le tout: Hubert Steiner

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12 - Miro tamen certamine procerum decernuntur supplicationes apud omnia pulvinaria, utque Quinquatrus, quibus apertae insidiae essent, ludis annuis celebrarentur, aureum Minervae simulacrum in curia et juxta principis imago statuerentur, dies natalis Agrippinae inter nefastos esset. Thrasea Paetus silentio vel brevi adsensu priores adulationes transmittere solitus exii tum senatu, ac sibi causam periculi fecit, ceteris libertatis initium non praebuit. Prodigia quoque crebra et inrita intercessere: anguem enixa mulier, et alia in concubitu mariti fulmine exanimata; jam sol repente obscuratus et tactae de caelo quattuordecim urbis regiones. Quae adeo sine cura deum eveniebant, ut multos postea annos Nero imperium et scelera continuaverit. Ceterum quo gravaret invidiam matris eaque demota auctam lenitatem suam testificaretur, feminas inlustres Iuniam et Calpurniam, praetura functos Valerium Capitonem et Licinium Gabolum sedibus patriis reddidit, ab Agrippina olim pulsos. Etiam Lolliae Paulinae cineres reportari sepulcrumque exstrui permisit; quosque ipse nuper relegaverat Iturium et Caluisium poena exsoluit. Nam Silana fato functa erat, longinquo ab exilio Tarentum regressa labante jam Agrippina, cujus inimicitiis conciderat, vel tamen mitigata. 

13 -  Cunctari tamen in oppidis Campaniae, quonam modo urbem ingrederetur, an obsequium senatus, an studia plebis reperiret anxius. Contra deterrimus quisque, quorum non alia regia fecundior extitit, invisum Agrippinae nomen et morte ejus accensum populi favorem disserunt: iret intrepidus et venerationem sui coram experiretur; simul praegredi exposcunt. et promptiora quam promiserant inveniunt, obvias tribus, festo cultu senatum, conjugum ac liberorum agmina per sexum et aetatem disposita, exstructos, qua incederet, spectaculorum gradus, quo modo triumphi visuntur. Hinc superbus ac publici servitii victor Capitolium adiit, grates exsoluit, seque in omnes libidines effudit, quas male coercitas qualiscumque matris reverentia tardaverat.

traduction universitaire

On vit toutefois parmi les grands une merveilleuse émulation de bassesse. Des actions de grâces sont ordonnées dans tous les temples ; et des jeux annuels ajoutés aux fêtes de. Minerve pour célébrer la découverte du complot. On vote à la, déesse une statue d'or, qui sera placée dans le sénat, et auprès de laquelle on verra l'image du prince ; enfin le jour où naquit Agrippine est mis au nombre des jours néfastes. Pétus Thraséas, qui laissait passer les adulations ordinaires sans autre protestation que le silence, ou une adhésion froidement exprimée, sortit alors du sénat, ce qui lui attira des dangers, sans que les autres en devinssent plus libres. Des prodiges nombreux furent vus dans ce temps, et n'eurent pas plus d'effet. Une femme accoucha d'un serpent ; une autre fut tuée par la foudre dans les bras de son mari ; le soleil s'éclipsa tout à coup ; et le feu du ciel tomba dans les quatorze quartiers de Rome. Mais ces phénomènes annonçaient si peu l'intervention des dieux, qu'on vit se prolonger encore bien des années le règne et les crimes de Néron. Au reste, pour faire à sa victime une mémoire plus odieuse, et prouver que sa clémence était plus grande depuis que sa mère n'y mettait plus obstacle, il rendit à leur patrie deux femmes du premier rang, Junie et Calpurnie, et deux anciens préteurs, Valérius Capito et Licinius Gabolus, tous bannis autrefois par Agrippine. Il permit aussi qu'on rapportât les cendres de Lollia Paullina, et qu'on lui élevât un tombeau. Il fit grâce à Iturius et à Calvisius, que lui-même avait relégués depuis peu. Quant à Silana, elle avait fini ses jours à Tarente : elle y était revenue d'un exil plus éloigné, lorsque Agrippine, dont la haine avait causé sa chute, chancelait à son tour ou s'était adoucie.

Néron parcourait lentement les villes de Campanie, inquiet sur son retour à Rome, et craignant de n'y plus retrouver le dévouement du sénat et l'affection du peuple. Mais tous les pervers (et jamais cour n'en réunit davantage) l'assuraient "que le nom d'Agrippine était abhorré, et que sa mort avait redoublé pour lui l'enthousiasme populaire. Qu'il allât donc sans crainte, et qu'il essayât la vertu de sa présence auguste." Eux-mêmes demandent à le précéder, et trouvent un empressement qui passait leurs promesses, les tribus accourant au-devant de lui, le sénat en habits de fête, des troupes de femmes et d'enfants, rangées suivant l'âge et le sexe, et, sur tout son passage, des amphithéâtres qu'on avait dressés comme pour voir un triomphe. Fier et vainqueur de la servilité publique, Néron monta au Capitole, rendit grâce aux dieux, et s'abandonna au torrent de ses passions, mal réprimées jusqu'alors, mais dont l'ascendant d'une mère, quelle qu'elle fût, avait suspendu le débordement.

traduction par groupe de mots

12 - TAMEN CERTAMINE MIRO PROCERUM Cependant, par une rivalité/émulation étonnante des Grands, (les dirigeants des MUNICIPIA, cf. Chap. 10: PROXIMA CAMPANIAE MUNICIPIA TESTARI LAETITIAM VICTIMIS ET LEGATIONIBUS) DECERNUNTUR SUPPLICATIONES APUD OMNIA PULVINARIA sont décrétées des supplications à tous les dieux (ici, les coussins de lit sur lesquels on plaçait les statues des dieux mâles pour un lectisterne sont utilisés par synecdoque; ou alors la cérémonie a lieu devant les temples? vu APUD) QUE UT QUINQUATRUS et que les Quinquatries (UTQUE par anacoluthe - rupture de construction: liaison entre un nominatif et une proposition conjonctive complétive sujet composée de 3 verbes en asyndète, donc en énumération: CELEBRARENTUR, STATUERENTUR, ESSET) QUIBUS INSIDIAE ESSENT APERTAE pendant lesquelles le complot avait été découvert (APERIO, APERUI, APERTUM) CELEBRARENTUR LUDIS ANNUIS seraient célébrées par des jeux annuels, SIMULACRUM AUREUM MINERVAE qu'une statue en or de Minerve ET JUXTA IMAGO PRINCIPIS et, à côté, une image du Princeps, STATUERENTUR IN CURIA seraient élevées dans la curie, DIES NATALIS AGRIPPINAE que le jour anniversaire d'Agrippine (le 6 Novembre) ESSET INTER NEFASTOS serait au nombre des néfastes. THRASEA PAETUS, SOLITUS TRANSMITTERE Thrasea Paetus, habitué à laisser passer ADULATIONES PRIORES les marques d'adulation antérieures SILENTIO VEL BREVI ADSENSU en silence ou par un bref assentiment, EXIIT TUM SENATU sortit alors du Sénat, AC FECIT SIBI CAUSAM PERICULI et il fit pour lui-même une cause de danger/se mit lui-même en péril, NON PRAEBUIT CETERIS (mais, car asyndète trè ;s forte pour souligner l'opposition) il ne procura pas aux autres INITIUM LIBERTATIS la voie de/vers la liberté. PRODIGIA INTERCESSERE (INTERCEDO) QUOQUE Des prodiges survinrent aussi, CREBRA ET IRRITI, fréquents/nombreux et sans effet.: MULIER ENIXA (ENITOR, déponent: faire effort pour sortir) ANGUEM Une femme accoucha d'un serpent, ET ALIA EXANIMATA FULMINE et une autre mourut de la foudre IN CONCUBITU MARITI lors de son accouplement avec son mari; JAM SOL OBSCURATUS REPENTE alors/ensuite le soleil s'obscurcit tout à coup ET QUATTUORDECIM REGIONES URBIS et les quatorze régions de la Ville TACTAE DE CAELO furent touchées du (feu du) ciel. QUAE EVENIEBANT ADEO SINE CURA DEUM Mais ces événements (neutre pluriel du relatif… de liaison) arrivaient tellement sans intervention des Dieux UT NERO, MULTOS ANNOS POST, que Néron, de nombreuses années plus tard, CONTINUAVERIT IMPERIUM ET SCELERA a prolongé son pouvoir et ses crimes. CETERUM, QUO GRAVARET INVIDIAM MATRIS Au reste, pour aggraver la haine à l'égard de sa mère QUE TESTIFICARETUR SUAM LENITATEM AUCTAM EA DEMOTA et témoigner que sa propre clémence a été augmentée, celle-ci une fois enlevée/disparue, REDDIDIT SEDIBUS PATRIIS il rendit à l'endroit où avaient vécu leurs pères/à leur patrie, FEMINAS ILLUSTRES des femmes du premier rang, JUNIAM ET CALPURNIAM, Junie et Calpurnie, VALERIUM CAPITONEM ET LICINIUM GABOLUM, Valérius Capito et Licinius Gabolus, FUNCTOS PRAETURA ayant accompli leur préture/anciens préteurs (FUNGOR+abl.: s'acquitter de, remplir), OLIM PULSOS AB AGRIPPINA autrefois chassés/bannis par Agrippine.. PERMISIT ETIAM CINERES LOLLIAE PAULINAE Il permit encore que les cendres de Lollia Paulina RE¨PORTARI SEPULCRUMQUE EXSTRUI soient ramenées et qu'un tombeau (lui) soit érigé. QUE de plus, ITURIUM ET CALVISIUM, QUOS IPSE RELEGAVERAT NUPER, Iturius et Calvisius, que lui-même avait relégués récemment, EXSOLVIT POENA, il les libéra de leur peine. NAM SILANA ERAT FUNCTA FATO En effet, Silana s'était acquittée de son destin/avait accompli sa destinée, REGRESSA TARENTUM AB EXILIO LONGINQUO étant revenue à Tarente d'un exil lointain, AGRIPPINA LABENTE JAM Agrippine glissant déjà (vers sa fin) INIMICITIIS CUJUS CONCIDERAT à cause des inimitiés de laquelle elle était tombée, VEL MITIGATA ou étant apaisée.

 

13 - TAMEN CUNCTARI IN OPPIDIS CAMPANIAE Cependant, (Néron) d'hésiter/de s'attarder dans les villes de Campanie, ANXIUS QUONAM MODO INGREDERETUR URBEM se demandant de quelle manière/façon il rentrerait à Rome, AN REPERIRET OBSEQUIUM SENATUS, s'il retrouverait la complaisance du Sénat, AN STUDIA PLEBIS l'attachement de la Plèbe (à son égard). CONTRA QUISQUE DETERRIMUS Par contre, tous les plus vauriens, QUORUM ALIA REGIA NON EXSTITIT FECUNDIOR dont (aucune) autre cour ne se montra plus féconde, DISSERUNT NOMEN AGRIPPINAE INVISUM (ESSE) soutiennent (en argumentant) que le nom d'Agrippine est haï ET FAVOREM POPULI ACCENSUM MORTE EJUS et que la faveur du peuple (à l'égard de Néron) est enflammée par la mort de cette dernière. IRET INTREPIDUS qu'il (y) aille sans trembler ET EXPERIRETUR CORAM VENERATIONEM SUI et qu'il teste en public/en se montrant la vénération à son égard. SIMUL EXPOSCUNT PRAEGREDI En même temps, ils réclament de le précéder. ET INVENIUNT PROMPTIORA et ils trouvent un comportement plus dispos QUAM PROMISERANT qu'ils n'avaient promis, TRIBUS OBVIAS les tribus viennent à sa rencontre, SENATUM CULTU FESTO le Sénat en tenue de fête (ablatif de qualité), AGMINA CONJUGUM AC LIBERORUM des groupes d'épouses et d'enfants DISPOSITA PER SEXUM ET AETATEM disposés par sexe et par âge, GRADUS SPECTACULORUM des gradins pour les spectacles EXSTRUCTOS QUA INCIDERET disposés/montés par où il passait, QUO MODO TRIUMPHI VISUNTUR de la mani ère dont les triomphes sont contemplés. HINC SUPERBUS ensuite, plein de morgue ET VICTOR SERVITII PUBLICI et victorieux de la servitude du peuple, ADIIT CAPITOLIUM il monta au Capitole, EXSOLVIT GRATES il exprima sa reconnaissance (aux Dieux), QUE SE EFFUDIT IN OMNES LIBIDINES et il s'épancha dans tous ses désirs QUAS REVERENTIA MATRIS QUALISCUMQUE que le respect pour une mère quelle qu'elle fût par ailleurs TARDAVERAT, MALE COERCITAS avait retardés, même s'ils avaient été mal contraints.

 

Ce qui frappe de prime abord dans ces deux chapitres du livre XIV des Annales, c'est la présence de . Mais cette présence de la morale, qui, en notre période Politiquement Correcte, pourrait faire craindre le pire quant à la qualité littéraire et intellectuelle du texte, n'étouffe pas ce dernier, bien au contraire: il et nous restitue avec… souffle? l'atmosphère angoissante de l'époque…

 

  1. la cruauté froide de la présentation objective, ce qui rend la critique d'autant plus crédible:
  2. avec l'antiphrase CERTAMEN, utilisé habituellement en vue d'un exploit, ici méprisable; l'attaque est d'autant plus frontale que ce sont les PROCERES qui en sont l'objet, car responsables de cette infamie, avec l'impression, voire le jugement du moraliste, en un seul adjectif: MIRUS qui pique l'intérêt du lecteur. Le terme DECERNO est lui-même critique, car réservé aux décisions et décrets du Sénat.

    Avec l'anacoluthe entre SUPPLICATIONES et UT qui souligne combien tout ceci est déplacé, effet augmenté par l'accumulation en asyndète des marques d'adulation, qui dépassent la flagornerie pour sombrer dans le ridicule: LUDIS ANNUIS, SIMULACRUM MINERVAE ET IMAGO PRINCIPIS (le terme IMAGO désigne les images en cire représentant les ancêtres rangées dans une armoire dans le TABLINUM et sorties lors des funérailles, d'où le JUS IMAGINUM des nobles: le droit de faire suivre son cercueil par ces portraits d'ancêtres), DIES… INTER NEFASTOS (durant lesquels aucun jugement ne peut être rendu)

    La présentation même, non du seul opposant, mais de la seule personne à faire preuve d'un peu de dignité, est ambiguë. Stoïcien comme Sénèque, Thraséa fait ici un geste spectaculaire, compromettant, mais sans effet. L'enchaînement sur les PRODIGIA rend ce comportement encore plus exceptionnel.

    On retrouve ici l'attrait des romains pour ce qui est PRODIGIUM et PORTENTUM: ils en sont friands; loin de partager la superstition de ses contemporains, Tacite n'en semble pas pour autant ne pas partager ici un de leurs centres d'intérêt. Mais nous retrouvons le rationaliste qui refuse de mettre en relation la foudre s'abattant sur Rome et la destinée de l'Empire. Par delà ses fonctions religieuses, Tacite n'attache guère d'importance aux croyances populaires; pour lui, les dieux existent mais ne s'occupent pas des hommes, il suit en cela la doctrine épicurienne.

    En fait, cette impassibilité avec laquelle l'indifférence des Dieux est constatée dénonce de façon très virulente la réalité des abus néroniens mais aussi la question métaphysique: que sont ces dieux qui ne font rien, qui ne réagissent pas de façon pertinente, sinon sous forme de manifestations météorologiques ?

    Très efficace aussi le rapprochement établi entre IMPERIUM et SCELERA. Car Tacite condamne Néron sans détours: UT MULTO POST ANNOS CONTINUAVERIT. Il est rare que sa réprobation s'exprime de façon aussi directe, mais Néron s'est attaqué au bien le plus précieux des romains: la liberté publique. Trahissant leurs Pères, les sénateurs flattent la mégalomanie du Princeps et remercient solennellement les dieux. Le peuple, déjà asservi, est prêt à accepter de nouveaux désordres et abus, et à les couvrir.

    Les mobiles machiavéliques sont exposés sans état d'âme: GRAVARET INVIDIAM MATRIS avec le rapprochement inattendu de ces deux termes qui souligne l'aberration d'un tel sentiment. De même, le terme DEMOTA est-il surprenant: éliminer alors que nous attendions DEFUNCTA: maintenant, Néron peut régner en maître absolu, d'où aussi le SUPERBUS à la fin de 13, la morgue méprisante, cf. Tarquin le Superbe!

    Faut-il voir aussi, en reprenant le fil de notre texte, dans l'expression contournée: SEDIBUS PATRIIS, une dénonciation voilée de l'inhumanité d'un exil?

    Le PERMISIT est d'un humour noir par la générosité qu'il implique vis-à-vis d'un cadavre. En l'occurrence, Lollia Paulina a droit à un meilleur traitement que la mère de l'empereur (inhumée à la va-vite, chap. 9., avec un LEVEM TUMULUM)

    OBSEQUIUM SENATUS (l'alliance de ces deux termes aurait été inconcevable pour tout romain digne de ce nom), STUDIA PLEBIS évoquent, en les dénonçant, les deux volants du pouvoir de Néron: le sénat est affaibli et craintif, la Plèbe flattée par sa démagogie ainsi que par ses efforts pour lui assurer PANEM ET CIRCENSES (cf. Juvénal): l'époque de Néron a été économiquement efficace!

    Aussi cruels: PUBLICI SERVITII, ainsi que l'opposition très critique entre la discipline dont fait preuve chacun dans son accueil de Néron et le libertinage décadent (déjà annoncé par la relative QUORUM NON ALIA REGIA FECUNDIOR EXSTITIT) de ce dernier: le texte se termine sur OMNES LIBIDINES.

     

     

  3. Le texte n'en reste pas moins vivant, d'abord de par ses contrastes:

l'inquiétude de l'empereur est bien montrée et l'opposition de la réception avec ses angoisses en est d'autant plus forte. Cet état d'esprit, qui le fait hésiter (CUNCTARI) plusieurs mois en Campanie, et qui a déjà été évoqué au chapitre 10, se marque même dans le chapitre 12, malgré les apparences: d'abord par l'outrance des manifestations d'adulation (cf. la première phrase) destinées en fait à le rassurer en une débauche outrancière de procédés dont certains frisent la quasi-profanation (n'oublions pas que des statues de Dieux présentaient les traits de Néron), ensuite par la pression implicitement exercée sur les sénateurs dont pas un seul, excepté Thrasea Paetus, n'ose bouger (2ème phrase), puis par des prodiges relevant de la superstition populaire que le destin de Néron certes semble dépasser, mais qui n'en sont pas moins évoqués, pour finir, par ses divers pardons afin de réveiller sa réputation de magnanimité. Néron attend donc du Sénat une complaisance totale avec le péjoratif OBSEQUIUM; STUDIA désigne les passions populaires, irrationnelles et violentes, avec son complément PLEBIS désignant, non le peuple politiquement organisé (POPULUS, cf. SPQR), mais les basses classes, en fait la TURBA. Néron, par sa clémence à l'égard de la classe sénatoriale, se prépare un retour, sans jeu de mots, triomphal. S'y joint l'action personnelle de son entourage, évoqué de façon bien virulente: DETERRIMUS QUISQUE, parti avant lui pour préparer la cérémonie. Ils usent sans vergogne de la flagornerie: VENERATIONEM SUI, ainsi que de l'abus de langage: INVISUM, ACCENSUM FAVOREM. Leur volonté de le rassurer est bien marquée aussi par l'impératif de style indirect: IRET INTREPIDUS…

il y a aussi un certain sens du pittoresque: ne ressent-on point ici l'alacrité - détachée certes, cf. notre premier point de vue - amusée d'un témoin de la comédie humaine (il suffit d'un coup d'œil sur la fin du texte où le TRIUMPHI est justifié par: VICTOR SERVITII PUBLICI): la présentation qui nous est faite ici est très vivante et fortement ancrée dans la tradition romaine.

Les supplications en action de grâce devant les temples; le terme PULVINARIA renvoie aux cérémonies les plus sacrées, les plus archaïques - donc les plus surprenantes pour nous - des romains.

la popularité de Néron est marquée par des termes très forts: STUDIA PLEBIS, FAVOREM POPULI, VENERATIONEM, TRIUMPHI

On sourit aussi du raccourci temporel présenté par le ET entre les hésitations, les questions, les exhortations dans la première partie du ch. 13 et la réalisation du montage (PRAEGREDI), dans la seconde partie: le texte dégage une forte impression de mise en scène, tout est réglé, calculé et bien réalisé, d'abord par l'accumulation des COD en asyndète et dont le nombre de termes augmente: d'abord OBVIAS TRIBUS (35) au pluriel, SENATUM précédé d'un ablatif de qualité, donc deux expansions en parallèle, de nouveau un jeu entre pluriel et singulier, avec le parallélisme: CONJUGUM AC LIBERORUM//PER SEXUM ET AETATEM, en modules binaires avec l'écho AGMINA/DISPOSITA qui clôt ce complément; cette structure nom/participe se retrouve inversée au complément suivant avec une disjonction: QUA INCEDERET. Tout souligne une cérémonie bien conduite, avec le mouvement, bien maîtrisé, de la foule.

Pittoresque aussi le fait que Néron expédie rapidement ses obligations officielles (la montée au capitole, vers la triade capitoline - Jupiter, Junon, Minerve - après Jupiter, Mars, Quirinus): ADDIT, EXSOLVIT, pour arriver à ce qui l'intéresse: satisfaire à ses plaisirs, avec le EFFUDIT.

Le souvenir des temps héroïques de Rome est encore très vif, ne serait-ce que par les antiphrases culturelles: SUPERBUS à côté de TRIUMPHI rappelle qu'un esclave était en compagnie du triomphateur pour lui rappeler à l'oreille sa qualité de mortel puisque l'IMPERATOR a droit, par le triomphe, à une forme d'apothéose (chevaux blancs, l'or, la pourpre de son manteau, la montée au Capitole sur la VIA SACRA)

 

Tout ceci nous brosse un bien sombre tableau de la société romaine… (= un troisième thème de synthèse?)