu’il aime encore
(Isa).
Passé proche : la fête
du 14 juillet. Rencontre avec Robert.
Présent : à Calèse.
Louis entame un récit sur le passé proche qui s’étendra jusqu’au chapitre
XVII inclus :
Passé proche : crise
à l’hôtel ; rencontre, par hasard, d’Hubert, puis Alfred, puis
Robert. Joue au chat et à la souris avec ce dernier avec une cruauté
involontaire. Apprend la mort de sa femme, donc l’égoïsme de ses enfants et
leur hypocrisie. Seul moment de complicité avec sa progéniture : quand il
se détache de sa fortune.
Présent : les
Béatitudes.
Passé proche : une
phrase : l’infirmière est repartie.
Présent :
la nature.
Passé
proche : visite de la chambre d’Isa. Découverte de son courrier
spirituel. Réflexions dans la campagne sur Isa. Attente de ses enfants. Cruauté
involontaire à l’égard de ses deux vieux serviteurs.
Passé
proche : tentation mystique.
Visite éclair à
Bordeaux. Rencontre vraie avec Janine.
Bilan sur Janine, qui est à
Calèse depuis un mois, après un séjour en maison de santé. Mélange passé/présent :
journal ! Meurt.
Elle
évolue, change en cours de rédaction :
a)
Une lettre qu’Isa doit lire sur les
titres, dès le décès. Cette missive est due à une fièvre, fureur d’écrire,
pour triompher de son silence, en disant à sa femme quel il est. Il s’agit
donc d’une confession, d’une explication. Cette lettre est reprise plusieurs
fois et devient donc un journal pour s’ouvrir tout entier devant elle, et
faire le récit de la nuit fatidique.
b)
Une histoire. C’est pour moi que j’écris.
Vieil avocat, je mets en ordre mon dossier, je classe les pièces de ma vie, de
ce procès perdu.
c)
Un lecteur ? Vous ne pouvez imaginer ce
supplice. Sa femme ? cf. toi. En fait, une confession où il mêle ainsi le
présent au passé. Vous=ses enfants ?. Toi= Marinette !
d)
Retour à la confession à sa femme :
je ne t’ai jamais dit, je peux bien te le dire maintenant, je te dois cet
aveu. Avec un appel à la pitié de sa femme après sa mort. Se connaître un
peu mieux soi-même, donc être connu de sa femme : écoute, Isa, tu ne
connaissais pas. Retrouver une union conjugale chrétienne par un pardon réciproque :
peut-être existe-t-il une parole de toi qui me fendrait le cœur ? Si nous
tombions aux genoux l’un de l’autre ? Isa, des amarres sont rompues.
Deuxième
partie :
a)
un cahier, une longue
confession inutile : celle pour qui je me livrais ici jusqu’au fond, ne
doit plus exister pour moi ; XIII : ces pages ne s’adressent plus à
personne
b)
les léguer à son fils ? Il n’est
pas home à trouver dans ce récit le moindre intérêt.
c)
Conclusion : j’irai jusqu’au bout
de ce récit. Je sais maintenant à qui je le destine, il fallait que cette
confession fût faite ; mais je devrai en supprimer bien des pages dont la
lecture serait au-dessus de leurs forces. Donc un brouillon ? cf. la suite :
vous pouvez me vomir, je n’en existe pas moins. Vous= ses enfants, ou un
lecteur très indéfini. Ton final : journal et lettre adressée à ses
enfants (très passagèrement : vous non plus, mes pauvres enfants, je ne
vous vois pas. Adressé à sa petite-fille ? je l’ai connu, ton Phili…
Nous
n’étudierons pas la citation de Sainte Thérèse d’Avila, en exergue au
roman, une épigraphe très frappante, qui situe d’emblée le nœud de vipères
que constitue le cœur de Louis, ainsi que sa famille d’ailleurs, dans une
problématique chrétienne. Ensuite, une courte préface expose la démarche
volontariste du romancier qui précise le but qu’il poursuit : faire
prendre en pitié un monstre, tout en confessant une médiocrité de conviction
et de comportement dont il semble avoir sa part, au moins implicitement et qui
explique pourquoi le Christ n’est pas mieux ni plus suivi : il y a là
une démarche apologétique qui peut sembler en contradiction avec la création
de l’écrivain, la liberté qu’il doit laisser à ses personnages. Mais
justement l’auteur nous met au défi d’achever son récit, en toute bonne
foi. Au narrateur la parole.
a)
l’argent :
ce thème est une obsession dans ce roman, et le coffre est une métaphore du
blindage, du carcan de fer dont Louis, au nom prémonitoire, a entouré son cœur
en s’interdisant toute affection ; aussi le terme apparaît-il d’emblée :
«mon coffre», avec la richesse de notre avocat d’affaires : «sur un
paquet de titres». La présence du «notaire» implique en peu de mots la
disparition du propriétaire. Ce dernier semble se soucier de détails anodins :«
la ranger dans le tiroir de mon bureau» ; mais ces tergiversations
soulignent la valeur de cet écrit – comme la rapacité de ses enfants («le
premier») qui se transformeront, avant même la disparition de leur géniteur
(notons la distance affective impliquée par l’expression : «les enfants» :
c’est la reconnaissance d’un fait objectif, d’un statut officiel reconnu
par l’Etat-Civil, et non la marque d’une effusion affective), en pillards même
pas de tombe : «forceront avant que j’aie commencé d’être froid»!
Apparemment, le scripteur est obsédé par l’objet emblématique de l’avare :
«sur la tablette du coffre» (il le connaît en détail, et voit très
bien la scène) ; mais à peine présenté comme plein, le coffre se vide..
Pour se remplir de nouveau, dans une exclamation de joie atroce :« les
titres y sont», cri de victoire dans une maison où ne devraient retentir que
pleurs et lamentations, le thrène funèbre. Et d’insister sur ce qui importe :
«entendre ce cri, au retour de la banque» (deux fois dans le texte) d’où
revient la veuve après avoir pu faire ouvrir le coffre de son mari grâce à la
«procuration» qu’il évoque plus loin, avec cette obsession de l’argent
qui s’achève sur une délivrance quasi inespérée et enlève toute pudeur :
«à travers ton crêpe : les titres y sont»… Le scripteur joue avec
cette idée, comme un enfant avec son joujou : «il s’en est fallu de peu»…
Il sait gérer sa fortune : «bien pris mes mesures, si je l’avais voulu» ;
on ne peut déshériter sa famille de sa propre maison et de ses terres – à
moins de s’expulser soi-même – mais les véritables patrimoines sont
financiers, fondés sur des actions et des placements judicieux et solides, à
l’écart des aléas économiques. Louis (dont nous ne connaissons pas encore
le nom continue) : «vous avez eu de la chance»… «combiner sa
vengeance, bombe à retardement,
minutie». Il joue avec cette idée : «jouir, voir vos têtes, dernière
joie, plaisir», en inversant la démarche : l’interrogation, après les
réponses réitérées : «Où sont les titres ?» C’est lui le maître
du jeu : «capable de tels calculs».