Sommaire:
A)
B) .
C)
D) chez Lucrèce, I, 1 - 55
Dactyle: Regarde tes doigts (daktulon), sauf le pouce : leur première phalange à partir de la paume est deux fois plus longue que les deux autres - du moins était-ce apparemment le cas chez ceux qui ont utilisé cette dénomination: ne va pas voir ton médecin si tes doigts sont... vampiresques ou... boudinés? Bref, un dactyle présente une syllabe longue (symbolisée par -) suivie de deux syllabes brèves (symbolisées par ÈÈ), soit:
hexamètre: il y a donc 6 (hexa) mesures (mètre) et le dactyle est quasi constant à la cinquième mesure; les 4 premières peuvent voir les deux syllabes brèves remplacées par une -, donc - È È devient - - (cette mesure s'appelle un spondée: ce terme vient du rythme lent -deux syllabes longues - utilisé par les Grecs lors de leurs libations - spondh, chant d'offrande de vin aux Dieux - pour faire durer le plaisir?). Reste la sixième mesure: c'est soit un spondée, soit un dactyle catalectique (en grec: qui laisse tomber), donc une mesure: - È. Cette structure se nomme un trochée.
N.B.: il peut arriver - très rarement - que le dactyle 5ème soit un spondée. Tu comprends maintenant pourquoi une telle rareté est dite alors «spondaïque»...
Tu as donc le schéma suivant, en utilisant le symbole / pour séparer clairement les 6 mesures:
N.B.: la première syllabe, forcément longue de chaque mesure, est plus marquée, plus frappée, si l'on en croit le terme ICTUS utilisé pour désigner cette mise en valeur de chaque première syllabe... Cet ICTUS ne sera indiqué que pour tes débuts de néophyte, puisqu'il est constant. Il est placé ici sur un hexamètre réduit aux longues possibles:
Il t'est facile d'inférer de ce qui précède qu'un vers de 17 syllabes est dactylique (Lucrèce, I, v. 11):
(ICTUS (+) placé dessous pour plus de clarté)
un vers de 13 présente tous les spondées possibles - sauf ici la dernière mesure, trochée (Lucrèce, I, 66)
Le numéro de ces vers t'indique que ce n'est pas la solution pour savoir scander: de tels vers sont trop rares! Mais le rapport entre le fond et la forme est ici rythmiquement éclatant...
Bilan provisoire:
La première syllabe de la première mesure est longue, les 5 dernières syllabes du vers te sont maintenant connues, en remontant à partir de la fin du vers: dernière syllabe indifférenciée (longue ou brève, cela dépend de tes connaissances sur la quantité des syllabes en latin; pour ce faire, prosodie), la pénultième: longue, l'antépénultième: brève, la précédente, idem, le cinquième à partir de la fin: longue. En fait, une structure finale où l'on retrouve un élément identique, cf. MUTATIS MUTANDIS - c'est-à-dire en changeant ce qui doit l'être - notre.... rime!:
Reste la cerise sur le gâteau pour le correcteur: la pause...
il y a une pause (donc un blanc de mot correspondant à un arrêt au vu du sens, notée // ), à certains endroits privilégiés de l'hexamètre:
le plus souvent, au «cinquième demi-pied»: penthémimère (c'est ce que signifie ce mot grec!). parfois, au «7ème demi-pied», donc, en toute logique: hephthémimère (ne t'étrangle pas avec ces h - tu sais bien que les grecs en sont drogués- prononce: èftémimèr), voire au «troisième demi-pied», trihémimère.
trihémimère (Lucrèce, I, v. 2 - je me charge, pour l'instant, des quantités des syllabes, donc des mesures):
NUS = 3ème 1/2; nous avons donc en tout 3 demi-pieds. Remarque la virgule: il s'agit bien d'une pause.
(l'ICTUS étant automatique je ne le donne plus!)
penthémimère (Lucrèce, I, v. 1):
TRIX = 5ème 1/2; donc, 5 demi-pieds (de mesure!), avec pause...
hephthémimère (Lucrèce, I, 6)
7ème, avec pause.
Attention: cette pause peut aussi tomber entre les deux brèves d'un dactyle... Ceci ne change pas - sauf plus amples informations - la désignation utilisée... (j'entends ton soupir de soulagement...)
Comment scander sans te référer à ton cher dictionnaire, un «guide-baudet»?
Avant, cette facilité n'existait pas: l'oral se passait sans ce filet. Même actuellement, vu le temps dont tu disposes – apparemment généreux, mais ceci peut se révéler, à ta jeune expérience, un leurre, autant t'épargner celui de le consulter frénétiquement. Contente-toi donc de ces règles de survie, succinctes. Le strict nécessaire: au fur et à mesure de tes pérégrinations, tu retiendras les quantités des finales en fonction du cas et de la déclinaison, voire des racines. Commençons par les syllabes longues: elles le sont par nature (par ex. présence d'une voyelle longue, type ablatif singulier de la première déclinaison ou datif singulier en I des pronoms) ou par position (dépend de l'entourage phonétique).
Sont donc longues
par nature les syllabes
recelant:
1) une diphtongue - voyelle qui change de timbre en cours d'émission - type AU, AE, OE (sauf si elle est élidée, cf. infra (= en-dessous))
2) une voyelle longue, par ex.: (A)MA(RE), (DE)LE(RE), (AU)DI(RE), une voyelle issue de contractions: CO(GO) < COA(GO) ou d'une diphtongue: (IN)I(QUUS) < AE(QUUS)
par position:
toute syllabe entravée est longue (elle est entravée quand elle se termine sur une consonne - les petites barres indiquent les coupes... syllabiques: il faut raisonner sans blanc de mot):
soit la phrase EST NOBILIS
- |
- |
È |
È |
EST- |
NO- |
BI- |
LIS- |
(ici, LIS serait suivi d'une voyelle, obligatoirement, sinon ce groupe ne peut rentrer dans un hexamètre dactylique: la séquence: - - È - y est en effet impossible, cf. le schéma général)
Le E, bref par nature, est suivi de trois consonnes, dont deux avant la coupe syllabique, la syllabe est donc «hyper-entravée» par S et T, et est donc longue; NO est long par nature (cf. Gaffiot), le morphème de possibilité BI est toujours bref, LIS (nominatif sg) est bref par nature et devra le rester.
Soit la phrase: EST IGNOBILIS
- |
- |
- |
È |
È |
ES- |
TIG- |
NO- |
BI- |
LIS |
Le E, bref par nature, est suivi de deux consonnes, dont l'une avant la coupe syllabique, la syllabe est donc entravée; I, bref par nature ici, est suivi de deux consonnes, dont l'une avant la coupe syllabique, la syllabe est donc entravée...
Pourquoi cette attention à la présence d'une ou deux consonne avant la coupe syllabique? Prenons le cas de PATREM...
la coupe syllabique tombe normalement entre PAT et REM, donc PAT est entravé, alors que sa voyelle est brève par nature (cf. PA-TER où le PA est bref!). Ce n'est pas pour autant, dans ce cas précis, que nous soyons sûr que PAT soit long. En effet, dans cet entourage phonétique spécifique (occlusive + liquide), le poète, selon ses besoins, peut certes prononcer: PAT-REM (dans ce cas, PAT est long), mais aussi PA-TREM, et PA est... bref (les doctes appellent cela la CORREPTIO ATTICA! Comme tu ne peux connaître le choix de l'auteur avant d'avoir scandé le texte - à moins d'être très féru en latin, auquel cas tu peux te déconnecter d'ici - FORTUNAS DOCTIORI ! - ne place des longues sur les syllabes entravées que si l'entourage phonétique est contraignant. Pour toi, toute voyelle suivie d'une occlusive (ici: P, B, T, D, C, G), puis d'une liquide (L ou R) peut rester libre: ne note pas la quantité de la syllabe (je te rassure: le contexte - avec un peu de... logique - te permettra d'arriver à la solution!)
Sont donc brèves:
En général, les syllabes dont la voyelle est en hiatus, le h intervocalique ne comptant pas: donc, (AU)DI(O), le DI est bref; TU(US), le TU est bref; TRA(HO), le TRA est bref. Mais le génitif singulier des pronoms est LONG: (A)LI(US) avec LI long
Dans un mot polysyllabique (2 syllabes au moins), toute voyelle finale suivie d'une consonne autre que -S est toujours brève... (RAPPEL: la syllabe s'allonge si elle est entravée!)
les élisions:
le M est débile en latin (sinon, comment expliquer que ROSAM ait donné: rose?); le H n'est pas aspiré... Donc,
Tout syllabe finale achevée par une voyelle (avec ou sans - M) ou une diphtongue, s'élide (donc disparaît) quand elle s'appuie sur une voyelle (avec ou sans H) ou une diphtongue.
Faut-il être grand clerc pour comprendre que, compte tenu du schéma général, des trous dans la quantité des syllabes se comblent d'eux-mêmes?
Soit la séquence:
- ? -; la syllabe en suspens ne peut qu'être - , car la séquence - È - est impossible!
Au début d'un vers, - ? È: la syllabe en suspens ne peut qu'être È et la quatrième syllabe ne peut qu'être - , étant le début de la deuxième mesure...
Comment procéder pratiquement? Soit la scansion pour les nuls...
(Il importe de savoir au moins reconnaître les syllabes et de ne jamais oublier: dactyle ( - È È ) ou spondée ( - - ) ; en dehors de blocs de 2 ou 3 syllabes, point de salut!)
1) éliminer les élisions.
2) Puis commencer... par la fin:
/ - È È / - - (la dernière peut-être È)
les 5 dernières syllabes - donc les deux dernières mesures - sont par définition réglées: il s'agit du dactyle cinquième, et de la dernière mesure, soit spondée, soit trochée, ce qui ne change rien au nombre de syllabes concernées. En cas de doute, de toute façon, la syllabe pénultième est longue.
3) Pour le début, retenir dans sa petite tête que
12 syllabes avant: 4 dactyles
11 syllabes avant: 3 dactyles, 1 spondée
10 syllabes avant: 2 dactyles, 2 spondées
9 syllabes avant: 1 dactyle, 3 spondées
8 syllabes avant: 4 spondées
(Les rencontres les plus fréquentes étant entre 11 et 9 syllabes, bien sûr, sinon, ce ne serait pas drôle - et cela sentirait l'artifice...)
Appliquer alors nos quelques règles, en faisant, le cas échéant, des allers et retours sur le vers, jusqu'à ce qu'il réponde exactement aux critères du schéma général: