Séquence I - L'Art d'Aimer d'Ovide
I, v. 1 - 29
les conseils d'Ovide aux hommes et aux femmes
texte | traduction | introduction et commentaire |
par Sabine Jalouneix
Texte 1: préambule, volonté de l'auteur à l'égard de
tous ses lecteurs
Siquis
in hoc artem populo non nouit amandi,
Hoc legat et lecto carmine doctus amet.
Arte citae ueloque rates remoque mouentur,
Arte leues currus: arte regendus amor.
Curribus Automedon lentisque erat aptus habenis,
Tiphys in
Haemonia puppe magister erat:
Me Venus artificem tenero praefecit Amori;
Tiphys et Automedon dicar Amoris ego.
Ille quidem ferus est et qui mihi saepe repugnet:
Sed puer est, aetas
mollis et apta regi. Phillyrides
puerum cithara perfecit Achillem, Atque animos placida contudit arte feros. Qui totiens socios, totiens exterruit hostes, Creditur annosum pertimuisse senem. Quas Hector sensurus erat, poscente magistro Verberibus iussas praebuit ille manus. Aeacidae Chiron, ego sum praeceptor Amoris: Saeuus uterque puer, natus uterque dea. Sed tamen et tauri ceruix oneratur aratro, |
Frenaque magnanimi dente teruntur equi;
Et mihi cedet Amor, quamuis mea uulneret arcu
Pectora, iactatas excutiatque faces.
Quo me fixit Amor, quo me uiolentius ussit,
Hoc melior
facti uulneris ultor ero:
Non ego, Phoebe, datas a te mihi mentiar artes,
Nec nos aeriae uoce monemur auis,
Nec mihi sunt uisae Clio Cliusque sorores
Seruanti pecudes uallibus, Ascra, tuis:
Usus opus
mouet hoc: uati parete perito;
Ovide, Ars
amatoria, I, 1-29
Siquis: si quelqu'un (si +pronom indéfini quis, quid)
in hoc populo: parmi ce peuple / parmi vous (populus, i, m.)
non novit: ignore (noter cette forme inattendue: pour ne pas
savoir, le latin utilise nescio, ii, ire, itum; ici Ovide utilise non
nosco, novi, notum, pour une question de métrique)
artem amandi: l'art d'aimer (ars, artis, f: savoir-faire,
talent)
hoc legat: qu'il lise ceci (lego, is, ere au subjonctif présent)
et lecto carmine: et ayant lu ce chant / à la lecture de ces vers
(ablatif absolu - carmen, inis, n: chant, par extension vers chanté)
amet: qu'il aime
doctus (esse): se rendre savant
Arte: Grâce à l'art
veloque remoque: aidé de la voile et de la rame (velum,i,n:
voile – remus,i,m: rame)
rates citae mouentur: les navires rapides se meuvent ( citus,a,um:
rapide – ratis,is,f: radeau – moueo, es, ere, moui, motum:
bouger, se mouvoir)
arte leves currus
(mouentur): les chars légers
(se meuvent) grâce à l'art
arte regendus amor: l'amour doit être guidé par l'art (amor, oris, m
– rego, es, ere, rexi, rectum: guider, regendus adjectif verbal
d'obligation)
Automedon aptus erat :
Automédon était habile (Automédon
était le conducteur du char d'Achille)
habenis lentis
curribus: aux (commande des) rênes
sur les chars (habena, ae, f: rênes – lentus,a,um: flexible –
currus,us,m: char)
Tiphys erat magister: Tiphys était le maître
in Haemonia puppe: sur le navire des Argonautes (puppis,is,f: poupe,
navire – Haemonia,ae,f: Hémonie, ancien nom de la Thessalie, région
de la Grèce Antique où se situait Athènes, par restriction, Argonautes,
venant de Thessalie. Les Argonautes sont des héros qui partirent avec Jason
chercher la Toison d'or).
Venus me praefecit
artificem: Vénus m'a établi
comme maître (praeficio,is,ere, feci, fectum: préposer, établir comme
chef – artifex, icis, m: de ars + facio: maître dans un
art)
tenero Amori: à son jeune fils Amour (tener, era, erum:
tendre, jeune)
dicar ego (sum): qu'on dise de moi (que je suis) / qu'on m'appelle (dico
au subjonctif présent)
Tiphys et Automedon
Amoris: le Tiphys et l'Automédon
d'Amour (de l'amour)
Ille quidem ferus est: celui-ci certes est une bête sauvage (ille,illa,illud
reprend le terme le plus proche)
et qui saepe repugnet
mihi: et qui souvent résiste
à moi / me résiste (repugno,as,are,avi,atum: ici au subjonctif pour
l'expression du regret)
Sed puer est: mais c'est un enfant (puer, pueri, m: enfant)
aetas mollis: âge malléable (aetas, atis, f: âge – mollis,is,e:
mou, souple)
et apta regi: et facile à diriger (rego à l'infinitif présent
passif)
Phillyrides perfecit: Chiron éleva (Philyrides:
fils de Phylire, c'est-à-dire Chiron, en poésie avec deux L afin d'allonger la
syllabe initiale)
puerum Achillem: le jeune Achille
cithara: à (au son de) la cithare
Atque contudit feros animos: et réprima ses désirs sauvages / son âme, naturel
sauvage (contundo,is,ere,tudi,tusum:écraser,
animus, i,m)
placida arte:
grâce à ce doux art
qui totiens: lui
qui tant de fois
exterruit socios: épouvanta ses compagnons, (exterreo,es,ere,ui,itum)
totiens (exterruit) hostes: et tant de fois ses ennemis
Creditur:
(on ajoute foi à ce que) on dit que (credo,is,ere,didi,ditum au présent
passif: il est crû que... d'où on croit que)
annosum senem pertimuisse : qu'un vieillard chargé d'ans le fit trembler (pertimesco,ere,mui)
Ille poscente magistro: et celui-ci, réclamant un maître(posco,ere,poposci:
demander, revendiquer au participe présent)
praebuit manus jussas uerberibus: offrit ses mains ordonnées (qu'on lui avait ordonné
de tendre) aux coups (praebeo,ere,ui,itum: présenter, tendre,offrir – verber,eris,n:
coup,choc – jussus,a,um: participe passé passif, valeur d'adjectif, de
jubeo,es,ere,jussi,jussum: ordonner – manus,us,f)
quas Hector sensurus erat: (mains) qu 'Hector avait senti / devait sentir ces
coups (sentio,is,ire,sensi,sensum: plus-que-parfait passif, quas
de quis,ae,quod, acc.f.pl.=et eas, et celles-ci d'où le et en début
de phrase)
Aecidae Chiron (praeceptor fuit): Chiron fut le précepteur du fils de Pélée /du
petit-fils d'Éaque/ d'Achille (Aecus:
Éaque, grand-père
d'Achille, père de Pélée donc aecidus: issu d'Éaque)
ego sum praeceptor Amoris: moi je suis le précepteur d'Amour
Uterque puer saevus: l'un et l'autre enfant(s) sauvage(s)
uterque natus dea: l'un et l'autre né(s) par une déesse / d'une déesse
Sed tamen:
mais cependant
ceruix tauri oneratur: le cou du taureau est accablé (cervix,icis,f.:cou
– onero,as,ars,avi,atum: charger d'un poids,accabler)
aratro:
par la charrue (le joug liant les boeufs à la charrue) (aratrum,i,n)
frena teruntur: les mors sont usés (tero,ere,triui,tritum:frotter,façonner,user)
dente magnanimi equi: sous la dent du cheval généreux
Et mihi cedet Amor: et Amour cède à moi / me cède (cedo,ere,cessi,cessum:marcher,s'en
aller, se retirer, céder
quamuis arcu: bien que (son) arc (arcus ou arquus,us,m.)
uulneret mea pectora: blesse mes coeurs / mon coeur (pectus,oris,n.)
excutiatque faces
iactatas: et fasse sortir des
torches jetées/ lance sur moi des torches enflammées (excutio,ere,cussi,cussum:
faire sortir, faire tomber en secouant – fax,facis,f.:torche – jacio,is,ere,jeci,jactum:
redoublement final=itératif, répétition)
Quo me fixit Amor: plus Amour me transperce (figo,ere,fixi,fictum:
parfait traduisible par un présent)
quo me violentius
ussit: plus il me brûle violemment (uro,ere,ussi,ussum)
hoc melior: davantage encore
ultor ero: je deviens vengeur (ultor,oris,m.:vengeur – ero
futur de sum)
facti uulneris: de la blessure qui m'a été faite (uulnus,eris,n)
Ego non mentiar: Moi, je ne dirai pas mensongèrement,
Phoebe: Phébus (Apollon)
artes datas mihi a te: (mentior,iri, itus sum)
que ces arts (cet art) m'ont été donnés par toi
nec nos monemur: et nous ne l'observons pas (moneo,ere,ui,itum)
uoce avis aeriae: grâce à la voix de l'oiseau du ciel (aérien)
et Clio Cliusque
sorores: et Clio et les
soeurs de Clio (et ses soeurs)
non visae sunt mihi: ne me sont pas apparues (nec= et non)
servanti pecudes: en gardant les troupeaux
tuis uallibus: dans tes vallées
Ascra: Ascra (village de Béotie, en Grèce centrale, patrie
d'Hésiode, poète du VIIIème siècle ayant écrit Les travaux et les jours et
la Théogonie)
usus opus mouet hoc: (mon) ouvrage transmet cette usage: (usus,us,m.
- opus,eris,f)
uati parete perito: obéissez au maître expérimenté (uates,is,m:devin,maître
dans un art – pareo,ere,ui,itum:obéir, impératif pst – peritus,a,um:
expérimenté).
Introduction
(entrée en matière réutilisable
pour tous les textes de l'Ars amatoria, elle peut être retravaillée, complétée):
Ovide, poète à cheval sur le Ier siècle avant notre ère et le Ier siècle de
notre ère, à la renommée égale en son temps à celle de Virgile, rédigea
plusieurs recueils de poésies élégiaques, notamment Les Amours, un
ouvrage de poésie épique, les Métamorphoses et un manuel didactique,
considéré plutôt comme une parodie de poésie didactique, l'Art d'aimer,
Ars amatoria. Composé de trois livres, deux à l'usage des hommes et un à
l'intention des femmes, l'Ars amatoria enseigne les techniques de la séduction
à l'usage de ceux qui souhaitent partir à la conquête d'amours illégitimes.
Immense succès populaire, l'ouvrage ne rencontra pas l'approbation de
l'Empereur Octave-Auguste, qui aspirait à rétablir des valeurs morales en
perte d'estime, et Ovide publia à sa suite les Remèdes à l'amour, qui
expliquent comment ne pas céder à la tentation de l'adultère. L'ars
amatoria est proposée également comme une des explications de l'exil
d'Ovide à Tomes, village sur les bords du Pont-Euxin où il devait finir ses
jours.
(présentation de
l'extrait) Le livre I de l'Ars amatoria décrit avec détails les lieux
possibles de rencontre et les manières de plaire à la maîtresse convoitée.
Ovide explique le propos de son ouvrage dans le préambule.
(problématique) Nous
verrons de quelle manière Ovide annonce la thématique novatrice de son livre
et la place qu'y jouera son auteur ainsi que le cadre formel, rigide et
traditionnel qu'il utilise pour mener à bien son travail.
(annonce du plan)
L'aspect novateur de l'ouvrage, de par son contenu, prend en effet appui sur un
style tout à fait traditionnel dans la poésie élégiaque et très travaillé
par un auteur omniprésent dans un enseignement parodique de l' « art »
amoureux.
I - Un genre novateur mais un style dans la tradition
des élégiaques
-
Adresse générale, siquis, homme ou
femme (cf 3 livres, 2 pour les hommes, déséquilibre homme/femme), comme un
traité scientifique, vulgarisateur. Les oeuvres poétiques grecques et latines
s'ouvrent souvent sur une apostrophe, mais elle est généralement adressée à
la Muse ou à un ou des dieux (Homère, Iliade, « Ô Muse »,
Virgile, Géorgiques, « Liber et Cérès » ).
-
Volonté de généralisation, novateur par rapport aux Amours,
mais aussi par rapport à Catulle, Tibulle, Properce. Ovide livre ses techniques
amoureuses, alors que les poètes élégiaques rapportent simplement leurs
propres malheurs amoureux. Il utilise des subjonctifs d'exhortation, legat….amet…,
des impératifs, parete, et l'adjectif verbal, regendus.
-
Beaucoup d'ars dans certains domaines à
Rome, notamment celui de l'agriculture ou de l'art militaire, (cf
Virgile, Géorgiques, Columelle ou Varron, chacun un traité
intitulé De l'Agriculture, Végèce, De L'art militaire), donc
dans des domaines privilégiés par le mos majorum (vertus de la rigueur,
du travail, de la dévotion à la patrie romaine). L'amour, surtout celui prôné
par Ovide apparaît donc comme un sujet superficiel, décadent. C'est donc d'une
parodie d'ars dont il s'agit ici.
-
Sujet léger qui se veut traité avec sérieux avec les références
à des héros ou à des dieux comme Chiron, Clio et ses soeurs (9 Muses) mais
aussi humour qui transparait par le caractère emphatique du langage, utilisant
pour un sujet si léger des comparaisons à valeur exemplaire (Achille, les
Argonautes, héros d'épopées, donc combat guerrier, valeur importante pour les
Romains / les Muses, esthétique artistique). La
coexistence, les glissements continuels du ton didactique au ton épique par
exemple font surgir l’humour dans ce préambule, une tonalité originale qui
est la marque de fabrique d’Ovide (cf. texte liminaire des Amours en
texte complémentaire).
-
Le style est travaillé. La poésie est le genre
noble par excellence et il demande un travail de métrique important:
utilisation de certains mots à la place de ceux attendus, pour allonger ou réduire
les pieds, comme non novit (cf traduction), utilisation de distiques élégiaques:
le distique élégiaque est un ensemble de deux vers
(un distique)
composé pour le premier d'un hexamètre
dactylique
et pour le second d'un pentamètre
dactylique.
C'est par excellence le vers de l'élégie grecque
et latine de l'Antiquité.
Schéma:
–
UU | – UU | – UU | – UU | – UU | – U
–
UU | – UU |
– | –
UU | _ UU | U
Nom
des pieds: _UU
dactyle / _ _
spondée / _ U
trochée
césures:
trochaïque, dans le troisième pied, qui doit être un dactyle, après la première
brève; penthémimère : après le cinquième demi-pied (un demi-pied est
une longue, donc – ou UU); hepthémimère : après le septième
demi-pied; trihémimère, après le troisième demi-pied, la plus courante).
Plusieurs césures peuvent être présentes dans un même vers. Dans le pentamètre,
la césure est après le premier pied cataleptique (incomplet, 1 longue).
Exemples:
v1: Si -quis in hoc ar-tem po-pu-lo non no-uit a-man-di,
(hexamètre)
_ U
U _
_ _
U U
_ _
_ U U
_ _
(D-S-D-S-D-S)
césures: trihémimère-penthémimère-hepthémimère
(principale)
v.2: Hoc le-gat et lec-to car-mi-ne doc-tus a-met.
(pentamètre)
_ U
U _
_ _
_ U
U _
U U
U
-
Donc, mélange de simplicité (simple et direct
, les idées des distiques sont simples, le vocabulaire n’est pas particulièrement
recherché), d’érudition (références mythologiques, mais surtout les
substituts, plaisir intellectuel, clin d’œil au public cultivé car il faut
connaître les noms des personnages, mais aussi leur origine (Haemonia), savoir
qu’Ascra est la patrie d’Hésiode), d’éloquence (raisonnements), de jeu
(vers 1 et 2, faut il entendre doctus carmine ou doctus amet,
savant en poésie ou savant en amour), et d’humour (Si quis in hoc populo
non novit : figure d’ironie car tout le monde pense probablement le
contraire, arte…arte…arte…. :
parodie de raisonnement par analogie, dicar : on dira de moi :
il y a certainement une dérision dans le choix des héros pas si célèbres que
cela).
II – La place du poète et son enseignement
-
Ovide se place en position de détenteur d'un
savoir, ou plutôt de techniques dans le domaine amoureux, vati, qui
connote la maîtrise dans un domaine et perito, posant comme valeur sûre
son expérience personnelle que l'on peut retrouver dans les Amours.
-
Il s'érige en personnage de mythologie,
n'allant pas jusqu'à pratiquer l'ubris en se plaçant au rang d'un dieu
comme Apollon, mais il se présente comme un homme, peut-être un peu au-dessus
des autres dans le domaine des techniques amoureuses, mais faillible aussi
puisqu'il reconnaît ne pas toujours arriver à parvenir à ses fins dans le
domaine amoureux (saepe, souvent).
-
Se
considère tout de même comme maître de Cupidon, Amour, fils de Vénus. Les références
à Apollon et à Hésiode montrent l'ambition du poète.
-
Ovide se pose en professeur héroïque: registre épique et la
violence du combat que fait du poète un héros digne de l’épopée (v.9 ferus,
repugnet, v.13 exterruit, à propos d’Achille comparé à
l’Amour, v.12 animos feros, v.18 saevus, v.21 vulneret…arcu….jactatas
excutiat faces, v.23 : fixit, violentius …ussit…., v.24 facti
vulneris ultor ego). Les exemples nobles font référence à l’épopée grecque:
Phyllirides…..Achillem (encadrent le vers), et on remarque aussi la
structure en chiasme du vers : Aecidae Chiron…..praeceptor Amoris. Si Chiron est le modèle du précepteur,
Achille est le modèle du héros, ce qui n’en exhausse que davantage la
gageure du poète. Même s’il ne s’agit pas d’une idée proprement
originale (le combat amoureux), elle confère ici une certaine grandeur à ce début
. De plus le sujet lui-même nous rapproche directement du divin, mais d’un
divin romanisé, Amor et Venus: la dynastie julio-claudienne (de César à Néron)
se disait en effet issue de Vénus elle-même.
- Métaphores omniprésentes chez Ovide, ici l'art de l'amour est comparé à l'art de la navigation et à celui de la course de char (un premier art noble, la navigation étant très importante chez les Grecs et les Romains, l'autre ludique mais bien considérée), puis plus concrètement à des animaux. Les comparaisons érudites et poétiques sont les suivantes: Tiphys : « célèbre » pilote de l’épopée des Argonautes (Jason en quête de la toison d’or), Automedon : cocher d’Achille, et Chiron, maître d’Achille, qui a su le conduire à la perfection, perfecit (11).
-
L'amour est considéré comme une bête sauvage
« ferus » donc si ce n'est indomptable, en tout cas difficile
à dompter et imprévisible. En gros, Ovide propose de donner des techniques qui
marchent dans la plupart des cas, mais se prémunit d'échecs possibles en
insistant sur l'inconstance des sentiments amoureux et leur côté imprévisible.
Il est également comparé à une bête de somme, tauri (symbolique
masculine et virile très forte , ce qui donne encore une image parodique car contrastée
) asservie par l'homme et un cheval sauvage, equi,
dompté lui aussi et dont la docilité n'est rendue possible que par
l'entrave du mors.
-
L'amour est personnifié, avec la majuscule au début,
élevé allégoriquement, mais c'est aussi le nom de Cupidon, fils de Vénus, et
donc une personnalité. La difficulté réside donc dans le fait que Vénus n'a
pas fait du poète un enseignant de l'amour, mais le précepteur d'Amour, fils
de Vénus, et donc possédant son propre caractère et capable de se montrer
imprévisible, d'où les comparaisons ensuite aux différents animaux.
-
allusion pastorale avec l'image du berger, servanti
pecudes, et l'allusion au poète grec Hésiode et à ses Travaux et les
jours. La poésie pastorale est très en vogue dans L'Antiquité (cf. Bucoliques,
Virgile).
-
Ovide formule un art poétique explicite et pas
seulement implicite: dès le début, la poésie est présente en tant que thème,
lecto carmine doctus, comme enseignement (cithara : c’est
l’instrument de Chiron, mais aussi l’instrument d’Apollon qu’on représente
avec une lyre ou une cithare; la soumission d’Achille à Chiron est aussi la
soumission au pouvoir de la musique et de la poésie.
-
Cette poésie a ceci de particulier que comme
l’amour, elle s’enseigne par l’expérience, Ovide ne tire pas son savoir
d’Apollon, ni des Muses, ni de la nature, les vallons d’Ascra (inpiration du
poète lyrique), mais l’usus, l'expérience, inspire (movet) cet
ouvrage (opus).
-
Ovide compare son travail à un traité sur un
autre art, comme la navigation ou la conduite des chars. Le champ lexical de
l’enseignement est très présent (v.1 artem, v.2 doctus, v.3 arte….arte….arte….magistro
poscente, praeceptor), les comparaisons mettent en valeur les idées
de don et de savoir-faire : aptus, magister, artifex, dans tous les
domaines, tous les éléments, eau, terre, air (pour faire plaisir à
Corentin...).
Conclusion
Ce préambule annonce donc la volonté de son auteur, qui choisit de traiter sur un mode classique un sujet original et léger, non pas parce qu'il s'agit d'amour, mais parce qu'il s'agit de séduction adultérine. Ovide se place en position de pédagogue éclairé par son expérience personnelle, dont il a fait montre dans son recueil des Amours, mais révèle qu'il ne va pas donner une liste de « recettes » prêtes à l'emploi, contrairement aux ars traditionnels qui traitent de réalités plus concrètes: puisqu'il s'agit ici d'une notion abstraite assimilée à Cupidon, il se contentera de conseils avisés dont il ne promet pas l'efficacité. Néanmoins, ce traité de techniques amoureuses rencontrera un grand succès auprès des contemporains d'Ovide, comme en témoignent les graffitis retrouvés à Rome et vantant l'Art d'aimer.