Apparition de Sophonisbe
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texte

[17] Forma erat insignis et florentissima aetas. Itaque cum modo genua modo dextram amplectens in id ne cui Romano traderetur fidem exposceret propiusque blanditias jam oratio esset quam preces, [18] non in misericordiam modo prolapsus est animus victoris, sed, ut est genus Numidarum in venerem praeceps, amore captivae victor captus. Data dextra in id quod petebatur obligandae fidei in regiam concedit. [19] Institit deinde reputare secum ipse quemadmodum promissi fidem praestaret. Quod cum expedire non posset, ab amore temerarium atque impudens mutuatur consilium; [20] nuptias in eum ipsum diem parari repente jubet ne quid relinqueret integri aut Laelio aut ipsi Scipioni consulendi velut in captivam, quae Masinissae jam nupta foret. [21] Factis nuptiis supervenit Laelius et adeo non dissimulavit improbare se factum ut primo etiam cum Syphace et ceteris captivis detractam eam lecto geniali mittere ad Scipionem conatus sit. [22] Victus deinde precibus Masinissae orantis ut arbitrium utrius regum duorum fortunae accessio Sophoniba esset ad Scipionem rejiceret, misso Syphace et captivis ceteras urbes Numidiae quae praesidiis regiis tenebantur adiuvante Masinissa recipit.

traduction universitaire

Sophonisbe était d'une rare beauté; elle avait tout l'éclat de la jeunesse. Elle baisait la main du roi, et en lui demandant sa parole qu'il ne la livrerait pas à un Romain, son langage ressemblait plus à des caresses qu'à des prières. Aussi l'âme du prince se laissa-t-elle aller à un autre sentiment que la compassion : avec cet emportement de la passion naturel aux Numides, le vainqueur s'éprit d'amour pour sa captive, lui donna sa main comme gage de la promesse qu'elle réclamait de lui, et entra dans le palais. Resté seul avec lui-même, il s'occupa des moyens de tenir sa parole, et , ne sachant décider, il n'écouta que son amour et prit une résolution aussi téméraire qu'imprudente; Il ordonna sur-le-champ de faire les préparatifs de son mariage pour le jour même, afin de ne laisser ni à Lélius ni à Scipion le droit de traiter comme captive une princesse qui serait l'épouse de Masinissa. Le mariage était accompli lorsque Lélius arriva. Loin de lui dissimuler son mécontentement, Lélius voulut d'abord arracher Sophonisbe du lit nuptial, pour l'envoyer à Scipion avec Syphax, et les autres prisonniers; puis il se laissa fléchir par les prières de Masinissa, qui le coujurait de ne pas décider quel serait celui des deux rois dont Sophonisbe suivrait la fortune, et d'en faire Scipion artitre. II fit donc partir Syphax et les prisonniers, et, secondé par Masinissa, il reprit les autres villes de Numidie occupées encore par les garnisons de Syphax.

traduction par groupe de mots

TITE LIVE  Livre XXX, Chapitre XII, § 17 - 22

Forma erat insignis

Sa beauté était remarquable

et florentissima aetas

Et son âge très florissant (dans tout son éclat)

Itaque cum

C’est pourquoi, alors que

modo genua modo dextram amplectens

embrassant tantôt ses genoux tantôt sa main droite

fidem exposceret

elle  exigeait sa bonne foi (sa parole)

in id ne

en cela, à savoir qu’

cui Romano traderetur

il ne la livrerait à aucun romain

propiusque jam oratio esset

et que déjà son discours était plus proche

blanditias

des caresses

quam preces,

que des prières

non in misericordiam modo

non seulement vers la compassion

prolapsus est

(elle) glissa,

animus victoris,

l’âme du vainqueur ;

non seulement l’âme du vainqueur glissa vers la compassion

sed,

mais,

ut est genus Numidarum

étant donné que la race des Numides est

in venerem praeceps

portée vers la passion amoureuse

amore captivae victor captus.

par l’amour de sa captive le vainqueur fut capturé.

Data dextra

La main droite ayant été donnée

obligandae fidei

pour engager sa foi (comme signe de sa loyauté)

in id quod petebatur

en ce qui était demandé (en ce qu’elle demandait)

in regiam concedit..

il se retire dans le palais.

Institit deinde reputare secum ipse

Il commença ensuite à penser avec lui lui-même

… par devers lui / à réfléchir en lui-même

quemadmodum praestaret

comment il tiendrait (à la façon dont il tiendrait)

promissi fidem.

la parole de la chose promise. (sa promesse)

Quod cum expedire non posset,

Mais comme il ne pouvait  débrouiller quelque chose

Mais comme il ne parvenait pas à trouver qq ch

ab amore

(c’est) à un amour

temerarium atque impudens consilium mutuatur;

(qu’) un conseil (projet) inconsidéré et sans pudeur

est demandé ;

repente jubet

Il ordonne soudain

nuptias parari

que des noces soient préparées

in eum ipsum diem

pour le jour même

ne relinqueret

afin de ne pas laisser

quid integri

quelque chose d’entier

consulendi

devant être décidé

aut Laelio aut ipsi Scipioni

ou par Laelius ou par Scipion lui-même

(in eam) velut in captivam

(à son égard) comme à l’égard d’une captive

quae Masinissae iam nupta foret.

elle qui serait désormais mariée à Massinissa.

Puisqu’elle serait ….

Factis nuptiis

Les noces ayant été faites

supervenit Laelius

Laelius arriva

et adeo non dissimulavit

et il ne cacha (tellement) pas

improbare se factum

qu’il désapprouvait le fait

ut primo etiam

que (à tel point que) d’abord même

conatus sit

il s’efforça

detractam eam lecto geniali mittere

d’envoyer celle-ci arrachée au lit conjugal

ad Scipionem

à Scipion

cum Syphace et ceteris captivis.

avec Syphax et les autres prisonniers.

Victus deinde precibus

Vaincu ensuite par les prières

Masinissae orantis

de Massinissa suppliant

ut arbitrium ad Scipionem rejiceret

qu’il laisse à Scipion le pouvoir-de-décider

utrius regum duorum fortunae

au destin duquel des deux rois

accessio Sophoniba esset

Sophonisbe serait le supplément (serait ajoutée)

duquel des deux rois elle suivrait le destin

misso Syphace et captivis

Syphax et les prisonniers ayant été envoyés(à Scipion)

adiuvante Masinissa

Massinissa l’aidant (c’est avec l’aide de Massinissa)

recipit

(qu’) il reçut la reddition

ceteras urbes Numidiae

des autres villes de Numidie

quae praesidiis regiis tenebantur

qui étaient occupées par des garnisons royales.

Tite Live 12, 17-22 Commentaire proposé

Un passage construit comme une courte nouvelle en trois temps: trois scènes, marquées par le départ ou l’arrivée d’un personnage de premier plan ; le déroulement en est réglé comme une mécanique parfaite ; il serait dommage de la rompre !

1° scène : Massinissa tombe dans les filets de Sophonisbe.

Noter au début de ce passage l'asyndète (pas de "vero", pas de "or") : « glisse l'arme absolue du fait entre la parole qui vient de se terminer et la gestuelle qui suit.. »

Sophonisbe

Le fait : Tite live s’attarde sur la personne de Sophonisbe : « forma..insignis / florentissima aetas » : insistance sur sa beauté ; force des adjectifs + le superlatif (+ chiasme)

La gestuelle : « cum…exposceret » pour l’instant on n’avance pas dans le récit ; sorte de « sur place » ; nous restons encore un moment dans la contemplation de S. dans la posture de la suppliante traditionnelle, mais en même temps réclamant de n’être livrée à « cui Romano », donc s’efforçant de « couper » M. de ses alliés romains (Laelius et Scipion).

La corrélation "modo.. modo" marque bien l'insistance : la flatterie de Sophonisbe utilise tous les points symboliques de la déférence et du respect dans l'antiquité : les genoux, et la main droite, celle du serment (voir comm.texte2)

« Itaque » dès la deuxième phrase : insistance sur le lien de cause à effet entre la beauté de Sophonisbe et la réaction de Massinissa, »

Il est étonnant de constater qu’en reprenant le cours de son récit, Tite Live répète en quelque sorte l’attitude de S. et sa supplique, alors qu’il vient de finir de les rapporter.

But ? Le lecteur ne peut pas déjà avoir oublié ce qu’elle a dit et comment elle s’est comportée. Cette insistance n’est-elle pas destinée à nous faire comprendre que l’attitude de S. n’est pas entièrement « naturelle » ? Pas uniquement explicable par son état de vaincue et de captive. Ce n’est pas la simple supplique d’une femme affolée ; c’est une véritable tentative de séduction. D’ailleurs, l’historien ajoute  « propiusque blanditias jam oratio esset quam preces » : l’opposition « blanditias / preces » ne peut laisser de doute sur les intentions séductrices de S. Et l’utilisation du comparatif nous montre qu’elle était prête à plus si nécessaire ! Sophonisbe utilise des paroles plus proches des caresses que des prières. Elle aurait pu aller de propius à proxime, puis utiliser les « blanditias » directement; S. avait en réserve d’autres « douceurs » !

 

Le Cœur de Massinissa

L’effet sur Massinissa est plutôt foudroyant : noter le « jam » dans le groupe comparatif ‘propiusquam’ : Massinissa craque tout de suite. Ainsi, « non in misericordiam modo..sed amore victor captus »…la misericordia seule aurait pu être la conséquence des preces ; l’amor est la conséquence des « propius blanditias » ; bien joué, Sophonisbe ! Noter le parallelisme des attitudes du corps et du cœur ! Sophonisbe en voyant M avait « genibus advoluta » ; le cœur de M en entendant les blanditias de S « prolapsus est» ! Sophonibe avait glissé physiquement aux genoux de M ; M glisse affectivement aux genoux de S.

Pour mieux nous faire sentir ce retournement de situation, Tite Live joue sur les polyptotes : Victoris…victor ;  captiuae.. captus ; + dans le deuxième groupe, paradoxe (victor / captus) : l’homme - dont trois mots successivement nous rappelle le statut de vainqueur - tombe dans les filets de la vaincue ! La raison ? L’origine de Massinissa! « ut est » : présent de discours (c’est TL qui nous parle) et présent de VG ; c’est un fait avéré que les Numides ont un cœur d’artichaut : « in venerem praeceps » ; goûter le sel de « praeceps » : la tête la première, en somme ; la raison, chez les Numides est soumise aux lois du cœur.

Une fois encore tous les « points symboliques » du serment et de la parole donnée sont sollicités : « data dextraobligandae fidei » ; noter la force d’obligation de l’adjectif verbal, + la force du mot Fides (parole donnée, promesse solennelle, engagement…on peut aller jusqu’à la promesse d’impunité, donc ici de vie sauve, puisque M a un rôle officiel de représentant de l’autorité romaine, même si S. feint de ne pas s’en souvenir ;( cf « fidem publicam alicui dare » –Cic Catilinaires- : donner à qqun une sauvegarde officielle ; une promesse de vie sauve) valeur de serment ; Obligo plus fort que le dare de l’expression de Cicéron : ob-ligo=lier à/attacher ensemble.

 

 

 

Le passif « petebatur » nous détourne de S. La responsable de l’action demandée à M. est effacée (pas de complément d’agent) comme pour laisser M en gros plan ; la proposition « in id quod petebatur » est intercalée dans le groupe exprimant le serment; ainsi nous est montré que l’acquiescement de M tombe comme un fruit mûr, sans qu’on ait l’impression qu’il ait pris le temps de réfléchir à l’énormité de ce qui lui est demandé ! Décalage entre les efforts savamment déployés de S (ce qui montre qu’elle est considérée comme consciente de ce qu’elle demande) et la rapidité irréfléchie de la réponse de M.

A la fin de tout ce déploiement d’effets stylistiques, la conclusion de cette scène : « in regiam concedit » tombe presque à plat ! Mouvement banal après une telle intensité émotionnelle, en tout cas pour Massinissa ; mais il est impératif que Massinissa se retrouve face à lui-même pour réfléchir –enfin- à la portée de ce à quoi il vient de s’engager.

(comparer avec 1° texte : Massinissa partait seul en avant pour préparer le terrain ; moralité : il sera seul avec S // Massinissa entre seul au palais pour réfléchir ; moralité : livré à ses émotions, il décide le mariage)

 

2° scène : Massinissa resté seul, réfléchit aux moyens de tenir sa parole

 

 Dès le début de [19], le verbe « institit » en tête, puis le groupe « reputare secum », l’insistance de ‘ipse’, tout cela semble montrer M engagé sur la voie d’une analyse ‘qualitative’ de sa promesse ;

Or ce qui surprend  c’est que dès qu’il se retrouve seul, ce n’est pas à cela qu’il réfléchit ; à aucun moment il ne pense à l’énormité (Rupture de son alliance avec les Romains) de ce qu’il vient de promettre. Sa pensée est uniquement tournée vers le « comment faire » : « quemadmodum fidem praestaret» ; le désir de respecter sa parole masque à M. le véritable ressort qui l’a fait s’engager dans cette aventure déraisonnable : l’amour.

 

L’impossibilité de trouver « quod cum expedire non posset »  (expedire : c’est d’abord se désentraver les pieds ;  arranger, débrouiller ; cf le français « trouver des expédients » des solutions pour s’en sortir), ne conduit pas M à remettre en question le bien fondé de sa parole. De toute façon,  il ne s’appartient plus : noter la tournure passive qui suit : la volonté de M n’est pour rien dans ce qu’il va faire ; l’amour est personnalisé (ab : complément d’origine : c’est l’amour qui donne les conseils) ;

Double dévalorisation de cette attitude apportée par Tite Live par les deux qualificatifs « temerarium et impudens » : irréfléchi / qui n’est pas pesé ; im-pudens : qui n’est pas touché par la honte- l’ « impudens » est celui dont la conscience n’est pas délicate ; autrement dit ni raison ni sens moral ! L’amour a privé M de tout ce qui fait qu’un homme est un ‘vir’ digne de ce nom –mis à l’abri des instincts et des pulsions irréfléchies par la virtus- ; en outre il lui a fait commettre un acte d’indiscipline en tant qu’allié et bras droit de Laelius, lui qui avait pris si grand soin au début du chapitre 12 de ne rien entreprendre sans son accord. On mesure de quelle fragilité est une alliance avec des hommes qui se précipitent ainsi « in venerem »

 

Pourtant M. a gardé toute sa capacité d’analyse, …. du moment que c’est au service de sa passion :  L’ordre de préparer le mariage est peut-être soudain  « repente jubet », mais il est le fruit d’un calcul, exprimé par un but à atteindre : «  ne quid relinqueret », calcul précis, et complet « Laelio aut ipsi Scipioni consulendi » (ipsi Scipioni : noter l’insistance du « ipsi » ; il semble bien que Massinissa soit conscient de qui commande vraiment dans l’armée romaine), et par le moyen qui permettra d’y parvenir : «  in captivam quae …jam nupta foret. » (relative au subjonctif exprimant la cause) ; cette phrase est organisée avec une logique rigoureuse : l’ordre, son but, et sa cause, qui rejoint l’ordre envisagé comme déjà exécuté. Cf  ‘WebLettres’ : « foret n'est pas ici vraiment identique à esset : il garde sa valeur de futur, et  avec nupta, il forme, si l'on peut dire une sorte de futur accompli du subjonctif passif, équivalent de 'fore ut nupta esset', "qui se trouverait avoir été mariée" » ; dans la tête de Massinissa le mariage est accompli avant même d’être fait.

 

Y a-t-il un enseignement à tirer du fait que Tite Live n’utilise plus le nom de Sophonisbe ? Nous sommes entrés dans la réflexion de Massinissa : est-ce à dire qu’il évite soigneusement de trop faire « exister » Sophonisbe en la nommant ? Car il ne pourrait plus alors oublier sa véritable personnalité ; (cf la force de l’usage des prénoms / Ovide et l’histoire de Myrrha, mais aussi Racine, Phèdre) ; S. est juste reléguée en fin de phrase sous la forme « velut in captivam », comme complément, comme si M. voulait tenter de ne pas trop penser à l’inconséquence de ses actions, ou à leurs conséquences vis-à-vis de ses alliances.

 

3°scène : Confrontation « avortée » entre  Massinissa et Laelius

 

Le mariage est passé sous silence ; rien de trop anecdotique ne doit nous éloigner de l’intérêt principal de ce passage et de sa leçon (cf note de Ph .Guisard sur la fonction de cet épisode : « un moment où la morale romaine trouve à se nourrir »). On voit simplement que Laelius est bien mis, comme prévu en [20], devant le fait accompli.

 

L’enchaînement des actions : mariage achevé / arrivée de L / mécontentement immédiat /décision immédiate, met bien en évidence le caractère pour le moins entier et peu nuancé de Laelius ; le rapport mécontentement / décision est mis en valeur par « adeo ut » ; il ne semble pas que Laelius réfléchisse beaucoup, ce qui, en fait, le rend plus vulnérable à la supplique de Massinissa ensuite : n’ayant pas pris le temps d’analyser la situation, il n’aura pas d’argument à opposer à Massinissa (cf ensuite Massinissa devant les reproches de Scipion) ; Tite Live insiste aussi sur sa brutalité en peignant Sophonisbe « detractam lecto geniali », seul petit passage un peu pittoresque ! mais ce n’est qu’une intention. Laelius, peu subtil, est donc facilement convaincu par M de laisser la décision à Scipion : « victus deinde » ;

 

Noter en revanche la plus grande subtilité de Massinissa dans la supplique : « utrius regum duorum fortunae» : il gomme le statut de captive de S. pour privilégier son appartenance à deux rois. / met en évidence la suprématie du pouvoir de Scipion. Noter aussi le tour « arbitrium ad Scipionem rejiceret » ; certes le mot « arbitrium » pèse son poids de raison en face de Laelius, mais il est d’autant plus curieux dans la bouche de M. que c’est justement ce que Sophonisbe ne voulait pas, être à la merci d’une décision romaine (cf texte 2 « vindices ab Romanorum arbitrio » + ad, ici, ab, dans le texte précédent ; Massinissa fait exactement le contraire de ce que lui a demandé S. « si nulla re alia potes[t] » ) ! Est-ce à dire que Massinissa est à peine marié qu’il est déjà entrain de rompre son engagement, ou à tout le moins de ne plus défendre la vie de Sophonisbe ?

 

En tout cas, on a comme l’impression que Laelius est finalement soulagé de la proposition, tellement il y souscrit vite ; l’affaire est trop compliquée pour lui ; il n’entend rien aux choses du cœur ! Que Scipion s’en occupe, après tout, c’est très bien, du moment que Massinissa accepte qu’un Romain règle le problème. Dès que la supplique de M est exprimée, et que L. l’a acceptée (il n’a pas mis longtemps –victus est annoncé avant même que la prière de M ne soit rapportée), il vaque aux affaires urgentes : renvoyer Syphax, et s’occuper de la reddition des villes numides, ce qu’il fait avec l’aide de Massinissa comme si de rien était. Il est plus simple de faire comme si rien n’avait changé. Pour l’instant l’alliance n’est pas rompue, et Massinissa « ne s’est pas retiré sous sa tente » comme Achille pour Briséis.

 

Noter cependant que tout le passage est dominé par les actions de Laelius : « supervenit, non dissimulavit, conatus sit, Victus, misso (par qui, non précisé, parce que évident - déjà exprimé dans la phrase précédente), recipit ». Massinissa n’est plus que complément de « precibus », puis sujet mais d’une prop. subordonnée. Il est prêt à rentrer dans le rang.

 

 

Conclusion

 

Ceux qui se seraient pris d’intérêt pour Sophonisbe ont donc tout à craindre ! Car à peine a-t-elle réussi à capter l’intérêt de Massinissa, qu’elle est déjà « lâchée », prise dans l’engrenage inéluctable des caractères, des alliances, des faiblesses de ses adversaires en fait. C’est elle qui a le caractère le mieux trempé, et qui se montre la plus manipulatrice. Or, ironie du sort, c’est l’incapacité de M. à raisonner, et la paresse de L. à régler une affaire de cœur qui le dépasse, qui vont la précipiter vers la mort.

 

Et ceux qui s’intéressent à l’histoire de Rome peuvent légitimement s’inquiéter de l’opportunité d’une alliance avec un peuple si excessivement sentimental.

 

         Dans les deux cas, ce passage relance efficacement l’intérêt du lecteur