v. 86 - 108

le tout: Hubert Steiner

texte traduction universitaire traduction par groupe de mots commentaire

texte

Collis erat collemque super planissima campi                          86
area, quam viridem faciebant graminis herbae. 
Umbra loco deerat; qua postquam parte resedit 
dis genitus vates et fila sonantia movit, 
umbra loco venit: non Chaonis abfuit arbor,                             90
non nemus Heliadum, non frondibus aesculus altis, 
nec tiliae molles, nec fagus et innuba laurus, 
et coryli fragiles et fraxinus utilis hastis 
enodisque abies curvataque glandibus ilex 
et platanus genialis acerque coloribus impar                             95
amnicolaeque simul salices et aquatica lotus 
perpetuoque virens buxum tenuesque myricae 
et bicolor myrtus et bacis caerula tinus. 
Vos quoque, flexipedes hederae, venistis et una 
pampineae uites et amictae vitibus ulmi                                   100
ornique et piceae pomoque onerata rubenti 
arbutus et lentae, victoris praemia, palmae 
et succincta comas hirsutaque vertice pinus, 
grata deum matri; siquidem Cybeleius Attis 
exuit hac hominem truncoque induruit illo.                                105
Adfuit huic turbae metas imitata cupressus, 
nunc arbor, puer ante deo dilectus ab illo 
qui citharam nervis et nervis temperat arcum.

(texte lu à l'aune de l'édition Hatier/les Belles Lettres)

traduction universitaire

Une colline à son sommet se terminait en plaine. Elle était couverte d'un gazon toujours vert; mais c'était un lieu sans ombre. Dès que le chantre immortel, fils des dieux, s'y fut assis, et qu'il eut agité les cordes de sa lyre, l'ombre vint d'elle-même. Attirés par la voix d'Orphée, les arbres accoururent; on y vit soudain le chêne de Chaonie, le peuplier célèbre par les pleurs des Héliades, le hêtre dont le haut feuillage est balancé dans les airs, le tilleul à l'ombrage frais, le coudrier noueux, le chaste laurier, le noisetier fragile; on y vit le frêne qui sert à façonner les lances des combats, le sapin qui n'a point de nœuds, l'yeuse courbée sous ses fruits, le platane dont l'ombre est chère aux amants, l'érable marqué de diverses couleurs, le saule qui se plaît sur le bord des fontaines, l'aquatique lotos, le buis dont la verdure brave les hivers, la bruyère légère, le myrte à deux couleurs, le figuier aux fruits savoureux. Vous accourûtes aussi, lierres aux bras flexibles, et avec vous parurent le pampre amoureux et le robuste ormeau qu'embrasse la vigne. La lyre attire enfin l'arbre d'où la poix découle, l'arbousier aux fruits rouges, le palmier dont la feuille est le prix du vainqueur, et le pin aux branches hérissées, à la courte chevelure; le pin cher à Cybèle, depuis qu'Attis, prêtre de ses autels, dans le tronc de cet arbre fut par elle enfermé. Au milieu de cette forêt qu'on vit obéissant au charme des vers, parut aussi le cyprès, verdoyante pyramide, jadis jeune mortel cher au dieu dont la main sait également manier l'arc et la lyre.

traduction par groupe de mots

86 - ERAT COLLIS Il y avait une colline QUE SUPER COLLEM et au-dessus de +cette+ colline AREA PLANISSIMA CAMPI l'espace très (plat) égal d'une plaine QUAM HERBAE GRAMINIS que les pousses d'un gazon FACIEBANT VIRIDEM (faisaient) rendaient vert. UMBRA DEERAT LOCO L'ombre manquait à +cet+ endroit (datif avec les verbes composés, fréquent en poésie). POSTQUAM VATES GENITUS DIS Après que le poète engendré par les dieux RESEDIT QUA (relatif de liaison) PARTE se fut assis (dans cette partie) à cet endroit ET MOVIT FILA SONANTIA et eut bougé les (fils) cordes sonores, UMBRA VENIT LOCO l'ombre vint dans +cet+ endroit (notons l'ablatif locatif: il n'y a pas de mouvement de l'extérieur vers l'intérieur mais un mouvement «interne», au même endroit circonscrit par LOCO, cf. AMBULAT IN HORTO; d'aucuns, les commentatrices du guide pédagogique réservé aux professeurs, l'interprètent comme un datif de direction équivalent à un AD LOCUM, à partir de la valeur originelle de destination du datif; on rencontre cela par ex. avec FERRE ou MITTERE; chez Virgile: IT CLAMOR CAELO); ARBOR CHAONIS NON ABFUIT L'arbre de Chaonie ne fut pas absent, 91 - NON NEMUS HELIADUM non plus que le bois des Héliades, (avant de continuer, rappelons que les noms d'arbre en -US, de deuxième déclinaison, bien sûr: NEMUS NEMORIS neutre, mais 3ème déclinaison!, sont féminins en latin) NON AESCULUS ALTIS FRONDIBUS ni le chêne aux hautes frondaisons, NEC TILIAE MOLLES ni les tilleuls (mous) alanguis (les branches des tilleuls ploient fréquemment sous le poids de leur abondante floraison à cause de leur souplesse), NON FAGUS ET LAURUS INNUBA ni le hêtre et (nous passons à l'addition, plus conforme ici au paysage évoqué que la double négation) le laurier virginal (car il recèle Daphné, restée vierge) ET CORYLI FRAGILES, (et), les coudriers fragiles (car ils se rompent facilement) ET FRAXINUS UTILIS HASTIS (et), le frêne utile pour +faire+ les javelots (le frêne est souple et très résistant: il a servi, dans les premiers chars à voile, d'essieu pour les roues latérales - allusion personnelle, IN MEMORIAM) QUE ABIES ENODIS (et), le sapin sans noeuds QUE ILEX CURVATA GLANDIBUS (et), l'yeuse courbée par +le poids+ des glands, ET PLATANUS GENIALIS (et), le platane propre aux réjouissances (la naissance est un moment de joie pour la famille, d'où ce sens dérivé, qui, ici, renvoie à la liesse des buveurs dont c'était l'ombrage favori; les platanes encadraient aussi les promenades) QUE ACER IMPAR COLORIBUS (et), l'érable incomparable par ses couleurs (renvoie au chatoiement des feuilles de cet arbre, sous l'effet du vent, à la lumière du soleil), QUE SIMUL SALICES AMNICOLAE (néologisme d'Ovide sur AGRICOLA) (et), en même temps, les saules qui poussent près des rivières, ET LOTOS AQUATICA (et), le lotus qui fréquente les eaux, QUE BUXUM PERPETUO VIRENS (et), le buis perpétuellement verdoyant QUE MYRICAE TENUES (et), les tamaris grêles ET MYRTUS BICOLOR le myrte à deux couleurs ET TINUS CAERULA BACIS (et), le laurier-tym au bleu sombre par ses baies (abl. de moyen). 98 - VOS QUOQUE, HEDERAE FLEXIPEDES Vous aussi, lierres rampants (néologisme d'Ovide), VENISTIS ET UNA vous êtes venus et avec +vous+, VITES PAMPINAE les vignes pourvus de pampres, ET ULMI AMICTAE VITIBUS (et) les ormeaux entourés de vignes QUE ORNI ET PICAE ainsi que des ornes et des pins QUE ARBUTUS ONERATA POMO RUBENTI (sg collectif) (et), l'arbousier chargé de fruit+s+ écarlate+s+ ET PALMAE LENTAE, PRAEMIA VICTORIS (et), les palmes souples (ou qui durent longtemps?), récompenses du vainqueur, ET PINUS SUCCINCTA COMAS (et), le pin retroussé quant à ses cheveux QUE HIRSUTA VERTICE et hérissé (à cause de) par son sommet, GRATA MATRI DEUM agréable à la mère des dieux, SIQUIDEM ATTIS CYBELEIUS s'il est vrai qu'Attis cher à Cybèle EXUIT HOMINEM HAC a dépouillé son humanité au moyen de celui-ci (le pin) QUE INDURUIT (parfait d'INDURESCO) ILLO TRUNCO et est devenu dur avec ce tronc.106 - ADFUIT HUIC TURBAE Se Joignit à cette foule CUPRESSUS IMITATA METAS le cyprès qui (a imité) rappelle les bornes +du cirque+, NUNC ARBOR maintenant un arbre, PUER ANTE DILECTUS AB ILLO DEO un enfant avant aimé par le dieu QUI TEMPERAT qui règle habilement CITHARAM NERVIS sa cithare avec ses cordes ET ARCUM NERVIS et son arc avec ses cordes.

commentaire

un texte bucolique, un tableau aux effets contrastés

1) un texte bucolique, en sympathie vivante avec nous (ce qui ne peut que rendre plus prenant le deuil d'Orphée):tout en délicatesse, en une esquisse simple, à grands traits, comme l'exprime le début avec son présentatif neutre: ERAT, césure t, et la reprise de COLLIS en COLLEM; nous sommes comme en contemplation, avec les verbes d'état (ERAT, FACIEBANT avec son attribut du COD VIRIDEM à la césure p), à l'imparfait descriptif, qui permettent d'incarner ici le spectacle, sans cesse égal à lui-même, de la nature. Seule la post-position de SUPER, en césure h, pourrait rompre cette harmonie, marquée par le retour régulier des d et des s: v. 86, dsdsds, plus rapide ensuite au v. 87: dddsds. Notons un souvenir virgilien: Ovide cite sans vergogne, comme toujours dans la littérature antique où c'est rendre hommage à un auteur que de s'en inspirer en disciple fidèle, les GRAMINIS HERBAE chères à Virgile dans ses Bucoliques, 5, 26. Cette explétion participe à l'instauration sous nos yeux du paysage: ainsi le regard monte d'abord avec le premier vers qui se rejette sur le suivant (AREA) pour se prolonger sur la relative car la répétition de COLLIS, la place de SUPER déjà évoquées élève par degrés notre regard jusqu'au plateau (au sens aussi cinématographique du terme!) choisi par Orphée, vu sa qualité: PLANISSIMA au superlatif. Participe donc de notre plaisir esthétique dû à cette «immersion» dans la nature, l'effet spatial: la hauteur et l'étendue... Cette impression de plénitude est renforcée par VIRIDEM, attribut de QUAM et la légère rime interne: COLLEM//VIRIDEM (ces 6 dernières lignes sont de Dubarry-Sodoni et Flobert, auteurs du guide pédagogique, abrégées à partir de maintenant en DSF); cette ampleur se retrouve dans les 3 derniers vers du passage, avec l'inversion du sujet CUPRESSUS, le résumé de ce qui précède par le TURBAE, la mise en avant, par la disjonction entre DEO et AB ILLO en fin de v. 107, du dieu dévelopé par la périphrase désignant Apollon. Ce dernier se caractérise par l'équilibre: TEMPERAT, ce que renforce le chiasme des deux COD, avec la répétition de NERVIS, qui incarne ainsi sa force et sa stabilité, conforme à sa majesté (Notons les rythmes différents: 107: sddsds, 108: dsssdt). Cet effet d'encadrement par l'ampleur du début et de la fin est remarquable, comme l'est la structure même d'une énumération (ce qui suit est de DSF) qui s'apparente au catalogue cher aux textes épiques: La subordination y est, comme attendu, pratiquement absente: deux relatives, une temporelle POSTQUAM (88), une conditionnelle: SIQUIDEM (104); il y a deux indépendantes en asyndète: 88 UMBRA LOCO DEERAT, 106: ADFUIT HUIC TURBAE, qui créent un effet de surprise qui conforte celui opéré par les asyndètes dues à la reprise martelante des NON aux v. 90-91 (3 fois), NEC (2 fois, v. 92, dssdds p), ET (deux fois, v. 93, ddsdds p), QUE (2 fois, v. 94, sd avec élision sdds p), ET QUE (v. 95), QUE ET comme en symétrie, mais avec un SIMUL renforçateur (v. 96, césure h), QUE (deux fois, v. 97, césure h), ET (deux fois, v. 98, dsssds p); la suite (99 - 103) accumule plus classiquement les ET, avec deux renforçateurs: QUOQUE UNA en 99.Le rythme est toujours aussi varié, donc vivant: v. 99: dddsds h (remarquons l'abondance des césures h ici: 3 en 4 vers), v. 100: dsdsds p, v. 101: sdsdds p, v. 102: dsssds p, plus massif, comme pour mieux appuyer sur la récompense due au vainqueur, v. 103: sdsdds p, v. 104: dsddds p, v. 105: ddsdds p, v. 106: dssdds t h, v. 107: sddsds t (césure bien marquée par la pause phono-sémantique), v. 108: dsssds p.Les effets temporels participent aussi à cette vie du texte, syntaxiquement d'abord, comme l'attestent ERAT au début (v. 86), FACIEBANT (v. 87), DEERAT (v. 88), puis le passage au parfait, pour terminer par un présent d'éternité: TEMPERAT en 108; l'ensemble du texte vise à se situer dans la permanence, ne serait-ce que par l'accumulation des espèces d'arbres; ceci est corroboré ensuite lexicalement par l'adverbe PERPETUO en début 97, peut-être le LENTAE en césure p, s'il ne signifie pas «souple»; a contrario, la construction NUNC en début 107, opposé à ANTE avec un chiasme, servant de transition pour la légende de Cyparissus, induisant une rupture temporelle, confirme le bien-fondé de notre remarque. Cette vie n'exclut pas, même s'il s'agit de réalités «campagnardes», naturelles, le raffinement, par ex. lexical, comme le confirment les trois néologismes: INNUBA (93), AMNICOLAE (début de 96) et FLEXIPEDES (99), l'expression PLATANUS GENIALIS, allié à la subtilité de la scansion: coupe au trochée 3ème: ddddds, donc rythme enlevé à ce même v. 95. Le v. 96 est allègre: dddddt, comme le suivant: ddsdds...Tout ceci induit une joie de vivre, niée passagèrement par l'asyndète: UMBRA du v. 88, confirmée par la reprise de la même construction en 90, avec la même césure p., concrètement présente de par l'interpellation déconcertante: VOS en début de v. 99; ce texte est vivant aussi avec ses QUA relatif de liaison en 88, HAC (105), HUIC TURBAE (v. 106), avec son démonstratif de proximité. C'est qu'il s'agit de nous faire éprouver du bonheur dans la nature, car n'oublions pas que c'est la création poétique et musicale d'Orphée qui provoque la création du paysage. Ceci devrait avoir pour effet de calmer sa douleur, son deuil . La nature (cf. les peintures en trompe-l'oeil dans les INSULAE elles-mêmes, la présence des jardins à Rome, voire leur alliance avec les tombes!) est généreuse, en totale complicité avec l'homme qui la civilise (ce n'est pas la nature romantique échevelée): FRONDIBUS (détail important pour des méditerranéens), UTILIS HASTIS, AMICTAE VITIBUS, PALMAE PRAEMIA VICTORIS, IMITATA METAS très révélateur ici puisqu'on s'attendrait au contraire: les bornes ont en fait la forme des cyprès! C'est la nature qui imite l'homme, comme Orphée maîtrise la nature par son chant, arbres ici, plus loin bêtes sauvages et oiseaux (143: CONCILIO FERARUM, TURBA VOLUCRUM). Aussi ne sommes-nous pas surpris de rencontrer le terme agréable: GRATA en début de v. 104, au point que c'est un homme même qui, en fin de texte (alors que ceci a été finement amené par NEMUS HELIADUM, v. 91, plus développé avec ATTIS sur deux vers: 104-105) est à l'origine d'une espèce: NUNC ARBOR, ANTE PUER...

2) Tout ceci instaure sous nos yeux un tableau aux multiples effets contrastés (le moins évoqué mais le plus criant étant la vivacité du texte, la création poétique en opposition avec la perte cruelle subie par Orphée):D'abord par la diaprure des couleurs: VIRIDEM en 87, leur évocation plurielle, même si elle reste allusive: COLORIBUS IMPAR, v. 95, de nouveau: VIRENS en 97, de nouveau une évocation floue: BICOLOR MYRTUS (v. 98), CAERULA au dactyle 5ème du v. 98, en fin de 101: RUBENTI. Ceci est corroboré par la variation de l'intensité lumineuse: celle-ci est marquée d'abord par l'absence d'ombre (v. 88), puis en hystéron-protéron, par la présence de l'ombre imposée par la redite (v. 90): l'effet des FRONDIBUS est évoqué avant leur «arrivée» (cf. v. 143: ATTRAXERAT). A ce jeu des couleurs s'ajoute l'effet provoqué par l'évocation de lignes et de courbes qui tracent des arabesques avant la lettre sous nos yeux: la courbe des collines, d'abord, incarnées aussi, subtilement, par les liquides [l,r]: COLLIS, puis des droites horizontales: PLANISSIMA, déterminant un espace bien dégagé par le rejet d'AREA; celle-ci dûment tracée (QUA PARTE, v. 98), notre regard se porte sur les parallèles verticales de la lyre: FILA; le terme ALTIS en fin de v. 91 trace toute une série des courbes (FRONDIBUS) vers le ciel; courbes aussi que MOLLES à la césure 92, comme FRAGILES en rime interne, à la même césure, en contraste très tranché avec le HASTIS final; faut-il voir dans ENODIS (début du v. 94) l'absence de courbes, alors que le CURVATA, après la césure p, les multiplie dans une structure syntaxique parallèle: adjQUE+nom//adjQUE...+nom, comme le FLEXIPEDES, l'épithète de nature PAMPINAE, AMICTAE? Une droite verticale s'érige pittoresquement à la fin de cette énumération: VERTICE après l'étrange HIRSUTA, reprise par le TRUNCO ILLO en fin de 105, confirmée par le METAS à la césure h en 106. Le texte se termine sur une série de lignes droites verticales: CITHARAM NERVIS, les droites horizontales des traits décochés par Apollon (contre le serpent Python, contre les enfants de Dionée), ainsi que... la courbure de l'ARCUM... Dans ce passage s'instaure aussi une opposition entre la fragilité et la solidité: après le chêne (CHAONIS ARBOR en fin de vers 91), la souplesse résistante du peuplier (NEMUS HELIADUM), une autre variété de chêne: AESCULUS (cf. plus loin ILEX), nous rencontrons TILIAE MOLLES en césure p, puis, nettement plus résistants, la FAGUS, la LAURUS, de nouveau, en alternance donc, la fragilité: CORYLI FRAGILES en césure p; derechef, FRAXINUS avec le HASTIS en fin de v. 93 qui en souligne la dureté souple, ABIES, ILEX en fin de vers, TENUES MYRICAE (fin 97), les tamaris, malgré parfois leur taille, cassent très facilement... Après les MYRTUS (césure p) et TINUS (fin de v. 98), nous trouvons les FLEXIPEDES HEDERAE (césure h); par le truchement des vignes multipliées par la polyptote (VITES en césure p, VITIBUS - rappelons que les anciens cultivaient la vigne en se servant d'autres arbres, souvent fruitiers - comme support), nous passons à des arbres plus résistants: ULMI en fin de vers, ORNI en début de v. suivant, PICEAE en césure p, ARBUTUS en rejet et au début du v. 102 pour reprendre les LENTAE PALMAE en fin de v. et terminer sur PINUS qui s'érige en fin de 103, l'énumération s'achevant en 105 sur TRUNCOQU(E) INDURUIT ILLO, après la césure p. Nous sommes aussi confronté à l'opposition, complémentaire (comme le résultat statique - LOCO deux fois - de la tension de deux forces antinomiques), des verbes d'état et de ceux d'action: ERAT, DEERAT (césure p du v. 88), RESEDIT (fin de 88), ABFUIT en 90 en contradiction avec MOVIT en fin de v. 89, VENIT en césure p; ce dernier est repris en interpellation directe après la césure h en 99 par VENISTI, avec son rythme rapide: dddsds; le regard lui-même bouge: d'abord les vignes, puis leur support au v. 100; le processus d'entrelacement par la vigne est évoquée par le AMICTAE, au perfectum ce qui allie le mouvement et l'état, comme le SUCCINCTA du v. 103; au v. 105 EXUIT en début de vers, v. de mouvement, l'ensemble se figeant par le truchement du verbe INDURUIT. ADFUIT au début du v. 106 (pour mettre en exergue en fin de v. la CUPRESSUS fixée par les METAS avec la double césure équilibrante t à HUIC et h à METAS) reprend au positif ce qui était présenté en fin de 90, au début de l'énumération, en double négation, syntaxique (NON) et lexicale (ABSUM)... De ce même mouvement relèvent certains adjectifs de couleurs: VIRENS en 97, RUBENTI en fin 101, le nom d'action VICTOR en 102 après la césure p. (DSF) Les arbres eux-mêmes ne relèvent pas de la même catégorie: si le texte aborde d'abord les espèces forestières, puis les arbustes, il évoque ensuite des arbres ornant les parcs ou poussant au bord des rivières, les vergers, pour terminer par deux résineux très fréquents en contrée méditerranéenne. Au reste, la série commence et s'achève par les arbres qui ont «une histoire», consacrés aux dieux ou résultats de métamorphose; au pittoresque généré par les adjectifs (vous pouvez les classer ici, si vous avez ce courage!) s'ajoute donc une connotation religieuse. Ne faut-il pas voir là le résultat le plus achevé d'une VARIATIO variation remarquable (bien qu'un peu artificielle? Mais au bac, il peut s'avérer très dangereux de mettre Ovide en coupe réglée)