Traduit par X (ce qui a dû lui être un vrai pensum ! donc bravo), corrigé par H. Steiner ; axes de commentaire et scansion par ce dernier

texte traduction universitaire traduction par groupe de mots commentaire scansion

texte

Parcite luminibus, seu vir seu femina fiat                                             35
    obvia: celari volt sua furta Venus; 
neu strepitu terrete pedum neu quaerite nomen 
    neu prope fulgenti lumina ferte face; 
si quis et imprudens aspexerit, occulat ille 
    perque deos omnes se meminisse neget:                                          40
nam fuerit quicumque loquax, is sanguine natam, 
    is Venerem e rapido sentiet esse mari. 
Nec tamen huic credet conjunx tuus, ut mihi verax 
    pollicita est magico saga ministerio. 
Hanc ego de caelo ducentem sidera vidi,                                             45
    fluminis haec rapidi carmine vertit iter, 
haec cantu finditque solum Manesque sepulcris 
    elicit et tepido devocat ossa rogo; 
jam tenet infernas magico stridore catervas, 
    jam jubet aspersas lacte referre pedem.                                            50
Cum libet, haec tristi depellit nubila caelo, 
    cum libet, aestivo convocat orbe nives. 
Sola tenere malas Medeae dicitur herbas, 
    sola feros Hecatae perdomuisse canes. 
Haec mihi conposuit cantus, quis fallere posses:                                   55
    ter cane, ter dictis despue carminibus. 
Ille nihil poterit de nobis credere cuiquam, 
    non sibi, si in molli viderit ipse toro. 
Tu tamen abstineas aliis: nam cetera cernet 
    omnia; de me uno sentiet ipse nihil.                                                   60
Quid credam? Nempe haec eadem se dixit amores 
    cantibus aut herbis solvere posse meos, 
et me lustravit taedis, et nocte serena 
    concidit ad magicos hostia pulla deos. 
Non ego, totus abesset amor, sed mutuus esset                                      65
    orabam, nec te posse carere velim. 

traduction universitaire

Détournez vos regards, vous, homme ou femme, qui vous trouvez sur ma route; Vénus veut que ses larcins soient cachés. Ne me faites pas peur par le bruit de vos pas, ne cherchez pas mon nom, n'approchez pas l'éclatante lumière de votre torche. Et même si quelqu'un m'aperçoit sans le vouloir, qu'il se taise et atteste tous les dieux qu'il ne s'en souvient plus. Car le bavard, quel qu'il soit, sentira que Vénus est née du sang mêlé aux ondes de la mer en furie. D'ailleurs ton mari ne l'en croira pas, ainsi que me l'a promis une sorcière véridique à l'aide de la magie. Je l'ai vue faire descendre les astres du ciel; elle détourne par ses enchantements le cours d'un fleuve rapide; elle entrouvre le sol par son chant, fait sortir les mânes des sépulcres, tomber les os du bûcher tiède. Tantôt elle retient d'un sifflement magique les cohortes infernales; tantôt, d'une aspersion de lait, les fait battre en retraite. À son gré, elle dissipe les nuées d'un ciel lugubre; à son gré, elle fait tomber la neige dans un ciel d'été. Seule, dit-on, elle possède les herbes maléfiques de Médée; seule, elle dompte les chiens farouches d'Hécate. Elle a composé pour moi des chants à l'aide desquels tu pourras tromper; chante-les trois fois, et, les chants débités, crache trois fois; il ne pourra rien croire de ce qu'on lui dirait de nous, il n'en croira même pas ses yeux, s'il me voyait lui-même dans ton lit voluptueux. Mais refuse à d'autres tes faveurs: il verra tout; je serai le seul avec lequel il ne s'apercevra de rien. Que croire? Elle m'a dit aussi que ses chants et ses herbes pouvaient rompre mes amours; puis, elle m'a purifié à la clarté des torches, et par une nuit sereine une noire victime est tombée devant les Dieux magiques. Et moi, je ne demandais pas que mon amour fût détruit tout entier, mais qu'il fût payé de retour; car je ne voudrais pas pouvoir me passer de toi.

traduction par groupe de mots

Vers 35 à 43 :

PARCITE LUMINIBUS Ne regardez pas, vous , SEU VIR soit qu’un homme SEU FEMINA soit qu’une femme FIAT OBVIA se trouve sur mon passage : VENUS VULT Venus veut SUA FURTA CELARI que ses petits larcins soient cachés . NEU TERRETE (NEU en anaphore) n’effrayez pas STREPITU PEDUM par le bruit de vos pieds NEU QUAERITE NOMEN, ne cherchez pas + à savoir + mon nom NEU FERTE LUMINA, n’approchez pas de la lumière  PROPE près de + moi +  FACE FULGENTI avec votre torche  flamboyante ET SI QUIS IMPRUDENS Aussi si quelqu’un d’imprudent ADSPEXERIT regarde (antériorité relative en latin), ILLE OCCULAT que celui-ci cache + ce qu’il aura vu + QUE PER OMNES DEOS NEGET e que, par tous les Dieux, il affirme SE MEMINISSE qu’il ne s’en souvient pas  NAM QUICUMQUE en effet quiconque FUERIT LOQUAX aura été bavard, IS SENTIET sentira que VENEREM ESSE NATAM SANGUINE Vénus née du sang (celui d’Ouranos, émasculé par son fils Chronos ; en fait Aphrodite-Vénus est née de l’écume de la mer, transcription poétique du sperme répandu de l’organe tranché – désolé de ces précisions physiologiques, mais le loft vous est coutumier !), E MARI RAPIDO au sortir de la mer impétueuse ( ceci renvoie aux descriptions classiques, des lieux communs, de la naissance de Vénus, sortie (EX) des flots ; ceci sera repris dans le célèbre tableau de Botticelli.)

Vers 43 à 50 :

TAMEN TUUS CONJUX D’ailleurs, ton époux NEC HUIC CREDET ne le croira pas (construction indirecte au datif), UT MIHI POLLICITA EST  comme me l’a promis SAGA VERAX une sorcière véridique MAGICO MINISTERIO avec l’aide de la magie. EGO HANC VIDI  je l’ai vue DUCENTEM SIDERA faisant descendre les  astres DE CAELO du haut du ciel ; HAEC VERTIT ITER celle-ci change le chemin FLUMINIS RAPIDI CARMINE d’un cours d’eau rapide par ses incantations (rythmée, cf. CARMINA, vers en latin, charmes en français), QUE HAEC FINDIT CANTU SOLUM celle-ci fait s’ouvrir par son chant le sol, QUE ELICIT MANES SEPULCRIS et fait sortir les mânes des tombeaux, ET DEVOCAT OSSA  fait descendre les ossements ROGO TEPIDO du bûcher tiède (datif avec un verbe composé toujours possible) ; IAM  (anaphore) TENET  tantôt elle retient STRIDORE MAGICO par un sifflement magique CATERVAS INFERNAS les troupes infernales / des enfers,  IAM JUBET tantôt elle leur ordonne REFERRE PEDEM de revenir sur leur pas ADSPERSAS LACTE aspergées de lait (le lait est symbole de vie !).

 Vers 51 à 54 :

CUM LIBET  quand il lui plaît, HAEC DEPELLIT NUBILA elle chasse les nuages TRISTI CAELO, du triste ciel ; CUM LIBET  (bis repetita placent, en latin !) quand il lui plaît, CONVOCAT NIVES  elle convoque la neige (pl poétique pour indiquer l’abondance) ORBE AESTIVO sur la terre (estivale) en été (encore plus fort que notre dérèglement climatique. Au fait, qui a ressuscité cette calamité ?). DICITUR (elle est dite=) on dit (qu’elle est ) SOLA la seule TENERE à détenir HERBAS MALAS MEDEAE les herbes malfaisantes de Médée, SOLA PERDOMUISSE la seule à dompter CANES FEROS HECATAE les chiens sauvages d’Hécate

 Vers 55 à 60 :

HAEC MIHI COMPOSUIT Celle-ci a composé pour moi CANTUS QUIS (=QUIBUS en  latin classique) des formules chantées avec lesquels POSSES FALLERE tu pourras tromper:  CANE TER chante trois fois, CARMINIBUS DICTIS  (ablatif absolu) les incantations dites, DESPUE TER crache par terre 3 fois. ILLE POTERIT NIHIL Celui-ci – le mari) ne pourra en rien CREDERE CUIQUAM DE NOBIS croire quelqu’un à propos de nous, NON SIBI pas même lui-même, SI VIDERIT IPSE  s’il nous voit lui-même IN TORO MOLLI dans ton lit voluptueux (bof ! Super-menteur a fait mieux depuis ! braves français, bien dupés !). TAMEN TU ABSTINEAS ALIIS Cependant, tiens-toi éloignée d’autres amants + que moi +: NAM CERNET car il distinguera OMNIA CETERA tous les autres (pourquoi ce neutre ? sens obscène ?) ; DE ME SOLO  de moi seul SENTIET IPSE NIHIL il ne s’apercevra lui-même de rien.

Vers 61 à 66 :

QUID CREDAM que croire ?  NEMPE HAEC EADAM DIXIT Oui, cette même femme dit  SE POSSE SOLVERE qu’elle peut défaire CANTIBUS AUT HERBIS par ses incantations ou ses simples (herbes magiques) MEOS AMORES mon amour, ET ME LUSTRAVIT TAEDIS et elle m’a purifié + à la clarté + des torches, ET NOCTE SERENA et par une nuit sereine HOSTIA PULLA une victime noire (donc destinée aux dieux infernaux) CONCIDIT AD MAGICOS DEOS est tombée brutalement devant + l’autel + des dieux de la magie. NON EGO ORABAM Moi, je ne priais pas TOTUS AMOR ABESSET que tout mon amour fût absent, SED ESSET MUTUUS mais qu’il fût réciproque, NEC VELIM et que je ne voudrais pas POSSE CARERE TE pouvoir être privé de toi.

 commentaire

Au moins deux, voire trois axes de commentaire…

1)       un texte dont les auteurs dits gothiques du XIX se sont sans doute inspirés car il est merveilleux, dans le genre gore (on dit vulgairement fantastique mais ce terme désigne en littérature depuis Todorov l’hésitation entre l’étrange et le merveilleux). De toute évidence, Tibulle  fait tout pour ébranler les nerfs. Cf. vocabulaire, scansion, verbes violents, utilisation des modes, des anaphores, des rythmes.

2)       Ceci est un bon témoignage sur les superstitions romaines (cf. les REALIA) en évoquant ce qui pour un romain est le plus atroce ; or, de toute évidence, vu leurs cérémonies mortuaires, et les purifications annuelles, le retour des morts-vivants faisait bien partie des angoisses des Latins. Est-ce une juste retour de tous leurs génocides, et de leurs tentatives pour transformer en guerre de défense vitale ce qui n’était qu’impérialisme ? cf. le comportement des prêtres fétiaux. Aussi le pouvoir de notre sorcière est-il grand… et amplifié au-delà de toute mesure humaine…cf. style + évocation des différents mythes ici.

3)       Approfondissement : superstition ou foi profonde ? car n’oublions jamais que l’humour de Tibulle n’est pas obligatoirement marque de rejet, mais capacité à se regarder fonctionner…

SCANSION

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