le tout: Hubert Steiner
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'Labitur occulte fallitque volatilis aetas,
et nihil est annis velocius: ille sorore
520
natus avoque suo, qui conditus arbore nuper,
nuper erat genitus, modo formosissimus infans,
jam juvenis, jam vir, jam se formosior ipso est,
jam placet et Veneri matrisque ulciscitur ignes.
Namque pharetratus dum dat puer oscula matri,
525
inscius exstanti destrinxit harundine pectus;
laesa manu natum dea reppulit: altius actum
vulnus erat specie primoque fefellerat ipsam.
Capta viri forma non jam Cythereia curat
litora, non alto repetit Paphon aequore cinctam
530
piscosamque Cnidon gravidamve Amathunta metallis;
abstinet et caelo: caelo praefertur Adonis.
Hunc tenet, huic comes est adsuetaque semper in umbra
indulgere sibi formamque augere colendo
per juga, per siluas dumosaque saxa vagatur
535
fine genus vestem ritu succincta Dianae
hortaturque canes tutaeque animalia praedae,
aut pronos lepores aut celsum in cornua cervum
aut agitat dammas; a fortibus abstinet apris
raptoresque lupos armatosque unguibus ursos
540
vitat et armenti saturatos caede leones.
Te quoque, ut hos timeas, siquid prodesse monendo
possit, Adoni, monet, "fortis" que "fugacibus esto"
inquit; "in audaces non est audacia tuta.
parce meo, iuuenis, temerarius esse periclo,
545
neve feras, quibus arma dedit natura, lacesse,
stet mihi ne magno tua gloria. non movet aetas
nec facies nec quae Venerem movere, leones
saetigerosque sues oculosque animosque ferarum.
Fulmen habent acres in aduncis dentibus apri,
550
impetus est fulvis et vasta leonibus ira,
invisumque mihi genus est." quae causa, roganti
"dicam," ait "et veteris monstrum mirabere culpae.
Sed labor insolitus iam me lassavit, et, ecce,
opportuna sua blanditur populus umbra,
555
datque torum caespes: libet hac requiescere tecum"
(et requievit) "humo" pressitque et gramen et ipsum
inque sinu juvenis posita cervice reclinis
sic ait ac mediis interserit oscula uerbis:
Oh ! comme le temps insensible et rapide en son cours emporte notre vie ! que de nos ans qui s'écoulent la trace est passagère ! Adonis, né de son aïeul et de sa sœur, naguère enfermé dans un arbre, naguère le plus beau des enfants, bientôt adolescent, bientôt jeune homme, et chaque jour en beauté se surpassant lui-même, déjà plaît à Vénus, et va venger sa naissance et sa mère. Un jour l'enfant ailé jouait sur le sein de la déesse. Sans y songer, d'un trait aigu, il la blesse en l'embrassant. Vénus sent une atteinte légère, repousse son fils, mais la blessure est plus vive qu'elle ne le paraît, et la déesse y fut d'abord trompée. Bientôt, séduite par les charmes d'Adonis, elle oublie les bosquets de Cythère;elle abandonne Paphos, qui s'élève au milieu de la profonde mer; elle cesse d'aimer Cnide, où le pêcheur ne promène jamais sur l'onde une ligne inutile; elle déserte Amathonte, célèbre par ses métaux; le ciel même a cessé de lui plaire. Elle préfère au ciel le bel Adonis. Elle le suit, elle l'accompagne en tous lieux : elle qui jusqu'alors aimant le repos, le frais, et l'ombre des bocages, n'était occupée que des soins de sa beauté, que de la parure qui peut en relever l'éclat; aujourd'hui, telle que Diane, un genou nu, la robe retroussée, elle erre sur les monts et sur les rochers; elle court dans les bois, dans les plaines; elle excite les chiens; elle poursuit avec Adonis une timide proie, le lièvre prompt à fuir, le cerf aux bois rameux, le daim aux pieds légers; mais elle craint d'attaquer le sanglier sauvage; elle évite le loup ravisseur, l'ours par sa force terrible, et le lion qui se rassasie du carnage des troupeaux. Toi-même, Adonis, elle t'avertit; mais de quoi servent les conseils ! Elle te conjure de ne pas exposer tes jours : "Réserve, dit-elle, ton courage contre les animaux qu'on attaque sans péril. L'audace contre l'audace est téméraire. N'expose point, cher Adonis, une vie qui m'est si chère. Ne poursuis pas ces fiers animaux par la nature armés, et crains une gloire acquise au prix de mon bonheur. Ton âge et ta beauté, qui ont triomphé de Vénus, ne pourraient désarmer ni le lion furieux, ni le sanglier au poil hérissé. Les hôtes des forêts n'ont pour être touchés de tes charmes, ni mon cœur, ni mes yeux. Les sangliers violents semblent porter dans leurs défenses la foudre inévitable. La colère du lion est plus vaste et plus terrible encore. Je hais cette race cruelle : si tu en demandes la cause, je te la dirai; tu seras étonné de l'antique prodige d'un juste châtiment. Mais, fatiguée d'une course nouvelle et pénible pour moi, je suis hors d'haleine. Ce peuplier nous offre une ombre favorable; ce gazon nous invite au repos. Asseyons-nous sur le gazon, à l'ombre du peuplier." Elle dit, et s'assied; et pressant à la fois l'herbe tendre et son amant, et reposant sa tête sur son sein, elle commence ce récit, qu'elle poursuit, qu'elle interrompt souvent par ses baisers.
AETAS VOLATILIS LABITUR OCCULTE Le temps qui s'envole s'écoule secrètement, QUE FALLIT (et) échappe à l'attention ET NIHIL EST VELOCIUS ANNIS et rien n'est plus rapide que les années. ILLE NATUS SORORE QUE SUO AVO Celui-ci, (né) fils de sa soeur et de son grand-père QUI NUPER (ERAT) CONDITUS ARBORE qui dernièrement avait été enfermé (par) dans un arbre, (QUI) NUPER GENITUS ERAT qui +tout+ dernièrement avait été engendré, MODO INFANS FORMOSISSIMUS récemment un nouveau-né (IN-FA-NS: qui ne parle pas et qui, d'ailleurs, n'a pas droit à la parole!) très beau, IAM JUVENIS déjà un jeune homme, IAM bientôt un homme, IAM EST FORMOSIOR SE IPSO désormais, il (est plus beau que lui-même) dépasse sa propre beauté. IAM ET PLACET VENERI Bientôt aussi il plaît à Vénus QUE ULCISCITUR IGNES MATRIS et il venge (déponent) les feux de sa mère. NAMQUE DUM PUER PHARETRATUS De fait, pendant que l'enfant pourvu d'un carquois (Nagawika, comme dans la comptine bien connue?) DAT OSCULA MATRI donne des baisers à sa mère, INSCIUS DESTRINXIT PECTUS (sans le savoir) à son insu, il effleura sa poitrine HARUNDINE EXTANTI avec une flèche dépassant +du carquois+; DEA LAESA REPPULIT la déesse blessée (LAEDO, cf. lésion) repoussa (REPELLO, PULSUM ERE) NATUM MANU son fils (NASCO au ppp) de la main; VULNUS ERAT ACTUM la blessure avait été faite ALTIUS SPECIE plus profondément (que l'apparence) qu'il ne semblait QUE PRIMO FEFELLERAT IPSAM et au début l'avait trompée elle-même. CAPTA FORMA VIRI (prise) Séduite par la beauté du +jeune+ homme, NON CURAT JAM elle ne se soucie plus LITORA CYTHEREIA des rivages (cythèréens) de Cythère, NON REPETIT PAPHON elle ne recherche pas Paphos CINCTAM AEQUORE ALTO entourée (CINGO, cf. ceindre, une enceinte) par l'eau profonde, QUE PISCOSAM GNIDON ni la poissonneuse Gnide QUE AMATHUNTA GRAVIDAM METALLIS ni Amathonte (lourde, cf. femelle gravide) riche en métaux. ABSTINET ET CAELO Elle se tient même éloignée (du ciel) de l'Olympe. ADONIS PRAEFERTUR CAELO Adonis est préféré au ciel. HUNC TENET Elle (le tient) ne le quitte pas, EST COMES HUIC elle (est une compagne pour lui=COMITARI, le comte est celui qui va avec - CUM IRE - le roi) l'accompagne. QUE SEMPER ASSUETA (et) +elle qui avait été+ toujours habituée à INDULGERE SIBI IN UMBRA (satisfaire à soi-même) vivre agréablement (à l'ombre) sous les ombrages QUE AUGERE FORMAM COLENDO et à (augmenter) réhausser sa beauté (en la soignant) par ses soins, VAGATUR PER JUGA elle erre de par les crêtes, PER SILVAS QUE SAXA DUMOSA de par les forêts et les roches couvertes de broussailles, SUCCINCTA VESTEM ceinte quant à son vêtement FINE GENU (leçon retenue par l'édition Lafaye, revue et corrigée par Le Bonniec: ablatif absolu, le genou (étant) la limite, DSF préfère GENUS au génitif c. de nom, avec FINE fonctionnant comme préposition: jusqu'au genou), le genou étant la limite +de ce dernier+ RITU DIANAE selon (la coutume) l'habitude de Diane. QUE HORTATUR CANES (et) Elle excite les chiens QUE AGITAT ANIMALIA et poursuit (AGO + suffixe de répétition) les animaux PRAEDAE TUTAE +qui sont+ (d')une (proie) prise (assurée, cf. le tuteur, le protecteur) sans danger, AUT LEPORES PRONOS soit des lièvres fuyants (en pente!), AUT CERVUM CELSUM IN CORNUA soit un cerf haut pour chaque corne (IN au sens distributif; autre possibilité: eu égard à ses cornes, de toute façon, le sens général est: à la haute ramure - ou aux hauts bois?) AUT DAMMAS soit des daims. ABSTINET A APRIS FORTIBUS Elle se tient éloignée des sangliers vigoureux QUE VITAT LUPOS RAPTORES et elle évite les loups ravisseurs (reprise de Virgile, Enéide, II) QUE URSOS ARMATOS UNGUIBUS ainsi que les ours armés de leurs ongles ET LEONES SATURATOS CAEDE ARMENTI sans oublier les lions rassasiés par le massacre d'un troupeau de boeufs (la SATURA est un mélange de tout qui remplit, cf. une solution saturée; ceci désigne ensuite un recueil de tout et de rien, un pot-pourri; de ce fait, un ensemble de textes rapides; or, les textes courts se prêtent à la satire, d'où le sens de satirique). TE MONET QUOQUE, ADONI Elle t'avertit aussi, Adonis UT HOS TIMEAS (que tu les craignes) de les craindre, SIQUID POSSET PRODESSE MONENDO si quelque chose pouvait (irréel du présent) être utile (en avertissant) quand on avertit => s'il pouvait y avoir une quelconque utilité à avertir QUE INQUIT et dit: ESTO FORTIS FUGACIBUS sois courageux envers ceux qui fuient; IN AUDACES contre les audacieux AUDACIA NON EST TUTA l'audace n'est pas (sûre) une protection. MEO PERICLO PARCE, JUVENIS, A cause (de mon) du péril +dans lequel tu me mettrais+, évite (PARCO PEPERCI PARSUM), jeune homme, ESSE TEMERARIUS d'être téméraire NEVE LACESSE FERAS et n'attaque pas les bêtes sauvages QUIBUS NATURA DEDIT ARMA auxquelles la nature a donné des armes NE TUA GLORIA de peur que ta gloire MIHI STET MAGNO - abl. de prix avec (CON)STARE = coûter - ne me coûte (beaucoup) cher. NEC AETAS NEC FACIES (Ni) Ton âge, (ni) ta tournure (ton look?), QUAE (relative à antécédent inutile=les choses qui) MOVERE (parfait archaïque) VENEREM, qui ont ému Vénus NON MOVET LEONES n'émeuvent pas les lions QUE SUES SAETIGEROS ni les sangliers porteurs de soie QUE OCULOS QUE ANIMOS FERARUM ni les yeux ni les âmes des bêtes sauvages. APRI ACRES HABENT Les sangliers violents ont FULMEN IN DENTIBUS ADUNCIS de la foudre dans leurs (dents crochues) défenses IMPETUS ET IRA VASTA la fougue et une colère démesurée EST LEONIBUS FULVIS est aux lions fauves => les lions font preuve de... GENUS EST INVISUM MIHI +cette+ race (a été, sens perfectum, résultat présent d'une action passée) est haïe (pour, datif d'intérêt fréquent avec le perfectum passif pour un complément d'agent) de moi. AIT ROGANTI QUAE CAUSA Elle +lui+ répond (demandant) alors qu'il demandait (quelle cause) pour quelle raison: DICAM ET je vais +te+ dire aussi MONSTRUM MIRABILE un prodige étonnant VETERIS CULPAE dû à une faute ancienne. SED LABOR INSOLITUS Mais +cette+ occupation inhabituelle ME JAM LASSAVIT m'a déjà fatiguée ET ECCE POPULUS OPPORTUNA BLANDITUR et voici qu'un peuplier qui se propose à point +me+ charme SUA UMBRA de son ombre QUE CAESPES DAT TORUM et +que+ le gazon (donne) nous fournit une couche. LIBET REQUIESCERE TECUM il +me+ plaît de (reposer) m'allonger avec toi HAC HUMO sur ce sol ET REQUIEVIT et elle s'allongea, QUE PRESSIT ET GRAMEN ET IPSUM (et) elle pressa (et) le gazon et +son amant+ lui-même QUE CERVICE POSITA et la tête placée IN SINU JUVENIS, sur le sein du jeune homme RECLINIS AIT SIC penchée (pout tout autre détail technique, reporte-toi au khamasoutra), elle parle (ainsi) en ces termes AC INTERSERIT OSCULA MEDIIS VERBIS et elle entremêle des baisers au milieu de ses paroles.
Ce texte retient notre attention par deux de ses aspects auxquels nous sommes particulièrement sensible:
N.B.: nos deux points de vue étant déséquilibrés en surface occupé au sol, il ne t'est pas interdit, en fonction de tes réactions personnelles, d'évoquer 3 points sur les 4 possibles:
P.S.: Pourquoi cette démarche? Pour te contraindre, quasi par corps, à investir dans la préparation de ton oral: Internet doit favoriser AUSSI ta créativité! Bon courage et place, enfin, sans autre tergiversation, au commentaire que tu attends!
1) a) une mise en scène dans une idylle dont le côté un peu mièvre est contrebalancé par de b) vifs contrastes qui en accentuent en fait c) la sensualité.
a) une mise en scène vivante:Le texte commence par un lieu commun sur la fuite du temps et énonce, objectivement, (présent de l'indicatif) cette vérité générale, cette règle qui échappe à notre attention (OCCULTE à la césure p, v. 519) ainsi qu'à notre emprise (VOLATILIS). Le poids des années (en césure p au v. 520) écrase l'auditeur/le lecteur (=nous) de son angoisse, comme les deux NUPER, en fin et début de v. suivant: la répétition fonctionne comme un appel, un regret empreint d'impuissance désolée; l'effet s'accentue avec MODO, juste après la césure p du v. 522 et se poursuit sur les trois anaphores de JAM au v. 523. L'écoulement du temps se confirme quasi physiquement: INFANS en fin de v. 522, JUVENIS en césure t, puis VIR en césure p, au même v. 523, écrasant: rythme dsssds avec élision d'IPS(O). Nous étions dans l'ordre de l'état (cf. plus loin, les contrastes): LABITUR, FALLIT sans objet (519), EST (520), puis deux expansions en fait qualitatives, relevant donc de l'état, l'une au ppp (NATUS, 521), l'autre relative, avec elle-même l'expansion CONDITUS (521), introduisant ERAT GENITUS (522) pour finir en fin de v. 523 sur EST. Tout s'anime avec l'effet opéré par Adonis sur Vénus: le sujet, de passif qu'il était: PLACET, devient, de par la passion amoureuse qu'il déclenche chez la déesse même de l'amour (VENERI, en césure p du v. 524), comme à son corps (!) défendant, devient, disions-nous, furieusement actif, avec le v. déponent très fort: ULCISCITUR. Un deuxième retour en arrière sur 4 vers (525 - 528, le premier ayant eu lieu entre 520 et 523), expliquant ces feux de l'amour (sic!), souligne comme à plaisir la violence très active (PHARETRATUS, 525; DESTRINXIT, 526; LAESA au début du v. 527, avec le verbe REPULLIT au même v.; VULNUS au début du v. suivant, 528) de la pulsion amoureuse 1) qui échappe à la volonté (INSCIUS au début de 526), 2) subite (cf. les asyndètes: entre 526/527, entre REPPULIT et ERAT ACTUM) 3) inavouée (SPECIE, FEFELLERAT, v. 528). Le résultat est patent: l'oubli (NON après la césure p... CURAT au présent, en fin de v. 529: dssdds) des endroits privilégiés par Vénus et les adeptes de son culte: Cythère dont les LITORA sont en rejet au début du v. 530, Paphos - le rythme léger marquant que ceci se fait sans peine: dsddds en 530, comme en 531: sdddds, QU(E) s'élidant - , Gnide, Amathunte, voire l'oubli du ciel (évoqué à deux reprises, de chaque côté de la césure p, ceci comme pour faire prendre consience de ce que l'ouli est total, cf. les contrastes), le comble pour cette déesse chère à Jupiter: ABSTINET en début de v. 532. L'objet de la passion est enfin nommé - lui qui n'avait été évoqué que par des noms communs auparavant: ADONIS comme un appel passionné en fin de v. 532, souligné par la pression des spondées centraux: dsssds. Ceci fait, puisque notre héros est à l'origine du mouvement, le texte s'anime de plus en plus: TENET passif, COM-ES (v. 533, CUM + la racine de mouvement: I- = celui/celle qui va avec), un ralentissement net avec ASSUETA, confirmé par le permanent SEMPER (rythme enlevé, malgré tout: ddsdds, puis, 534: sdssds pour le nonchaloir vénérien), les deux PER (dont l'un en début de v. 535) induisent le déplacement, ce que confirme le VAGATUR final, avec un rythme varié (dssdds); après les mouvements du corps, celui de la parole: HORTATUR en début de v. 537; les trois AUT confirme cette impression de vie, de poursuite des LEPORES (césure p en 538, sdssds), les DAMMAS (en césure p en 539, dssdds), RAPTORES et VITAT en début de v. 540 (sdssds) et 541 (dsdsds, plus rapide). En donnant la parole à Vénus - par-delà l'interpellation même à Adonis, ADONI au v. 543 (rappelons qu'Ovide est coutumier du fait), en rupture brutale de référents personnels: TIMEAS à la césure p en 542, ddssds avec l'élision QU(E), suivi, en 543 de: ddsdds, rupture évoquée par la la structure de la narration puisqu'elle est elle-même rompue par des insertions brutales de pans de discours direct, cf. le QUE... INQUIT en début de v. 544 - le texte continue sur cette lancée... en tançant le jeune homme: MONENDO en fin de 542, repris en polyptote en césure p au v. 543. L'interdit est formel, avec l'impératif futur usité pour ce qu'il y a de plus solennel: ESTO en fin de 543; tout ceci accentue la vivacité de l'ensemble. A la simplicité de la première phrase qui ne s'embarrasse pas de recherche (AUDACES souligné par la césure p repris en polyptote nominale par- AUDACIA) pour énoncer fermement (544: dsssdt) une vérité, la réalité, sans fard répond, en asyndète, le v. suivant sous la forme d'un impératif de supplication, en début de v. : PARCE, l'apostrophé étant lui-même encadré de deux césures, t et p (dsddds). Vénus réclame l'absence d'action, en une négation très forte: NEVE (début de v.)... LACESSE fin du v. 546 (dddsdt, ordre souligné par le rythme enlevé), en alternant toujours les expressions simples et les tournures les plus relevées: QUIBUS NATURA DEDIT ARMA face à NE TUA GLORIA STET MIHI MAGNO (547: dsddds, pour évoquer la contrainte de la demande). Ainsi ce qui relève de Vénus est d'un niveau syntaxique recherché, parfois quelque peu abscons (cf. 536, et son
ambiguïté, voire 534: INDULGERE SIBI), ceci prouvant son raffinement et son haut degré de civilisation - par opposition aux animaux FERAS avant la césure t en 546 - et sa... civilité, sa capacité à s'exprimer de façon... urbaine: son discours - sans jamais d'ailleurs laisser la parole à son amant (cf. fin de 552) - s'étend sur 15 vers, avec, à chaque fois, un mélange style direct-indirect au début: 544, au milieu: 552/553, à la fin: 557 (avec le REQUIEVIT), puis le conclusif SIC AIT en début de v. 559. L'angoisse de Vénus se marque de façon vivante par l'accumulation des négatifs (NON en 547, NEC deux fois, l'un au début du v. 548, l'autre après la césure t avec l'alternance d et s: 548: dsdsds). Animés aussi les LEONES en fin de v. 548, puis les SUES à la césure p, avec le rythme enlevé ddddds avec QU(E) en 549; ceci est corroboré par l'adjectif SAETIGEROS et le terme ANIMOS ainsi que les homéotéleutes en -OS. Le terme FULMEN, déconcertant, éclate en asyndète au début du v. suivant (v. 550, dsdsdt) avec la pointe d'ACRES à la césure p, en écho au v. précédent (SUES), le vers suivant est tout aussi enlevé et vif: IMPETUS et IRA l'encadrent (551: dssddt), avec la forte disjonction entre l'adjectif générique FULVIS à la césure p et LEONIBUS. C'est d'ailleurs à cette race que Vénus proclame violemment (INVISUM en début de v. 552) sa haine, le rapport immédiat étant marqué par la syndèse QUE; notons EST en césure p, correspondant à une pause phono-sémantique. Participe au mouvement du texte aussi sa concentration, sa concision: QUAE CAUSA (SIT) ROGANTI, car entre amants, il n'est pas besoin de longs discours, une fois certes l'angoisse énoncée: NON TUTA (fin de 544), PERICLO (fin de 545), suivi immédiatement de FERAS au v. suivant, nié comme pour mieux rejeter le danger implicite, terme aussi quasi obsessionnel puisque repris au gén. pl en fin de 549, APRI en fin de 550 puis LEONIBUS en position neutre, comme si ces évocations avaient enfin calmé la crainte... Vénus peut alors se plier sans retenue: DICAM, AIT à l'explication demandée de cette haine affichée. Mais après tous les mouvements et physiques, vu la chasse, et psychiques, vu l'évocation d'animaux angoissants, le passage s'apaise: certes LABOR mais INSOLITUS à la césure p de 544 (ddssdt) et s'il y a un présentatif vivant: ECCE en fin de v. c'est pour montrer ce qui se présente OPPORTUNA en début de v. 555, de façon tangible vu le rythme: sdssdt), et agréable: v. 556, dsddds; DAT en début de v., LIBET après la césure p. Le désir de Vénus, à peine énoncé: REQUIESCERE TECUM (lui-même en fin de v.) est accompli en début de v. suivant: ET REQUIEVIT. Elle reste active, ce qui ne nous surprend pas: PRESSIT après la césure p au v. 557, avec l'intensité du désir sexuel souligné par l'élision du E de QU(E) et la syndèse ET. L'apaisement est marqué par le POSITA central après la césure p (v. 558: dddsds), avec encore le mouvement des OSCULA, ce que souligne la disjonction entre VERBIS et MEDIIS à la césure p (559: sdsdds). Le passage que nous venons d'étudier est donc très vivant et Ovide se montre un subtil metteur en scène, avec des images fortes, voire violentes, avant l'apaisement du repos champêtre à l'ombre d'un peuplier.
b) Ovide sait aussi se jouer, pour maintenir notre intérêt, des contrastes, dont celui des sentiments: ainsi le poids des années écrase d'abord de son angoisse le début du passage (avec le jeu irrégulier des dactyles et spondées: 519, dssdds, comme au vers suivant: dssddt), malgré le LABITUR, car ce dernier au début du v. 519 est relié à FALLIT, avec leur sujet commun AETAS en fin de v.. Le rapprochement entre NIHIL et ANNIS en césure p du v. 520 n'a rien pour nous rassurer, comme l'opposition entre les liquides et les occlusives sourdes. La complexité de l'arbre généalogique d'Adonis, sur un peu plus d'1 vers, très concentré, trop concis, avec le déconcertant NATUS en début de v. 521 (ddsdds), encadré de SORORE (fin du vers précédent) et d'AVO SUO (à la césure p) inquiète aussi la compréhension et l'occulte, ce que corrobore la rime sur deux vers entre ARBORE et SORORE. Le texte s'allège en 524, avec le coup de foudre immédiat: IAM PLACET ET VENERI. Est-ce pour mieux marquer le INSCIUS DESTRINXIT (526)? L'innocent coupable (air très connu actuellement!)! L'effet lui-même est inattendu: ALTIUS SPECIE (527/8), comme le comportement déconcertant de Vénus qui en oublie tout ce dont elle s'occupait: CURAT en fin de 529. Autre contraste avec différence et ressemblance: l'étendue terrestre en rapport avec la mer, LITORA face à la profondeur maritime: ALTO AEQUORE, la richesse issue des profondeurs de la mer: PISCOSAM en début de v. 531 et la richesse issue du sol: METALLIS en fin de v. avec l'idée d'une Vénus mère de richesses: CINCTAM (fin 530), GRAVIDAM. Le comportement de Vénus (ASSUETA SEMPER, v. 533) en est changé et elle se transforme même en vierge chasseresse: DIANAE en 536, qui est bien la dernière déesse dont on l'aurait rapprochée... Vénus ne s'occupe que des proies les moins fascinantes: PRAEDAE TUTAE, LEPORES, CERVUM en fin de v. 548, DAMMAS à la césure p alors qu'elle se consacre à cette activité au présent, aussi bien en paroles (HORTATUR en début de v. 537) qu'en action: AGITAT (v. 539). Un nouveau contraste, ici une rupture réelle: le passage brutal des fauves au TU QUOQU(E) qui concerne notre bien falot - à suivre le texte - Adonis. De même, elle demande à son amant un comportement aux antipodes de celui attendu chez un homme digne de ce nom, avec un rapprochement de termes antinomiques: FORTIS après la césure p en 543 en quasi oxymore avec FUGACIBUS, la suite étant au rebours de l'adage bien connu: AUDACES FORTUNA JUVAT. La suite est dite sans aucun mépris, en toute simplicité: QUIBUS ARMA DEDIT NATURA an v. 546, ce qui est pourtant dépréciatif envers Adonis: est-ce du genre: «sois beau et tais-toi, tiens-toi tranquille»? Elle lui fait même une leçon de choses, animal par animal. C'est elle qui a la parole dans le couple: DICAM, AIT (v. 553), le sein désiré est celui du jeune homme (v. 558) et c'est elle qui le couvre de paroles et de baisers: v. 559, ce qui nous ramène en fait aussi aux contrastes entre la passivité et l'activité, l'état et le mouvement sans qu'il soit besoin d'y revenir précisément ici puisque cet aspect du texte a déjà été évoqué en 1 a, une mise en scène
vivante.. .le texte est marqué aussi par des contrastes de temps: il commence par des présents de vérité générale, quasi proverbiaux, puis un imparfait narratif qui se clôt sur un présent pour nous présenter l'amant de Vénus: EST en fin de 523, après les deux NUPER, puis MODO, et, pour finir, les 3 JAM; le 4ème permet de passer au coup de foudre: IAM PLACET en début de v. 524; le DUM, avec son présent attendu permet, de passer au parfait de retour en arrière: DESTRINXIT, REPPULIT. Deux plus-que-parfaits en fait duratifs induisent certes un retour en arrière mais aussi la prise de conscience: ACTUM (fin de v. 527), PRIMO après la césure p de 528 FEFELLERAT. Ovide nous présente ensuite Vénus en action, au présent de narration: CURAT en fin de 529, comme ABSTINET, PRAEFERTUR (532), TENET, EST (533), VAGATUR (fin de 535), HORTATUR début de 537, pour se continuer au présent jusqu'à la fin, avec de légères ruptures rpovoquées d'abord par un impératif futur, pour souligner la solennité de l'ordre donné: ESTO en fin de v. 543, un parfait avec son sens aspectuel de résultat présent de l'action passée: DEDIT en 546, comme le passif en 552: INVISUM EST; le futur est simplement d'annonce et reste dans la sphère du présent de narration: DICAM au début du v. 553. Un léger retour en arrière: LASSAVIT (v. 554) permet de résumer la chasse antérieure, à laquelle Vénus met un terme par le repos sur le lit de gazon, confisquant ainsi à son profit le loisir préféré de son chéri, en un comportement égoïste qui ne nous surprendra pas chez celle qui est ASSUETA SEMPER INDULGERE SIBI (533/4). Le parfait REQUIEVIT renvoie tous ces «événements» en fait dans le passé puisque l'émetteur du texte est censé être Orphée, cf. v. 152: PUEROSQUE CANAMUS DILECTOS SUPERIS. Ce parfait se lie alors avec le PRESSIT pour laisser la place à un présent présentant le récit de Vénus à Adonis, et un autre pour évoquer les petits intermèdes érotiques dont elle ponctue son récit: MEDIIS INTERSERIT OSCULA VERBIS.
Au reste, si les temps s'entremêlent, comme les baisers avec les mots, les lieux ne sont pas de reste: Après un début dépourvu de toute référence spatiale - hormis peut-être la poitrine de Vénus, PECTUS en 526! - Ovide passe, pour les éloigner, aux lieux préférés de Vénus, sur terre: LITORA (530 en début de v.), sur mer: AEQUORE ALTO (v. 530) et PISCOSAM (531) ainsi que le sous-sol: METALLIS en fin de vers, puis le ciel: CAELO deux fois de chaque côté de la césure p correspondant à une pause phono-sémantique, l'importance du choix opéré: le «lieu Adonis» étant souligné par l'asyndète entre les deux propositions. En fait, le lieu spatial lui-même importe peu, c'est la communauté d'endroit avec Adonis, en sa présence, qui compte: COMES en 533. Antérieurement IN UMBRA, ce que soulignait le SEMPER, Vénus PER JUGA, PER SILVAS DUMOSAQUE SAXA VAGATUR (v. 535). Le reste de la chasse, soit réelle contre les LEPORES et autres bestioles, soit virtuellement dangereuse contre, pour finir, les LEONES (548), LEONIBUS (551) se passe dans un espace sans aucune précision. Les lieux reprennent de la consistance quand il s'agit de se les approprier (PRESSIT GRAMEN, 557) pour l'amour: ECCE présentatif en fin, de 554, avec SUA UMBRA (555), CAESPES (556), HUMO (557) et tous ces lieux s'arrêtent sur l'endroit du désir: IN SINU JUVENIS en début de 558. C'est bien ce qui intéresse Vénus et, on peut
l'espérer du moins pour lui, Adonis...
Evoquons pour finir, très rapidement, les variations dans le texte lui-même qui alterne des passages de réflexion
générale, puis de narration en passant par de la description pour passer au style direct, après une pirouette
stylistique puisque l'interpellation à Adonis, en un brutal passage de l'énoncé à l'énonciation d'Orphée, ne lui donne pas pour autant la parole. La suite corrobore que, comme dans les Mille et Une Nuits, nous avons ici un récit gigogne: DICAM en 553, SIC AIT en 559.
c) la sensualité est présente, à l'instar, comme nous le disons plus haut, des contes orientaux chers à Shéhérazade et à son auditeur inquiétant - le khalife qui met à mort ses maîtresses d'une nuit - les animaux féroces évoqués ici jouant d'ailleurs le même rôle de contre-point?
Ceci se marque par les multiples mentions de Vénus et l'évocation de la beauté des deux partenaires: le pronom démonstratif emphatique ILLE en 520 met déjà un être de sexe masculin en valeur, il est ensuite un FORMOSISSIMUS INFANS en fin de 522, puis FORMIOSIOR IPS(O), il dépasse donc les critères habituels de la beauté humaine. Ceci justifie la dilection de Vénus (VENERI à la césure p de 524), avec son parèdre enfantin: PHARETRATUS PUER... MATRI (525). Un de ses appâts les plus appréciés est mentionné en fin de 526: PECTUS, sa présence physique et sa réaction vive à la blessure étant soulignées par la MANU en 527. Le coup de foudre avec la passion provoquée par l'attrait du jeune homme, non encore nommé, est bien marqué par le début du v. 529 en une expression très forte qui relève du vocabulaire et guerrier et érotique: CAPTA VIRI (cf. 523) FORMA, en une légère inversion du comportement traditionnel: c'est habituellement le jeune homme qui est pris par la beauté de la jeune fille; le nom de l'élu apparaît enfin à la fin du v. 532. Elle qui consacrait tout son temps (ASSUETA) à sa beauté (FORMAM AUGERE COLENDO en 534 où FORMAM, après la césure p, rayonne au centre du vers en facteur commun à AUGERE et COLENDO - cette dernière remarque est de DSF), VAGATUR PER SILVAS. Une autre partie du corps apparaît: GENU puis au cours de l'évocation du danger présenté par les bêtes fauves revient le thème de la beauté de l'amant, sans oublier son âge: AETAS (fin du v. 547) - tendre à croquer? - (ET) FACIES en césure t au vers suivant QUAE VENEREM MOVERE. De même, par la négative puisque ceci concerne les animaux, mais en fait implicitement, Vénus rappelle que ses yeux et ses sentiments ont été touchés: OCULOS ANIMOSQUE, au v. 549, ce que la syndèse marque bien. Vénus termine par l'évocation sans fard de privautés sexuelles, de préliminaires au sein de la nature en nous donnant une impression d'harmonie et de plénitude (cf. idyllique, infra): REQUIESCERE TECUM en fin de v. 556 HUMO plus loin, ceci étant à peine évoqué que le passage à l'acte est immédiat: REQUIEVIT au v. suivant. PRESSIT IPSUM en fin de v. 557 évoque bien le désir de Vénus, avec son attitude sensuelle:, sur tout le v. 558, le tout se poursuivant sur des OSCULA MEDIIS VERBIS.
Il s'agit bien d'un épisode idyllique vu le superlatif suivi d'un comparatif: FORMOSISSIMUS en 522, FORMIOSIOR en polyptote en 523; l'amour en coup de foudre, sans obstacles ni matériels ni existentiels: v. 524; l'épisode du petit amour avec son carquois (525 - 528), l'effet attendu de la passion, après avoir dépassé son côté ravageur: NON CURAT en fin 529, la prédilection pour l'être aimé, idéalisé, vénéré - ce qui est un comble ici!, unique: CAELO PRAEFERTUR ADONIS en fin 532, avec le couple uni: HUNC TENET, HUIC COMES EST en 533, même si Vénus est privilégiée - mais c'est la déesse de l'Amour! Habituellement IN UMBRA (533 en fin de v.), elle passe maintenant (présent) son temps à chasser VAGATUR PER, puisque, implicitement, cela semble l'activité de son amant. Lièvres, cerf et daims sont au rendez-vous, les autres animaux féroces refusés. Elle l'interpelle affectueusement: PARCE en début de v. 545, avec JUVENIS en apostrophe, puis TUA GLORIA, l'aveu affirmé haut et fort (cf. la répétition de MOVET) de son amour en 548, avec ce qui a déclenché la passion: AETAS en fin de 547, et la beauté (cf. supra): 548, juste avant la césure p. Le dialogue existe au sein du couple, malgré la différence de nature: QUAE CAUSA ROGANTI en fin de 552, avec le désir de l'union: UMBRA avec le peuplier OPPORTUNA, de chaque côté du v. 555, sans paillardise car il s'agit de gazonnise (CAESPES, GRAMEN), dans l'ombre propice - on voit qu'Ovide évite tous les termes crus et procède par allusions: UMBRA annonçait déjà cette prédilection (ASSUETA) de Vénus au v. 533 en fin de vers, encore en fin de vers en 555. Notons que la présence du peuplier, intéressante d'un point de vue psychanalytique, ne peut
concrètement être efficace car cet arbre procure peu d'ombre. Mais Vénus est surtout intéressée par le fait de se... reposer, en un doux euphémisme, déjà annoncé lui aussi par INDULGERE SIBI (534), et repris, comme une justification par LASSAVIT en 554. le TORUM (556) est son champ d'action personnel (cf.
pour confirmation le terme INSOLITUS en 554); l'invite sexuelle est sans fard: LIBET après la césure p), TECUM en fin de v. 556, en conformité avec la nature, complice: OPPORTUNA en début de 555, puisque le gazon se transforme en lit: DAT en début de v. 556, avec une hyperbate singulière. Notre couple se retrouve HAC HUMO à la césure p (557), avec le démonstratif de proximité personnelle. La passion physique est bien marquée: le poids des corps avec PRESSIT GRAMEN (557), le tête-à-tête? Non, la tête sur le sein de l'homme, en une notation érotique rapide, mais bien venue: IN SINU, avec l'inattendu JUVENIS. Mais pas si inattendu que cela, quand chacun dans le couple sait satisfaire l'autre. Elle-même est RECLINIS, en une situation... encline! (558). Et le récit de Vénus (annoncé par la charnière, comme dans les épopées: SIC AIT - 559)
n'empêche pas les jeux érotiques: INTERSERIT OSCULA. Notons pour finir sur ces relations physiques et affectives l'ambiguïté sexuelle du MEDIIS qui ne se «tranche» que sur le VERBIS de fin de v. Ovide montre bien ici que l'art d'aimer (ARS AMANDI) n'a pas de secret pour lui.
N.B.: ces deux derniers paragraphes - qui se recoupent en fait en partie - peuvent être traités ensemble à l'oral; tu peux aussi, cher(e) impétrant(e), te contenter de n'en garder qu'un: il suffira amplement à l'édification de ton/ta correcteur./trice...
2) Par delà la sensualité de son texte, Ovide - et non plus Orphée! - se montre fort peu dupe de son propre récit, de ses connaissances d'intellectuel raffiné:certes, il accumule les références mythologiques: elles abondent, au début sous forme d'énigme, après une généralité banale sur la fuite du temps, mais cette énigme n'en est pas une puisque, dans les vers précédents, nous avons rencontré en long et en large, avec ses désirs et ses tergiversations, Myrrha et son amour incestueux, sa transformation en arbre et la délivrance de son fils opéré par les paroles de la déesse de l'accouchement, Lucine. Myrrha se cache donc derrière SORORE en fin de v. 520 et AVOQUE SUO, à la césure p du v. suivant, évoque Cinyras, son père, donc le grand-père d'Adonis. MATRIS IGNES rappelle la passion dévorante de celle-ci à l'égard de son géniteur, ainsi que les souffrances que tout ceci a provoqué, vu le verbe déponent ULCISCITUR... PHARETRATUS PUER a été annoncé par le v. 518, PHARETRAS en fin de v. Aussi retrouvons-nous ici la légende bien connue de Cupidon lâchant ses traits, avec une petite variante par rapport à la vulgate: il n'a pas les yeux bandés, mais la tradition est malgré tout respectée: il est toujours INSCIUS, car c'est avec une HARUNDINE EXTANTI qu'il a blessé sa mère. 529: Cythère a, dans cette île au Sud du Péloponnèse, un temple (cf. l'embarquement pour Cythère, tableau connu de Watteau); pour Paphos, Gnidos et Amathous, voir les notes 9 et 10, p. 94 de l'édition Hatier les Belles Lettres. Vénus, prise par sa passion, trop éprise, fait même concurrence à Diane-Chasseresse, avec sa tunique au-dessus du genou (536), après lui avoir fait concurrence par ses parcours silvestres: 535. Rappelons à ce propos que DIANA LUCINA est la déesse qui permet de lutter contre les douleurs de l'accouchement, déjà rencontrée au-dessus. Plus loin, comme Artémis-Diane, Vénus a des chiens: CANES à la césure p de 537. En errant PER JUGA, PER SILVAS DUMOSAQUE SAXA, elle a le comportement d'une bacchante effrénée, pour ne pas dire en chaleur ou en rut. cf. Euripide, les Bacchantes. Mais c'est pour chasser les LEPORES, en un apaisement subit du texte. Notons que le sanglier lui-même est un animal emblématique à Rome, comme le loup: sur une pièce romaine, une laie nourrit Romulus et Rémus, et il n'est pas nécessaire ici de rappeler le rôle de la louve (ou une prostituée? LUPA) dans la nourriture des jumeaux, après que leur oncle AMULIUS les eut abandonnés au cours du Tibre, au grand dam de leur mère RHEA SILVIA....
Mais la précision de ces détails mythologiques n'exclut pas l'humour, auquel les romains nous ont peu habitué - sauf peut-être chez Pétrone. Faut-il voir là une des raisons de l'exil d'Ovide à Tormes? Il a d'ailleurs affiché clairement ses intentions en début de 152: NUNC OPUS EST LEVIORE LYRA, il a évoqué Myrrha et son amour incestueux (cf. INCONCESSIS QUE PUELLAS IGNIBUS ATTONITAS MERUIESSE LIBIDINE POENAM en 153-154); après Ganymède et Hyacinthe avant cette dernière, il évoque maintenant Adonis. Mais son refus est patent ici d'adhérer pleinement, sans arrière-pensée ni esprit critique, aux mythes qui constituent la référence du MOS MAJORUM, ce à une époque où Auguste prône le retour à l'ordre moral. Voilà qui n'est d'ailleurs pas sans démontrer l'actualité d'Ovide.
Il se joue de sa propre verve, de sa facilité à laisser son chant, son CARMEN, s'écouler; nous n'en voulons pour preuve que l'allitération du début en liquide, qui donne un côté nostalgique à la Ronsard, avec le même retournement: au moment où l'angoisse du temps qui passe va nous étreindre, une fois que, par ses manipulations, Ovide commence à éroder la couche protectrice de notre indifférence, il se permet à notre endroit, juste à l'instant où notre sympathie va se transformer en empathie, un quasi pied de nez (fin de 520 à 523), comme pour se moquer de notre candeur pré-adolescente. Et il insiste même, le perfide, en jonglant sur les mots, sans jamais sombrer dans le ridicule comme un mauvais faiseur...
La scène de la blessure par Cupidon sent son artifice car rien ne manque pour souligner que la tradition est respectée: PHARETRATUS, PUER, MATRI, INSCIUS, HARUNDINE, LAESA, NATUM, DEA, VULNUS (525-528) et Ovide se moque de celle qui est prise à son propre piège. Une pré-version de l'arroseur arrosé? PRIMO FEFELLERAT IPSAM (528).
532 Humour aussi que la répétition de CAELO: ce qui fait le désir des hommes, l'immortalité, est méprisé, avec la focalisation de toute passion amoureuse: ADONIS en fin de vers. L'amant passionné qu'est Ovide renvoie ainsi à la déesse la monnaie de sa pièce. Notons aussi le rapprochement entre ABSTINET (532) (s'abstient-elle de ce ciel pour en découvrir un autre? - ceci est bien sûr une remarque parasite!) et TENET (533), avec son sens aussi de possession. C'est la femme qui a ici l'initiative,
puisqu' Adonis, sujet d'un passif en 532, est immédiatement objet d'un actif: HUNC en début de v. 533. Il semble le maître, certes, avec le datif de possession qui suit, si bien que l'on ne sait plus qui dirige dans le couple. N'est-ce pas là la marque d'un amour passionné? Mais Ovide passe trop vite de l'un à l'autre pour être véritablement pris au sérieux. D'ailleurs, le comportement de la déesse est conforme à ce qui est attendu d'un amant dans la littérature.
Le rapprochement entre Vénus et DIANAE en 536 ne manque pas non plus de sel... certes, il concerne la tournure, l'apparence, l'apsect visuel, mais n'est-ce pas à cela justement que Vénus consacrait tout son temps? cf. AUGERE FORMAM COLENDO en 534!
Ovide se complaît même à la transformer en une ménade quasi hystérique oubliant ses cosmétiques. Rien n'y manque: le passage de la civilisation à la sauvagerie, les courses dans les bois et les hauteurs, là où l'être humain ne va pas.Clin d'oeil aussi que la reprise d'ABSTINET, l'une pour l'Olympe (532), l'autre beaucoup plus triviale pour les sangliers (539). Le tableau de chasse est lui-même assez comique et frôle la parodie: là où le romain traditionnel prône la chasse, car entraînement martial, la déesse Vénus - celle que chérit Rome, la VENUS GENITRIX) recherche PRAEDAE TUTAE - non pas d'un rendement assuré comme on pourrait le croire, ce pour satisfaire aux besoins nourriciers, mais sans danger. Aussi les animaux chassés ne sont pas ceux qui apportent la gloire et montrent le courage du chasseur. Ovide prend bien soin, par dérision, d'affubler LEPORES de l'adjectif PRONOS, ce qui semble superfétatoire: il s'agit bien de leur comportement premier. De même, le CERVUM est CELSUM IN CORNUA - Ovide semble là se paraphraser lui-même ou pratiquer l'auto-citation, cf. l'épisode de Cyparissus, v. 110: il en reste à la qualification première, sans originalité avec une tournure épique vu la complexité artificielle de l'expression, d'un cerf. Aussi termine-t-il son énumération ternaire, brièvement, sur les DAMMAS, sans autre forme de procès, à la césure p (539:dssdds). Aussi ne peut-on plus que considérer avec circonspection l'évocation des sangliers et des loups. Certes, nous avons vu qu'il s'agissait d'animaux éminents pour Rome. Mais que diable viennent-ils faire dans cette galère, puisqu'ils ne sont évoqués que par la négative: ABSTINET, VITAT (en début de v. 541)?
Et pour corser le tout, en ultime coup de Jarnac, que penser du rapprochement imposé par le texte lui-même, formellement, entre les LEONES et notre ADONI par le truchement du TU QUOQU(E)? (v. 542)
Relève de la même attitude distanciée la remarque adventice en conditionnelle, un peu sacarstique - ou alors relevant du fatalisme le plus avéré: 542, même compte tenu du fait qu'en tant que déesse, Vénus connaît l'avenir, sans bien sûr pouvoir échapper à sa contrainte...
D'une cruauté cynique aussi le rapprochement entre le MOVERE du v. 548, par rapport à celui de 547. Les attraits d'Adonis sont ressentis différemment et Adonis ne peut émouvoir un lion que comme plat de résistance ou du jour, et non par ce qui est... superficiel: AETAS (cf. 519 - 520), FACIES (547-548)
Surprenante de même l'expression FULMEN HABENT en début de 550, puisque le sujet est APRI, encore plus déconcertant - et irrespectueux envers le maître du foudre - vu le rejet en fin de vers. En fait, tout se passe comme si nous prenions Vénus en flagrant délit de parodie du style épique: nous n'en voulons pour preuve que les adjectifs composés dont elle a émaillé ses interdictions: il s'agit d'impressionner son auditeur, avec des moyens, avouons-le, qui impliquent que notre jeune homme est assez ingénu: RAPTORES, ARMATOS UNGIBUS (541), SATURATOS CAEDE (541), comme préfigurant le grand-guignol, voir nos films «gore», SAETIGEROS SUES, tout le vers 550, VASTA IRA (551)
Le rapprochement entre les deux verbes d'énonciation DICAM suivi de AIT est plaisant, ainsi que l'effet d'annonce, comme une sorte de publicité: ce récit va évoquer le passé, comme les légendes que l'on raconte aux enfants le soir, avant de se... coucher: VETERIS et MONSTRUM MIRABILE est un quasi pléonasme (553: sdssds avec DIC(AM)); il s'agit donc, vu le rythme, d'une légende étiologique qui mérite toute notre attention, certes, mais sans en être totalement dupe!
les OSCULA encadrent aussi ce texte: ceux d'Amour au début (525), ceux de Vénus pour finir (559), au dactyle 5ème dans les deux cas.
Ce passage est donc un bon exemple du «charme» ovidien: c'est avec une finesse empreinte d'humour que, par le truchement d'Orphée, il nous met en scène une Vénus toute entière à sa proie attachée... Adonis, son petit chéri.