le tout: Hubert Steiner

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Sic fieri jubet ipse deus, sic magna sacerdos 
    est mihi divino vaticinata sono. 
Haec ubi Bellonae motu est agitata, nec acrem                    45
    flammam, non amens verbera torta timet; 
ipsa bipenne suos caedit violenta lacertos 
    sanguineque effuso spargit inulta deam, 
statque latus praefixa veru, stat saucia pectus, 
    et canit eventus quos dea magna monet:                              50
«Parcite, quam custodit Amor, violare puellam, 
    ne pigeat magno post didicisse malo: 
attigerit, labentur opes, ut vulnere nostro 
    sanguis, ut hic ventis diripiturque cinis.» 
Et tibi nescio quas dixit, mea Delia, poenas;                          55
    si tamen admittas, sit precor illa levis. 
Non ego te propter parco tibi, sed tua mater 
    me movet atque iras aurea vincit anus. 
Haec mihi te adducit tenebris multoque timore 
    conjungit nostras clam taciturna manus,                                 60
haec foribusque manet noctu me adfixa proculque 
    cognoscit strepitus me veniente pedum. 
Vive diu mihi, dulcis anus: proprios ego tecum, 
    sit modo fas, annos contribuisse velim. 
Te semper natamque tuam te propter amabo:                           65
    quidquid agit, sanguis est tamen illa tuus. 
Sit modo casta, doce, quamvis non vitta ligatos 
    impediat crines nec stola longa pedes; 
Et mihi sint durae leges, laudare nec ullam 
    possim ego, quin oculos appetat illa meos,                                 70
et si quid peccasse putet, ducarque capillis 
    immerito in medias proripiarque vias. 
Non ego te pulsare velim, sed, venerit iste 
    si furor, optarim non habuisse manus; 
nec saevo sis casta metu, sed mente fideli,                                  75
    mutuus absenti te mihi servet amor. 
At, quae fida fuit nulli, post victa senecta 
    ducit inops tremula stamina torta manu 
firmaque conductis adnectit licia telis 
    tractaque de niveo vellere ducta putat.                                         80
Hanc animo gaudente vident juvenumque catervae 
    commemorant merito tot mala ferre senem; 
hanc Venus ex alto flentem sublimis Olympo 
    spectat et infidis quam sit acerba monet. 
Haec aliis maledicta cadant: nos, Delia, amoris                               85
    exemplum cana simus uterque coma.

(texte contrôlé sur l'édition Hatier/les Belles Lettres)

traduction universitaire

Tels sont les ordres du Dieu lui-même; tels sont les oracles que j'ai entendus de la bouche inspirée d'une grande prêtresse : une fois qu'elle est agitée des fureurs de Bellone, elle ne craint dans sa folie ni l'âpre flamme ni les fouets qui claquent. Elle-même se frappe violemment les bras à coups de hache et, sans se faire aucun mal, arrose de son sang la Déesse. Debout, le flanc percé d'un fer, debout, la gorge blessée, elle chante les événements que la grande Déesse lui annonce : "Évitez de profaner une jeune femme, sur laquelle l'Amour veille; n'attendez pas de l'apprendre, à votre grand regret, par un grand châtiment. Touche-la; tu verras fuir ton opulence, comme le sang qui coule de nos plaies, comme cette cendre que les vents dispersent." Et pour toi, ma Délie, elle a parlé de je ne sais quel châtiment; si cependant tu commets une faute, puisse-t-elle t'être indulgente. Je ne t'épargne pas pour toi, mais c'est ta mère qui me touche, et qui, - vieille précieuse, - triomphe de ma colère. Elle t'amène à moi dans les ténèbres, et toute tremblante, en secret, sans mot dire, joint nos mains. Elle m'attend la nuit, immobile à la porte, et, quand j'arrive, elle me reconnaît de loin au bruit de mes pas. Vis longtemps pour moi, douce vieille; je voudrais qu'il me fût permis de mettre en commun mes propres années avec les tiennes. Je t'aimerai toujours et j'aimerai ta fille à cause de toi : quoi qu'elle fasse, c'est tout de même ton sang. Enseigne-lui seulement à être chaste, bien que ses cheveux ne soient pas embarrassés d'une bandelette, ni ses pieds d'une longue robe. Je me soumets à de dures conditions; je consens à ne louer aucune femme sans qu'elle m'arrache les yeux; et, si elle me croit coupable d'un méfait, à être traîné par la chevelure malgré mon innocence et tiré le long des rues la tête la première. Je ne voudrais pas te frapper, mais si pareille folie me venait, je souhaiterais de n'avoir pas eu de mains. Mais ne sois pas chaste par peur des coups : qu'un mutuel amour te conserve fidèle en mon absence. Celle qui n'a été fidèle à personne, plus tard, vaincue par l'âge, tire indigente les fils qu'elle enroule d'une main tremblante, attache pour un salaire les bêtes solides aux chaînes, et épluche en la cardant une toison soigneuse. Les jeunes gens, se pressant autour d'elle, contemplent avec joie sa misère et se disent qu'elle a mérité tous les maux de sa vieillesse. Vénus du haut de l'Olympe la regarde pleurer, aérienne, et lui rappelle combien elle est dure pour les infidèles.Puissent ces malédictions tomber sur d'autres. Pour nous, Délie, soyons-nous en cheveux blancs un exemple d'amour l'un à l'autre.

traduction par groupe de mots

introduction type-bac, à l'oral:

Notre passage fait partie du livre premier livre des élégies d'ALBIUS TIBULLUS etc. cf. Elégie, VI, 1ère partie: après avoir évoqué sa situation pathétique, reconnu l'efficacité de sa belle dans l'application pratique de ses leçons, à son propre détriment, Tibulle interpellait brutalement l'amant en titre, responsable au premier chef, à ses yeux, du comportement volage de Délie (mais n'oublions jamais la part de l'artifice littéraire: ceci est une création poétique, et non un témoignage subjectif, autobiographique - même s'il est possible, voire fortement probable, d'en retrouver des accents qui ne trompent pas, compte tenu du fait aussi qu'il n'est pas besoin de brûler Rome pour, comme Néron, composer un chant épique consacré à la destruction de Troie). Il montre sa jalousie féroce en interdisant à tout quidam un tant soit peu «cosmétisé» de croiser le chemin de Délie. Dans ce second volet du texte (baccalauréat(i?) causa!), Tibulle exprime son ressentiment en montrant une prêtresse se déchirant le corps, prise par la transe de sa vaticination: il n'en faut pas moins pour le retenir; sachant que les dieux la protègent, toute agression à son encontre amènerait un retour de... flamme ou bâton? Les propos - menaçants - concernant Délie ne sont pas précisés: il est plus prudent de procéder par allusion, car, dans le cadre d'une pensée magique, évoquer la chose suffirait à la rendre réelle... Curieusement, Tibulle évoque ensuite la mère de sa belle: mais elle est censée jouer le même rôle que l'amant en titre: il s'agit de ramener Délie à son comportement antérieur; par CASTA, il s'agit bien sûr qu'elle reste fidèle à Tibulle. Et si Délie persiste (non pas dans le péché, car il y aurait ici un arrière-plan judéo-chrétien - même si je suis sensible, personnellement à ce dernier -) dans l'infidélité, sa condamnation (idée reprise plus tard par Ronsard dans son sonnet bien connu: Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, un des grands esclavages des femmes, en concurrence seulement ici avec les hommes - car eux ne s'occupent pas de la corvée d'eau, de bois, de pluches, - mais travaux d'enfants aussi, cf. en Afrique -, de «torchage» des gosses - merci à la grande soeur! méditez, mesdemoiselles), sa condamnation , disions-nous, aux travaux forcés de la filature est assurée… par le texte, qui fonctionne donc par la magie des mots. Après un tel futur atroce, Tibulle nous montre que c'était son ultime argument pour ramener Délie à de meilleurs sentiments: il clôt brutalement son roman de Délie en évoquant leur vie commune jusqu'à leur mort, ce qui correspond bien à la fin de la première élégie. Ceci nous montre combien ce recueil - sa COM-POSITIO - est maîtrisé, et ne repose pas sur une succession incontrôlée d'états psychiques provoqués par une rupture sentimentale...

v. 43 DEUS IPSE JUBET Le dieu lui-même ordonne FIERI SIC qu'il soit fait/qu'il en soit ainsi; MAGNA SACERDOS la Grande Prêtresse MIHI EST VATICINATA me +l'+ a annoncé SIC SONO DIVINO ainsi d'une voix divine:

v. 45 HAEC, UBI EST AGITATA Celle-ci, une fois qu'elle a été agitée MOTU BELLONAE le mouvement/la fureur de Bellone, AMENS NEC TIMET prise de folie, elle ne craint ACREM (racine AC-, cf. acuité, aiguille, acropole, ACIES, la ligne de bataille, en pointe!) FLAMMAM ni l'ardente flamme NON VERBARA TORTA ni les coups de fouet enroulés (participe passé passif de TORQUEO: tordre, qui renvoie bien aux contorsions du fouet quand il frappe); IPSA VIOLENTA CAEDIT Elle-même violente/dans son emportement frappe SUOS LACERTOS BIPENNE ses bras d'une hache double QUE SPARGIT INULTA et elle éclabousse non vengée/impunément (Rat interprète ceci comme: sans se faire aucun mal, alors que le sang est considéré habituellement comme une souillure - sauf justement dans ce type de culte, donc... ? A votre choix! Ou alors une autre leçon me semble de très bon aloi, au prix d'une correction minime: pourquoi pas INVITA avec I long donc conforme à la scansion, la transformation VI en UL par un copiste étant techniquement possible, avec l'explication suivante: un tel comportement, choquant pour une âme sensible, amenait à penser à une vengeance du ciel, d'autant plus à évoquer qu'elle ne serait pas réalisée) DEAM SANGUINE EFFUSO + la statue de + la déesse de son sang répandu QUE STAT et elle se tient debout, PRAEFIXA LATUS VERU transpercée (quant: acc. de relation) au côté par une pointe/le flanc transpercé d'une pointe, STAT SAUCIA PECTUS elle se tient debout, blessée (quant) à la poitrine

v. 50 ET CANIT EVENTUS et elle chante les événements QUOS MAGNA DEA MONET que la Grande Déesse + lui + annonce: PARCITE VIOLARE Par pitié, épargnez (PARCO à l'impératif + infinitif = NOLI + infinitif, donc défense, interdiction) PUELLAM QUAM AMOR CUSTODIT une jeune fille qu'Amour a sous sa protection, NE PIGEAT DIDICISSE qu'il n'y ait pas de mécontentement à l'avoir appris MAGNO MALO POST à cause d'un grand malheur après = qu'il n'y ait pas de retour de bâton - justifié alors (sens du PERFECTUM)- à votre détriment. ATTIGERIS, (nous gardons la leçon de Rat, le T de Hatier est certainement une coquille - dont, malheureusement, cette édition scolaire abonde) OPES LABENTUR tu l'auras touchée/touche-la, tes richesses tomberont (bel exemple de parataxe - ici conditionnelle - où l'on place les mots les uns à côté des autres sans exprimer les liens logiques les concernant - le contraire de la syn-taxe, cf. TIMEO. NE VENIAS: il y a une crainte en moi: puisses-tu ne pas venir, ancienne parataxe qui donne en syntaxe: TIMEO NE VENIAS) UT SANGUIS NOSTRO VULNERE comme le sang de notre/nos blessures, UT HIC CINIS comme cette cendre (pourquoi cette présence du HIC? Due au contexte sacrificiel - ou pour réintroduire l'auditeur/lecteur dans la narration?) DIRIPITUR VENTIS est dispersée par les vents. ET TIBI, MEA DELIA Et pour toi, ma Délie,

v. 55 DIXIT NESCIO QUAS POENAS elle a dit je ne sais quelles peines: SI TAMEN ADMITTAS Si cependant tu commets + une faute +, PRECOR ILLA SIT LEVIS je supplie que celle-ci (la peine évoquée au vers précédent) soit légère (autre exemple de parataxe: la conjonction de subordination d'une proposition conjonctive complétive n'est pas nécessaire: le subjonctif d'ordre est suffisant). EGO NON TIBI PARCO Mais (asyndète) moi, je ne t'épargne pas PROPTER TE à cause de toi, SED TUA MATER ME MOVET Mais + c'est + ta mère + qui + m'émeut ATQUE ANUS AUREA et + qui + vieille femme d'or/précieuse (ou, en clin d'oeil: une vieille en or?) VINCIT IRAS vainc + mes + ressentiments (pl., avouons-le, évocateur ici: le contre-coup de la rupture est perceptible). HAEC TE ADDUCIT Celle-ci te conduit MIHI TENEBRIS à moi dans les ténèbres (ablatif locatif ou instrumental? ambiguïté subtile) QUE MULTO TIMORE et avec une grande peur

v. 60 CONJUNGIT NOSTRAS MANUS unit nos mains CLAM TACITURNA en secret, silencieuse. QUE HAEC ADFIXA FORIBUS et celle-ci, attachée à la porte à double battant, ME MANET NOCTU m'attend de nuit QUE PROCUL et de loin, ME VENIENTE moi/arrivant/quand j'arrive COGNOSCIT STREPITUS PEDUM elle reconnaît le bruit (acc. pl.) de mes pas. VIVE DIU MIHI vis longtemps pour ce qui dépend de moi, DULCIS ANUS douce vieille. EGO, MODO FAS SIT Moi, qu'au moins/ si du moins la permission religieuse existe, VELIM CONTRIBUISSE je voudrais (avoir) ajouté (sens PERFECTUM) ANNOS PROPRIOS mes années personnelles CUM TE avec toi/aux tiennes

v. 65 SEMPER TE AMABO toujours je t'aimerai TE QUE TUAM NATAM toi et ta fille PROPER TE à cause de toi. QUIDQUID AGIT Quoi que ce soit qu'elle fasse, TAMEN ILLA cependant celle-ci EST TUUS SANGUIS est + de + ton sang. SIT MODO CASTA qu'elle soit seulement chaste, DOCE enseigne-le lui > enseigne-lui seulement à être chaste. QUAMVIS VITTA (nominatif, METRI CAUSA) NON IMPEDIAT même si une bandelette ne retient pas CRINES LIGATOS VITTA ses cheveux + ainsi + liés (réservé aux citoyennes) NEC PEDES LONGA STOLA ni ses pieds d'une longue robe (celle des matrones; donc deux allusions à la basse extraction Délie - probablement une affranchie... Ce qui est assez mufle, à la réflexion, pour les deux femmes: en tout cohérence, la liberté de moeurs lui a été enseignée par sa mère, il faut passer aux antipodes de cet apprentissage). ET LEGES SINT DURAE MIHI Aussi que les conditions soient dures pour moi > je veux subir de dures conditions :

v. 70 NEC POSSIM EGO LAUDARE ULLAM et puissé-je ne louer aucune femme QUIN ILLA APPETAT MEOS OCULOS que celle ne m'arrache les yeux. ET SI PUTET PECCA(VI)SSE (parfait syncopé) QUID et si elle pense que j'ai péché en en quelque chose (après SI, NISI, NE, NUM, CUM, AN, UT, UBI, QUO, QUANDO, le pronom indéfini QUID n'a pas besoin d'être renforcé par ALI...) DUCAR(QUE) (en syndèse, cf. le deuxième -QUE plus loin) CAPILLIS IMMERITO que je sois conduit/traîné par les cheveux (MERITO à bon droit) par déni de justice QUE PRORIPIAR IN MEDIAS VIAS et que je sois tiré par le milieu des rues (PRO: la tête en avant?). EGO NON VELIM TE PULSARE Moi, je ne voudrais pas te frapper, SED, SI ISTE FUROR VENERIT mais, si ce délire furieux (ISTE méprisable) me prenait (mot-à-mot était venu en moi: parfait du subjonctif; fait irréalisable) OPTA(VE)RIM NON HABUISSE MANUS, je souhaiterais n'avoir pas eu de mains.

v. 75 NEC SIS CASTA mais ne sois pas chaste, METU SAEVO par une crainte cruelle/de la cruauté + des coups + SED AMOR MUTUUS TE SERVET mais qu'un amour mutuel te conserve MIHI ABSENTI pour moi absent/en mon absence MENTE FIDELI avec un esprit fidèle . AT QUAE FUIT FIDA NULLI Mais celle qui a été fidèle à personne, VICTA POST SENECTA vaincue après/plus tard par la vieillesse DEDUCIT INOPS elle étire, pauvresse (étymologiquement: sans richesse) MANU TREMULA de sa main tremblante STAMINA TORTA les fils qu'elle a tordus QUE ADNECTIT LICIA FIRMA, attache les cordons résistants, TELIS CONDUCTIS une fois les fils de la chaîne (TELA AE f qui a directement donné toile en fr.) installés en parallèle (CUM: ce n'est qu'ensuite que l'on installe à la perpendiculaire les cordons qui permettent de lancer la navette - du moins si nos souvenirs de tisserands africains sont justes)

v. 80 QUE TRACTA DE VELLERE NIVEO et tirés d'une toison + couleur + de neige, PUTAT DUCTA elle les nettoie, une fois étirés. CATERVAE JUVENUM la foule des jeunes gens HANC VIDENT ANIMO GAUDENTE la voient avec un esprit/se réjouissant en s'en moquant QUE COMMEMORANT rappellent ensemble SENEM FERRE MERITO que la vieille supporte à juste titre TOT MALA un si grand nombre de maux. VENUS HANC SPECTAT Vénus la regarde, SUBLIMIS EX ALTO OLYMPO aérienne depuis les hauteurs de l'Olympe FLENTEM pleurant (construction grecque des verbes de sensation + participe)/pleurer ET MONET l'avertit/+ lui + rappelle QUAM SIT ACERBA INFIDIS combien elle est désagréable pour les infidèles. (on pourrait croire qu'il s'agit des infidèles aux lois de l'amour; en fait ceci concerne bien l'amour éternel, vu la suite, et curieusement: Vénus elle-même en est bien loin).

v. 85 HAEC MALEDICTA CADANT ALIIS Que ces malédictions retombent sur d'autres + que Délie +. NOS DELIA SIMUS UTERQUE Nous, Délie, soyons l'un et l'autre EXEMPLUM AMORIS un exemple de l'amour, COMA CANA avec notre chevelure blanche (donc, devenus vieux).

COMMENTAIRES:

1. un texte qui se veut émouvant. D'emblée (v. 43), Tibulle, par l'anaphore de SIC, le rythme à césures trihémimère, trochaïque (légères) et hephthémimère, l'insistance du IPSE, avec les voyelles fermées, puis, en contraste plus ouvertes pour la prêtresse «emphatisée» par le MAGNA et la place de SACERDOS en fin d'hexamètre, l'allitération en [s] entendent rendre ce passage pathétique, au sens étymologique du terme: montrer la souffrance, certes, mais aussi nous y faire participer: concrètement: FIERI; y participent aussi les SIC qui nous inscrivent dans le réel, les présents: JUBET, TIMET, CAEDIT, SPARGIT (notons que les deux derniers verbes d'action se terminent sur une forme d'extase: STAT), comme les deux «perfecta», avec leur sens de résultat présent d'une action passée: EST (de façon évocatrice en début de pentamètre, le deuxième à l'hephthémimère), par la précision des descriptions: celle, presque pléonastique, de la transe (cf. AMENS: v. 47): MOT(U) avec l'élision soulignant la rapidité des gestes peut-être, AGITATA, avec son suffixe répétitif; mouvement (cf. allitération en dentales au milieu du v. 45, repris en fin de 46) aussi que la forte disjonction entre le sujet du début qui claque en début de vers: HAEC, sujet de TIMET en fin de vers suivant, le tout souligné par la litote réitérée: NEC... NON: la prêtresse cherche à souffrir. Le vocabulaire est à l'avenant, avec chiasme: ACREM FLAMMAM// VERBERA TORTA en opposition sg/pl. Après le IPSE du dieu, le IPSA, SUOS qui insiste sur la violence que l'on s'inflige, avec l'instrument sacerdotal: BIPENNE, avec de fortes disjonctions et derechef, un jeu sg. pl.: BIPENNE SUOS # VIOLENTA LACERTOS, en un vers très expressif, avec l'agitation de ses diverses occlusives et le jeu de ses voyelles... Nous assistons à la mise en place de la malédiction, avec une relation DO UT DES: je te donne ici mon sang, pour que tu répandes en retour le sang de mon ennemi, l'élision du E devant EFFUSO, la première place de SANGUINE donne tout son impact à cette scène barbare (cf. thème 2), le INULTA se détachant, comme en suspens après le verbe. Le corps (LACERTOS en fin de vers 47, LATUS à la césure trihémimère, PECTUS en fin de vers 49) ainsi que les blessures (VERBERA en 46, SANGUINE en 48, SAUCIA en 49, VULNERE en 53, SANGUIS en début de v. 54) sont là. La scène est sobrement esquissée, avec une accumulation d'indépendantes coordonnées, tout ceci pour arriver à la présentation: ET CANIT, sous l'inspiration de DEA MAGNA, avec toujours un effet de menace imminente: MONET en fin de vers 50. Notre prêtresse semblait quasi s'ériger en statue mystique dans ce vers 49, de par la place de l'anaphore STAT: début de vers, après l'hephthémimère. Elle attaque par un ordre, mais paradoxal vu l'ambiance: celui d'épargner, en début de v. 51: PARCITE: on s'attendrait à ce que la malédiction concerne Délie. Cela ne sera le cas qu'à mots couverts au vers 55 allusif. En fait, elle est sous la protection du dieu Amour, l'excuse totale. cet ordre est d'autant plus incontournable qu'il s'appuie sur des gutturales. Il est remarquable que la raison invoquée est donnée avant celle qui en bénéficie: la relative QUAM précède son... antécédent, ici postcédent, en fin de vers, mise en valeur par les deux hiatus. La menace envers tout contrevenant est d'abord générale (après le 2ème pl. de PARCITE), solennelle vu les 3 césures, et la forte disjonction avec MALO en fin de v. 52. Le texte halète, nous prend (cf. le jeu des pronoms personnels), vu la parataxe, concise: ATTIGERIS (futur antérieur), LABENTUR (futur, placé en première position), et lourde de ce futur menaçant du v. 53, avec césure tri- et pent-. La fin de la menace apotropaïque s'opère sur une harmonie de voyelles fermées, avec l'insistance sur le rôle que joue la cérémonie pour conclure le pacte: UT deux fois, avec toujours la présence du feu et purificateur et vecteur du message qui monte vers les dieux: FLAMMAM au début du v. 46, CINIS, donc fin de l'opération en fin de v. 54... Ceci est le report exact des phrases prononcées concerant en fait l'amant délaissé: la suite est une simple allusion à la femme infidèle. Le référent de la 2èeme personne change donc: TIBI, le DIXIT perdant de sa pertinence, vu le flou dans lequel est maintenu la teneur du message la concernant... Comme si la menace avait dissipé les ressentiments, l'effusion amoureuse reprend: MEA DELIA. Et notre rejeté de tout faire pour éviter de préciser la conséquence négative: CULPAM sous-entendu, parataxe avec PRECOR, LEVIS en fin de vers, voire l'éluder: TAMEN (v. 56). Ceci permet de recréer dans le présent la communion charnelle, personnelle entre les deux partenaires: passons sur le PARCO - qui indique que les formules antérieures sont bien dues à Tibulle! - à moins qu'il ne s'agisse tout simplement de son refus de citer les paroles exactes de la prêtresse, de peur de les voir se réaliser. Mais le IRAS confirme que notre première hypothèse est la bonne... La relation interpersonnelle s'évoque par les EGO... TIBI PROPTER TE où l'on sent encore l'agressivité, avec le TE à la tri- mis en valeur par son antéposition par rapport à PROPTER à la pent-. L'amour se réinstaure - ou plutôt se revit au présent par le truchement maternel (ADDUCIT en 59, à la pent-, CONJUGIT au début du v. 60, MANET à la pent- du v. 61, COGNOSCIT au début du pentamètre suivant), ce qui rend la rupture encore plus pathétique, car elle est ici comme déniée: v. 59; MIHI avec le T(E) élidé de façon révélatrice, avec l'union; NOSTRAS, mais en disjonction avec le MANUS final du v. 60.

Tibulle ne semble pouvoir vivre son amour qu'illicitement: TENEBRIS, TIMORE (crainte de la mère d'une surprise), CLAM, avec des complicités ancillaires: TE ADDUCIT MIHI. Le rôle premier de la mère se marque par l'anaphore en début de v. 59 et 61 d'HAEC. mais elle est évoquée avec d'autant plus d'intensité que c'est le passé (cf. v. 5). Mais Tibulle a la délicatesse de ne pas impliquer l'ANUS AUREA dans ces nouvelles turpitudes... Quoi qu'il en soit, l'ANUS est la bonne fée, ou plutôt la chienne fidèle de son maître: ADFIXA FORIBUS ME MANET, COGNOSCIT STREPITUS PEDUM. Délie est-elle aussi efficace? Voyelles fermées et consonnes sourdes participent à ces préliminaires sensuels, comme les expressions heureuses: MULTO TIMORE avec une syllepse, CLAM/TACITURNA; le comportement de cette mère - maquerelle ou entremetteuse - lui est habituel et repose sur une longue expérience: COGNOSCIT au début du v. 62. Ces prémisses font sourire mais rappellent aussi l'intensité de la passion physique de Tibulle. Et il met au pinacle celle qui lui permet d'assouvir sa pulsion, d'autant plus intense qu'elle n'est pas directement évoquée. ce qui est de la plus grande habileté et rend bien ce texte pathétique, rempli de passion... Ce texte génère en fait un creux, une absence. L'amour est mort, le VIVE DIU MIHI (v. 63) est une ultime tentative pour le faire survivre; l'ANUS a droit, après AUREA (v. 58), à l'adjectif DULCIS (v. 63), propre à la littérature érotique. L'échange d'années, correspondant à un fantasme amoureux, s'opère, et concerne la mère, ce qui souligne l'intensité du sentiment de Tibulle envers sa belle. Tibulle poursuit sur ce thème en une déclaration d'amour éternel: SEMPER (v. 65), en tri- en retournant la situation attendue: habituellement, on aime la mère à cause de la fille. Ce paradoxe est illustré par l'accumulation des dentales dans le v. 65, et la reprise de la 2ème personne (TUAM en heph-). Tibulle envisage le pire dans son comportement: QUIDQUID AGIT (v. 66) en début de vers, mais c'est pour mieux lui pardonner, en soulignant les liens familiaux en une construction concise: ILLA EST TUUS SANGUIS. Lui qui a enseigné à Délie comment tromper son mari demande maintenant à la mère de lui enseigner la chasteté. Même si le démon de midi ne peut s'empêcher de penser qu'il est un peu tard, Tibulle cherche à utiliser la mère pour que la fille lui revienne CASTA, comme une matrone digne de ce nom, même si elle n'est pas citoyenne: Tibulle semble large d'esprit, mais son allusion est trop directe pour ne pas fleurer un léger mépris implicite, malgré la distance qu'il affiche vis-à-vis de la tenue de sortie des femmes de la haute société: le VITTA CAPILLOS LIGATOS est redondant, comme le LONGA PEDES. Le désir de souffrir vient compenser ce rappel blessant: DURAE LEGES en sujet inversé, avec MIHI souligné par la syndèse ET au v. 69; En fait, la vengeance souhaitée de Délie en cas d'infidélité - même seulement poétique: LAUDARE - de Tibulle serait une marque de jalousie, donc, malgré tout, d'amour. L'action est présentée, sans fard, dans toute sa violence: APPETAT. Le moindre soupçon concernant la fidélité de l'amant (QUID PECCASSE PUTET avec tri- et heph- au v. 71) renvoie au châtiment des pires criminels: DUCAR CAPILLIS, PRORIPIAR IN MEDIAS VIAS, avec une insistance montrant que cette souffrance, dues à Délie, serait encore une forme de relation. L'INMERITO du début du v. 72 amène le contrecoup du v. 73: PULSARE, très brutal. Notre amoureux, dans son désir sans cesse renaissant de renouer avec Délie (d'où l'impératif du v. 64, et tous les emplois divers du subjonctif, qui est bien de l'ordre du subjectif, du ressenti au rebours de l'indicatif déclaratif), joue sur nos affects, avec l'opposition entre voyelles ouvertes et fermées aux vers 71-72. Confronté à sa propre violence, il la récuse absolument: ISTE péjoratif, avec effet d'éloignement, corroboré par la déstructuration de la syntaxe: VENERIT ISTE SI FUROR. Celle-ci est une impulsion des Dieux qui pousse à se jeter à corps perdu au milieu des ennemis: c'est un terme militaire. Frappe aussi le lecteur l'antithèse forte entre le SAEVO METU et le MUTUUS AMOR, souligné par leur disjonction. En fait, D'après le texte, Délie ne penserait pas à quelqu'un d'autre en présence de son amant, au rebours du v. 53: c'est son absence la cause de sa faute: ME ABSENTI. Cette référence morale, pour estimable qu'elle soit, manque d'impact, apparemment: Tibulle passe à la prospective: SENECTA claque en fin de v. 77, avec le NULLI, dénonçant la facilité de l'aimée, à l'heph-. Après la pauvreté menaçant l'amant (v. 53), c'est au tour de Délie: INOPS, réduite à un travail d'esclave: le PENSUM n'est-il pas le poids de laine donné par la matrone à filer pour la journée à chacune de ses esclaves? La difficulté, plutôt la pénibilité de ce travail répétitif, est évoquée sur les 3 vers, par ex. avec les gutturales du v. 79, et l'opposition entre voyelles ouvertes et fermées. Elle est l'objet des quolibets de tous, avec un suspens car le sujet de VIDENT est post-posé, ce qui rend la solution de l'énigme plus prenante et plus blessante: vu son état, la malheureuse ne peut plus être recherchée, comme elle l'était dans sa jeunesse à lire le texte, par les CATERVAE (ne fin de vers 81) JUVENUM. Aussi le SENEM est-il MERITO, malgré les souffrances multiples: TOT. Elle est tombée bien bas: EX ALTO à la césure pent- est une image éclairante ici, avec l'état de déréliction de la vieille que Délie est devenue: FLENTEM, en toute justice: INFIDIS: ce n'est même pas une punition pour un crime hors du commun. Comme pris à son propre piège, comme si les mots du poète pouvaient réaliser la chose, Tibulle refuse ce destin, et le CADANT éclate à la césure heph-. Et il nous laisse sur le souhait, que nous savons irréalisable, d'un amour durant jusqu'à la vieillesse, donc la mort, entre lui et Délie. le NOS et l'UTERQUE semblent alors prendre toute leur épaisseur pathétique...

2. Mais ce texte est aussi équilibré par un témoignage concret sur les réalités du temps: non seulement les allusions sont précises, mais le ton même de l'exécration l'est, celui de la malédiction: MALEDICTA en conclusion de 85, voue bien aux gémonies, conformément par ex. aux formules des tablettes orphiques qui recelaient ce type de formules enterrées avec un mort pour assurer la transmission du message.VATICINATA: le VATES est le nom archaïque romain pour le prêtre, proche d'un chaman, avec ses transes. c'est aussi le terme qu'utilisera Virgile pour désigner le poète. Mais il est sans doute trop moderne de voir ici une mise en abîme de la part de Tibulle. Quoi qu'il en soit, la scène de la prophétesse inspirée se donnant la discipline, s'infligeant souffrance sur blessure est un des LOCI COMMUNES, un topos, un lieu commun de la littérature épique...Bellone: la note de Mme Flobert, dans l'édition Hatier, est très complète. Ajoutons que les bellonaires (prêtres de la première Bellone) s'infligeaient de cruelles blessures. Au reste, cette sœur ou épouse de Mars, vu les «avatars» de ce dernier avec Vénus, n'est pas sans rapport avec le traitement des femmes infidèles.L'aspersion de la représentation du dieu par des matières sacrificielles, particulièrement le sang, est commune dans les religions archaïques. Au reste, le processus décrit est conforme aux canons de la religion romaine: le dieu s'exprime par la voix de son intermédiaire qui établit ainsi la liaison (RE-LIGIO) entre les hommes et les dieux: DIVINO SONO, DEAM, DEA MAGNA. L'ensemble du texte, nonobstant le distique élégiaque, préfigure des accents virgiliens: on a l'impression de retrouver la Sybille de Cumes face à Enée, au chant VI de l'Enéide.

Notion propre au paganisme l'idée que la divinité poursuit concrètement de son ire le sacrilège... jusque dans ses biens: OPES. Et avouons que les puritains américains participent de cette notion: Dieu récompenserait justement chacun sur cette terre. L'impérialisme romain s'est nourri de cette vision. Les USA font de même actuellement. Nous retrouvons aussi la vieille superstition romaine de la réticence: NESCIO QUAS POENAS, superstition à laquelle adhérait par ex. Auguste: n'oublions pas que ce PRINCEPS faisant attention chaque matin à ne pas se lever du pied gauche.Le CONJUNGIT renvoie à une pratique du mariage à Rome, en la décalant dans un cadre adultérin: lors de la signature du contrat, une femme, PRONUBA, âgée (=ici, l'ANUS) et qui n'avait jamais eu qu'un seul mari prenait dans ses mains celles des deux fiancés et les unissait, et cette union des mains (DEXTRARUM JUNCTIO) avait lieu dans la maison de la jeune épousée (La civilisation Romaine, P. Grimal, chez Arthau)le SIT MODO FAS est une formule qui n'est pas de pure précaution oratoire: il s'agit, par ses paroles, de ne pas voir les dieux les prendre soit au pied de la lettre, soit comme une remise en cause du destin commun auquel tout le monde est soumis, hommes comme dieux.VITTA: ce bandeau fait partie de la coiffure traditionnelle des matrones, ainsi que la STOLA LONGA où l'adjectif souligne en fait la pudeur dont ces femmes font preuve.

Le châtiment corporel dont Tibulle souhaite la réalisation est celui des coupables de crime de lèse-majesté... Avec une punition publique... à l'instar de la lapidation.FUROR est traité ailleurs.

les v. 78 à 80 demanderaient une étude archéologique précise... Avis aux connaisseurs: ici, leur apport sera mentionné ici, avec nos remerciements et leur identité...Comme dans les Métamorphoses d'Ovide, Vénus punit les infidèles, en fait ceux qui ne sont pas fidèles aux serments tenus devant le dieu Amour! Même si elle n'a pas donné l'exemple d'une vie chaste... Mais elle est immortelle!HAEC MALEDICTA: celles prononcées donc par Tibulle, avec la formule pour les repousser. Encore une marque de superstition.

3. Tout est composé de main de maître, au service de la passion:

Les termes s'amènent logiquement les uns les autres, selon la logique du sentiment (cf. 1!): SONO en fin de 44 annonce les deux distiques 51 - 54; HAEC reprend MAGNA SACERDOS, avec le NEC renforçant la liaison, IPSA en début de 47 permettant de passer à la description de l'action opérée; FLAMMAM début 46 induit CINIS en 54; VERBERA est développé par l'instrumenet: BIPENNE, avec le résultat: SANGUINE en début de 48, CANIT au présent (50) réalise ce que le EST VATICINATA de 44 a présenté et sera poursuivi par un DIXIT allusif à la césure héph- du v. 55; Notons que les indépendants coordonnées s'accumulent, avec STAT SAUCIA PECTUS en asyndète, comme pour mieux fixer l'image de la vaticinatrice dans ses oeuvres; EVENTUS en 50 est développé par les menaçants : MAGNO (nous sommes dans un registre épique, avec le grossisement propre à ce genre: cf. MAGNA SACERDOS, DIVINO, DEAM, DEA MAGNA dans les vers précédents) MALO, puis sous forme d'action: LABENTUR (donc destruction) OPES. VULNERE (v. 53) reprend VERBERA. POENAS est sujet à caution: TAMEN, et se poursuit sur PARCO, avec ce qui dissipe la colère (au pl. IRAS pour l'emphatiser, incarner son intensité): ANUS, reprise deux fois par HAEC en début de vers, avec des -QUE en accumulation. S'ensuit une série de phrases en asyndète, rapides. Et la construction de devenir plus complexe quand il s'agit d'amener Délie à être CASTA - vaste programme, pour paraphraser le Général! IMPEDIAT en 68 amène LEGES, et les syndèses de s'accumuler; ainsi, Tibulle fait preuve d'une VARIATIO extrême dans ses constructions malgré la pléthore de phrases déclaratives. IMMERITO induit le PULSARE, FUROR conduit à SAEVO METU par le truchement d'un NEC, cette expression étant en antithèse avec MENTE FIDELI en fin de v. 75. En polyptote, FIDA (v. 77), puis INFIDIS (84) reprend, en s'y opposant par NULLI, FIDELI, par l'opposition objective d'un AT... Et la triste vieillesse travailleuse de la femme infidèle de dérouler ses actions répétitives de 77 à 80, d'abord sous les moqueries des jeunes gens, avec l'anaphorique HANC en début de v. 81, puis le regard ACERBA de Vénus, avec l'anaphorique, derechef, en début de 83. Mais, et le retournement spectaculaire en est annoncé en fin de v. 84 par MONET, qui reprend en écho éloigné le MONET du vers 50, tout ce qui précède et qui concernait au premier chef Tibulle et sa bien-aimée - sans contredit possible vu l'introduction dans le débat de la belle-mère se révèle en fait gratuit: ce sont des MALEDICTA, ramassés, résumés par le HAEC de début de v. 85, que le poète, après les avoir si bien présentés et travaillés, rejette avec puissance: CADANT en subjonctif d'ordre, renforcé par la césure hephthémimère correspondant à une pause phono-sémantique. Restent nos deux amants: NOS, DELIA, UTERQUE. Mais le SIMUS est le dernier souhait: cette élégie concernant Délie est bien la dernière. Et puisque tous les efforts auxquels nous venons d'assister, tous les pardons offerts ou les souffrances acceptées, c'était pour arriver à cette demande: CANA COMA, nous ne pouvons que constater l'échec amoureux de Tibulle. Du moins dans ce texte donc nous avons pu déceler le profond travail littéraire...

Que conclure de cette étude? Le subtil entrelacement de cette élégie où les mots s'appellent, se rappellent, nous enveloppe dans leurs évocations, en fonction des mouvements du cœur, maîtrisé par l'art de la COM-POSITIO du poète qui est une forme de CON-CATENATIO qui nous enserre dans sa contrainte affective...Subsiste un problème patent: Pourquoi avoir évoqué la mère? C'est qu'il faut bien trouver un prétexte au pardon afin de renouer, et ce n'est pas le comportement actuel de Délie qui peut l'amener. Aussi Tibulle évoque-t-il judicieusement le processus psychologique suivi: il serait vain qu'il nie son ressentiment (NON PARCO, IRAS déjà cités), mais c'est le souvenir de la mère: TUA MATER en fin de vers qui provoque son revirement: il est touché par un tendre sur reconnaissance... via la mère! Et les vers 59 à 62 sont les preuves concrètes de ce que Tibulle doit à cette dernière. sachant que ceci concerne ses relations avec Délie et qu'ainsi celles-ci sont mises au pinacle - la reconnaissance étant telle que le poète n'hésite pas à envisager de lui donner, pour finir (63-64) une partie du temps que les Parques lui ont imparti. Le v. 65 reprend l'argument du v. 57 (cf. thème 3). Aussi, au v. 63, le TECUM s'adresse-t-il, pour déconcertant qu'il soit, à la mère de l'aimée - un deuxième argument moral après l'évocation du «mari», et ici affectif, pour amener Délie à être de meilleure composition, en fait CASTA (v. 67, 75)...

Ce qui ne veut pas dire continent, mais rester fidèle (leitmotiv final: v. 75, 77, 84); la passion est toujours présente, car les corps sont ici tangibles. Nous avions noté antérieurement (cf. début de 1) la présence du corps de la prêtresse, et un simple relevé lexical conforte cette remarque: . Rappelons celle des mains unies des amants (fin du v. 60); suivi des pieds, à propos de leur bruit (fin du v. 62). Il serait artificiel d'appeler pour conforter notre étude le SANGUIS du v. 66. Mais nous voyons Délie de la tête: CRINES, aux pieds (PEDES, fin du même vers 68); Tibulle n'est pas de reste: OCULOS, rappelé par MEOS en fin de v. 70. au v. 71, les cheveux: CAPILLIS, en fin de vers, sachant que le corps ici devient objet de torture, après avoir été objet de plaisir pour les deux amants; ce final négatif auquel nous assistons maintenant a été préfiguré par les mauvais traitements infligés par la prêtresse à son propre corps... Au point que ce qui permet à l'homme de frapper et au poète d'écrire est souhaité comme disparu: MANUS en fin de v. 74. Ce destin pourrait frapper Délie dans sa vieillesse, si elle est infidèle: Une MANU TREMULA, avec sa forte disjonction encadrant ce sur quoi la main travaille, est source de souffrance et peu efficace. En fait, Délie fileuse puis tisserande, ne vit que par sa main; c'est cette dernière qui ADNECCTIT (79), PUTAT (fin de 80). Les yeux reviennent pour se moquer: VIDENT à l'heph- du v. 81, déjà préfiguré en quelle que sorte par le NIVEO du v. 80. Ceci a lieu sous le regard (SPECTAT en début de v. 84) de Vénus: ainsi l'Amour encadre-t-il notre extrait: DEUS au v. 43, pour VENUS au v. 83, compte non tenu d'ailleurs des récriminations contre le Dieu dans les 4 premiers vers de l'élégie. Et nous revenons aux cheveux - une obsession (érotique, cf. la chevelure chez Baudelaire, ou Maupassant) chez Tibulle? - avec CANA... COMA qui clôt cette élégie VI, sur un souhait que la suite des élégies nous montrera comme inaccompli!

SCANSION:

v. 43: dddsds_h

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dssddt_p_h, élision: MOT(U) EST

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ds, élision: SANGUINEQU(E) EFFUSO

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v. 50: ds

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ds, élision: ATQU(E) IRAS

dsdsdt_p_h, élision: T(E) ADDUCIT

v. 60: ss

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v. 70: dd, élision: POSS(IM) EGO

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dd, élision: IMMERIT(O) IN

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v. 80: dd

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dddsdt_h, élision: DELI(A) AMORIS

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