Le succès de l'éloquence à l'époque cicéronienne s'explique par la virulence des luttes politiques où le pouvoir peut se gagner aux Rostres ou tribune aux harangues, sur le forum romain: c'est ici que Cicéron s'attaque à Catilina ou à Antoine et que les tribuns de la Plèbe peuvent faire assaut de démagogie. On prend aussi l'habitude de régler ou de poursuivre les conflits politiques devant les tribunaux (brigue, concussion, lèse-majesté, etc.). Qui plus est, l'orateur prétend faire œuvre artistique, au même titre qu'un poète. Pourquoi, dans ce cas, n'avoir conservé que les discours de Cicéron? Ses collègues, comme lui, éditaient leurs œuvres, parfois même on s'en procurait le sténogramme avant le volumen… C'est que, lors de la décadence, les livres se faisant plus rares, seuls les discours de Cicéron se maintinrent dans les écoles, par un choix esthétique sur lequel nous ne pouvons plus nous prononcer.
Il existait des manuels pour apprendre à bien parler: la Rhétorique à Herennius, d'auteur inconnu, qui, en 4 livres, étudie méthodiquement les trois parties de l'éloquence: l'invention, la disposition, l'élocution.
Plusieurs écoles s'affontent:
1 - l'école asianiste: les Asianistes se rattachent à une école de rhéteurs qui florissait en Asie Mineure et avait été fondée par Hégésias de Magnésie; ils se distinguent dans le fond par le bel esprit et la subtilité dialectique, dans la forme par l'abondance du style et l'attention portée au rythme oratoire. Leur représentant à Rome fut Hortensius, ils ont exercé sur Cicéron jeune une influence considérable.
2 - l'école de Rhodes, sous la houlette de Molon qui eut pour élève notre Cicéron mais aussi César. Tous répugnent au pathos, à l'emphase, voire l'enflure asianiste, prônent un style moins orné et un débit plus calme, en prenant comme référence Démosthène.
3 - l'école attique se développe vers la fin de la carrière de Cicéron: une éloquence simple, nue, dédaigneuse des ornements et du pathétique, rejetée par Cicéron mais suivie par Brutus et Calvus, d'où une correspondance volumineuse.
b - MARCUS TULLIUS CICERO
(Praenomen, nom de la GENS, cognomen (=pois chiche, défaut physique d'un aïeul transformé en sobriquet comme une partie des Cognomina et transmis à la descendance): 106 - 431 - La jeunesse: Né à Arpinum, petite ville située au Sud de rome, dans les montagnes du pays Volsque. Son père, un chevalier romain, vint s'établir à Rome surveiller l'éducation de Marcus et de Quintus, de deux ans plus jeune (auteur d'un Commentariolum petitionis: un vademecum du candidat destiné à son frère qui briguait le consulat). Notre futur orateur compléta ses études littéraires (grammaire et rhétorique) en étudiant la philosophie qui embrassait alors les sciences. Il étudia le droit auprès du jurisconsulte Mucius Scaevola et s'initia à l'éloquence pratique auprès d'Antoine et de Crassus; il débuta au barreau par d'éclatants succès: en - 81, il se mesure à Hortensius lors de l'affaire Quinctius. Il affronte deux ans plus tard les causes criminelles et fait acquitter Sextus Roscius d'Amérie (Pro Sex. Roscio Amerino). De 79 à 77: voyage de fin d'études en Grèce; en 79-78, à Athènes, il suit les cours du scolarque Antiochus d'Ascalon, à l'Académie; en 78-77, à Rhodes, il suit ceux du stoïcien Posidonius (Poseidonios dans notre exposé sur le ) , ainsi que le rhéteur Molon.
2 - de la questure au consulat (75-63):
Cicéron réalise toutes les étapes du CURSUS HONORUM dès qu'il est d'âge légal tout en se rappelant à l'attention de ses concitoyens par des procès retentissants: marié en 76 à une personne de haute naissance, Terentia dont il aura deux enfants, Tullia et Marcus, il est questeur en -75 et affecté à la Sicile; affaire Verrès en 70 (d'où son réquisitoire, en 7 discours, les Verines), édile en -69, préteur en -66 et affaire Cluentius (Pro Cluentio), affaire Cornelius en 65, il accède, comme HOMO NOVUS au consulat en -63 et l'affaire Murena (pro Murena). La découverte et la répression de la conjuration de Catilina le consacrent comme grand homme d'Etat
3 - jusqu'à la bataille de Pharsale (62-48)
Les démocrates (POPULARES) ne pardonnent pas à Cicéron d'avoir gouverné avec l'accord des aristocrates du Sénat (OPTIMATES); les Triumvirs de 59 (César, Pompée et Crassus) abandonnent Cicéron aux intrigues de Clodius, un démagogue; accusé d'avoir mis à mort sans jugement des citoyens romains (des complices de Catilina), il est banni et se réfugie en Grèce en -58.
Rappelé en 57 (d'où Cum Senatui gratia egit, Cum Populo gratias egit, discours de remerciements au sénat et au peuple) , il se rapproche - son frère Quintus étant un des lieutenants de César - à contrecœur des triumvirs. Il trouve le temps de rédiger un traité oratoire: le De Oratore en 55; Au barreau, malgré Pompée, il défend Milon pour son meurtre de Clodius (en 52, avec son Pro Milone). En 51-50, proconsul en Cilicie; il tente de réconcilier César et Pompée à son retour, suit ce dernier et le Sénat en Grèce, assiste à leur désastre à Pharsale.
4 - la vieillesse: vu les déceptions politiques (César s'oriente vers la monarchie, au lieu d'imiter le geste de Sylla et de rétablir la république), Cicéron se consacre à ses travaux: Brutus (46), à son grand-œuvre: créer une littérature philosophique latine (De Finibus, Tusculanae Disputationes, De Senectute, en 45, De Officiis en 44), quand César est assassiné aux Ides de Mars 44. Pour lutter contre Antoine qui veut prendre la suite de César , Cicéron met en avant le petit-neveu et héritier de César, Octave, avec les Philippiques dirigées contre Antoine. Mais les deux consuls de l'an 43, Hirtius et Pansa périssent le même jour devant Modène. Leurs troupes rallient Octave… qui se réconcilie avec Antoine, pour former avec Lépide le second Triumvirat. Proscrit à la demande d'Antoine (chacun des triumvirs, préfigurant le comportement promu dans le Prince de Machiavel, sacrifie certains de ses propres collaborateurs), Cicéron, atteint du mal de mer, préfère être tué à terre non loin de sa villa de Formies, le 7 Décembre 43, à 63 ans.