Réception de la délégation numide
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Postero die legatos Masinissae in senatum introduxit. Gratulati primum senatui sunt quod P- Scipio prospere res in Africa gessisset; deinde gratias egerunt quod Masinissam non appellasset modo regem sed fecisset restituendo in paternum regnum, in quo post Syphacem sublatum si ita patribus visum esset sine metu et certamine esset regnaturus, dein conlaudatum pro contione amplissimis decorasset donis, quibus ne indignus esset et dedisse operam Masinissam et porro daturum esse. Petere ut regium nomen ceteraque Scipionis beneficia et munera senatus decreto confirmaret; et, nisi molestum esset, illud quoque petere Masinissam, ut Numidas captivos qui Romae in custodia essent remitterent; id sibi amplum apud populares futurum esse. Ad ea responsum legatis rerum gestarum prospere in Africa communem sibi cum rege gratulationem esse; Scipionem recte atque ordine videri fecisse quod eum regem appellaverit, et quicquid aliud fecerit quod cordi foret Masinissae id patres comprobare ac laudare. Munera quoque quae legati ferrent regi decreverunt, sagula purpurea duo cum fibulis aureis singulis et lato clavo tunicis, equos duo phaleratos, bina equestria arma cum loricis, et tabernacula militaremque supellectilem qualem praeberi consuli mos esset. Haec regi praetor mittere iussus: legatis in singulos dona ne minus quinum milium, comitibus eorum (singulorum) milium aeris, et vestimenta bina legatis, singula comitibus Numidisque, qui ex custodia emissi redderentur regi; ad hoc aedes liberae loca lautia legatis decreta. 

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Le lendemain, il introduisit les députés de Masinissa dans le Sénat. Ils commencèrent par féliciter l'assemblée des succès de Scipion en Afrique. Puis ils témoignèrent leur reconnaissance de ce que le général avait donné à Masinissa le titre et le pouvoir de roi, en le rétablissant sur le trône de ses pères; "la ruine de Syphax permettrait à leur maître, sauf le bon plaisir du Sénat, de régner sans crainte et sans contestations." Ils remercièrent ensuite les sénateurs des éloges publics et des magnifiques récompenses décernées aussi par Scipion à Masinissa." Ce prince avait mis tous ses soins et les mettrait encore à n'en pas être indigne. Il demandait que le titre de roi et les autres récompenses et bienfaits de Scipion lui fussent confirmés par un décret du Sénat ; il osait en outre, si toutefois sa prière n'était pas indiscrète, solliciter le renvoi des Numides qu'on gardait prisonniers à Rome ; cette faveur lui servirait utilement dans l'esprit de ses concitoyens." On répondit aux députés que "le roi devait avoir sa part dans les félicitations que méritaient les succès obtenus en Afrique ; que Scipion n'avait pas outrepassé ses pouvoirs en lui décernant le titre de roi; que tout ce qu'il avait fait pour être agréable à Masinissa avait l'approbation et l'assentiment du Sénat." On régla ensuite les présents que les députés emporteraient pour le roi. C'étaient deux saies de pourpre avec une agrafe d'or et des tuniques à laticlave, deux chevaux caparaçonnés, deux armures de cavalier avec cuirasses, des tentes et l'équipage militaire qu'il est d'usage de fournir aux consuls. Ce fut le préteur qu'on chargea de les envoyer au roi. On donna aux députés environ cinq mille as par tête, et mille aux gens de leur suite; plus deux habillements complets par député, et un à chacun des gens de leur suite et des Numides qu'on mettait en liberté pour les renvoyer au roi. Le même décret accordait aux députés des places d'honneur et tous les privilèges d'une généreuse hospitalité.

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[7] POSTERO DIE Le lendemain, INTRODUXIT LEGATOS MASINISSAE IN SENATUM il (le préteur, toujours lui) introduisit les ambassadeurs de Masinissa au Sénat. PRIMUM GRATULATI SUNT SENATUI Tout d'abord (ceux-ci) félicitèrent (de GRATULOR, déponent) le Sénat (datif après GRATULATI SUNT) QUOD de ce que (" parce que ") P. SCIPIO GESSISSET RES IN AFRICA PROSPERE Publius Scipion avait mené (ses) opérations (" fait (ses) choses " subjonctif de style indirect) d'Afrique (" en Afrique ") avec succès. [8] DEINDE GRATIAS EGERUNT Ensuite ils exprimèrent (" firent ") des remerciements (à l'adresse de ce même Scipion) QUOD NON MODO APPELLASSET (forme syncopée pour APPELLAVISSET) MASINISSAM REGEM pour avoir non seulement donné à Masinissa le titre de roi (" parce que non seulement il avait appelé Masinissa roi ") SED FECISSET (MASINISSAM REGEM) mais pour avoir (réellement) fait de lui un roi RESTITUENDO en le rétablissant (gérondif à l'ablatif, compl. de moyen de FECISSET, sous-entendre EUM " lui ") IN REGNUM PATERNUM sur le trône de son père (" dans le royaume paternel "), où (" dans lequel "), SI PATRIBUS VISUM ESSET ITA si les sénateurs en décidaient ainsi (" s'il avait paru bon ainsi aux sénateurs " de VIDERE conjugué au passif impersonnel au sens de " sembler bon ", " décider " subjonctif plus-que-parfait représentant un futur antérieur VISUM ERIT du style direct) ESSET REGNATURUS SINE METU ET CERTAMINE il était disposé à régner sans crainte et sans conflit (pour représenter un futur simple du style direct, il suffisait du subj. imparfait REGNARET. L'emploi du participe futur actif REGNATURUS accompagné de l'auxiliaire exprime une nuance de plus : il est soit " sur le point de ", soit " disposé ", soit " destiné " à régner. La deuxième solution nous paraît la meilleure : Masinissa propose ici une espèce de contrat de vassalité par lequel il demande aux Romains de le laisser régner tranquillement, moyennant quoi il n'essaiera jamais de se mesurer à eux), [9] DEIN (QUOD) (EUM) DECORA(VI)SSET DONIS AMPLISSIMIS CONLAUDATUM PRO CONTIONE ensuite pour (l') avoir honoré (" paré ") des cadeaux (ablatif) les plus somptueux (" larges ") après (l') avoir couvert d'éloges ("ayant été abondamment-loué " de CONLAUDO, participe passé passif Acc. masc. sg. détermine un EUM mis pour MASINISSAM sous-entendu) devant l'assemblée (des soldats), QUIBUS (DIXERUNT) MASINISSAM ET DEDISSE OPERAM ET DATURUM ESSE PORRO NE INDIGNUS ESSET (cadeaux) dont (, dirent-ils,) Masinissa avait veillé et veillerait encore à ne pas être indigne (proposition relative limpide en latin mais difficile à suivre mot à mot en français. Tout d'abord il faut sous-entendre un DIXERUNT impliqué par l'infinitive MASINISSAM... DEDISSE ET DATURUM ESSE comme verbe de la relative introduite par QUIBUS. Le relatif QUIBUS a pour antécédent DONIS,neutre pluriel. Cependant, il ne remplit pas sa fonction dans la proposition relative elle-même mais dans la proposition NE... ESSET, complétive après OPERAM DARE " veiller à ce que... ne... pas... " : QUIBUS est à l'ablatif après INDIGNUS " indigne de... ". C'est une construction assez courante en latin. Littéralement cela donne : " (cadeaux) dont (les légats) dirent que Masinissa avait veillé et veillerait encore à ce qu'il ne soit pas indigne "). [10] PETERE Ils demandaient (Tite-Live est passé au style indirect ; le sujet de l'inf. PETERE n'est pas exprimé. Le lecteur doit normalement suppléer SE représentant " les ambassadeurs " N.B. plus loin on verra apparaître un sujet MASINISSAM : " (les ambassadeurs dirent que) Masinissa demandait... ") UT SENATUS CONFIRMARET DECRETO que le Sénat confirme par un décret REGIUM NOMEN QUE CETERA BENEFICIA ET MUNERA SCIPIONIS le titre de roi (" royal ", de REGIUS,A,UM), ainsi que les autres bienfaits et cadeaux de Scipion; [11] ET, NISI MOLESTUM ESSET, et, si cela n'était pas (trop) pénible (aux sénateurs) MASINISSAM PETERE ILLUD QUOQUE Masinissa (leur) demandait aussi [cette chose-là], UT REMITTERENT de relâcher (" qu'ils laissent partir ") NUMIDAS CAPTIVOS les Numides prisonniers QUI ESSENT IN CUSTODIA ROMAE qui étaient en détention à Rome ; ID FUTURUM ESSE AMPLUM SIBI cela serait (FUTURUM ESSE infinitif futur de ESSE) glorieux (" d'une grande valeur ") pour lui (l'emploi du réfléchi SIBI dont l'antécédent est de toute évidence Masinissa 
montre que Tite-Live a à présent en tête que le sujet du verbe introducteur est Masinissa lui-même et non plus ses mandataires) APUD POPULARES auprès de ses compatriotes. [12] AD EA RESPONSUM (EST) LEGATIS A (" vers ", " en réponse à") cela il fut répondu (terme officiel que l'on emploie aussi pour les " réponses " des oracles ; le sujet de RESPONSUM EST est le discours indirect qui suit) aux ambassadeurs GRATULATIONEM RERUM PROSPERE GESTARUM IN AFRICA que la joie à manifester pour les actions (génitif : " l'exaltation des actions ") heureusement accomplies (de GERO, participe passé passif génitif féminin pluriel détermine RERUM ; REM GERERE = " faire une chose " ; RES GESTAE " les hauts-faits, les exploits " cf. français " chanson de geste ") en Afrique SIBI ESSE COMMUNEM CUM REGE leur était commune avec le roi (sens : le Sénat lui aussi est fort heureux de la tournure des événements d'Afrique, ce qui implique que le Sénat est content de Masinissa lui-même ; l'emploi du réfléchi SIBI, antécédent obligé " les sénateurs ", montre que pour Tite-Live, c'est là le sujet de l'action de " répondre "); SCIPIONEM VIDERI FECISSE Scipion semblait avoir agi (de FACIO, infinitif parfait actif) RECTE ATQUE ORDINE avec justesse et à-propos QUOD EUM APPELLAVERIT REGEM en donnant à celui-ci le titre de roi (" parce qu'il avait appelé celui-ci roi " ; APPELLAVERIT subjonctif parfait au lieu du plus-que-parfait pour des raisons de vivacité de style, représentant un APPELLAVIT du style direct) ET PATRES COMPROBARE ET LAUDARE et que les sénateurs approuvaient et louaient ID (ce ID placé après dans l'ordre original des mots rappelle la relative qui suit ici) QUICQUID ALIUD FECERIT tout ce que 
(Scipion) avait fait (représente un FECIT du style direct) d'autre QUOD MASINISSAE CORDI FORET qui tînt à cœur à Masinissa (FORET = FUTURUM ESSET, pour le sens est souvent indiscernable du simple ESSET ; il s'agit ici de choses qui " étaient destinées " à faire plaisir à Masinissa ; dans le style direct, on aurait également FORET au subjonctif dans une relative de sens général et à l'imparfait par concordance avec FECIT ; style direct : " SCIPIO RECTE ATQUE ORDINE VIDETUR FECISSE QUOD EUM REGEM APPELLAVIT ET QUICQUID ALIUD FECIT QUOD MASINISSAE CORDI FORET ID PATRES COMPROBANT ATQUE LAUDANT " ) (MASSINISSAE CORDI : double datif, tournure ancienne qui ne s'emploie plus qu'avec certains mots comme CORDI, EXITIO " ruine ", LUDIBRIO " objet de dérision "... ; MASINISSAE est un datif d'intérêt et CORDI un datif de destination qui exprime souvent le but ou l'effet qui atteint la personne " intéressée "). [13] DECREVERUNT QUOQUE MUNERA Ils (les sénateurs) fixèrent également par décret les cadeaux QUAE LEGATI FERRENT REGI que les ambassadeurs (rap)porteraient (subj. dans une prop. relative à nuance de but) au roi, DUO SAGULA PURPUREA deux manteaux de général pourpres (N.B. DUO Un accusatif neutre " pluriel " dont la désinence n'est pas un -A ! La règle est-elle prise en défaut ? Non. En fait, DUO n'est pas un pluriel. Ce n'est pas un singulier non plus. C'est une trace d'un troisième nombre, le duel, attesté dans d'autres langues. On le trouve encore dans le mot AMBO, AMBAE, AMBO " les deux ensemble ") CUM FIBULIS AUREIS SINGULIS accompagnés chaque fois d'une fibule d'or (" avec des fibules d'or une à la fois " voyez fibule au dictionnaire) ET TUNICIS (SINGULIS) LATO CLAVO et d'une tunique à large bande (de pourpre, ou " laticlave " : ornement normalement réservé aux personnages de rang sénatorial ; ici, le Sénat offre à Masinissa deux grandes tenues de général romain) DUO EQUOS PHALERATOS deux chevaux richement harnachés (" ornés de phalères ", plaques de métal ornant le harnachement ; on a vu que. les Numides étaient avant tout des cavaliers), BINA EQUESTRIA ARMA deux panoplies de cavalier (BINA " deux chaque fois " : ARMA étant toujours au pluriel, on emploie le distributif BINA au lieu du cardinal DUO pour désigner deux séries d'armes ; on dit de même BINA CASTRA " deux camps " ; la panoplie envisagée ici comprend sans doute un bouclier, une lance et une épée) CUM LORICIS accompagnées de cuirasses (il faut probablement sous-entendre SINGULIS : une cuirasse en plus de chaque panoplie), ET TABERNACULA et des tentes QUE SUPELLECTILEM MILITAREM ainsi qu'un mobilier (ou plus particulièrement " une vaisselle ") de campagne QUALEM MOS ESSET PRAEBERI CONSULI du modèle de celui qui était traditionnellement offert à un consul (" tel que la coutume était qu'il soit offert à un consul " QUALEM accusatif sujet de PRAEBERI, infinitif présent passif de PRAEBEO, dans l'infinitive sujet de MOS ESSET ; ESSET subjonctif de style indirect en dépendance de l'idée de DECREVERUNT : le décret précise la qualité du cadeau). PRAETOR JUSSUS (EST) MITTERE HAEC REGI. Le préteur (toujours lui : c'est le magistrat le plus élevé en grade présent à Rome à ce moment) fut invité à faire parvenir (" envoyer ") (tout) ceci (neutre pluriel) au roi (Manière de dire " on ordonna que le préteur... " appelée construction personnelle avec JUBEO : voir la grammaire et l'avis de votre professeur). LEGATIS Pour (ce qui est des) ambassadeurs (DECREVERUNT) ils décrétèrent NE (DARENTUR) DONA IN SINGULOS MINUS qu'il ne (leur serait pas donné) individuellement (" à destination d'un à la fois ") à titre de cadeaux moins de cinq mille (livres) de cuivre (cinq mille as) à chacun (QUINUM génitif archaïque de QUINI,AE,A : " cinq à la fois, cinq chacun ") COMITIBUS EORUM et aux compagnons de ceux-ci SINGULORUM MILIUM AERIS (moins de) mille as à chacun, ET BINA VESTIMENTA LEGATIS ainsi que deux habits à (chacun des) ambassadeurs SINGULA COMITIBUS et un seul à (chacun de leurs) compagnons QUE NUMIDIS QUI REDDERENTUR REGI et aux Numides qui seraient rendus au roi EMISSI EX CUSTODIA après avoir été relâchés (de EMITTO au sens de " laisser sortir ", participe passé passif nominatif masculin pluriel détermine QUI) [" hors "] de leur prison. (N.B. bizarre de faire des cadeaux à des ennemis, mais justement : on est en pleine période de conciliation ; les anciens détenus numides, probablement partisans de Syphax, vont passer au pouvoir de Masinissa, ce sont donc de nouveaux amis) ; AD HOC AEDES LIBERAE DECRETA (SUNT) LEGATIS LOCA LAUTIA En plus de cela une maison libre (d'occupation) fut accordée (DECRETA SUNT de DECERNO ; DECRETA au neutre pluriel car accordé à LOCA LAUTIA qui le précède immédiatement dans l'ordre des mots original) par décret aux ambassadeurs (ainsi que) des lieux (pluriel neutre habituel de LOCUS,I) (de séjour) et un mobilier officiel. (il faut sans doute comprendre LOCA, LAUTIA [séparés par une virgule] comme une formule toute faite signifiant " un logement et un mobilier " cf. Tite-Live XXXV, 23 : AEDES LIBERAE, LOCUS, LAUTIA DECRETA)

commentaire:

Le discours des Numides
Remarquer de le discours des ambassadeurs tend à devenir au fil des propos le discours de Masinissa lui-même qui s'exprime par la bouche de ses mandataires.
Un discours diplomatique
a) Félicitations, remerciements... et proposition en filigrane
Remarquer l'introduction un peu indirecte et conditionnelle (SI ITA PATRIBUS VISUM ESSET) de l' expression POST SYPHACEM... REGNATURUS, dont l'importance est pourtant essentielle puisqu'elle dessine les contours des futurs rapports politiques que Masinissa envisage entre Rome et son royaume. Est-ce une manière de ne pas se voir trop clairement rabrouer en cas de désaccord ? Cette proposition larvée est d'ailleurs suivie d'une espèce d'offre de services (OPERAM... DATURUM ESSE).
b) des demandes toujours empreintes de politesse
1. Confirmation des mesures prises par Scipion
Masinissa voudrait être le protégé de l'Etat romain comme tel, et non le simple protégé d'un général.
2. Libération des Numides détenus à Rome.
Cela annonce une politique de réconciliation dans le cadre de la reprise en mains de tous les Numides par Masinissa. Noter que Vermina, le fils de Syphax, continuera un temps à régner sur une partie des Numides.

La réponse d'un Sénat aux anges :
Le Sénat accède à toutes les demandes de Masinissa. Il tient à se montrer agréable envers les Numides. Néanmoins, il ne s'engage pas beaucoup pour ce qui est de l'avenir.

Livii lib XXX cap XVII explicit feliciter