texte

traduction

mot à mot

mot à mot commenté

commentaire

texte

AENEADUM GENETRIX, HOMINUM DIVUMQUE VOLUPTAS,

ALMA VENUS, CAELI SUBTER LABENTIA SIGNA

QUAE MARE NAVIGERUM, QUAE TERRAS FRUGIFERENTIS

CONCELEBRAS, PER TE QUONIAM GENUS OMNE ANIMANTUM

CONCIPITUR VISITQUE EXORTUM LUMINA SOLIS:                             5

TE, DEA, TE FUGIUNT VENTI, TE NUBILA CAELI

ADVENTUMQUE TUUM, TIBI SUAVIS DAEDALA TELLUS

SUMMITTIT FLORES, TIBI RIDENT AEQUORA PONTI,

PLACATUMQUE NITET DIFFUSO LUMINE CAELUM.

NAM SIMUL AC SPECIES PATEFACTAST VERNA DIEI,                     10

ET RESERATA VIGET GENITABILIS AURA FAVONI,

AERIAE PRIMUM VOLUCRES TE, DIVA, TUUMQUE

SIGNIFICANT INITUM PERCULSAE CORDA TUA VI.

INDE FERAE, PECUDES PERSULTANT PABULA LAETA

ET RAPIDOS TRANANT AMNIS : ITA CAPTA LEPORE                       15

TE SEQUITUR CUPIDE QUO QUAMQUE INDUCERE PERGIS.

DENIQUE PER MARIA AC MONTIS FLUVIOSQUE RAPACIS

FRONDIFERASQUE DOMOS AVIUM CAMPOSQUE VIRENTIS,

OMNIBUS INCUTIENS BLANDUM PER PECTORA AMOREM,

EFFICIS UT CUPIDE GENERATIM SAECLA PROPAGENT.                  20

QUAE QUONIAM RERUM NATURAM SOLA GUBERNAS,

NEC SINE TE QUICQUAM DIAS IN LUMINIS ORAS

EXORITUR, NEQUE FIT LAETUM NEQUE AMABILE QUICQUAM,

TE SOCIAM STUDEO SCRIBENDIS VERSIBUS ESSE

QUOS EGO DE RERUM NATURA PANGERE CONOR                          25

MEMMIADAE NOSTRO, QUEM TU, DEA, TEMPORE IN OMNI

OMNIBUS ORNATUM VOLUISTI EXCELLERE REBUS.

QUO MAGIS AETERNUM DA DICTIS, DIVA, LEPOREM.

EFFICE UT INTEREA FERA MOENERA MILITIAI

PER MARIA AC TERRAS OMNIS SOPITA QUIESCANT.                       30

NAM TU SOLA POTES TRANQUILLA PACE JUVARE

MORTALIS, QUONIAM BELLI FERA MOENERA MAVORS

ARMIPOTENS REGIT, IN GREMIUM QUI SAEPE TUUM SE

REJICIT AETERNO DEVICTUS VULNERE AMORIS,

ATQUE ITA SUSPICIENS TERETI C ERVICE REPOSTA                       35

PASCIT AMORE AVIDOS INHIANS IN TE, DEA, VISUS,

EQUE TUO PENDET RESUPINI SPIRITUS ORE.

HUNC TU, DIVA, TUO RECUBANTEM CORPORE SANCTO

CIRCUMFUSA SUPER, SUAVIS EX ORE LOQUELLAS

FUNDE PETENS PLACIDAM ROMANIS, INCLUTA, PACEM.                40

NAM NEQUE NOS AGERE HOC PATRIAI TEMPORE INIQUO

POSSUMUS AEQUO ANIMO, NEC MEMMI CLARA PROPAGO

TALIBUS IN REBUS COMMUNI DESSE SALUTI.

traduction (Nisard, XIXème)

[1,1] Mère des Romains, charme des dieux et des hommes, bienfaisante Vénus, c'est toi qui, fécondant ce monde placé sous les astres errants du ciel, peuples la mer chargée de navires, et la terre revêtue de moissons; c'est par toi que tous les êtres sont conçus, et ouvrent leurs yeux naissants à la lumière. Quand tu parais, ô déesse, le vent tombe, les nuages se dissipent; la terre déploie sous tes pas ses riches tapis de fleurs; la surface des ondes te sourit, et les cieux apaisés versent un torrent de lumière resplendissante.
[1,10] Dès que les jours nous offrent le doux aspect du printemps, dès que le zéphyr captif recouvre son haleine féconde, le chant des oiseaux que tes feux agitent annonce d'abord ta présence, puis, les troupeaux enflammés bondissent dans les gras pâturages et traversent les fleuves rapides tant les êtres vivants, épris de tes charmes et saisis de ton attrait, aiment à te suivre partout où tu les entraînes! Enfin, dans les mers, sur les montagnes, au fond des torrents, et dans les demeures touffues des oiseaux, et dans les vertes campagnes,
[1,20] ta douce flamme pénètre tous les cœurs, et fait que toutes les races brûlent de se perpétuer. Ainsi donc, puisque toi seule gouvernes la nature, puisque, sans toi rien ne jaillit au séjour de la lumière, rien n'est beau ni aimable, sois la compagne de mes veilles, et dicte-moi ce poème que je tente sur la Nature, pour instruire notre cher Memmius. Tu as voulu que, paré de mille dons, il brillât toujours en toutes choses: aussi, déesse, faut-il couronner mes vers de grâces immortelles.
[1,30] Fais cependant que les fureurs de la guerre s'assoupissent, et laissent en repos la terre et l'onde. Toi seule peux rendre les mortels aux doux loisirs de la paix, puisque Mars gouverne les batailles, et que souvent, las de son farouche ministère, il se rejette dans tes bras, et là, vaincu par la blessure d'un éternel amour, il te contemple, la tête renversée sur ton sein; son regard, attaché sur ton visage, se repaît avidement de tes charmes; et son âme demeure suspendue à tes lèvres. Alors, ô déesse, quand il repose sur tes membres sacrés,
[1,40] et que, penchée sur lui, tu l'enveloppes de tes caresses, laisse tomber à son oreille quelques douces paroles, et demande-lui pour les Romains une paix tranquille. Car le malheureux état de la patrie nous ôte le calme que demande ce travail; et, dans ces tristes affaires, l'illustre sang des Memmius se doit au salut de l'État.

Traduction mot à mot

GENETRIX AENEADUM mère des descendants d'Enée, VOLUPTAS HOMINUM DIVUMQUE, plaisir des hommes et des dieux, VENUS ALMA Vénus nourricière QUAE SUBTER SIGNA LABENTIA CAELI qui, sous les signes glissants du ciel, CONCELEBRAS MARE NAVIGERUM peuples la mer porteuse de navires (QUAE) TERRAS FRUGIFERENTES ainsi que les terres porteuses de fruits QUONIAM PER TE OMNE GENUS ANIMANTUM CONCIPITUR puisque, grâce à toi, tout le genre des êtres animés est conçu QUE EXORTUM VISIT LUMINA SOLIS et que, arrivé au jour, il cherche à voir les lumières du soleil. TE, DEA, VENTI TE FUGIUNT Toi, déesse, toi, les vents te fuient, NUBILA CAELI TE (FUGIUNT) QUE ADVENTUM TUUM les nuages du ciel te fuient ainsi que ton arrivée, TELLUS DAEDALA SUMMITTIT la terre industrieuse produit TIBI SUAVES FLORES pour toi les douces fleurs, AEQUORA PONTI TIBI RIDENT les plaines de la mer te sourient QUE CAELUM PLACATUM NITET LUMINE DIFFUSO et le ciel apaisé brille à cause de la lumière répandue.

10: NAM SIMUL AC SPECIES VERNA DIEI PATEFACTAST En effet, dès que l'aspect printanier du jour est rendu évident ET AURA RESERATA FAVONI GENITABILIS VIGET et que le souffle ouvert du Zéphyr fécondant est vigoureux, PRIMUM VOLUCRES AERIAE d'abord les oiseaux aériens, DIVA, TE SIGNIFICANT QUE TUUM INITUM, déesse, t'annoncent ainsi que ton approche, PERCULSAE CORDA TUA VI frappés quant au coeur par ta puissance. INDE FERAE, PECUDES De là, les bêtes fauves, les animaux domestiques PERSULTANT LAETA PABULA sautent à travers les gras pâturages ET TRANANT AMNES RAPIDOS et traversent à la nage les fleuves rapides: ITA CAPTA LEPORE Ainsi, saisie par ta grâce, chacune TE SEQUITUR CUPIDE te suit avec désir QUO PERGIS QUAMQUE INDUCERE où tu t'empresses de la conduire. DENIQUE PER MARIA AC MONTES QUE FLUVIOS RAPACES Finalement, de par les mers, les montagnes, les cours d'eau qui emportent tout, QUE DOMOS FRONDIFERAS AVIUM, les maisons porteuses de feuillage des oiseaux CAMPOS VIRENTES et les champs verdoyants, INCUTIENS OMNIBUS PER PECTORA inspirant en tous en leur coeur AMOREM BLANDUM un amour séduisant, EFFICIS UT CUPIDE tu fais en sorte que, par désir, GENERATIM PROPAGENT SAECULA espèce par espèce, ils perpétuent leur génération.  QUAE QUONIAM GUBERNAS SOLA NATURAM RERUM Donc, puisque tu diriges seule la nature NEC SINE TE QUICQUAM EXORITUR et que sans toi rien ne naît IN ORAS DIAS LUMINIS pour arriver aux rivages éclairés de la lumière NEQUE QUICQUAM LAETUM NEQUE AMABILE FIT ni que quoi que ce soit de joyeux ni d'aimable ne se produit STUDEO TE ESSE SOCIAM SCRIBENDIS VERSIBUS je désire que tu sois mon alliée dans la rédaction de mes vers QUOS EGO CONOR PANGERE DE NATURA RERUM que, moi, je cherche à composer sur la nature NOSTRO MEMMIADAE QUEM TU, DEA pour notre descendant de Memmius dont toi, déesse, VOLUISTI EXCELLERE ORNATUM OMNIBUS REBUS IN OMNI TEMPORE tu as voulu qu'il excelle comme parure en toutes choses en tout temps.

v. 28: QUO MAGIS DA, DIVA, Donc, d'autant plus, donne, déesse, DICTIS LEPOREM AETERNUM à mes paroles un charme éternel. EFFICE UT INTEREA Fais en sorte que, pendant ce temps, FERA MOENERA MILITIAI, SOPITA, les féroces responsabilités de la guerre apaisées QUIESCANT PER MARIA AC TERRAS OMNES se reposent à travers les mers et toutes les terres.

v. 31: NAM, TU SOLA POTES JUVARE En effet, toi seule, tu peux réjouir MORTALES PACE TRANQUILLA les mortels d'une paix tranquille QUONIAM MAVORS ARMIPOTENS REGIT puisque Mars puissant par les armes dirige FERA MOENERA BELLI les féroces responsabilités de la guerre QUI SAEPE SE REJICIT qui, souvent «se rejette» IN TUUM GREMIUM à l'intérieur de ton «giron» DEVICTUS AETERNO VULNERE AMORIS vaincu par l'éternelle blessure de l'amour., ATQUE RESPICIENS ITA CERVICE REPOSTA TERETI et regardant ainsi par dessous, sa tête bien faite étant posée, PASCIT VISUS AVIDOS INHIANS IN TE, DEA, AMORE, il repaît ses yeux avides en ayant la bouche ouverte vers toi, déesse, par/avec amour, QUE SPIRITUS RESUPINI PENDET E TUO ORE et le souffle de celui couché sur le dos est suspendu à ta bouche. TU, DIVA, CIRCUMFUSA TUO CORPORE SANCTO SUPER HUNC RECUBANTEM Toi, déesse, l'enlaçant par-dessus de ton corps sacré alors qu'il est allongé, FUNDE EX ORE SUAVES LOQUELLAS répands de ta bouche de douces paroles, PETENS ROMANIS, INCLUTA, PACEM PLACIDAM demandant pour les romains, ô glorieuse, une paix reposante . NAM NOS NEQUE (balancement NEQUE... NEQUE) POSSUMUS En effet, nous, nous ne pouvons pas AGERE HOC ANIMO AEQUO TEMPORE PATRIAI INIQUO faire ce travail avec un esprit favorable en un temps de la patrie défavorable NEC PROPAGO CLARA MEMMI ni la descendance illustre de Memmius DESSE IN TALIBUS REBUS SALTI COMMUNI manquer en de telles circonstances au salut commun.

Traduction mot à mot commentée

GENETRIX AENEADUM mère des descendants d'Enée (i.e. les romains), VOLUPTAS HOMINUM DIVUMQUE (R: gén. archaïque), plaisir des hommes et des dieux (La VOLUPTAS est ce que recherche l'homme, la douleur et l'angoisse étant ce qu'il fuit), VENUS ALMA Vénus nourricière (l'Université est ainsi l'ALMA MATER de l'intelligence, le latin!) QUAE SUBTER SIGNA LABENTIA CAELI qui, sous les signes glissants/errants du ciel (LABOR déponent - cf. LAPSUS LINGUAE - avec une idée de chute qui rappelle la crainte des romains vis-à-vis des phénomènes célestes), CONCELEBRAS MARE NAVIGERUM peuples la mer porteuse de navires (QUAE) TERRAS FRUGIFERENTES ainsi que les terres porteuses de fruits/fertiles QUONIAM PER TE OMNE GENUS ANIMANTUM CONCIPITUR puisque, grâce à toi tout le genre des êtres animés est conçu QUE EXORTUM VISIT LUMINA SOLIS et que, arrivé au jour (né), il cherche à voir les lumières du soleil. TE, DEA, VENTI TE FUGIUNT Toi, déesse, toi, les vents te fuient, NUBILA CAELI TE (FUGIUNT) QUE ADVENTUM TUUM les nuages du ciel te fuient ainsi que ton arrivée, TELLUS DAEDALA SUMMITTIT la terre industrieuse produit (envoyer de dessous) TIBI SUAVES FLORES pour toi les douces fleurs, AEQUORA PONTI TIBI RIDENT les plaines de la mer te sourient (R: cf. le Pont Euxin, par euphémisme - accueillante aux étrangers: en grec, eu=bon, xin, cf. xénophobe - pour la Mer Noire; en latin, le PONTIFEX MAXIMUS, même s'il est chargé du PONS SUBLICIUS à tenons de bois, sans aucun clou, cf. HORATIUS COCLES) est en fait chargé du lien - ce que fait la mer chez les grecs! - entre les Dieux et les hommes) QUE CAELUM PLACATUM NITET LUMINE DIFFUSO et le ciel apaisé brille à cause de la lumière (qui a été) répandue.

10: NAM SIMUL AC SPECIES VERNA DIEI PATEFACTAST En effet, dès que l'aspect printanier du jour est rendu évident (dès que le jour a un aspect printanier évident, le parfait a ici son sens d'un résultat) ET AURA RESERATA FAVONI GENITABILIS VIGET et que le souffle ouvert (=maintenant libéré) du Zéphyr fécondant est vigoureux, PRIMUM VOLUCRES AERIAE d'abord les oiseaux aériens, DIVA, TE SIGNIFICANT QUE TUUM INITUM, déesse, (t')annoncent (ainsi que) ton approche, PERCULSAE CORDA TUA VI frappés quant au coeur (R: acc. de relation, au pluriel car il y a plusieurs coeurs, vu le nombre des oiseaux; le français, lui, est distributif, donc, sg: un coeur pour chacun!) par ta puissance. INDE FERAE, PECUDES De là, les bêtes fauves, les animaux domestiques PERSULTANT LAETA PABULA sautent (sans jeu de mot! cf. les prêtres saliens) à travers les gras pâturages (R: est préfixe du verbe; LAETUS: cf. faire chère lie: au départ, faire une tête joyeuse - cf. liesse, donc faire un bon repas) ET TRANANT AMNES RAPIDOS et traversent à la nage les fleuves rapides: ITA CAPTA LEPORE Ainsi, saisie par ta grâce, chacune (tiré de QUAMQUE que nous traduirons par l'anaphore «la») TE SEQUITUR CUPIDE te suit avec désir QUO PERGIS QUAMQUE INDUCERE (là) où tu t'empresses de la conduire (cf. l'induction # déduction!). DENIQUE PER MARIA AC MONTES QUE FLUVIOS RAPACES Finalement, de par les mers, les montagnes, les cours d'eau qui emportent tout, QUE DOMOS FRONDIFERAS AVIUM, les maisons porteuses de feuillage des oiseaux CAMPOS VIRENTES et les champs verdoyants, INCUTIENS OMNIBUS PER PECTORA inspirant (+datif possible avec un verbe composé) en tous (à travers) en leur coeur AMOREM BLANDUM un amour séduisant, EFFICIS UT CUPIDE tu fais en sorte que, par désir, GENERATIM PROPAGENT SAECULA espèce par espèce (distributif), ils perpétuent leur génération (<siècle) QUAE QUONIAM GUBERNAS SOLA NATURAM RERUM Donc, puisque toi (< EA < rel. de liaison) diriges seule la nature NEC SINE TE QUICQUAM EXORITUR et que sans toi rien (semi-négatif) ne naît IN ORAS DIAS LUMINIS (pour arriver) aux rivages éclairés de la lumière NEQUE QUICQUAM LAETUM NEQUE AMABILE FIT ni que quoi que ce soit de joyeux ni d'aimable ne se produit STUDEO TE ESSE SOCIAM SCRIBENDIS VERSIBUS je désire que tu sois mon alliée dans la rédaction de mes vers(R: adj. verbal: en écrivant mes vers; N.B.: STUDIUM, le zèle, voire la passion, a donné le mot... «étude». Tu me rétorqueras que le travail vient d'un instrument de torture, je te répliquerai que l'étymologie du mot école est à méditer: SCOLH, le loisir) QUOS EGO CONOR PANGERE DE NATURA RERUM que, moi, je cherche à composer (établir solidement, fixer) sur la nature NOSTRO MEMMIADAE QUEM TU, DEA pour notre descendant de Memmius (cf. Enéade du début!) dont toi, déesse, VOLUISTI EXCELLERE ORNATUM OMNIBUS REBUS IN OMNI TEMPORE tu as voulu qu'il excelle comme parure (ou orné par tes soins? Nom ou adjectif/participe passé?) en toutes choses en tout temps.

v. 28: QUO MAGIS DA, DIVA, Donc, d'autant plus (QUO=IGITUR + EO - la cause a été exposée avant), donne, déesse, DICTIS LEPOREM AETERNUM à mes paroles (R: P.P.P. de DICO au neutre pluriel substantivé, cf. français: dicton, directement tiré du neutre latin, comme: rogaton = brimborion, broutilles, issu des reliques que l'on transportait en demandant (ROGARE, dé-rogation) au Saint de l'aide) un charme éternel. EFFICE UT INTEREA Fais en sorte que, pendant ce temps, FERA MOENERA MILITIAI, SOPITA, les féroces charges/responsabilités de la guerre (<métier militaire, cf. les deux locatifs: DOMI MILITIAEQUE en temps de paix et de guerre), apaisées (SOPIO, cf. sopori-fique) QUIESCANT PER MARIA AC TERRAS OMNES se reposent à travers les mers et toutes les terres.

v. 31: NAM, TU SOLA POTES JUVARE En effet, toi seule, tu peux réjouir MORTALES PACE TRANQUILLA les mortels d'une paix tranquille (=la tranquillité de la paix) QUONIAM MAVORS ARMIPOTENS REGIT puisque Mars puissant par les armes dirige FERA MOENERA BELLI les féroces responsabilités de la guerre (le MUNUS est en fait une charge qui honore celui à qui elle échoit, mais qui est aussi une lourde responsabilité) QUI SAEPE SE REJICIT (admirons le rejet, évocateur par le mouvement qu'il implique, de l'acte sexuel, puisqu'il s'agit bien ici de l'évoquer, même si c'est à mots... couverts! Notons que d'aucuns supposent plus platement que Mars a la tête sur les genoux de Vénus) qui, souvent «se rejette» (ou se réfugie pour reprendre l'interprétation pudibonde) IN TUUM GREMIUM à l'intérieur de ton «giron» (pour rester fidèle à la pudeur des traducteurs du passé qui ne voulaient pas choquer de chastes oreilles ni insuffler de mauvaises pensées à des âmes pures (?). Lucrèce joue ici sur l'ambiguïté: certes, Mars quitte le combat: RE-JICIT pour rejoindre (IN+ACC) l'objet de son désir de mâle, mais ce mouvement en aller retour n'est pas sans évoquer le coït lui-même -ATTENTION: à manipuler avec précaution au bac: certains correcteurs sont complexés) DEVICTUS AETERNO VULNERE AMORIS vaincu par l'éternelle blessure de l'amour., ATQUE RESPICIENS ITA CERVICE REPOSTA TERETI et regardant ainsi par dessous, sa tête bien faite (arrondie, bien proportionnée) étant posée, PASCIT VISUS AVIDOS INHIANS IN TE, DEA, AMORE, il repaît ses yeux avides en ayant la bouche ouverte vers toi, déesse, par/avec amour, QUE SPIRITUS RESUPINI PENDET E TUO ORE et le souffle de (ce)lui couché sur le dos est suspendu à ta bouche (nous ne te ferons pas l'injure de t'expliquer la position). TU, DIVA, CIRCUMFUSA TUO CORPORE SANCTO SUPER HUNC RECUBANTEM Toi, déesse, (répandue par ton corps sacrée au-dessus de+acc) l'enlaçant par-dessus de ton corps sacré [remarquons que si la tête de Mars est simplement sur les genoux de Vénus, celle-ci aurait tout de la femme-serpent et défierait le khamasoutra!] (lui) alors qu'il est allongé, FUNDE EX ORE SUAVES LOQUELLAS répands de ta bouche de douces paroles, PETENS ROMANIS, INCLUTA, PACEM PLACIDAM demandant pour les romains, (ô) glorieuse, une paix reposante (=le repos de la paix). NAM NOS NEQUE (balancement NEQUE... NEQUE) POSSUMUS En effet, nous, nous ne pouvons pas AGERE HOC ANIMO AEQUO TEMPORE PATRIAI INIQUO faire ce (travail) avec un esprit favorable en un temps de la patrie défavorable NEC PROPAGO CLARA MEMMI ni la descendance illustre de Memmius DESSE IN TALIBUS REBUS SALTI COMMUNI manquer en de telles circonstances au salut commun.

Commentaire

Ce texte présente trois aspects qui ont retenu notre attention: il s'agit d'une, où le côté didactique propre à cette épopée de la Nature (avec une héroïne ici, Vénus) transparaît par l'. Notons aussi que la par la reproduction - où nous retrouverions un Lucrèce mythique, pessimiste - est (III).

1) une présentation passionnée qui ne manque pas de souffle:

D'emblée, les 3 apostrophes marquent le ton, avec la résonance profonde des génitifs en -UM au v. 1. en extension: les romains (AENEADUM), puis les hommes et pour finir les Dieux: Moins orgueilleux que Virgile dans son Enéide: ARMA VIRUMQUE CANO TROIAE QUI PRIMUS AB ORIS, Lucrèce est curieusement plus direct dans son apostrophe à la, ici, Divinité qu'Homère avec sa muse (MHNIN AEIDE QEA) et il ne passera à lui-même, pris qu'il est par le souffle même de l'influx vital que représente  Vénus, qu'au vers 24: TE SOCIAM STUDEO SCRIBENDIS VERSIBUS ESSE. La dernière apostrophe est la plus déconcertante: Vénus est la source des descendants d'Enée (clin d'oeil historico-politique), elle est à coup sûr le plaisir des hommes (en premier!) et des dieux (en second! ce qui est révélateur), mais on ne la comprend pas traditionnellement comme nourricière, alors que c'est ce que proclame hautement ALMA en début de vers 2; de fait elle nourrit la vie et ses activités: 

En fait, à reprendre au v. 2, tout (cf. les évocations du «tout» dans ce passage!) l'univers est concerné: le ciel, par le truchement d'un complément de lieu lui-même à l'accusatif, celui du mouvement, puis MARE en parallélisme avec TERRAS (passage au pl.), avec l'anaphore des deux relatifs en un vers fortement balancé avec ses deux dactyles, sa césure penthémimère correspondant à une pause phono-sémantique, puis ses deux spondées; il s'agit bien de vie: ANIMANTUM en fin de v. 4 dont Vénus est le vecteur: PER TE à la penthémimère, et Vénus englobe tout: OMNE dont le E s'élide sur l'initiale du mot suivant, comme pour mieux souligner sa souveraineté. Caractéristique de l'épicurisme, la vie se traduit par le désir: VISIT. Nous rencontrons pour la première fois l'image de la naissance chère à Lucrèce: EXORTUM avec LUMINA SOLIS. Jaillit ensuite l'allitération en dentales et monosyllabes secs du v. 6, les deux fricatives [f,v] étant très illustratives, avec l'asyndète entre VENTI et NUBILA CAELI; ADVENTUM TUUM souligne bien que Vénus n'est pas là en tant que mythe, mais comme prête-nom à la force vitale, ce qui permet au poète de l'interpeller à plusieurs reprises: TIBI deux fois en milieu des vers 8 - 9, 12, 13 avec TUA VI en fin de vers, TE en début de v. 16, EFFICIS au début de 20; la preuve par l'absurde (un seul être vous manque etc.): SINE TE à la trihémimère du v. 22, TE en début de 24, avec l'humble EGO, disjoint de l'effort intellecutel de composition et d'écriture: CONOR en fin de vers, puis ce qui fait l'accord des deux: NOSTRO, 26, avec la reprise: TU, DEA; en 28, la volonté rhétorique est encore patente, avec l'allitération en dentale: DA DICTIS, DEA: EFFICE en redite au début du v. 29, à l'impératif; puis mise en exergue: TU SOLA (31), avec la présence physique: GREMIUM TUM (33): la déesse dans ses oeuvres; avec le IN TE, DEA (36), et TUO ORE en forte disjonction au v. 37; derechef: TU, DIVA, TUO... CORPORE SANCTO (car l'acte d'amour est aussi pour les romains un acte religieux: il n'a rien de pervers, et c'est notre société post-judéo-chrétienne qui jouit de la transgression d'interdits qui, pour les romains, n'avaient aucune réalité, cf. les VERNAE, esclaves pouvant être nés du maître et d'une esclave, à la maison ). Il achève son discours sur: INCLUTA, pour passer ensuite et pour finir à un NOS de modestie, qui n'est plus le NOSTRO du v. 26; entre-temps, Lucrèce de dérouler les volutes de ses périodes

2) la passion n'empêche pas la maîtrise de la démarche, le texte est bien agencé: les trois apostrophes du début évoquent les trois thèmes entrelacés dans ce passage: GENETRIX aura pour écho: GENUS (4), GENITABILIS ( 11), GENERATIM (20); ALMA renvoie à la naissance cf. EXORTUM (5), PROPAGENT (20), EXORITUR et FIT (23), VOLUPTAS annonce SUAVES FLORES (7-8), RIDENT (8), CUPIDE (16 et 20), BLANDUM AMOREM (19), puis tout le passage sensuel, voire sexuel entre Mars et Vénus (Aphrodite en Grec, peut-être la racine du mois d'Avril, juste après le mois de.. Mars!). De fait, ce texte s'adresse aussi à notre intelligence, non sans force, avec les articulations logiques: NAM, ET, plus loin, en survolant l'ensemble de ce passage: INDE (v. 14), ITA, v. 15, DENIQUE, v. 17, les deux relatifs de liaison: QUAE qui entame la longue période du v. 21 au v. 27 et QUO au v. 28, le balancement NEQUE LAETUM NEQUE AMABILE du v. 23, NAM, v. 31, ATQUE ITA, v. 35, une asyndète: HUNC, v. 38 (cf. v. 29), pour finir par un NAM, v. 41 avec le balancement NEQUE, v. 41, NEC, v. 42. Notre réflexion est mise à contribution comme l'atteste l'utilisation d'une subordination bien ancrée avec la temporelle SIMUL AC et son corrélatif PRIMUM. Y participent la forte asyndète: FERAE, PECUDES, l'accumulation en énumération des v. 17-18 truffés de syndèses, la constatation objective et comme indubitable: EFFICIS UT (V. 20) - repris, avec un impératif brutal en début de vers, car il s'agit aussi d'une prière en injonction, par le EFFICE UT du v. 29. Contribuent aussi à cet appel à notre intellect les participes en apposition, comme en grec: INCUTIENS (v. 19). Tout ceci est le résultat du travail du poète (SCRIBENDIS VERSIBUS en 24), le verbe CONOR en fin de 25. Au v. 28, le résultat au parfait est là: DICTIS. Le AGERE HOC rappelle à la fin, sans forcer le trait, ce qu'est en train de réaliser Lucrèce, non sans difficulté, comme semblent le marquer les 3 premiers dactyles du v. 41 avec la pause penthémimère après HOC, le spondée archaïque AI, et les deux élisions R(E) HOC et R(E) INIQUO. Sans la paix, l'intelligence la plus brillante est inefficace, comme le soulignent la lourdeur des spondées du v. 43 spondaïque et la structure NEQUE.. NEC! (Remarque: Ici, si besoin est, replace l'effet des coupes et du rythme des vers, cf. nos scansions, dans notre présentation de l'hexamètre - auquel tu as dû te confronter avant d'étudier ce texte!)

3) Car ne sourd-il pas de ce texte, paradoxalement, une subtile inquiétude, avec des évocations successives finalement en oxymores? Après un début roboratif (v.1 - v. 4) apaisant, malgré le LABENTIA, première évocation des difficultés: VENTI, NUBILA (notons qu'ils sont présentés ici comme des phénomènes purement météorologiques et non comme les instruments de dieux, voire de Dieu). Si les AEQUORA PONTI RIDENT maintenant, cela n'a donc pas été toujours le cas.

[les romains et la mer: cf. Platon dont la position est commune pendant l'antiquité: il y a trois sortes d'êtres: les vivants, les morts et les marins qui sont entre les deux. Les romains ne sont pas des navigateurs, même s'ils sont friands de poissons et de la sauce qu'ils en tirent (le GARUM): la Méditerranée (pourtant MARE NOSTRUM!), avec ses tempêtes soudaines qui habituent à tirer les navires au sec pour la nuit, s'y prête mal. Ils transforment les batailles navales en combat terrestre grâce à l'invention du corbeau. Certes, Pompée débarrasse la Méditerranée des pirates qui l'infestent mais ce n'est que pour un temps. En fait, comme les grecs, et les phéniciens, les marins avancent par sauts de puce, en cabotant - étape de 25 à 30 km. Garde à l'esprit l'exclamation bien connue de Virgile, dans ses Géorgiques (2,v. 459): O FORTUNATOS NIMIUM, SUA SI BONA NORINT, AGRICOLAS: trop heureux les paysans s'ils connaissent leur bonheur; Cicéron, pris par le mal de mer, préfère débarquer... et se faire tuer par les sbires d'Antoine!]

Le parfait PLACATUM corrobore cette angoisse latente, avec CAELUM pour la troisième fois en ce début de texte: Lucrèce cherche d'emblée à le désacraliser. RESERATA joue le même rôle. Après une deuxième effusion apaisante (v. 12 - 16), le RAPACES éclate à la fin de l'hexamètre avec les 3 sifflantes [s]. Le passage 22 à 28 est très positif, même si nous pouvons noter la présentation en double négation: NEC SINE, et la répétition du semi-négatif QUICQUAM dont l'un à la fin du v. 23: en fait, la prééminence de Vénus - ou plutôt de la vie - est ainsi proclamée. Le v. 29 tombe comme une chape de plomb, avec son articulation syntaxique lourde: EFFICE UT. Les 5 dactyles s'achèvent sur le spondée -AI. Le terme SOLA est ambigu, et le MORTALES en rejet rappelle notre passagère condition. Le v. 33 reprend en écho cette obsession de la guerre qui rôde, guerre d'autant plus inquiétante qu'elle est civile: Lucrèce, né en -98, est mort en -55 et a donc connu la tentative de coup d'Etat de Catilina, le premier triumvirat de César, Pompée et Crassus. Un espoir tout de même: ARMIPOTENS, au début du v. 33 est contrebalancé par la métaphore guerrière, en une sorte d'oxymore - mais l'image, depuis les alexandrins, est devenue banale: VULNERE AMORIS. Le passage s'apaise sur une scène d'amour où c'est à un bonheur partagé - le mâle se mêle à sa partenaire, physiquement et psychologiquement, en communion - que nous convie Lucrèce (ou à l'apaisement après l'amour? Au rebours de l'adage: POST COITUM ANIMAL TRISTE EST? (à garder pour soi...)). En fait, subtilement, il évoque les problèmes qui ne dépendent pas de nous - les tempêtes, les inondations, la guerre - pour que nous jouissions mieux de l'instant présent: CARPE DIEM, comme le dit Horace. Cette évocation, réitérée certes - pensons au PETENS final du v. 40, avec l'allitération en gutturales [k] et labiale [p/m] du vers, nuancées par les liquides [r/l] - , mais très ponctuelle, de ce qui nous menace en tant qu'homme ne sert qu'à donner du relief à la jouissance à laquelle il nous invite ainsi. Il serait artificiel de rechercher ici trace de la mélancolie dépressive dont une certaine tradition affecte notre poète. Certes, il semble conclure, avec les deux AEQUUS, l'un négatif pour l'état de la patrie, l'autre en fait aussi avec le NEQUE POSSUMUS, qu'il ne sera dans un état psychologique propre à la création poétique que quand les troubles auront cessé, comme il ne trouvera en Memmius un lecteur attentif que si ce dernier n'est pas appelé IN TALIBUS REBUS à sauver la patrie. N'allons surtout pas y voir de la (fausse?) modestie, l'oeuvre étant créée: un tel sentiment n'effleure pas Lucrèce qui clame haut et fort son originalité, cf. v. I, 916 - 919. En fait, la réalisation justement du DE RERUM NATURA montre qu'en ce qui concerne Lucrèce, Vénus (? L'inspiration, plutôt) a été efficace: malgré les problèmes extérieurs, en bon épicurien, il a atteint une ataraxie suffisante pour son projet (même si ce dernier, par le travail qu'il demande, non naturel - et nécessaire? - ne peut être dans le droit fil de l'épicurisme ascétique le plus pur).

La notion de plaisir, et plus précisément du plaisir sexuel (ce qui n'est pas une obsession d'Epicure; nous savons la leçon qu'en tirera le cynique Diogène, quand il se caressait comme un chien, donc cynique, en public!) affleure en permanence dans le texte: VOLUPTAS en début de 1, début de 5: CONCIPITUR, VISIT. 7: SUAVES FLORES en forte disjonction; 11: GENITABILIS; PERCULSAE CORDA TUA VI en 13; 15: CAPTA LEPORE, avec l'influx vénérien: PERGIS INDUCERE, terme technique précis cf. CUPIDE, le tout au v. 16; 21: BLANDUM PER PECTORA AMOREM, etc.