Avant-propos : la facture du formulaire a changé, la démarche est la même : j’avais manipulé à l’avance le cahier de texte, ce dont l’inspectrice feignit d’être dupe, vu son paragraphe pénultième. Mais à malin, malin et demi : sensible à l’attention de l’Inspection pour le sens, son leitmotiv seriné, asséné, que dis-je, réitéré à chacune des réunions pédagogiques générales où les enseignants recevaient la bonne parole du Ministère, à l’occasion même de cette inspection, j’avais rajouté dans mon logiciel une batterie de questions portant apparemment sur l’effet/sens/impact des vers, en référence explicite au livre lui-même, Horace, dont tous mes élèves s’étaient munis pour cette fois unique, par sympathie. Mais, leurrée par l’attention du groupe, l’inspectrice a-t-elle réalisé qu’il n’était nul besoin du livre, voire de la série elle-même ? Par la simple élimination des réponses d’une impossibilité criante, un élève standard trouve, sans difficulté particulière, la validation positive. Peut-être l’inspectrice, sensible au travail somme tout accompli, a-t-elle eu pour sa part l’élégance de ne pas relever mon enfantillage.? Au reste, par-delà cette facilité confessée – et pas à la Fillon, les élèves n’ont pas, sur cet exercice, utilisé ce biais: ils ont préféré convoquer le bistouri de l'intelligence plutôt que la pelleteuse de l’obscur tâcheron…

 RAPPORT D’INSPECTION                                           

 inspection du :  avril 1999

 Classe                          : 3° n                                           Par M. me       :   

 Nombre d’élèves       : 29                                               Grade               : Ag. Hcl. Auxiliaire d’inspect.

 Discipline                     : FRANÇAIS                                Discipline          : LETTRES

Intitulé de la séance  :  Etude de la versification

    M. STEINER est féru d’informatique : pour vivifier l’étude de la versification (la valeur des rimes, la place des césures, des accents, le compte des syllabes), il propose sur ordinateur, à sa classe de 3e, l’examen de trente-deux séries de vers.

    L’heure s’est déroulée dans une excellente atmosphère de travail et d’émulation, l’ordinateur évaluant lui-même les performances de chacun. Sans jamais laisser ses élèves seuls devant l’outil informatique, M. Steiner circule, conseille, précise ses attentes dans un langage châtié qui n’exclut pas l’humour et la bonne humeur, fait le point au profit de toute la classe. La variété des rimes, leur structure, l’analyse de l’alexandrin sont ainsi abordées. A la fin de chaque série, un questionnaire se réfère au sens et permet à chacun de vérifier ses acquis tant sur le plan du vocabulaire que sur celui des liens entre les personnages ou des péripéties de l’action, quitte à revenir sur le livre que les élèves sont à même de consulter.

    Un travail très substantiel a été accompli par le professeur qui ne s’est pas contenté d’une approche mécanique. En effet, soucieux des figures de style, du lexique, de la syntaxe, M. Steiner a accompagné chacune des séries qu’il a établies de définitions et de remarques au service de la compréhension du texte. Voici un remarquable effort, une intelligente adaptation d’une discipline à l’enseignement du français.

    L’entretien vient confirmer la bonne impression d’une heure agréable à suivre. M. Steiner s’implique avec ardeur dans toute démarche novatrice, paye de son temps et de sa personne, au service de ses élèves et de son établissement (un site reconnu sur Internet1).

    Je lui rappelle seulement qu’il faut tenir son cahier de texte, avec plus de précision, accroître le volume des lectures, bien encadrer ses élèves dans ce genre de cours.

    Très proche de ses élèves, compétent, consciencieux, M. Steiner dispense avec enthousiasme un enseignement attrayant. Ses capacités de formateur en informatique2 en font un élément sur qui on sait pouvoir compter.

L’IA-IPR a contresigné pour donner son aval officiel à ce document

1 le site Lutèce a été retenu parmi les deux cents meilleurs sites francophones par la revue Télérama en… 1999 ! Succès d’estime. Sans lendemain pour ma carrière.

2 C’est au moment même de cette reconnaissance officielle de mes capacités de formateur spécialisé que l’ « on » a cessé de les utiliser : Allègre (auquel je ne donne pas le titre de Monsieur, et ce n’est pas seulement pour assurer la pérennité de cette production…), au titre de Ministre de l’Education Nationale décide alors de supprimer les APTIC, les Ateliers Pratiques des Techniques de l’Informatique et de la Communication – à moins que ce ne soit sous une autre des dénominations utilisées : cette activité a changé plusieurs fois d’appellation, sur la grande dizaine d’années où elle a été pratiquée avec ferveur, passion et… efficacité : les professeurs y amenaient leurs élèves à, entre autres, programmer sous turbo-pascal et présenter un dossier complet en option pour le bac. Pour le plus grand bonheur de mes meilleurs élèves de latin, et de mes hellénistes de première qui doublaient ainsi leur mise. Hélas… Ce Ministre rétrograde a sinistré autant qu’il le pouvait ce qui marchait. Une technique à la Gribouille pour, non pas dégraisser le mammouth, mais l’écorcher vif ! Plus grave, il a laissé ses traces et entraîné derrière lui quelques épigones… pour renifler ses déjections.

A cette déception s’ajoutent plusieurs déconvenues professionnelles : un nouveau directeur proclame en séance plénière que mon établissement sera catho ou ne sera plus, il fait pratiquer un audit sur « mon » réseau pédagogique ; pour une somme astronomique, il découvre que, malgré mes efforts réitérés, sans moi, le réseau s’écroule. Ce n’est pas pour autant qu’il m’augmente d’ailleurs : l’Enseignement Privé traite trop souvent le petit personnel comme s’il était bénévole – une vieille trace des prêtres et bonnes sœurs corvéables à merci pour la plus grande Gloire de Dieu ? – à tout le moins, il réduit ses petites gens à la portion congrue… qui se ratatine, le temps passant. Même si un « Merci » (mon brave ?) fait toujours plaisir. C’est au détour d’une bévue – souvent l’irrespect volontaire des prescriptions évangéliques – que l’on sent la main de fer du Pharisien. Gluante. Sans le velours épicopal...