en apéri-cubes:
traduction du début du XVIIe de l'ensemble...
critique universitaire, VI, 9 - 33, VI, 33-55
figures de style: explications, exercices (d'où téléchargement d'un code EXE à exécuter sur ton PC)
«L’antre»
de la Sibylle
VI, 33 - 55, présente plus loin ce texte, sa traduction univesitaire, la critique de cette dernière, sa traduction par groupes de mots, et, the last but not the least, les commentaires qu'il amène, induit, inspire, provoque, etc. ad libitum
Le texte 1
le texte VI, v. 9 - 33 | traduction universitaire, | critique | mot-à-mot | commentaire |
CECROPIDAE JUSSI (MISERUM!) SEPTENA QUOTANNIS
CORPORA NATORUM ; STAT DUCTIS SORTIBUS URNA.
CONTRA ELATA MARI RESPONDET GNOSIA TELLUS :
HIC CRUDELIS AMOR TAURI SUPPOSTAQUE FURTO
PASIPHAE MIXTUMQUE GENUS PROLESQUE BIFORMIS
25
MINOTAURUS INEST, VENERIS MONIMENTA NEFANDAE ;
HIC LABOR ILLE DOMUS ET INEXTRICABILIS ERROR ;
MAGNUM REGINAE SED ENIM
MISERATUS AMOREM
DAEDALUS IPSE DOLOS TECTI AMBAGESQUE RESOLUIT,
CAECA REGENS FILO VESTIGIA. TU QUOQUE MAGNAM
30
PARTEM OPERE IN TANTO, SINERET DOLOR, ICARE, HABERES.
BIS CONATUS ERAT CASUS EFFINGERE IN AURO,
BIS PATRIAE CECIDERE MANUS.
Mais le pieux Enée gagne à quelque distance sur le sommet de la montagne le temple où veille la haute statue d'Apollon, et la retraite solitaire de la Sibylle, cet antre énorme qu'elle remplit d'une horreur sacrée, quand le dieu prophétique de Délos fait passer en elle son âme et sa volonté, et lui découvre l'avenir. Les Troyens s'engagent déjà sous les bois sacrés d'Hécate et sous les voûtes du temple aux caissons d'or.
On raconte que Dédale, fuyant le royaume de Minos, et ayant osé se confier au ciel sur des ailes qui l'emportaient très haut, cingla par cette nouvelle route vers les Ourses glaciales et enfin se posa légèrement sur la hauteur chalcidienne. Là, rendu pour la première fois à la terre, il te consacra, Phébus, ses rames aériennes et bâtit un temple énorme. Sur les portes, le meurtre d'Androgée : d'un côté, les descendants de Cécrops étaient condamnés, ô misère, à payer leur crime en livrant chaque année sept de leurs enfants; l'urne est là pour le tirage au sort. Sur le battant opposé, la terre de Gnosse s'élevait au-dessus de la mer. On y voit Pasiphaé, son amour d'un sauvage taureau, leur furtif accouplement, leur progéniture de sang mêlé, le monstre à double forme, le Minotaure, monument d'une passion abominable. on y voit aussi le fameux édifice si laborieusement construit et ses chemins inextricables. Mais, dans sa pitié pour le grand amour d'une princesse, Dédale en débrouille lui-même les ruses et les détours, guidant avec un fil les pas aveugles de l'amant. Et toi aussi, tu occuperais une grande place en cet admirable travail, Icare, si la douleur l'avait permis: deux fois l'artiste essaya dans l'or de ciseler ta chute; deux fois, ce furent ses mains paternelles qui tombèrent.
critique de la traduction universitaire commentée (ici, parfois pédante, parfois avec des longueurs, en traduction commentaire), au coup par coup:
Mais le pieux Enée gagne à quelque distance (où? invention pléonastique) sur le sommet de la montagne (ne fallait-il pas préférer dans ce cas: les hauteurs, ARCES, cf. plus bas, v. 17; au reste: le sommet de la montagne fait sourire ici: nous ne sommes que dans les Apennins, et montagne surenchérit sur: sommet) le temple où veille la haute statue d'Apollon (on perd l'impression que la statue d'Apollon somme le tout. en acrotère sur le toit? Quoiqu'il en soi, ici, la traduction force l'interprétation), et la retraite solitaire (PROCUL=au loin; solitaire est bien venu car plus poétique et contenu implicitement dans l'adverbe) de la Sibylle, cet antre énorme qu'elle remplit d'une horreur sacrée (HORRENDAE ne porte plus sur la Sibylle alors qu'il ne s'agit pas d'un hypallage; certes, sacrée renvoie à MAN, cf. DIS MANIBUS, le DM des épitaphes, il n'en reste pas moins qu'ici, encore une fois, la traduction est bien trop étendue), quand (temporelle au lieu d'une relative CUI) le dieu prophétique de Délos (ce, pour le prophète de Délos, traduction-commentaire) fait passer en elle (certes, le MAGNAM correspond à une sorte de transfert mais on perd l'appel au MAJOR du v. 49) son âme et sa volonté (le MENS renvoie à l'intelligence, l'ANIMUS, au coeur, souffle, courage; la traduction renvoie trop à la psychologie (chrétienne?) classique), et lui découvre l'avenir (B pour les choses qui vont arriver; ouvrir le futur collerait trop au latin et il faudrait donc réserver ceci aux traductions type agrégation). Les Troyens (Bellessort lève toute ambiguïté, à tort à notre sens, puisque Virgile lui-même n'y a pas tenu) s'engagent déjà sous les bois sacrés (transformer le préfixe est estimable; mais déjà après le verbe là où nous l'aurions-vous en début de phrase?) d'Hécate (mais Trivia en latin...) et sous les voûtes (pourquoi? à cause des grottes? un éclaircissement volontaire, mais parasite. Et Virgile n'en dit rien: il se contente de TECTA, qui n'est pas une synecdoque, puisqu'il y a le préfixe SUB. Les tuiles du temple seraient-elles recouvertes de feuilles d'or, comme la grande pagode de Rangoon? Historiquement, ce sont les caissons qui sont dorés, car à l'abri des intempéries. mais c'est à l'époque classique. Pourquoi Virgile n'aurait-il pas imaginé en cette époque fabuleuse un temple au toit d'or: il n'est pas tenu à un réalisme absolu, étroit, respectueux de ses propres connaissances du passé: certes, son oeuvre toute entière prouve sa curiosité «archéologique» mais il est en droit de privilégier l'effet esthétique au détriment du détail architectural purement technique) du temple aux caissons d'or (4 mots pour 2 en latin; traduction-commentaire).
On raconte (début trop banal; l'asyndète disparaît, ainsi que la mise en exergue de Dédale en début de vers, en suspens sur FUGIENS et AUSUS pour arriver au 3ème vers à ENAVIT; paradoxalement, c'est l'incise qui est privilégiée) que Dédale, fuyant (participe présent peu élégant) le royaume de Minos (perte - peut-être incontournable - du pl. poétique), et ayant osé (ce participe passé pue la version latine, à réserver aux «traductions-béton» évoquées supra) se confier au ciel sur des ailes qui l'emportaient très haut, cingla (curieux verbe pour un... «avion»!) par cette nouvelle route (ceci atténue trop singulièrement l'INSUETUM, très choquant pour un romain soucieux du MOS MAJORUM - d'ailleurs Dédale, via Icare, ne l'emportera pas au paradis. L'impact d'INSUETUM est donc mal dégagé) vers les Ourses glaciales et enfin se posa légèrement (bonne syllepse) sur la hauteur chalcidienne (incohérence d'ARX: sommet plus haut!). Là, rendu pour la première fois à la terre (lourd, peu élégant; maladresse due à la tournure: se rendre à un endroit), il te consacra, Phébus, ses rames aériennes (REMIGIUM est plutôt un rang de rames, l'image - reprise par la science ornithologique - s'estompe au profit involontairement comique de deux ailes comme des godilles) et bâtit un temple énorme (lourd (sic!) pour IMMANIA. préférer: impressionnant?). Sur les portes, le meurtre d'Androgée (bonne phrase nominale, comme en latin): d'un côté, les descendants de Cécrops étaient condamnés (ou simplement le participe sans l'auxiliaire?), ô misère (grandiloquence bizarre que j'attribuais à la date d'édition: 1942 (souvenir d'exode?), mais en fait il s'agit d'une reprographie, donc l'explication est fausse... mais l'artifice reste: «quel malheur» serait plus pertinent, voire: «malheur»: la ruoture de l'accusatif exclamatif est ainsi conservé, misère lui-même fleurant trop le père Hugo), à payer leur crime en livrant chaque année sept de leurs enfants (ou plus précisément: le corps de 7 enfants, car la réalité de la mort, charnelle, est bien là, vu le CORPORA; Bellessort estompe cet aspect atroce voulu par Virgile); l'urne est là pour le tirage au sort (plus exactement: après le tirage au sort, vu le mot-à-mot; en fait, la situation est encore plus tragique que ne semble le supposer la traduction: les condamnés sont choisis) . Sur le battant opposé, la terre de Gnosse s'élevait (pourquoi cet imparfait, vu la description?) au-dessus de la mer. On y voit (Il faut préférer une tournure nominale concise, sans commentaire présentatif) Pasiphaé, son amour d'un sauvage taureau, leur furtif accouplement (certes étymologiquement, mais la notion d'adultère disparaît, et cela ressemble trop à une passe rapide, voir une EJACULATIO PRAECOX - désolé si je choque), leur progéniture de sang mêlé (bizarre; surtout après le sang contaminé, et avec idée de métissage, alors qu'il s'agit d'une tératogénèse), le monstre (non: descendance; monstre surenchérit en fait sur BIFORMIS - appel inconscient chez Bellessort à: DIFFORMIS?) à double forme, le Minotaure, monument (ici la traduction étymologique défigure actuellement le sens, au moins pour les lecteurs néophytes) d'une passion abominable (ou innommable, pourquoi pas?). on y voit (encore? Les répétitions sont à prohiber en français) aussi (=HIC, donc traduction explicitant trop l'implicite) le fameux édifice (le sens emphatique d'ILLE est bien dégagé, mais édifice pour DOMUS semble une amplification d'autant plus abusive que ce terme renvoie aussi à une construction verticale ce qui n'est ni le cas d'une DOMUS - par ex. par rapport à une INSULA - ni surtout le cas du labyrinthe - pensons aux magasins du palais de Cnossos; quoi qu'il en soit, traditionnellement, cette création a toujours été présentée à l'horizontale) si laborieusement construit (astucieux mais ensemble verbeux, par opposition à la concentration virgilienne!) et ses chemins inextricables (mais singulier dans le texte; curieusement, pour une fois, le terme plus abstrait, ici ERROR, est traduit par un terme concret en français... le terme inextricable n'est pas heureux: un sentier inextricable l'est par les obstacles matériels qui l'encombrent, type ronce, lianes, buissons divers, etc.). Mais, dans sa pitié pour le grand amour d'une princesse (REGINAE? Mais il s'agit d'Ariane, donc le terme est acceptable), Dédale en (suppression de la synecdoque: TECTI) débrouille lui-même les ruses et les détours, guidant avec un fil les pas aveugles de l'amant (où est ce terme inventé ici? en fait des pas, et l'on peut garder l'hypallage en français). Et toi aussi, tu occuperais une grande place (plus précis que la traduction mot-à-mot ambiguë: tu aurais une grande part, car il ne s'agit pas ici de sa participation manuelle à l'ouvrage) en cet admirable travail (mais TANTO est plus quantitatif que qualitatif, préférer les prosaïques: important? lourd? ou: «un si vaste ouvrage», mais dans ce cas, on aurait eu: OPERA), Icare, si la douleur l'avait permis: deux fois l'artiste (invention!) essaya dans l'or de ciseler (terme technique trop précis ici) ta chute (on attendrait plutôt: «dans l'or» à cet endroit, comme en fin de vers) ; deux fois, ce furent ses mains paternelles qui tombèrent (abus du présentatif, alors que ce dernier est habituellement refusé pour sa facilité, qui n'est guère de mise ici).
d'abord, il convient à o'oral d'annoncer le plan du commentaire et.. s'y tenir: il faut prendre le correcteur par la main et le conduire là où vous voulez qu'il aille, en bon chien d'aveugle!
des tableaux vivants, évoquant des mythes précis
I) Il s'agit d'un kaléidoscope, vu leurs reflets réciproques, de tableaux vivants: ce passage décrit, à l’entrée du temple d’Apollon (v.9 ALTUS APOLLO, v. 13 AUREA TECTA) une réalisation artistique exceptionnelle, de la main même de Dédale (cf. 33): les portes FORIBUS, terme qui, par le pluriel, permet d’évoquer 2 battants, le premier du v. 20 au v. 23, lui-même en deux parties: 1) la mort du fils de Minos 2) le tribut qui s’ensuit pour les athéniens.
l’autre battant comporte, lui aussi (CONTRA), en diptyque, Pasiphae (v. 23 à 26, avec HIC v. 24), puis le Labyrinthe - ILLE LABOR DOMUS= cet illustre travail qui consiste en un édifice (v. 27 au dactyle 4ème du v. 30; reprise, au v. 27, de HIC à la même place, début de vers), - insistant sur l’endroit, l’inscription spatiale des scènes. Même si la trame temporelle disparaît au profit, apparemment, d'une simultanéité des scènes présentées! Comme dans les tableaux et les fresques médiévales: elles sont bien concomitantes, alors que la logique du récit voudrait qu'elles se succèdent. Ou la figuration est-elle linéaire, comme les tableaux illustrant la vie du Bouddha?
Ceci s’achève sur une représentation mort-née, pour reprendre le jargon actuel, «virtuelle», puisque la chute (CASUS cf. le cas quand le mot tombe dans la phrase latine) d’Icare n’a pas (HABERES=irréel du présent) pu, malgré les efforts de son père (cf. CONATUS), être représentée (EFFINGERE).Nous aurions ainsi en bas-relief (en bronze?) ce que Virgile nous proposera comme en ronde-bosse (en marbre, pour reprendre le travail de Michel-Ange, malgré l'anachronisme) lors de la mort de Laocoon, au chant VI!
Ces différents tableaux se présentent à nous grâce aux phrases nominales: LETUM, CECROPIDAE, comme en dehors de toute référence temporelle, même si la mort d’Androgée s’atténue par l'élision, METRI CAUSA, de UM sur l’initiale du nom propre. En écho à cette mort - scandaleuse comme tout décès? Car rapidement évoquée en un 1/2 hexamètre à coupe ephthémimère - vient ce qui la contrebalance: PENDERE POENAS; le tribut qui s’ensuit pour les athéniens, triste destin (cf. l’accusatif exclamatif MISERUM) souligné par l’allitération en sifflante [s] du vers 21, voire l’harmonie imitative entre voyelle ouverte [a], perdure: QUOTANNIS, ce que corrobore le distributif: SEPTENA. la présence des victimes expiatoires s’incarne: CORPORA (corpus oris n.), avec l’évocation de leur passé: NATORUM. Ce funeste destin est illustré par l’URNA du v. 22. Mais, comme nous l’avons déjà évoqué, ces tableaux échappent au temps, comme l’oeuvre d’art; la représentation se soustrait au temps puisque l’urne du tirage au sort est présente (cf. temps), sous nos yeux, STAT en début de phrase, avec l’encadrement finale URNA., présence accentuée par la coupe classique penthémimère. La vivacité s’exprime par la disjonction très forte, en début de vers, CONTRA, et permet l’apparition (ELATA < EFFERO) de l’île de Crète par l’amuïssement de la longue de CONTR(A) sur ELATA avec son complément au datif, comme fréquemment avec un verbe composé en poésie. Remarquons le report à la fin du vers de la périphrase pour la Crète, et l’animation qu’implique le dialogue entre les battants de la porte: RESPONDET, toujours au présent. Les 2 premières phrases nominales apparentes (AMOR, PASIPHAE) se résolvent sur la présence physique (INEST) du Minotaure, en début de vers. La violence du taureau éclate par le CRUDELIS, avec la féminité antinomique de PASIPHAE qui cède à sa passion, comme le souligne la chute du I, la syncope, de SUPPOS(I)TA - mais l’étymologie de ce mot composé ne va pas sans laisser filtrer un sens obscène, donc monstrueux, pour cet épisode «zoophilique». (dénonciation des pulsions féminines, comme dans l’Ane d’or d’Apulée? N’oublions pas que le taureau est un symbole très clair de puissance sexuelle). Un mélange (BIFORMIS,MIXTUM), donc impur, est le résultat (PROLES, cf. prolétaire, celui qui n’est riche que de sa descendance) de cet union, ce que soulignent les deux (GENUS/PROLES avec chiasme), puis trois appositions, avec le pluriel emphatique de la dernière: MONUMENTA. Cet épisode se termine sur le silence, une autocensure: NEFANDAE, dont il ne faut pas parler, pour raison religieuse (*bhê=dire, cf. faste, néfaste, profane, fanatique, remède de bonne femme, infâme, lieu mal famé, les fables, l’euphémisme, le blasphème) et par prudence (cf. le destin de Stésichore, aveuglé et condamné à une palinodie par Castor et Pollux, pour avoir médit de la pudeur de leur soeur Hélène). Remarquons l’encadrement du neutre pluriel par les deux génitifs. Vient maintenant l’évocation, par une périphrase, LABOR DOMUS, du labyrinthe, un chef-d’oeuvre (cf. ILLE emphatique). La complexité de cet édifice s’illustre par le INEXTRICABILIS, avec le mot évocateur: ERROR (évoquer non la chose, mais l’effet qu’elle produit?). L’explication de cet effort (LABOR cf. labour, labeur, laboratoire) et de ce piège est en disjonction: MAGNUM... AMOREM. C’est la cause, sa solution? DAEDALUS...
RESOLVIT en fin de vers, toujours au présent, car l’oeuvre vit encore. Sa complexité est soulignée par les pluriels (DOLOS, AMBAGES), ainsi que par l'amuïssement de TECT(I) en hiatus. La construction elle-même de la phrase est subtile: 1 pp déponent (MISERATUS encadré d’un acc sg, REGENS participe présent encadré d’un acc Pl), avec l’omniscience du créateur: il dirige les aveugles, voire l’invisible: REGENS CAECA.(=une image du Poète, avec le fil de l’inspiration?) Dans cette description éclate brutalement une interpellation, dont l’objet ne se dévoilera qu’au v. suivant: ICARE; Les disjonctions, marques du désespoir de Dédale, toujours vivace, sont fortes: rejet de PARTEM, séparé de HABERES; la parataxe: (SI) SINERET (avec plutôt un plus-que-parfait attendu: regret dans le passé!, la structure: nom préposition adjectif: OPERE IN TANTO, même si elle est fréquente (cf. ce passage où nous en trouvons plusieurs occurrences) Les tentatives (BIS, en début de vers) ont avorté (plus-que-parfait, parfait archaïque: CECIDERE, donc en rupture temporelle avec les présents précédents), disjonction entre l’adjectif générique PATRIAE et MANUS. L’effort créatif s’exprime par le report, en fin de vers, de la matière qui aurait dû servir de support à l’expression de la douleur... IN AURO. (mini-conclusion, transition) Ainsi, Virgile vient de nous faire une évocation vivante d’une oeuvre d’art qui, par le génie de ses vers, traverse les siècles jusqu’à nous. Mais n’est-ce pas parce que, de façon bien paradoxale, elle évoque des mythes grecs archaïques?
II) évocation de mythes précis
La mort d’Androgée est simplement rappelée; sans doute parce que cette légende était encore vivace, du moins dans les milieux érudits romains. Androgée avait été tué par le taureau de Marathon, qu’il avait été condamné à chasser par le roi Egée, jaloux de ses succès aux jeux d’Athènes; pour se venger de la perte de son fils, Minos avait condamné, après une guerre, les Athéniens au versement annuel (QUOTANNIS) d’un tribut humain (7 (ENA) jeunes gens - et filles? absentes ici? - par an); ainsi, dans ce panneau, les évènements diachroniques, sont présentés en synchronie, de façon concomitante, comme dans les vitraux médiévaux: La contrainte imposée est évoquée par le JUSSI, aux fils(=les Athéniens) de Cécrops, le premier roi -mythique- d’Athènes. L’urne permet de dégager de toute responsabilité dans le choix le roi.
le Minotaure; v. 24: Cnossos est la ville de Minos; Ce dernier, lors d’un sacrifice à Poséïdon, lui avait demandé de faire surgir de la mer un taureau, en récompense de quoi il le lui sacrifierait; ceci fait, Minos ne tint pas sa parole et Poséïdon rendit l’animal furieux (CRUDELIS?) puis rendit la femme de Minos, PASIPHAE, (nom. GREC) enflammée pour ce taureau (AMOR TAURI), + animal dont la vitalité, lors du coït, est extrême (cf. CRUDELIS < CRUOR IS le sang rouge); Cette femme, fille du Soleil et soeur de Circé, pour obtenir l’objet de ses désirs, obtint de dédale qu’il fabriquât une génisse, simulacre dans lequel cette adultère (FURTO, cf. furtif) se fit couvrir (sic!, vu le SUBPOS(I)TA). Naquit de cette union mi-femme mi-animal (BIFORMIS, MIXTUM) le Minotaure... L’allusion à Vénus s’explique aussi par le fait que Pasiphaé aurait méprisé le culte de cette déesse. Mais Virgile n’est pas Voltaire: le NEFANDAE implique aussi de sa part un certain scrupule, du respect à l’égard de ces traditions séculaires, peut-être comme tout romain traditionnel: sinon pour leur vérité, du moins pour leur ancienneté, on retrouverait ici la notion de MOS MAJORUM.
V.27: le Labyrinthe est souvent dessiné dans l’antiquité, comme symbole des arcanes que doit éclaircir l’âme pour atteindre l’au-delà; il annonce les pérégrinations d’Enée dans les Enfers, mais aussi tous les problèmes qui l’attendent dans le Latium. Historiquement, le labyrinthe est un ensemble, à Cnossos, de couloirs menant à des réserves où, apparemment, chaque année, on lâchait un taureau et quelques esclaves (=sacrifices humains) pour que, par le courage montré dans cette lutte, chacun honore, par ses qualités, les divinités (cf. les combats de gladiateurs au départ); de plus, des acrobates, lors de cérémonies religieuses, sautaient par-dessus un taureau (cf. des fresques crétoises)
Dédale est le premier architecte (cf. V. 9 TECTA, v. 27 DOMUS, TECTI, par synecdoque), avec la stratégie du génie (DOLOS, AMBAGES, complexité d’un côté, le noeud gordien tranché de l’autre par la simplicité: FILO); Il s’agit de celui d’Ariane, amoureuse de Thésée, abandonnée à Naxos, que ce dernier quittera pour sa petite soeur, Phèdre, beaucoup plus tard. Dédale est aussi un sculpteur: AURO, à qui ses moyens échappent, car il ne peut illustrer la chute de son fils Icare, qui s’est trop rapproché du soleil... deuil inoubliable, souligné par les 2 subjonctifs imparfait (au lieu d’un plus que parfait de regret dans le passé - canonique- cf. CONATUS ERAT mais passé à l’imparfait par influence d’HABERES?), les temps du passé, et les élisions du v. 31: PART(EM) OPE/R(E) IN TAN/TO penthémimère SINE/RET DOLOR/ICAR(E) HA/BERES, comme le EF/FINGER(E) I/N AURO, final du v. 32 Virgile a fait participer son lecteur (au départ, ses auditeurs, cf. les lectures publiques, même si l’Enéïde n’est pas une épopée achevé, d’après la tradition) à l’angoisse des DUCTIS SORTIBUS; il nous a fait frémir avec l’amour contre nature de Pasiphae, et pleurer, avec son père, le sort d’Icare, au cours de sa description bien menée d’une porte de temple.
Enéide, VI, v. 33 - 55 | traduction universitaire | critique | mot-à-mot | commentaires |
QUIN PROTINUS OMNIA
PERLEGERENT OCULIS, NI JAM PRAEMISSUS ACHATES
ADFORET ATQUE UNA PHOEBI TRIVIAEQUE SACERDOS,
35
DEIPHOBE GLAUCI, FATUR QUAE TALIA REGI :
«NON HOC ISTA SIBI TEMPUS SPECTACULA POSCIT ;
NUNC GREGE DE INTACTO SEPTEM
MACTARE JUVENCOS
PRAESTITERIT, TOTIDEM LECTAS DE MORE BIDENTIS.»
TALIBUS ADFATA AENEAN (NEC SACRA MORANTUR
40
JUSSA VIRI) TEUCROS VOCAT ALTA IN TEMPLA SACERDOS.
EXCISUM EUBOICAE LATUS INGENS RUPIS IN ANTRUM,
QUO LATI DUCUNT ADITUS CENTUM, OSTIA CENTUM,
UNDE RUUNT TOTIDEM VOCES, RESPONSA SIBYLLAE.
VENTUM ERAT AD LIMEN, CUM
VIRGO «POSCERE FATA
45
TEMPUS » AIT; « DEUS ECCE DEUS ! » CUI TALIA FANTI
ANTE FORES SUBITO NON VOLTUS, NON COLOR UNUS,
NON COMPTAE MANSERE COMAE ; SED PECTUS ANHELUM,
ET RABIE FERA CORDA TUMENT, MAJORQUE VIDERI
NEC MORTALE SONANS, ADFLATA EST NUMINE QUANDO
50
JAM PROPIORE DEI. «CESSAS IN VOTA PRECESQUE,
TROS » AIT «AENEAS ? CESSAS ? NEQUE ENIM ANTE
DEHISCENT
ATTONITAE MAGNA ORA DOMUS. »
ET
TALIA FATA
CONTICUIT. GELIDUS TEUCRIS PER DURA CUCURRIT
OSSA TREMOR, FUNDITQUE PRECES REX PECTORE AB IMO : 55
Les Troyens auraient continué de parcourir des yeux toutes ces sculptures, si Achate, envoyé en avant, n'était survenu accompagné de la prêtresse de Phébus et d'Hécate, Déiphobe, fille de Glaucus: «Ce n'est pas le moment, dit-elle au roi, de s'absorber dans ces spectacles. Il vaudrait mieux maintenant immoler sept jeunes taureaux d'un troupeau qui n'a pas subi le joug et autant de brebis choisies selon les rites.» Quand elle eut ainsi parlé à Enée - et les Troyens accomplissent aussitôt les sacrifices qu'elle leur commande, - elle les appelle dans les profondeurs du temple.
L'énorme flanc de la roche Eubéenne était taillé en forme d'antre où cent larges avenues conduisaient et cent portes : il en sortait autant de voix, réponses de la Sibylle. Ils en atteignaient l'entrée lorsque la vierge s'écria: «C'est le moment d'interroger les destins: le dieu, voici le dieu!» Comme elle parlait ainsi devant les portes, soudain elle changea de visage, elle changea de couleur, ses cheveux s'échappèrent en désordre; sa poitrine halète, son coeur farouche se gonfle de rage; elle paraît plus grande, sa voix n'est plus humaine, quand le souffle puissant du dieu se rapproche et la touche. «Tu tardes à faire des voeux et des prières, Troyen Enée! dit-elle. Tu tardes! Mais elles ne s'ouvriront pas avant, les grandes portes de cette demeure frappée de stupeur.» A ces mots, elle se tut. Un frisson glacé parcourut les membres des rudes Troyens, et le roi tire ces prières du fond de son coeur.
Les Troyens auraient continué de parcourir des yeux toutes ces sculptures (la traduction s'astreint à développer le contenu sémantique de chaque mot, au prix de la perte de la concision) si Achate, envoyé en avant, n'était survenu (=arrivée brutale, une rupture indue), accompagné de la prêtresse de Phébus et d'Hécate, Déiphobe, fille de Glaucus: «Ce n'est pas le moment, dit-elle au roi (traduit comme une incise avec AIT ou INQUIT alors qu'il s'agit d'une relative, plus ample pour souligner son intervention qu'une simple indication d'émission vocale), de s'absorber dans ces spectacles (trop verbeux, encore; la personnification du temps, plus directe pour un romain que pour nous, est perdue!) . Il vaudrait mieux maintenant immoler (bien brutal en français; ce comportement religieux, commun pour un romain, n'a pas ici à être mis en valeur par un verbe trop concret; nous préférons donc l'habituel: sacrifier) sept jeunes taureaux d'un troupeau (invention) qui n'a pas subi le joug et autant de brebis choisies selon les rites (ou conformément à la coutume, qui serait lourd, vu l'adverbe ici.» Quand elle eut ainsi parlé à Enée (lourd: après de tels propos à Enée)- et les Troyens (pour VIRI, alors qu'il est rapproché de TEUCROS, et a donc son autonomie, n'en déplaise au traducteur qui n'a pas à corriger Virgile au nom de ses propres critères esthétiques; en fait, les Troyens sont peut-être accompagnés de locaux: la Sibylle ne peut vivre sans serviteurs ni aides, dont nous trouverions mention ici) accomplissent aussitôt (préférons: sans retard) les sacrifices qu'elle leur commande (ou exigés), - elle les (pour TEUCROS) appelle dans les profondeurs du temple (le français préfère la tournure abstraite).
L'énorme flanc de la roche Eubéenne était taillé (curieux imparfait pour un aspect PERFECTUM qui tolèrerait un présent descriptif) en forme d'antre où cent larges avenues (cette multiplication de voies d'accès paraît mal venue: laquelle d'ailleurs Enée aurait-il empruntée? Il s'agit plutôt d'entrées) conduisaient (imparfait au lieu d'un présent) et (suppression de l'asyndète voulue par Virgile) cent portes : il en sortait (suppression de la relative, elle aussi au présent) autant de voix, réponses de la Sibylle. Ils en atteignaient l'entrée (LIMEN=le seuil) lorsque la vierge s'écria (traduction trop expressive d'AIT): «C'est (présentatif sans originalité, par opposition à la concentration de la phrase) le moment d'interroger (POSCIT aussi en 37, mais un tel renvoi n'est pas attendu dans l'exercice de critique au bac, je te rassure!) les destins: le dieu, voici le dieu ! » Comme elle parlait ainsi devant les portes, soudain elle changea de visage, elle changea (anaphore de NON transférée sur la répétition d'un verbe, tentative de transfert de figure de style) de couleur (faut-il préférer: son visage, son teint changea brutalement, ce qui a le mérite de garder le nominatif/sujet pour ces deux noms), ses cheveux s'échappèrent en désordre (assez obscur: d'où s'échappèrent-ils? Donc, sa chevelure ne garda pas son arrangement; sa poitrine halète, son coeur farouche (on perd l'idée de sauvagerie induit par FERUS, hors de la culture, de l'urbanité; même si Apollon est plutôt de ce côté, par rapport à Dionysos; encore une fois, une perte de sens) se gonfle de rage; elle paraît plus grande (l'infinitif grec de relation est perdu, mais comment procéder autrement?), sa voix n'est plus humaine (le participe devient un nom, la séquence en syndèse MAJOR, SONANS, attributs dans une phrase d'état, disparaît), quand le souffle (nom pour participe passé) puissant (invention) du dieu se rapproche et la touche (encore des transferts dans les catégories du discours. Cela tourne ici à la manie gratuite). «Tu tardes à faire des voeux et des prières, Troyen Enée! dit-elle. Tu tardes! Mais elles ne s'ouvriront pas avant, les grandes portes (pourquoi cette extra-position emphatique? Pour marquer l'inversion du sujet? Cela reste bien lourd, impression que renforce le démonstratif ensuite. Notons que «portes» supprime la métophore, même si cette dernière reste difficile à garder en français) de cette demeure frappée de stupeur (on se demande bien pourquoi, sinon pour une traduction en mot à mot; en fait, ce terme signifie: prophétique, ce qui est bien le cas pour le temple dans lequel semble vivre la Sibylle).» A ces mots, (féru de Lettres, oserai-je un: «sur ce»?), elle se tut. Un frisson glacé parcourut les membres des rudes Troyens (pourquoi résoudre l'hypallage, car l'on perd la charge poétique de DURA OSSA, ce d'autant plus qu'OSSA est en début de vers), et le roi tire ces prières du fond de son coeur (Bellessort privilégie, pardonne-nous l'expression, l'extraction, alors que nous avons seulement AB; FUNDIT montre au contraire que cela coule de source, ce qui n'est pas surprenant de la part du PIUS AENEAS, et le PECTORE AB IMO souligne que sa prière est vraiment personnelle, comportement rare chez les païens romains où la prière est surtout rituelle alors que là, l'effusion auprès de la divinité est directe; le roi épanche - j'ai mis: r«répand» dans mon mot à mot mais cela fait... cruche! - de son for intérieur/du fond de sa poitrine ces prières? Certes, ceci fleure le pédantisme, mais nous avons le front de penser que, malgré le manque de temps, notre proposition est plus en adéquation avec le texte de Virgile que le travail à l'emporte-pièce de Bellessort... et toc! Coup de pied de l'âne final, cher(e) internauta)
un texte plein de bruit et de fureur, issu de l'une expression précise
1) un texte impressionnant et enlevé: comme souvent, Virgile veut toucher nos affects, nous é-mouvoir au sens étymologique du texte et, pour ce faire, il mobilise toutes les ressources de sa poétique et de la stylistique. D'emblée dans ce passage, la tension s'opère par l'abondance des préfixes; l'OMNIA totalisateur n'entre pas pour peu, en fin de vers, dans la fascination qu'entend exercer sur nous Virgile qui touche en premier lieu notre regard:OCULIS en 34 (qui se poursuivra par SPECTACULA au v. 37), entre deux césures, la seconde correspondant à une pause phono-sémantique; ACHATES impose sa présence en fin de vers, ce que corrobore le rejet d'ADFORET, avec le parallélisme de type: expansion participiale+nom/expansion nominale+nom, avec deux structures binaires fusionnées: ACHATES ATQU(E) UNA et PHOEBI TRIVIAEQUE, en succession masculin/féminin. Après la transition due à la prosopographie de la prêtresse, puisque d'abord son rôle religieux (son métier), ensuite son identité exacte nous sont fournis, il frappe en second lieu notre ouïe:
Nous traiterons l'accumulation des termes renvoyant à l'expression orale en 2) mais tout cela est annoncé sans ambages par la relative en hyperbate, et par l'alternance entre les phrases en style direct, les passages descriptifs et les épisodes narratifs : il s'agit bien de réagir (NON), par rapport à un comportement tangible (ISTA) inadapté: Il y a urgence : TEMPUS deux fois dans ce passage, cf. début de 46, NUNC en début de v. 38, utilisation du présent: POSCIT, VOCAT, ce que corrobore le NEC ... MORANTUR en fin de 40, apparition du ECCE en 46, SUBITO à la césure penth de 47, TUMENT au présent, l'aspect perfectum (résultat présent d'une action passée) d'ADFLATA, puisque ce dernier est précédé de l'estimation MAJOR VIDERI - où nous retrouvons la vue! - QUANDO en hyperbate en fin de 50; oui, le temps est évoqué (et invoqué!) , car il y a bien retard: CESSAS deux fois, le deuxième dans l'absolu, éclatant comme une accusation et le responsable de cette attente est dûment interpellé, donc dénoncé: TROS AENA Le NEQUE ANTE suivi du futur indique que l'action dans le présent aura un effet assuré, conséquent, quasi immédiat. L'impact est tel qu'après deux rapides «perfecta» encadrant le vers 54, comme déjà dans le passé, CUCURRIT ayant lui aussi son aspect perfectum, la prière s'exprime, avec le verbe au début: FUNDIT et l'ambiguïté syntaxique d'un TREMOR précédant un FUNDITQUE, le sujet REX n'intervenant qu'après PRECES au présent... ce survol nous permettant de constater que Virgile tient à nous faire vivre cet épisode, certes dans le cadre d'une focalisation externe, mais en privilégiant le HIC (ALTA IN TEMPLA, v. 42 - 44: LATUS, IN ANTRUM, QUO - début de vers, ADITUS, OSTIA, UNDE - début de vers, AD LIMEN, ECCE aussi bien locatif que temporel, ANTE FORES en début de 47, PROPIORE, MAGNA ORA DOMUS, pour arriver au(x) corps - déjà annoncé par le visage et le corps de la Sibylle: PER DURA... OSSA, PECTORE AB IMO) et NUNC. Participe aussi à l'impression frappante générée par ce passage son côté surnaturel: la nature est dépassée: LATUS INGENS avec un EXCISUM en début de vers qui implique une intervention extérieure...la redondance des CENTUM, les ADITUS fermés par les OSTIA, mais qui restent ouverts paradoxalement pour laisser passer les oracles, avec l'effet démultipliant de l'écho qui dépasse la vraisemblance: TOTIDEM VOCES; les harmonies imitatives amplifient cet effet (cf. l'abondance des voyelles fermées dans ce passage). La transformation de la Sibylle possédée est fantastique: les cheveux de cette VIRGO se retrouvent NON COMPTAE, et ses traits ne restent pas impassibles alors qu'une jeune fille se doit de rester imperturbable, équanime, aux antipodes d'ANHELUM en fin de 48, elle perd la douceur virginale (RABIE FERA) qui est le propre, pour un ancien, de toute jeune fille banale (les contre-exemples étant Antigone et Electre), elle se dilate même, MAJOR VIDERI, quitte son identité humaine pour devenir divine: NEC MORTALE SONANS où l'adjectif substantivé fonctionne plutôt. comme un adverbe... au vers 50, l'interprétation (merveilleuse selon Todorov, réelle pour l'antiquaire profondément religieux qu'est Virgile) nous est imposée: ADFLATA EST NUMINE QUANDO... DEI, le NUMEN étant sa volonté. Servant de réceptacle au dieu, notre jeune fille peut d'autant mieux demander brutalement, sans formule de politesse ni d'atténuation, des comptes à notre héros, en deux interrogations directes, la deuxième claquant comme un reproche virulent. La menace est immédiate: la rétention d'information, et notre vierge ne s'embarrasse pas de commentaires superflus: CONTICUIT en une courte phrase déclarative, en début de vers. Nos braves troyens, en un retournement paradoxal vu la qualité des personnages, restent tremblants et silencieux puisque seul le roi ose s'exprimer, PECTORE AB IMO, car il a été ébranlé dans ses fondements lui aussi. Ainsi nous sommes face à l'homme seul, ce qui rend la situation d'autant plus prenante, par contraste... Rappelons ici que la démarche d'Enée pour demander en fait confirmation de son avenir, est ici gratuite; à la réponse allusive de la Sibylle sur son destin et celui de ses descendants, il rétorquera plus loin qu'il connaît son destin: OMNIA PRAECEPI ATQUE ANIMO MECUM ANTE PEREGI, v. 105 (J'ai tout prévu, j'ai déjà tout vécu par la pensée) et qu'il ne vient que pour savoir comment rencontrer son père mort, Anchise: AD CONSPECTUM CARI GENITORIS, v. 108. Ainsi, les effets de rhétorique, les mouvement des phrases et des évènements nous permettent de saisir sur le vif l'inspiration de Virgile: nous sommes face à une réalisation artistique, mieux nous sommes pris par cette dernière (internaute, n'oublie ce terme d'artiste lors de ta lecture de la conclusion de notre 2!)
2) Ce passage abonde en notations précises: Ceci est préfiguré par la netteté des préfixes: PER-, PRAE, AD- (34-35). Fait partie de cette inscription (sic!) dans la réalité le QUIN PROTINUS où la négation permet de dénier le PER-LEGERENT, irréel du présent. Il s'agit non seulement de contemplation esthétique pour les troyens (cf. TEUCROS au v. 41), mais aussi de la prise en compte, de la lecture d'une oeuvre d'art globalisée par le OMNIA en fin de vers, en fait porteuse d'un message: celle d'une lutte sans cesse recommencée entre l'homme et les dieux, voire entre la culture et la nature, avec l'inincarnable pour l'artiste (cf. plus haut l'anaphore de BIS), qui renvoie implicitement à l'indicible pour le poète, car ce dernier en cesse sa description. A peine évoqué, Achate laisse la place au personnage qu'est venu visiter Enée: la Sybille (fin de v. 10), prêtresse d'Apollon (Delius, début du v. 12) et d'Hécate (Triviae à la penth du v. 13, car déesse magicienne présidant aux carrefours, qui sont les lieux par excellence de la magie - il est amusant de constater que les romains appellent TRIVIA ce qui pour eux n'est qu'à trois routes: comme s'il était inconcevable de revenir sur ses propres pas, au rebours de notre lâche carrefour) . En fait, nous retrouvons au v. 35 ces deux divinités par delà la présentation de la décoration de la porte à deux battants du temple (v. 14 - v. 32) en une périphrase évoquant les responsabilités religieuses de la prêtresse avant son identité exacte au début du v. suivant, 36 (comme de juste, son prénom grec et le nom de son géniteur: l'identité se détermine toujours par le père). En fait, Achates en fin de v. 34 laisse bien vite la place, via le rejet ADFORET et la syndèse ATQU(E) UNA, à la SACERDOS, en fin de v. 35. L'hyperbate de la relative préfigure la remontrance subie par notre Héros, un véritable rappel à l'ordre qui n'a rien de surprenant dans la bouche d'une femme qui prend constamment la parole dans ce passage, comme le rappelle le FATUR TALIA, une expression réitérée à l'envi, d'où une succession de polyptotes sur la racine *BHE (cf. TALIBUS ADFATA en 40 - VOCAT en 41, substantifs: VOCAS, RESPONSA en 44 - FATA v. 45 - les 3 incises AIT: v. 46 repris en 51 et 52, v. 46 - TALIA (en polyptote, cf. 40) FANTI en fin de vers - v. 50 SONANS à la césure penth correspondant à une pause phono-sémantique - puis TALIA FATA en fin v. 53) devant des troyens qui ne réapparaissent, bien affaiblis malgré DURA, qui souligne a contrario ce qu'ils ressentent , qu'aux v. 54-55, avec la disjonction: GELIDUS TREMOR et un Enée bien «taiseux», silencieux (cf. fin de notre passage où il ne peut que tirer des PRECES PECTORE AB IMO, v. 55): la Sibylle semble préfigurer (même si elle est possédée par le Dieu) les responsabilités que les femmes romaines se révèleront de plus en plus capables d'assumer.
Reprenons après ce survol: Déiphobé commence de façon tranchée: NON mais bien allusive: HOC ISTA SIBI, où les disjonctions sont paradoxalement renforcées par le parallélisme: HOC ISTA TEMPUS SPECTACULA, puisque l'oeuvre d'art est bien une mise en scène qui mérite contemplation. L'anthropomorphisation du temps,: POSCIT au présent en fin de v. 37, souligne qu'il est urgent d'agir, comme le corrobore la concision, voire le laconisme obscur de ce vers, qui ne se comprend que lorsque l'on développe tous les sèmes recélés dans chaque terme, ce que confirme aussi le NUNC en début de v. 38. L'attention méticuleuse à la pureté rituelle, essentielle pour un païen, se marque par le complément d'origine en disjonction dont l'adjectif se place à la césure penth, et l'on retrouve comme un écho du v. 21 avec les 7 JUVENCOS, en fin de vers, comme les BIDENTES en fin de vers suivant. Ce souci du détail, vu ma minutie du nombre, se retrouve avec le terme technique MACTARE. Le respect de la règle (cf. les 4 spondées du v. 38) s'affirme (PRAESTITERIT en rejet, le martèlement des dentales), même au prix d'un anachronisme: on croit plus à un DE MORE (comme en écho à la norme énoncée avec la même construction: GREGE DE INTACTO) à l'époque de Virgile qu'à cette époque légendaire où la coutume est justement en train de s'instaurer, alors que la Sibylle se réfère à la tradition: c'est que toute cérémonie, tout SACRA, implique des préparatifs méticuleux: LECTAS, avec le souci bien marqué d'équilibre: TOTIDEM, gage de sérénité, d'offrande sans difficultés donc acceptée (cf. DO UT DES, adage bien connu de la RELIGIO en fait un contrat). Les Troyens ne peuvent qu'obtempérer, pris qu'ils sont entre AENEAN et SACERDOS en fin de vers, avec un rapprochement entre nominatif VIRI et accusatif TEUCROS en rupture, où ils restent, quelle que soit leur fonction, objet (JUSSA): les prescriptions religieuses sont prégnantes; le sacrifice a lieu sans détails - car chacun sait commen,t cela se passe - devant le temple, et la prêtresse peut maintenant les appeler à l'intérieur: ALTA où l'harmonie vocalique en [a] illustre son injonction, car elle-même semble juste à l'entrée en compagnie d'Achate, qui est venu la chercher, sans doute à l'intérieur (cf. PRAEMISSUS en 34). Il y a donc une attente à cet endroit, là où la prêtresse vaticine, devant les portes encore fermées - car elles ne s'ouvriront qu'en 81-82 pour permettre au message de sortir - le temps pour Enée d'émettre sa demande (cf. plus loin: CESSAS) : ADITUS, OSTIA (43), LIMEN (v. 44), MAGNA ORA (où la métaphore garde en même temps son sens originel) DOMUS (53): Malgré l'amplification du temple (pluriel poétique, la paronomase LATUS/LATI, le sens même de cet adjectif, CENTUM deux fois, la quasi-synonymie d'ADITUS/OSTIA (horizontal/vertical?) en construction parallèle et en asyndète), on retient surtout le terme ANTRUM en fin de 42, comme en début de 11, qui permet la résonance de la voix, annoncée par l'abondance des dentales en allitération au v. 43, ce comme une proclamation officielle de la prédiction: 44 UNDE RUONT TOTIDEM VOCES, RESPONSA SYBILLAE (une partie des termes que nous venons de citer se retrouvant d'ailleurs en écho en 81-82:
OSTIA IAMQUE DOMUS PATUERE INGENTIA CENTUM
SPONTE SUA VATISQUE FERUNT RESPONSA PER AURAS
«Et voici que les cent portes de la demeure se sont ouvertes d'elles-mêmes et livrent passage dans les airs aux réponses de la prêtresse»: on a ici l'évidence que Déiphobé est implicitement à l'intérieur et que c'est l'ouverture des portes qui permet à ses paroles de prendre leur envol): l'apposition RESPONSA est claire: les paroles VOCES ne sont pas incompréhensibles (même si elles peuvent être énigmatiques) ni réinterprétées par un collège de prêtres comme à Delphes. Clair, avons-nous dit? C'est au rebours de l'ouverture des portes: tout nous indique que la Sibylle est sortie de son temple-antre aux multiples portes (avec une porte centrale sculptée dans le bois? cf. MANUS PATRIAE bien que nous ayons plutôt l'impression de figurations en plaque de bronze) pour recevoir Enée venu la visiter (PETIT ARCES au début de l'extrait) et l'interpeller, donc la porte a été au moins une fois ouverte - ce qui ne nous est pas signalé! - alors que l'on nous indiquera plus loin qu'elles s'ouvriront (futur DEHISCENT en fin de 52), ce qu'elles feront effectivement, une fois VOTA et PRECES accomplis, en 81-82 (déjà cités SUPRA). Ainsi, Virgile a porté plus d'attention à la Sibylle elle-même et au pieux Enée qu'à la cohérence de l'arrière-plan dans lequel ses personnages évoluent avec, au second plan, indifférenciés à part Achate, le groupe des jeunes Troyens (cf. v. 5 JUVENUM MANUS, le groupe des jeunes gens), ce qui participe en fait au fantastique du texte, par delà la multiplication des ouvertures (cf. notre premier thème!). Quoi qu'il en soit, nos différents renvois à l'extérieur de notre passage prouvent la cohérence de ce poème... L'irruption brutale du dieu, après le relâchement des 3 vers descriptifs (442-44), se marque par la rupture temporelle: VENTUM ERAT en début de vers avec l'incise AIT au présent à la césure tri, DEUS répété, le dernier à l'ephth, avec la brutalité du présentatif, la concentration de la phrase attributive, sans oublier POSCERE en début de phrase, et TEMPUS en début de vers, la polyptote de FATA en fin de vers avec FANTI en fin de vers suivant. C'est du grand art, compte non tenu du martèlement des dentales ainsi que des consonnes sourdes ici. Le ANTE FORES en début de vers suivant permet de mettre en exergue la VIRGO (n'oublions pas que son don lui a été fait par Apollon comme à Cassandre, avec le même refus de se donner; en fait, traditionnellement, Apollon lui a donné l'immortalité, mais vu sa retenue, lui a refusé l'éternelle jeunesse; la légende veut donc qu'elle se soit étiolée au fil du temps pour se dessécher en cigale. Nous sommes bien loin de cet aspect ici: Virgile adapte la tradition en fonction de ses besoins esthétiques). L'anaphore des NON évoque aussi la réticence de la Sibylle à tomber en transe (cf. plus loin 77: NONDUM PATIENS), avec une présentation bien menée: la tête en 3 éléments (VOLTUS, COLOR, COMAE) de plus en plus longs, le corps en 3 éléments aussi (PECTUS, CORDA, MAJOR), le tout en VARIATIO constante, et pour finir l'allusion à sa voix. Cette présentation commence par une énigme soulignée par le SUBITO à la césure penth et les voyelles fermées: le visage (important pour une femme, avec un effet d'encadrement entre VOLTUS et COMAE) est comme dénié : si son teint n'est pas UNUS en fin de vers, c'est qu'il est marqué. Le NON COMPTAE résout le mystère: elle est possédée (et nous employons ce mot volontairement: la chevelure de la jeune fille à marier est aussi COMPTA, pour ne plus l'être ensuite). Nous passons de cette première accumulation en asyndète à une autre en syndèse: SED, ET QUE, avec un processus net d'animalisation, voire d'orgasme-transe prophétique (cf. les chamans, la Pythie): ANHELUM en fin de vers, l'insistance avec RABIE FERA, le gonflement: TUMENT, MAJOR (nous partageons le regard du héros: VIDERI en infinitif grec), qui justifient le surprenant ADFLATA. La volonté du dieu (NUMINE), qui se marque par une inclinaison de la tête par ex. chez Jupiter, se substitue à la sienne, le processus, en des notations cliniques, vu la précision des termes et des notations physiologiques, s'opérant sous nos yeux grâce au comparatif de PROPINQUUS. La Sibylle commence brusquement par des imprécations en forme de remise en cause, d'accusation, en deux interrogations directes totales, avec le passé tragique de Troie brutalement évoqué par le TROS, lui-même mis en valeur par la rupture de l'incise AIT. L'ouverture future des portes se préfigure par les apostrophes (NEQU(E) EN(IM) ANTE, comme par l'allitération en dentales ainsi que le chiasme suivant (génitif/nominaitf/nominatif/génitif. La syndèse ET induit un silence chez la Sibylle d'autant plus éloquent qu'il convient de laisser la parole à Enée (VOTA PRECES), ce que corrobore le rejet, avec un perfectum en rupture temporelle, de CONTICUIT à la césure tri, avec son préfixe soulignant le mutisme volontaire. Les gutturales du v. 54 incarnent bien la frayeur (avec ses effets physiques: GELIDUS - sueur froide - TREMOR, tremblement, elle-même mise en valeur par l'hyperbate et sa disjonction d'avec son adjectif) que provoque chez des hommes même aguerris (DURA en disjonction avec le déconcertant OSSA en début de vers) ce que nous venons de voir et d'entendre: VOX DEI, la seconde hyperbate laissant libre cours du vers 56 à 76 aux PRECES, enfin. Notons qu'Enée, en héros digne de ce nom, n'en perd pas son... latin (passe-moi, cher(e) - halte au sexisme ambiant! - internaute, cette plaisanterie dans ce pensum!). Son titre de REX - haïssable pour un romain - est atténué ici par la mise en avant de FUNDIT, et la fin du vers: PECTOR(E) AB IMO: ce sont des paroles de coeur et du coeur, avec des PRECES comme attendu du PIUS AENEAS du v. 9.
Cette étude nous a donc permis de voir en détail le travail d'artiste et
d'artisan de Virgile: il cisèle les moindres détails avec une extrême
attention, mais ceci, loin d'obérer notre plaisir, participe à la fascination
qu'exercent encore sur nous de tels textes, malgré quelques maladresses ou
obscurités que nous avons ponctuées. (car n'oublie pas le thème de Virgile au
baccalauréat)
en
1607 par les frères Le Chevalier d’Agneaux, de Vire en Normandie, édité par
David le Clerc, rue Frémentel, au petit Corbeil (exemplaire personnel de H.
Steiner - notre recopie modernise la graphie des accents, quand elle est indiquée ;
sinon, l’orthographe est strictement respectée, compte non tenu de
l’enclenchement d’automatismes professionnels…)
En
avant-propos :
Argument
du sisiesme livre
Le
roi Dardanien est en Cumes, cité
Consacrée
à Phoebus, par les ondes porté,
Responses
il demande à la Vierge Cumaine,
Prophétisse
et prêtresse ; ensevelit Mesene ;
Au
Royaume Infernal avec elle se rend :
Aborde
là son pere, et de sa bouche apprend
Des
siens toute la race, et comme encor’ futures,
Il
pourra surmonter vainqu’eu les aventures.
La
traduction :
… Tandis Ené le bon
Tire
au palais, où grand presidoit Apollon,
Et
au secret séjour de Sibylle horrible
A
l’écart retiré, antre creux et terrible,
Ou
d’une grand’ pensee et d’un esprit divin
Luy
grossit l’estomach le delien devin,
Et
outre l’advenir. Or ès forêts sacrees
De
trivie entrent-ils ès maisons dorees.
Dedale
(comme on bruit,) de l’ancien Minos
Les
royaumes fuyant, d’un plumage dispos
S’osa
commettre au Ciel, guidant sa course aisee
Par
un trac non frayé devers l’Ourse gelee.
Tant
qu’il se vint leger asseoir finablement
Sur
le fort de Chalcis. Rendu premierement
En
ces terres icy, de son rameur pennage
Il
te feit une offrande, et d’un superbe ouvrage
Un
grand temple, ô Phoebus, en ton nom éleva.
Sur
la porte la mort d’Androgee il grava.
Et
comme de Cecrops la gent fut condamnee
Pour
peine, ô cas piteux ! de livrer chaque annee
Sept
corps de ses enfants, là l’urne aux sorts tirez.
D’un
front haut élevé sur les flots azurez
Là
terre Gnosienne est vis à vis assise :
La
le cruel amour du toreau, là soumise
Pasiphe
a ses ardeurs par un dol recelé.
La
race double-forme et le genre mêlé,
S’y
peint le Minotaur’, memoire épouventable
D’un
sale accouplement et flamme detestable.
Là
celuy grand labeur de l’aveugle séjour,
Indepétrable
erreur : Mais Dedal, que l’amour
Violent
de la Royne, à compassion ploye,
Les
ruses et les détours de la maison déploye,
Conduisant
par un fil l’aveuglement des pas.
En
un œuvre si grand même tu n’eusses pas,
Icare,
eu peu de part, si la douleur trop dure
Permettre
luy eût peu. Deux fois ceste aventure
Representer
dolent en or il s’efforça :
Ses
paternelles mains choir deux fois il laissa.
Or
eussent-ils des yeux tout parleu, sans qu’Achate
Ja
devant envoyé, et de Phebe et d’Hecate
La
prêtresse avec luy Deiphobe survint,
De
Glauque sang issu, qui ces mots au Roy tint :
De
voir tous ces pourtraits or le temps ne demande,
Du
troupeau non touché mieux vaudroit en offrande
Presenter
sept bouveaux, et de brebis de choix
Autant
selon la mode. Et les Troyens à l’heure
Apelle
la prêtresse au temple Phebéen.
Dedans
le large flanc du Rocher Eubéen
Un
creux antre est taillé, ou cent larges entrees
Conduisent,
où cent huis : Autant de voix sacrees.
Qu’en
réponse rendoit la Sibylle, en sortoient.
Au
portail du montier arrivez ils étoient,
Quand
à dire se prit la prophete pucelle :
A
demander les sorts ja le temps nous appelle,
Voicy,
voicy le Dieu. Soudain disant cecy
Au
portail, non le front, non la couleur aussi
Même
ne demeura, non sa tresse agencée :
Mais
l’estomac pantois, et de rage incensée
Elle
sentit selon tout le cœur lui enfler,
Et
plus grande sembla, sans que rien son parler
Ressentit
de mortel, quand sa fureur divine
Ja
plus prochain le dieu souffla dans sa poitrine.
Troyen
Ené, dit-ell’, tardes-tu paresseux,
Tardes-tu
d’épancher tes prières et vœux ?
Car
devant que prier, les maisons étonnantes
N’ouvriront
le profond de leurs gorges béantes.
Elle
se teut sans plus, ayant dit ces propos.
Une
gelante peur courait par les durs os
Aux
Troyens effrayez. Puis en ceste manière
Le Roy du fond du cœur épandit sa priere :