le tout: Hubert Steiner

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texte

Nunc age, quod superest, cognosce et clarius audi. 
nec me animi fallit quam sint obscura; sed acri 
percussit thyrso laudis spes magna meum cor 
et simul incussit suavem mi in pectus amorem 
Musarum, quo nunc instinctus mente vigenti                                       925
avia Pieridum peragro loca, nullius ante 
trita solo. juvat integros accedere fontis 
atque haurire juvatque novos decerpere flores 
insignemque meo capiti petere inde coronam, 
unde prius nulli velarint tempora Musae;                                             930
primum quod magnis doceo de rebus et artis 
religionum animum nodis exsolvere pergo, 
deinde quod obscura de re tam lucida pango 
carmina musaeo contingens cuncta lepore. 
id quoque enim non ab nulla ratione videtur;                                       935
sed veluti pueris absinthia taetra medentes 
cum dare conantur, prius oras pocula circum 
contingunt mellis dulci flavoque liquore, 
ut puerorum aetas inprovida ludificetur 
labrorum tenus, interea perpotet amarum                                            940
absinthi laticem deceptaque non capiatur, 
sed potius tali facto recreata valescat, 
sic ego nunc, quoniam haec ratio plerumque videtur 
tristior esse quibus non est tractata, retroque 
vulgus abhorret ab hac, volui tibi suauiloquenti                                    945 
carmine Pierio rationem exponere nostram 
et quasi musaeo dulci contingere melle, 
si tibi forte animum tali ratione tenere 
versibus in nostris possem, dum perspicis omnem 
naturam rerum, qua constet compta figura                                           950

(texte contrôlé sur source fiable: édition des Belles-Lettres)

traduction universitaire

Poursuivons: apprends ce qui reste à connaître et entends une voix plus claire. Et je ne me dissimule pas combien ces choses sont obscures; mais de son thyrse aigu un grand espoir a traversé mon coeur, et enfoncé dans ma poitrine le doux amour des Muses,; aiguillonné par lui, je parcours les régions non frayées du domaine des Piérides, que nul encore n'a foulés du pied. J'aime aller puiser aux sources vierges; j'aime cueillir des fleurs inconnues, afin d'en tresser pour ma tête une couronne merveilleuse, dont jamais encore les Muses n'ont ombragé le front d'un mortel. c'est d'abord que je donne de grandes leçons, et tâche à dégager l'esprit des liens étroits de la superstition; c'est aussi que sur un sujet obscur je compose des vers lumineux, le parant tout entier des grâces de la Muse. Cette méthode même n'apparaît point comme absurde. Quand les médecins veulent donner aux enfants la répugnante absinthe, ils enduisent auparavant les bords de la coupe d'une couche de miel blond et sucré: de la sorte, cet âge imprévoyant, les lèvres seules séduites par la douceur, avale en même temps l'amère infusion et, dupe mais non victime, en recouvre au contraire force et santé. Aussi fais-je aujourd'hui, et comme notre doctrine semble trop amère à qui ne l'a point pratiquée, comme la foule s'en écarte avec horreur, j'ai voulu te l'exposer dans l'harmonieuse langue des Muses et, pour ainsi, dire, la parer du doux miel poétique: puissé-je tenir ainsi ton esprit sous le charme de mes vers, tandis que tu pénètres tous les secrets de la nature et les lois qui président à sa formation.

traduction par groupe de mots

NUNC COGNOSCE AGE QUOD EST SUPER Maintenant apprends donc (m.m.: va, renforçateur d'impératif, cf. 259) (ce qui est au-dessus) ce qui reste (cf. 44 dans les mêmes conditions psychologiques!) ET AUDI CLARIUS et écoute de façon assez fine/aiguë (donc, sens exacerbé, efficace!). NEC ME FALLIT ANIMI Et il n'échappe pas à l'attention de mon esprit (ANIMI=génitif de relation, spécifie un rapport, emploi archaïque, m.m.: à moi, relativement à mon esprit, cf. Syntaxe latine, Ernout-Thomas, § 69) QUAM SINT OBSCURA combien elles sont obscures. SED MAGNA SPES LAUDIS PERCUSSIT Mais un grand espoir de Gloire a frappé MEUM COR ACRI THYRSO mon coeur de son thyrse aigu, ET SIMUL INCUSSIT MI IN PECTUS et en même temps a suscité(pour moi)dans ma poitrine (IN+QUATIO, secouer; MI=MIHI, par synérèse) SUAVEM AMOREM MUSARUM un doux amour des Muses: INSTINCTUS NUNC QUO inspiré maintenant par ce dernier, PERAGRO LOCA AVIA PIERIDUM je parcours les endroits sans chemin des Piérides TRITA ANTE SOLO NULLIUS foulés avant par la plante du pied d'aucun : JUVAT ACCEDERE FONTES INTEGROS il me réjouit de m'approcher de fontaines vierges ATQUE HAURIRE et d'y puiser, QUE JUVAT DECERPERE FLORES NOVOS et il me réjouit de cueillir des fleurs nouvelles, QUE PETERE INDE MEO CAPITI et (de chercher à obtenir de là) d'en faire pour ma tête INSIGNEM CORONAM une couronne remarquable, UNDE PRIUS MUSAE VELARINT TEMPORA NULLI dont avant les Muses n'ont couvert les tempes à aucun, PRIMUM QUOD DOCEO DE MAGNIS REBUS d'abord parce que je donne un enseignement sur de grands sujets, ET PERGO EXSOLVERE ANIMOS NODIS ARTIS RELIGIONUM et que je m'efforce de libérer les esprits des noeuds étroits des superstitions, DEINDE QUOD PANGO CARMINA TAM LUCIDA ensuite parce que je compose des vers si lumineux DE RE OBSCURA sur un sujet obscur, CONTINGENS CUNCTA LEPORE MUSAEO recouvrant tout de la douceur des Muses. ENIM ID QUOQUE NON VIDETUR AB NULLA RATIONE En effet, ceci aussi ne semble pas sans raison; SED VELUTI MEDENTES, CUM CONANTUR DARE Mais de même que des médecins, quand ils s'efforcent de donner PUERIS ABSINTHIA TETRA aux enfants de l'absinthe immonde (ABSINTHIUM II, TAETER) CONTINGUNT (CONTING(U)O NPC avec CONTINGO, toucher, v. 927) PRIUS ORAS baignent avant leur bouche, CIRCUM POCULA autour de la coupe, LIQUORE DULCI ET FLAVO MELLIS du fluide doux et blond du miel, UT AETAS IMPROVIDA PUERORUM LUDIFICETUR TENUS LABRORUM (TENUS=postposition (et non pré!) avec génitif) pour que l'âge imprévoyant des enfants soit trompé jusqu'aux lèvres, INTEREA PERPOTET LATICEM AMARUM ABSINTHI, qu'entre-temps il boive à fond le liquide amer de l'absinthe, QUE DECEPTA NON CAPIATUR (MORBO!) et que, trompé, il ne soit pas pris SED POTIUS RECREATA TALI FACTO VALESCAT mais que plutôt, revigoré par un tel traitement, il devienne vigoureux. SIC, EGO NUNC de même, moi, maintenant, QUONIAM HAEC RATIO VIDETUR PLERUMQUE ESSE TRISTIOR puisque cette doctrine semble la plupart du temps être trop triste QUIBUS NON EST TRACTATA pour ceux à qui elle n'a pas été exposée QUE VOLGUS ABHORRET AB HAC RETRO et que le vulgaire s'écarte avec aversion d'elle en reculant, VOLUI TIBI EXPONERE j'ai voulu t'exposer NOSTRAM RATIONEM CARMINE SUAVILOQUENTI PIERIO notre doctrine avec le chant aux doux accents des Muses ET QUASI CONTINGERE MELLE DULCI MUSAEO et pour ainsi dire la recouvrant du miel doux des Muses. SI FORTE POSSEM Puissé-je TENERE TALI RATIONE tenir par un tel moyen ANIMUM IN NOSTRIS VERSIBUS ton esprit dans mes vers, DUM PERSPICIS OMNEM NATURAM RERUM pendant que tu aperçois à fond toute la nature, QUA FIGURA CONSTET COMPTA selon quelle (figure) structure elle (se montre) est arrangée.

commentaire

au rebours du LAQE BIWSAS épicurien («cache ta vie»), Lucrèce s'exprime avec orgueil, ce texte, qui se veut rationnel, fait preuve d'une passion fort peu épicurienne (donc loin du MHDEN AGAN: «rien de trop»... Précepte repris par les épicuriens), ce qui n'est pas le moindre paradoxe.

Il importe d'analyser aussi comment Lucrèce procède...

1) l'orgueil: L'individualité de Lucrèce dans ce passage se marque d'emblée dès le v. 914 quand il apostrophe assez brutalement son lecteur, par le truchement des 3 impératifs (dont le AGE renforçateur), le renvoi au réel (NUNC, QUOD SUPER EST), peut-être les 2 dactyles suivis de deux spondées, avec l'élision C(E) ET. Sa présence s'impose avec le ME, dont l'impact est renforcé par le génitif de relation: ANIMI, puis MEUM COR (916), le coeur, les 3 spondées successifs de 917 avec ses nasales d'autant plus audibles que le (M)I, déjà en synérèse, s'élide sur IN. Le coeur induit le AMOREM - sentiment ô combien personnel - en fin de vers, puis MENTE - l'intelligence - vigoureuse: VIGENTI. la césure hephthémimère du vers 919 met en valeur notre auteur, avec le préfixe PER. Les deux JUVAT suivants estomperaient-ils notre poète? Il n'en est rien: la césure trihémimère des v. 920, 921 (la deuxième après la première brève) souligne ce verbe en fait encadré de deux césures et renvoie à ce qui est personnellement ressenti, la présence du corps étant assurée par les infinitifs très précis, qui renvoient à des activités (en partie paysannes et traditionnelles) impliquant une activité physique: ACCEDERE, HAURIRE, DECERPERE, PETERE. Nous ne quittons pas Lucrèce: MEO CAPITI, avec sa césure hephthémimère, repris au v. 923 par TEMPORA. A la même césure, le verbe DOCEO à la première personne renforce cette présence prégnante de Lucrèce, incontournable: PERGO en fin de v. suivant (cf. son étymologie: PER-REGO, diriger jusqu'au bout, dont l'intensité, la tension personnelle dans l'effort, se retrouvent dans EX-SOLVERE... PANGO sonne aussi à la fin du v. 926, et Lucrèce nous est présenté dans son comportement qui perdure: CONTINGENS au participe. Ainsi, Lucrèce apparaît ici à chaque vers. Il se met en retrait dans la comparative dont la longueur s'apparente aux célèbres comparatives homériques mais on sent bien que derrière le groupe des MEDENTES se cache notre poète, d'abord avec CONANTUR à la césure penthémimère, l'action: CONTINGUNT (au début du v. 931), l'opposition implicite entre lui et l'AETAS IMPROVIDA alors qu'il vient de nous montrer, par ses pérégrinations - sur lesquelles nous reviendrons - dans l'Inconnu que lui est PRO-VIDENS, un Voyant, pour reprendre l'image du poète chère à Rimbaud? Lucrèce est toujours là, du moins son but métaphorique: PERPOTET (avec son préfixe), NON CAPIATUR (=l'ataraxie, présentée en fait sous forme de double négation, cf. le sens du verbe), puis l'angle positif: VALESCAT. Comme si ce but était atteint, le EGO réapparaît au v. 936, encadré de deux adverbes, dont le deuxième à la césure trihémimère, avec une abondance de gutturales sourdes: siC-nunC-Quoniam-haeC-Que. Il n'est pas jusqu'au HAEC qui ne nous ramène à notre Lucrèce, en opposition flagrante avec le VOLGUS du v. 938, opposition renforcée par le HAC à la césure penthémimère, et soulignée par le VOLUI à la première personne. Lucrèce, certes, semble parfois, se cacher plus modestement au milieu des disciples d'Epicure: NOSTRAM (en fin de vers!) RATIONEM, mais il est bien là: le IN NOSTRIS VERSIBUS, plus bas (942) ramène à lui ce NOSTRAM, la reprise du verbe CONTINGERE (941) rappelle l'affirmation solennelle du v. 927. Le souhait final - malgré son apparente modestie: FORTE - réaffirme le rôle essentiel de Lucrèce dans la démarche d'(in)formation (PERSPICIS) de Memmius (TIBI - 941- 939): POSSEM à la césure hephthémimère bien marquée puisqu'avant la temporelle. Nous voyons donc que Lucrèce et son EGO baignent ici tout le passage, et ce, non sans orgueil: certes, ce SI FORTE POSSEM a une prudence empreinte de modestie, mais c'est après des cris de victoire et de gloire: nous l'avons subodoré par la construction du v. 915: NEC, SED: nous en avons eu pleinement confirmation avec l'emphatique: MAGNA SPEC LAUDIS. Certes, Lucrèce semble se comporter au départ passivement: PERCUSSIT (début du v. 916), INCUSSIT à la césure penthémimère du v. 917, ce que corrobore le passif: INSTINCTUS mais c'est pour mieux occuper la place, en fier découvreur, reprenant ainsi le rôle d'Epicure des v. 56 à 73. Il est exceptionnel, unique, par opposition aux autre: NULLIUS (dactyle cinquième du v. 919), NULLI (922), le ANIMOS du v. 925 (?), le QUIBUS du v. 937, très clairement le VOLGUS dépréciatif, voire très insultant du début du v. 938; c'est que son sujet est neuf: sans organisation ni chemin (LOCA - neutre pluriel collectif, donc sans précision - AVIA du v. 919, alors que la marque de la civilisation est, pour un soldat/colon romain, en installant un camp/ville de l'orienter par justement des VIAE, le CARDO du N au S. (cf. rue St Jacques à Lutèce) et le Decumanus (E. 0); la création de route n'est-elle pas le sceau des romains? Son sujet est vierge: TRITA SOLO est complètement nié par le NULLIUS ANTE du vers précédent. INTEGROS renforce cette idée, ainsi que l'adjectif NOVOS (921), tout deux à la penthémimère (Le terme NOVUS est très fort: RES NOVAE=la révolution, pour les Romains, profondément conservateurs, cf. HOMO NOVUS). Lucrèce en tire la GLOIRE: INSIGNEM... CORONAM en forte disjonction au v. 922, avec la mise en valeur de l'adjectif par sa place en début de vers. Nous avons droit à la certitude du docte: DOCEO DE MAGNIS REBUS, qui ne parle pas sur des broutilles, à celle du poète sûr de ses moyens (opposition: OBSCURA/LUCIDA, v. 926, voire: CUNCTA, en volonté encyclopédique au v. suivant). Son objectif est fièrement proclamé: PERPOTET (933), VALESCAT (935), sa volonté quasi immanente: VOLUI (938); le QUASI (940) n'est pas de la modestie: il concerne le MELLE et non le CONTINGERE, toujours aussi indubitable. La fin concerne le lecteur: Lucrèce a fait tout... son possible?

2) Mais comment le fait-il? Au départ... apparemment, il s'adresse à l'intelligence, en vue d'un éclaircissement: COGNOSCE (admirons le sens inchoatif du suffixe), peut-être rétive vu les deux renforçateurs de l'impératif (NUNC, AGE, déjà envisagés sous un autre angle), avec l'appel à nos (puisque Memmius incarne le lecteur bénévole) capacités de perception, en une sorte de synesthésie: CLARIUS (lumière) AUDI (audition); c'est une intelligence vivante, en action... puisque tout le texte est très logiquement structuré (ou charpenté, avec mise en valeur des lignes de force, comme toujours chez Lucrèce): QUOD SUPERT EST annonce la suite; le balancement NEC, SED ET SIMUL (915- 917); un relatif de liaison: QUO; une accumulation de structures binaires: JUVAT-JUVATQUE en coordination, ACCEDERE ATQUE HAURIRE en coordination, DECERPERE QUE PETERE en coordination, le jeu INDE/UNDE; PRIMUM QUOD/DEINDE QUOD (924-926) suivi du QUOQUE ENIM (928); suit la longue comparative, amenée par SED: VELUTI, avec son corrélatif SIC (936) avec, entre les deux, une temporelle, puis une finale aux éléments bien liés: UT LUDIFICETUR... INTEREA PERPOTET, QUE NON CAPIATUR, SEC VALESCAT. La principale est aussi complexe: une causale: QUONIAM... HAEC RATIO VIDETUR QUE VOLGUS ABHORRET AB HAC (ce démonstratif encadre ainsi la causale), VOLUI au centre, avec deux infinitives coordonnées. Et Lucrèce boucle le tout par un souhait, qui évoque son but: PERSPICIS OMNEM NATURAM RERUM...

Pourtant, cette intelligence semble répugner à aborder la vérité de face: OBSCURA deux fois dans ce passage. Aussi faut-il se forcer, comme le prouve, le scande un vocabulaire assez vif: ACRI - PERCUSSIT - INCUSSIT - INSTINCTUS - VIGENTI - PERAGRO - EXSOLVERE - PERGO. mais il ne faut pas décourager le néophyte et Lucrèce, insensiblement, adoucit son propos: COR - SUAVEM AMOREM - FONTES - FLORES - CORONAM. De façon encore plus évidente: LEPORE, tout le vers 931, ô combien révélateur à cet effet, SUAVILOQUENTI (cf. le premier élément du composé, déjà rencontré), DULCI MELLE une deuxième fois (cf. v. 111, EX AMOENO HELICONE)... La fusion entre la logique et la manipulation des sens permet d'obtenir le résultat, implicitement évoqué par le souhait final: connaître le monde. Donc, toutes ces redites ramènent à la RATIO - doctrine épicurienne, mais aussi le moyen intellectuel utilisé pour l'appréhender: la raison, l'intelligence (corroborée par le verbe DOCEO à la première personne à la césure hephthémimère du v. 924) et, très subtilement, ici, le moyen poétique: v. 941... Cette RATIO est ainsi martelée, par des moyens rhétoriques, ce qui montre, vu les réitérations que le but poursuivi n'est pas obligatoirement atteint... Ce qui amène au problème posé par ce texte: pourquoi s'être ainsi étendu? En fait, Lucrèce doit justifier l'injustifiable aux yeux d'un épicurien orthodoxe:

1) car il (dé)montre, il proclame même sa passion poétique qui se marque par des images qui relèvent de la mythologie, donc, à ses propres yeux, de la RELIGIO: Le terme THYRSO (césure penthémimère du v. 916) nous renvoie à Dionysos, donc à la figure mythique classique de l'inspiration débordante. Lucrèce se réclame des Muses - avec donc un mélange entre les figures de l'inspiration dionysiaque et apollinienne qui déconcerterait Nietzsche mais montre bien que ces évocations ne sont que symboliques: MUSARUM, début du v. 918, PIERIDUM à la césure penthémimère du v. 919, l'image classique de la source: FONTES en fin de v. 920, du poète couronné (cf. Apollon) en fin de vers 921, MUSAE en fin de v. suivant, avec le résultat attendu: CARMINA en début de v. 927, juste à la césure trihémimère, en présence de l'adjectif MUSAEO. Cette structure sera reprise quasi mot pour mot au début du v. 940, avec, à nouveau, MUSAEO au v. 941, et pour finir ce relevé lexical: VERSIBUS en 942. La fusion entre la mythologie et la poésie est ainsi clairement affirmée. C'est un déni du refus de la RELIGIO, c'est aussi pratiquer un plaisir ni naturel ni nécessaire.

2) En fait, par rapport à la doctrine stricte d'Epicure qui affirme qu'il faut se contenter de satisfaire ses plaisirs naturels et nécessaires, Lucrèce semble ici bien loin. Quel besoin de soigner autrui, à son corps défendant? certes, l'épicurisme prône l'amitié, mais, ici, il s'agit de traiter des malades car ils ne sont pas de la secte... Nous avons donc un épicurisme humaniste... De plus, Epicure lui-même se contentait d'un cénacle choisi, avec regret peut-être, mais évidemment par réalisme. La volonté de conversion de Lucrèce nous éloigne de ces petits groupes de philosophes, même si Memmius fait partie de la haute société, puisque nous-mêmes nous sentons concernés!