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(texte brut et mot-à-mot basique: HS)
Tityrus
Quid
facerem? neque servitio me exire
licebat
nec tam praesentes alibi cognoscere divos.
Hic illum vidi juvenem, Meliboee, quotannis
bis senos cui nostra dies altaria fumant.
Hic mihi responsum primus dedit ille petenti:
«pascite ut ante
boves, pueri, submittite tauros.»
Meliboeus
Fortunate senex, ergo tua rura manebunt
et tibi magna satis, quamvis lapis omnia nudus
limosoque palus obducat pascua junco.
Non insueta graves temptabunt pabula fetas
nec
mala vicini pecoris contagia laedent.
Fortunate senex, hic inter flumina nota
et fontes sacros frigus captabis opacum;
hinc tibi, quae semper, vicino ab limite
saepes
Hyblaeis apibus florem depasta salicti
saepe
levi somnum suadebit inire susurro;
hinc alta sub rupe canet frondator ad auras,
nec tamen interea raucae, tua cura, palumbes
nec gemere aeria cessabit turtur ab ulmo.
Quid facerem? Que pouvais-je faire ? Neque licebat me exire servitio il n'était pas permis ni que je sorte de la servitude nec cognoscere alibi divos tam praesentes ni de connaître ailleurs des dieux si propices. Hic vidi, Meliboe, illum juvenem, ici j'ai vu, Mélibée, cet illustre jeune homme cui senos bis dies quotannis pour lequel pendant deux fois (par!) six jours chaque année nostra altaria fumant. nos autels fument, Hic primus ille mihi dedit ici, le premier, celui-ci m'a donné responsum petenti +cette réponse à ma demande pueri, pascite ut ante boves, enfants, faites paître comme avant vos boeufs, submittite tauros. élevez des taureaux. Meliboeus: Fortunate senex, Mélibée: Heureux vieillard ergo tua rura manebunt donc tes champs resteront +tiens et satis magna tibi et suffisamment grands pour toi quamvis lapis nudus que palus junco limoso quoique la pierre nue et le marécage au jonc boueux obducat omnia pascua recouvrent tous tes pâturages. pabula insueta non temptabunt fetas graves des fourrages/nourritures inhabituels ne tenteront pas +tes+ brebis gravides nec contagia mala pecoris vicini laedent ni les maladies pernicieuses d'un troupeau voisin ne +les lèseront/atteindront. Fortunate senex, Heureux vieillard hic inter flumina nota ici parmi des fleuves connus/que tu connais et fontes sacros et les fontaines sacrées captabis frigus opacum tu rechercheras un froid/fraîcheur opaque/ombragée; hinc saepes salicti depasta florem là, la haie de saule butinée quant à sa fleur apibus Hyblaeis par les abeilles de l'Hybla quae semper ab limite vicino qui existe toujours depuis la limite du champ voisin tibi suadebit saepe te persuadera souvent inire somnum levi susurro d'entrer dans le sommeil par son léger bourdonnement; hinc sub alta rupe là sous la haute roche frondator canet ad auras l'émondeur chantera vers les cieux; tamen interea nec palumbes raucae, tua cura, cependant, pendant ce temps, ni les palombes à la voix rauque, ton souci=l'objet de tes soins! nec turtur cessabit gemere ab ulmo aeria ni la tourterelle ne cessera de gémir depuis l'orme aérien.
Quid facerem? Que pouvais-je faire (subjonctif de délibération, traduit communément par un infinitif en français: que faire, l'émetteur étant implicitement le sujet) neque licebat me exire servitio il n'était pas permis ni que je sorte de la servitude/esclavage (cf. SERVUS. NEQUE... NEC: anaphore négative en structure binaire, cf. les deux HIC ultérieurs en attaque de vers; LICET peut être construit soit avec un datif soit avec proposition infinitive comme ici ) nec cognoscere alibi divos tam praesentes ni de connaître ailleurs des dieux si propices (pour «efficace», théologiquement connoté depuis Pascal; ALIBI est en facteur commun aux deux infinitifs et s'oppose aux HIC suivants; DIVOS: adjectif substantivé). Hic vidi, Meliboe, illum juvenem, ici j'ai vu, Mélibée, cet illustre jeune homme (le sens emphatique, laudatif, d'ILLE est incontournable ici et doit transparaître dans la traduction) cui senos bis dies quotannis pour lequel pendant deux fois (par!) six jours chaque année (BIS est multiplicatif avec les distributifs, QUOT renforce la distribution) nostra altaria fumant. nos autels fument (divinisation prémonitoire d' Octave, futur Auguste en -27, cf. son apothéose par le Sénat, ce après sa mort en +14), Hic primus ille mihi dedit ici, le premier, celui-ci m'a donné responsum petenti +cette réponse à ma demande (à moi demandant, participe en accord avec MIHI) « pueri, pascite ut ante boves, enfants, faites paître comme avant vos boeufs (PUERI, vu l'âge bien mûr de Tityre, est surprenant: terme affectueux, protecteur d'Octave à l'égard des demandeurs, qui seraient ses fils spirituels? Tityre au milieu d'une groupe plus jeune dont il aurait été le porte-parole? PUERI peut certes signifier aussi esclaves, mais on ne voit vraiment pas comment et pourquoi Octave les recevrait! Ou il recevrait des affranchis comme CLIENTES? Au-delà de la pertinence de l'apostrophe, le message est clair: Octave prône le retour à la terre, programme qui ne deviendra vraiment opérant qu'après sa victoire sur Antoine et Cléopâtre à Actium en -31! D'aucuns s'en souviendront, pour le plus grand malheur de la France) submittite tauros. élevez des taureaux (pour une meilleure reproduction; SUBMITTO signifiant ici envoyer de dessous, donc faire croître/pousser) Meliboeus: Fortunate senex, Mélibée: Heureux vieillard (maladroit après le PUERI!) ergo tua rura manebunt donc tes champs resteront +tiens (TUA épithète et attribut du sujet!) et satis magna tibi et suffisamment grands pour toi (idéal d'autarcie, d'élevage extensif sans productivisme) quamvis lapis nudus que palus junco limoso quoique la pierre nue et le marécage au jonc boueux (nous optons pour un ablatif de qualité et non de moyen, qui ne pourrait jouer qu'avec PALUS) obducat omnia pascua recouvrent tous tes pâturages (recouvrent: accord avec le plus rapproché... Notons que le travail permet d'échapper à la misère - au rebours d'un barrage contre le Pacifique, malgré la piètre qualité du terrain; donc un idéal de frugalité, nous ne sommes pas dans un pays de Cocagne. pabula insueta non temptabunt fetas graves des fourrages/nourritures inhabituels (dont elles n'ont pas l'habitude, d'où diarrhées) ne tenteront pas +tes brebis gravides nec contagia mala pecoris vicini laedent ni les maladies pernicieuses d'un troupeau voisin (dû au voisinage, d'où contacts, avec un autre troupeau) ne +les lèseront/atteindront. Fortunate senex, Heureux vieillard hic inter flumina nota ici parmi des fleuves connus/que tu connais (donc sans le piège d'un trou d'eau inconnu) et fontes sacros et les fontaines sacrées (donc consacrées chacune à une nymphe) captabis frigus opacum tu rechercheras un froid/fraîcheur opaque/ombragée; hinc saepes salicti depasta florem là, la haie de saule butinée (amusant, ce participe passé passif de DEPASCO avec un accusatif de relation!) quant à sa fleur apibus Hyblaeis par les abeilles de l'Hybla quae semper ab limite vicino qui existe toujours depuis la limite du champ voisin (Virgile tient à souligner la permanence, par delà les tribulations du temps, de ce type de clôture; de plus, la propriété se marque par la séparation, de tout temps!) tibi suadebit saepe te persuadera souvent inire somnum levi susurro d'entrer dans le sommeil par son léger bourdonnement (de fait, c'est bien la haie qui donne l'impression de bourdonner); hinc sub alta rupe là sous la haute roche frondator canet ad auras l'émondeur chantera vers les cieux; tamen interea nec palumbes raucae, tua cura, cependant, pendant ce temps, ni les palombes à la voix rauque, ton souci=l'objet de tes soins! (NEC en anaphore) nec turtur cessabit gemere ab ulmo aeria ni la tourterelle ne cessera de gémir depuis l'orme aérien (les noms d'arbres sont féminins en latin).
la parole est à Chantal Osorio:
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Tityrus Quid facerem?
neque
servitio
me
exire
licebat 'pascite
ut
ante
boves,
pueri,
submittite
tauros.'
|
Que
pouvais-je faire ? |
|
Il
ne m’était permis ni de sortir de l’esclavage |
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ni
de connaître des dieux si favorables |
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alibi . |
ailleurs. |
C’est
là que j’ai vu ce jeune homme, Mélibée, |
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pour
lequel chaque année, un jour par mois, |
|
nos
autels fument (vont fumer). |
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C’est
là que celui-ci le premier a donné une réponse |
|
à
moi qui présentait ma requête : |
|
Faites
paître comme avant vos bœufs, enfants, |
|
élevez
des taureaux. |
|
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Meliboeus nec mala
vicini
pecoris
contagia
laedent. saepe levi
somnum
suadebit
inire
susurro; |
Heureux
vieillard, |
|
ainsi
donc tes champs te resteront |
|
et
pour toi ils seront assez grands, |
|
bien
que la pierre nue et les marécages |
|
couvrent
tous tes pâturages de joncs limoneux. |
|
Des
pâturages inconnus ne mettront pas à l’épreuve |
|
les
femelles pleines |
|
et
les maladies contagieuses du troupeau voisin |
|
ne
toucheront pas (ton troupeau/le tien). |
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Heureux
vieillard |
|
Iii,
entre les fleuves que tu connais |
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et
les fontaines sacrées |
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tu
profiteras de la fraîcheur ombragée. (de
la fraîcheur de l’ombre / de l‘ombre fraîche) |
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Là,
pour toi, (la haie) qui (le fait) toujours Là
pour toi, comme toujours, |
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depuis
les limites du champ voisin |
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la
haie de saule |
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butinée
quant à sa fleur dont
la fleur est butinée |
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par
les abeilles du mont Hybla* montagne
de Sicile ! c’est l’Hymette qui est en Grèce ! |
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te
convaincra souvent de te laisser aller au sommeil |
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de
son léger bourdonnement ; |
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là
aux pieds de la haute roche |
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l’émondeur
lancera son chant dans les airs, |
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et
cependant, pendant ce temps |
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ni
les palombes au son rauque, |
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objets
de tes soins, |
|
ni
la tourterelle |
|
ne
cesseront de gémir |
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depuis
l’orme aérien. (du haut de l’orme) |
*
« Je suis né libre au
fond du golfe aux belles lignes
Où l’Hybla plein de miel mire ses bleus sommets »
Deux vers tirés d’un sonnet (l’esclave) de J.M de Heredia (Les
Trophées)
L’Hybla est renommé pour
ses abeilles et son miel.
« L’heureux
sort de Tityre »
Introduction
Comme
la précédente, en ajoutant la situation de l’extrait….
Axes: Mélibée, chantre du bonheur de Tityre; deux réalités à vivre antagonistes, ce à la louange d'Octave (futur Auguste)
Le passage est à l’évidence dominé
par l’expression du bonheur de Tityre, aussi bien dans la réplique de Tityre
que dans la réponse de Mélibée. Mais n’oublions pas que l’expression du
bonheur peut être aussi l’expression implicite de ce qu’est le malheur.
I) Mélibée met en évidence l’aspect le plus concret du bonheur qui attend Tityre
Un hymne au bonheur de Tityre prononcé
par Mélibée, scandé par les deux exclamations répétées « Fortunate
senex »
. SES
TERRES : mise en valeur des
conséquences de la parole du dieu : « ergo » juste
entre coupe pent et hepht; vers très équilibré, d’un côté « fortunate
senex » et après ergo, énoncé de ce qui justifie ‘fortunate’ :
« tua rura manebunt », dans une construction simple, et qui
justement, dans sa simplicité même, précise la nature et l’ampleur du
bonheur de Tityre : « tua », il reste propriétaire de
son bien ; « tua rura » au pluriel valorise ce bien, même
modeste .
Et certes,
ce bien est pauvre : plus de pierres, de joncs et de marais que de
terres fertiles (2 vers ½ pour les évoquer + quamvis , placé entre
deux coupes, et mot de deux syll. longues).
Mais l’essentiel est dans « Et
tibi magna satis » (juste avant la coupe pent), avec « et
tibi » en dactyle initial ;
+ abondance de dactyles comme pour rendre plus légers les inconvénients
des terres de Tityre.
.
SON TROUPEAU : les
« non / nec » qui commencent
les vers 49 t 50 = ce que ne
connaîtra pas Tityre pour son troupeau :
d’abord
le changement perpétuel de pâtures: « non insueta … temptabunt
pabula » ; la coupe met en valeur au début du vers les deux éléments
essentiels « non insueta » + « graves » :
la stabilité du troupeau assurera sa fertilité
-abondance de longues- .
ensuite,
cette fertilité ne sera pas mise en péril par les risques de maladie multipliés
par la promiscuité constante avec des troupeaux inconnus et toujours changeants
(mala + contagia + laedent : redondance qui trahit la peur constante
du berger : que ses bêtes soient mises en danger - par la négligence
d’autrui, ce qu’il ne peut contrôler, risque multiplié lors des déplacements-).
1-2 : Après la deuxième
exclamation, mise en valeur de la vie qui attend Tityre = tous les éléments
du bonheur immédiat :
-
un
monde défini, délimité (lieu et temps) : « hic, inter, hinc,
hinc / quae semper »
-
un monde connu « inter flumina nota » (trois mots
pieds)
-
un
bonheur simple : être chez soi ; pouvoir prendre le frais ;
n’entendre que des bruits familiers ; pouvoir s’adonner à la sieste,
en accord avec la nature qui s’y prête ; vivre dans un monde où chacun
est en harmonie avec les autres – (toutes choses qui ne sont possibles
que dans la ‘concordia’ ; cf la fin de cette bucolique )- : le
chant de l’émondeur ne gène pas (nec tamen interea) le
roucoulement des colombes, qui se mêle (reprise de nec) au chant des
tourterelles. Harmonie rendue par des allitérations (harmonie imitative de
l’allitération en S pour les abeilles, en R pour les chants de l’émondeur
et des oiseaux)
-
un
bonheur durable rendu sensible par l’évocation des vers 51-58, qui s’élèvent comme
s’élève l’espoir d’un bonheur sans fin: d’abord, en bas, les fleuves
connus, les fontaines, et Tityre à l’ombre (évocation qui reprend la posture
dans laquelle Tityre a été décrit dans les premiers vers) ; un peu plus
haut, les haies de saules, leurs fleurs et les abeilles ; encore plus haut,
alta sub rupe, le chant de l’émondeur qui s’élève, puis celui des
« palumbes » et enfin celui de « turtur »
qui s’élance de haut « aeria … ab ulmo » (l’hyperbate
met en valeur « aeria », juste avant la coupe).
II)
Le véritable bonheur de Tityre / le malheur de Mélibée
2-1 :
Le véritable bonheur de Tityre
Cette
montée en perspective des vers 51-58 n’a-t-elle pas un sens plus symbolique ?
- En effet, si la situation de Tityre est
si enviable, c’est qu’elle n’est pas limitée au matériel ; elle
ouvre une possibilité sur autre chose de plus fondamental, et que le texte réunit
dans cette vision de Tityre, invité par le bourdonnement des abeilles à sortir
de lui-même grâce à un léger somme, et en même temps baigné dans un monde
de musique grâce aux chants conjugués de l’émondeur, des colombes et des
tourterelles ; il ne faut pas oublier la première vision que nous
avons eue de Tityre, allongé à l’ombre et composant de la musique (de la poésie),
et qui nous est rappelée ici : tel
est en effet le bonheur suprême, se consacrer aux Muses, écrire de la poésie.
- Mais pour ce faire, il faut avoir du
temps ; or c’est le deuxième luxe de Tityre : son bonheur est
inscrit dans la durée : noter l’abondance des verbes au futur (7
verbes en 13 vers), à commencer par le premier de la tirade de Mélibée :
« (tua rura) manebunt » :
le sens de ce verbe et son temps
insistent sur l’aspect « durable » de ce bonheur, qui place Tityre
hors des affres de l’angoisse et le laisse ainsi libre de composer.
2-2 :
L’étendue du malheur de Mélibée
Ce
qui fait la perfection du bonheur
de Tityre nous permet donc de mieux comprendre, même si cela reste implicite,
ce qui fait le malheur extrême de Mélibée… Car il suffit d’inverser les
deux tirades pour avoir la mesure du malheur de Mélibée :
-
En premier lieu, tout ce qu’a Tityre est précisément tout ce que n’aura
plus son ami :
Il ne restera pas chez lui, sur la terre
de ses pères, dans un domaine qu’il connaît ; il traversera des terres
qui lui seront étrangères et donc hostiles ; son troupeau sera exposé à
une nourriture insuffisante, à des maladies imprévisibles, ce qui mettra en péril
son existence même (puisque les femelles seront exposées).
Pour Mélibée, les jours à venir ne
seront que marche sans fin, sans possibilité de prendre du repos et de refaire
ses forces ; il n’aura plus le temps de profiter des joies de la nature ;
les chants ne seront pas pour lui… rien ne viendra « tirer » Mélibée
vers le haut, vers le ciel, les airs… Et il n’a pas de dieu pour le protéger
du départ et lui promettre la fertilité de son bien
- Ainsi, et surtout, Mélibée est privé
de ce qui est l’essentiel aux yeux du poète, le temps, le temps libre, le
temps de l’otium, de la composition, de la création poétique. Or dans ses
propos, Mélibée montre une grande aptitude à la poésie, aussi bien quand il
se livre à l’évocation charmante des siestes de Tityre au sein de la nature
bienveillante, que lorsqu’il exprime l’angoisse du proscrit (cf fin du poème).
Mélibée a toutes les capacités de
Tityre ; mais il n’a pas l’essentiel : un dieu protecteur, assez
puissant pour lui donner le bien suprême, le temps, le futur rassurant qui
lui-même permet l’écriture poétique.
Cette confrontation de leurs deux sorts
justifie donc amplement que les propos de Tityre soient entièrement tournés
non vers l’évocation de son bonheur, mais vers l’expression de la
reconnaissance qu’il éprouve pour le dieu à qui il doit son état enviable,
et vers la manifestation de cette reconnaissance.
III)
Tityre, lui, est essentiellement centré sur celui à qui il doit son
bonheur
3-1 :
Un bonheur qui n’a pas été facile à conquérir pour Tityre
- Il lui a fallu abandonner passagèrement
Amaryllis, au prix de ses larmes - (voir vers 36-39) - ; difficulté évoquée
discrètement dans le « quid facerem ? » qui commence sa
réplique (équilibre du dactyle + la longue [-uu-], avant la coupe tri) – +
subjonctif imparfait exprimant l’impossibilité de choisir une autre solution.
- Mais il a su peser les risques et
choisir le bonheur durable au prix d’un malheur passager : la répétition
« neque exire / nec cognoscere » ( le
tout dépendant de licebat –idée de permission mais aussi de droit légal
- + noter l’imparfait évoquant un état durable mais passé
+ tour négatif, montrant à quel point Tityre n’a pas le choix)
montre l’impasse dans laquelle il se serait trouvé s’il n’avait
pas accepté de partir ; les coupes du vers 40 isolent « neque
servitio » comme définissant le sort auquel Tityre était voué
s’il n’avait pas fait les efforts nécessaires, puisque les « praesentes
divos » sont à Rome et à Rome seulement (noter le « alibi »
entre deux coupes au vers 41, / Au
« nec…alibi » s’oppose les deux « hic »
annonçant ce qui s’est passé à Rome ).
3-2 :
un bonheur dû à un bienfaiteur exemplaire
-
louange avérée de son bienfaiteur, à travers l’évocation de la rencontre :
la
distance entre les deux protagonistes est marquée d’ emblée par le
parallélisme « hic illum vidi juvenem »
// « hic mihi…dedit ille petenti » :
La première proposition présente Tityre
comme sujet de l’action –sans le nommer-, en outre l’ action est limitée
à voir « illum juvenem » ; action brève, limitée à
la première partie du vers jusqu’ à la coupe + pas de lien explicité entre
Tityre et « ille » ; Tityre reste à une place inférieure.
En contraste, le vers 44 précise le
sujet de l’action « ille » valorisant; ce « ille »
« responsum dedit »
(responsum : aussi bien réponse d’un oracle que d’un juriste ;
donc ille a une double compétence religieuse et juridique…) ;
mais ce groupe est complété par « mihi petenti » (don du
dieu à celui qui demande, établissement d’un lien) , et « ille »
est développé par « primus », qui montre sa singularité et
sa bonté ; l’action du
jeune dieu est beaucoup complète ; et le vers qui lui est consacré est
savamment élaboré, alternant ce qui vient de Tityre et ce qui vient du dieu,
et replaçant chacun dans sa juste dimension : Tityre n’est que celui qui
« petenti » -dans la posture du suppliant, « ille »,
celui qui « primus dedit » -dans la posture du dieu qui
exauce.
3-3 :
Une parole qui fait naître la reconnaissance
L’ordre suivi par Tityre pour livrer
les deux informations (la parole dite / la reconnaissance qui en naît) peut
surprendre puisque la chronologie est inversée : ce n’est qu’au
dernier vers de sa réplique qu’on entend la parole « divine »,
source de la reconnaissance. Mais la logique du cœur est respectée ; car
les deux parfaits : « vidi » et « dedit »
ont bien présenté l’action comme achevée et Tityre vit déjà les
fruits de cette bienveillance.
- c’est donc d’abord la
reconnaissance qui est exprimée, après « vidi » ;
et l’engagement est pris de vouer un culte « cui nostras …
altaria fumant », régulier « quotannis bis senos dies »
à celui à qui Tityre doit tout : coupe avant « cui »,
mettant le relatif (destinataire de l’offrande) en valeur/ expression de la fréquence
de l’offrande volontairement étirée (comme l’engagement le sera dans le
temps) avec l’expression complexe « quotannis bis senos…dies » ;
utilisation d’un présent « fumant » (spondée final et
mot-pied) pour une action qui est
à peine commencée (présent à valeur de futur proche, actualité de la décision
dans le cœur de Tityre, engagement présenté comme réalisé).
- Ensuite
seulement est révélée la réponse apportée, dont tous les termes sont
faits pour être rassurants : « Pascite, ut ante, boves, pueri ;
submittite tauros » : abondance de dactyles jusqu’à la coupe
qui met en valeur « pueri » terme surprenant pour un « senex »
mais dans lequel s’exprime toute la bienveillance du dieu (et la distance
qu’il y a entre lui qui est « juvenem » -dans toute sa
vigueur- et Tityre, situé dans sa dépendance, qu’il soit nommé « puer »
ou « senex ») ; double impératif « pascite /submittite »
qui projette Tityre dans un avenir fécond ; référence au passé « ut
ante » rassurante puisqu’elle protège contre l’inconnu; référence
implicite à l’avenir avec le 2° ordre « submittite tauros »
(de nouveau spondée final et mot-pied ), promesse de fécondité pour le
troupeau…
Et si ces paroles étaient aussi à
prendre au second degré ? c'est-à-dire, non pas seulement à appliquer au
troupeau, mais aussi à l’esprit de Tityre : nourris-toi de la
nature, et produits de beaux vers ?
Conclusion
(à trier)
-
Une poésie bucolique : on la
voit inspirée par tous les éléments de la nature ….
-
Une poésie inscrite dans une époque historiquement troublée : expression
d’une reconnaissance personnelle …
-
Une poésie universelle, qui rejoint à travers
Mélibée la figures intemporelle de tous les exilés…
-
Une poésie qui a pour but la Poésie même, présentée comme la source ultime
du bonheur, à travers le bonheur de Tityre…
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