Longus, Daphnis et Chloé,

                                   À l'école de la nature : Jeux de printemps

 

Ἦν ἀρχὴ ἦρος

C’était le début du printemps

καὶ πάντα ἄνθη ἤκμαζεν

et toutes les fleurs de s’épanouir (imparfait traduit par un infinitif de narration en français)

τὰ ἐν δρυμοῖς,

ici dans les chênaies,

τὰ ἐν λειμῶσι

là dans les prés (balancement en répartition pour illustrer le parallélisme)

καὶ ὅσα ὄρεια.

ailleurs sur les collines (rupture, comme en grec, vu la variation, et du déterminant et de l’expansion, avant prépositionnelle, maintenant adjectivale)

Ἦν ἤδη βόμβος μελιττῶν

Il y avait déjà le bourdonnement des abeilles (deuxième présentatif en français, pour garder tant que faire se peut sans lourdeur Ἦν répété en grec

ἦχος ὀρνίθων μουσικῶν

l’écho musical des oiseaux (par zeugma) 

σκιρτήματα ποιμνίων ἀρτιγεννήτων·

les bonds des chevreaux à peine nés (« chevreaux » est réducteur, mais bénéficie d’une aura poétique dont sont dénués soit ovins soit bêtes)

ἄρνες ἐσκίρτων ἐν τοῖς ὄρεσιν,

les agneaux bondissaient dans les collines,

ἐβόμβουν ἐν τοῖς λειμῶσιν αἱ μέλιτται,

bourdonnaient dans les prés les abeilles

ὄρνιθες κατῇδον τὰς λόχμας.

les oiseaux enchantaient les fourrés (plutôt que buissons).

Τοσαύτης δὴ εὐωρίας κατεχούσης πάντα

Une telle plénitude (< « beau temps possédant tout » au génitif absolu; notre construction, fort laconique, correspond à l’hapax –mot attesté une seule fois - de Longus),

οἱ  ἁπαλοὶ καὶ νέοι

les tendres et jeunes > dans leur délicatesse naïve

ἐγίνοντο μιμηταὶ

Ils devenaient imitateurs> ils imitaient

τῶν ἀκουομένων καὶ βλεπομένων ·

des choses entendues et vues >  ce qu’ils entendaient et voyaient – le français préfère la tournure généralisatrice moins concrète et l’actif) ;

ἀκούοντες μὲν τῶν ὀρνίθων ᾀδόντων ᾖδον,

En entendant les oiseaux chanter (construction des verbes de sensation avec le génitif partitif car aucune sensation n’est absolue + participe), ils chantaient

βλέποντες τοὺς ἄρνας σκιρτῶντας

en voyant aussi (cf. μὲν… δὲ… καὶ δὲ) les agneaux bondir

ἥλλοντο κοῦφα,

Ils sautaient (ἄλλομαι) lestement/en toute légèreté (κοῦφος, pl. neutre, donc adverbial ici),

καὶ δὲ μιμούμενοι τὰς μελίττας

et en imitant les abeilles

συνέλεγον τὰ ἄνθη

Ils cueillaient (λεγ=choisir, cf. antho-sic !- logie) en brassée (συν=ensemble) les fleurs

καὶ ἔβαλλον τὰ μὲν εἰς τοὺς κόλπους

et ils (se) lançaient les unes à la poitrine (aussi le pli d’un vêtement, ce qui serait bizarre ici)

πλέκοντες τὰ δὲ στεφανίσκους

et tressant les autres en couronnes (diminutif nominal en attribut performatif)

ἐπέφερον ταῖς Νύμφαις

ils (les) dédiaient aux Nymphes

Ἔπραττον δὲ πάντα . κοινῇ,

Ils faisaient tout (neutre pl.=collectif) en commun > ils agissaient de concert

νέμοντες πλησίον ἀλλήλων

On attribue à un troupeau une partie du pâturage, cf. la loi=la juste répartition, donner à chacun ce à quoi il a droit > pâturant proche l’un de l’autre.

Καὶ πολλάκις ὁ Δάφνις μὲν

Aussi, souvent Daphnis de son côté

συνέστελλε τὰ ἀποπλανώμενα τῶν προβάτων

ramenait  les dispersés (les planètes sont des astres errant dans le ciel, le préfixe indique l’éloignement) parmi les moutons (étymologiquement : qui marche devant)> ceux des moutons qui s’étaient égarés

πολλάκις , δὲ ἡ Χλόη κατήλαυνεν

souvent Chloé du sien (pour sa part ?) fit descendre

τὰς θρασυτέρας τῶν αἰγῶν

les trop hardies parmi les chèvres> des chèvres trop hardies

ἀπὸ τῶν κρημνῶν,

de leurs escarpements (les chèvres sont réputées alpinistes),

ἤδη δέ καί τις

parfois (ἤδη pour marquer un point de départ temporel) aussi l’un (d’eux)

ἐφρούρησε τὰς ἀμφοτέρας ἀγέλας

garda les deux (cf. amphi-théâtre) troupeaux,

θατέρου προσλιπαρήσαντος ἀθύρματι.

l’autre (θατέρου=τοῦ ἑτέρου avec spirantisation du τ en θ vu l’esprit rude) se consacrant à un jeu (cf. ἀθύρω, jouer) .

Ἀθύρματα δὲ ἦν αὐτοῖς

Leurs jeux étai(en)t à eux, donc possession> Ils avaient des jeux

ποιμενικὰ καὶ παιδικά.

pastoraux et enfantins.

Ἡ μὲν ἐξελθοῦσα ποθὲν

Elle (étant sortie dehors, ἐξέρχομαι, participe aoriste second féminin, ποθὲν pour souligner qu’elle sort du lieu prévu) partait n’importe où

ἀνελομένη ἀνθερίκους

(ayant cueilli : ἀν-αιρέω aoriste 2), récoltait des tiges d’asphodèle

ἔπλεκε ἀκριδοθήκην

tressait une cage à sauterelles (« acridothèque » aurait été bien pédant !)

καὶ πονουμένη περὶ τοῦτο

(et en se démenant sur cela) mais en y passant tout son temps

ἠμέλησεν τῶν ποιμνίων ·

elle délaissait (ἀμελέω) ses bêtes

ὁ δὲ ἐκτεμὼν λεπτοὺς καλάμους

Lui (ayant coupé) coupait de fins roseaux (cf. a-tome)

καὶ τρήσας τὰς διαφυάς τῶν γονάτων

(ayant percé, aoriste de τιτράω, cf. τιτρώσκω) perçait les intervalles (des) entre les nœuds (τὸ_γόνυ ατος, dans la tige d’un roseau, point d’arrêt de sa pousse annuelle, qui provoque un nœud)

τε συναρτήσας ἀλλήλοις

(ayant lié : ἀρτάω) les assemblait entre eux (cf. καλάμους)

κηρῷ μαλθακῷ

avec de la cire malléable

ἐμελέτα συρίττειν

il s’exerçait (μελετάω + inf.) à jouer de la syrinx

μέχρι νυκτὸς·

jusqu’à la nuit ;

καί ποτε δὲ ἐκοινώνουν

parfois, ils partageaient  (κοινόω)

γάλακτος καὶ οἴνου

lait et vin (gén. partitif, comme de juste)

καὶ ἔφερον εἰς κοινὸν

et ils portaient vers le commun > mettaient en commun

τροφάς, ἃς ἔφερον οἴκοθεν.

la nourriture (tournure généralisante) qu’ils avaient apportée de chez eux

Τις ἄν εἶδε θᾶττον

On (sens indéfini) aurait vu plutôt (comparatif adverbial de ταχύς)

τὰ ποίμνια καὶ τὰς αἶγας

les moutons et les chèvres

μεμερισμένας ἀπ´ ἀλλήλων

séparés les uns des autres

ἢ Χλόην καὶ Δάφνιν

que Chloé et Daphnis.